Maladies respiratoires : l’année 2003 en perspective
Tableau I.
Risque de BPCO ou d’emphysème en fonction du tabagisme et de l’exposition professionnelle. BPCO ou emphysème
OR (IC 95 %)
Risque attribuable
2,6 (1,8-3,5)
31 %
Niveau de probabilité d’exposition aux vapeurs, gaz, poussières, fumées (obtenu à partir de la MEE) Probabilité faible Probabilité intermédiaire Probabilité forte
1 1,5 (1,04-2,2) 1,9 (1,2-3,2)
8% 6%
Statut tabagique Non-fumeur Ancien fumeur Fumeur
1 5,9 (3,5-9,9) 10,6 (6,2-18,4)
24 % 42 % 34 %
Non-fumeur/non exposé Non-fumeur/ exposé Fumeur/non exposé Fumeur/ exposé
1 2,4 (0,9-6,1) 7 (3,6-13,7) 18,4 (9,3-36,4)
Exposition aux vapeurs, gaz, poussières fumées (auto-évaluation par les patients)
OR : odds ratio. IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %. MEE : matrice emploi-exposition.
Les fumées de bitume sont-elles un facteur de risque de cancer bronchopulmonaire ? Boffetta P, Burstyn I, Partanen T, Kromhout H, Svane O, Langard S, Järvholm B, Frentzel-Beyme R, Kauppinen T, Stücker I, Shaham J, Heederik D, Ahrens W, Bergdahl IA, Cenée S, Ferro G, Heikkilä P, Hooiveld M, Johansen C, Randem BG, Schill W. Cancer mortality among European asphalt workers : an international epidemiological study. I. Results of the analysis based on job titles. Am J Ind Med 2003 ; 43 : 18-27. Burstyn I, Boffetta P, Kauppinen T, Heikkilä P, Svane O, Partanen T, Stücker I, Frentzel-Beyme R, Ahrens W, Merzenich H, Heederik D, Hooiveld M, Brunekreef B, Langard S, Randem BG, Järvholm B, Bergdahl IA, Shaham J, Ferro G, Kromhout H. Performance of different exposure assessment approaches in a study of bitumen fume exposure and lung cancer mortality. Am J Ind Med 2003 ; 43 : 40-8. Introduction Le bitume est un mélange complexe d’hydrocarbures qui, s’il est raffiné, a été classé « cancérogène possible pour l’homme » (groupe 2B) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il est utilisé dans l’asphalte ; en Europe de l’Ouest, environ 100 000 ouvriers affectés au revêtement des routes sont concernés par cette exposition. L’asphalte est égale5S74
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ment utilisé pour l’imperméabilisation et le revêtement des toitures. En 1994, une méta-analyse [1] avait été effectuée à partir des études épidémiologiques concernant les travailleurs de l’asphalte, afin d’évaluer le risque de cancer bronchopulmonaire (CBP). Cependant, l’ensemble des données ne permettait pas de déterminer la part jouée par les fumées de bitume dans un risque accru de CBP. Un tel risque avait alors été retrouvé uniquement chez les travailleurs affectés aux revêtements des toitures [risque relatif (RR) : 1,8 ; IC 95 % : 1,5-2,1]. D’autres agents cancérogènes pouvaient également être incriminés, en particulier les goudrons, également utilisés dans cette activité. Méthodes et résultats Pour essayer de répondre à la question concernant le pouvoir cancérogène du bitume, une cohorte constituée des travailleurs de l’asphalte de 8 pays (Danemark, Finlande, France, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Suède et Israël) a donc été constituée sous l’égide du CIRC. L’American Journal of Industrial Medicine a consacré en 2003 un numéro spécifique aux résultats de cette enquête qui a inclus des travailleurs de multiples pays, employés entre 1913 et 1999 dans différents types d’entreprises. Les métiers des travailleurs du bitume ont été divisés selon l’activité réalisée : revêtement de route et/ou mélange d’asphalte, imperméabilisation et couverture (toitures), autre activité. Les femmes ont été exclues de cette étude ainsi que les travailleurs ayant été employés moins d’une saison. Sur les 124 871 travailleurs inclus initialement, 79 822 ont été retenus dans l’analyse. Le suivi de la mortalité a débuté selon les pays entre 1953 et 1979 et s’est terminé entre 1995 et 2000, ce qui représentait une durée moyenne de surveillance de 16,7 ans pour l’ensemble de la cohorte, avec un total de 481 089 per-
Maladies respiratoires professionnelles
sonnes-années. Au cours du suivi, 3987 sujets sont décédés. Le taux de mortalité standardisée sur la population de chacun des pays (SMR) a été évalué à 1,17 (IC 95 % : 1,04-1,30) pour le CBP chez les travailleurs du bitume, correspondant à 330 décès. Le SMR pour les cancers ORL était de 1,27 (IC 95 % : 1,021,56), les autres cancers ne présentaient pas de SMR significativement accru. Le RR de CBP était légèrement augmenté chez les travailleurs du bitume (RR : 1,09 ; IC 95 % : 0,89-1,34) comparé à un groupe témoin recruté parmi des travailleurs du bâtiment et des travaux publics. Cependant, il était observé des variations du risque en fonction des pays. Les auteurs posent le problème de la mauvaise classification de l’exposition et de l’existence de facteurs de confusion : exposition à d’autres cancérogènes pulmonaires dans d’autres entreprises, absence de prise en compte du tabagisme pour la plupart des pays. En ce qui concerne le tabac, 3 pays en ont tenu compte (Pays-Bas, Finlande et Norvège) et leurs données nationales respectives suggèrent que le tabac pourrait expliquer les différences entre pays. Il est à noter que l’exposition professionnelle aux fumées de bitume a diminué au cours du temps dans tous les pays. Commentaires Les expositions de ces travailleurs de l’asphalte ont également fait l’objet d’une étude spécifique [2] avec analyse quantitative de la mortalité par CBP, reposant sur l’utilisation d’une base de données comportant les résultats de métrologies pour différentes nuisances entre la fin des années 60 et 97 (fumées de bitume, goudrons, amiante, silice, fumées de diesel) [3]. Il a été rapporté une association positive entre le niveau moyen d’exposition et le RR de mortalité par CBP, avec une relation dose-réponse. Ces résultats n’ont pas été ajustés sur l’exposition possible à d’autres cancérogènes professionnels, en particulier les goudrons, mais les auteurs signalent que ces expositions ne pouvaient pas expliquer complètement l’association positive identifiée entre fumées de bitume et CBP.
Références 1
2
3
Partanen TJ, Boffetta P : Cancer risk in asphalt workers and roofers: review and meta-analysis of epidemiologic studies. Am J Ind Med 1994 ; 26 : 721-40. Boffetta P, Burstyn I, Partanen T, Kromhout H, Svane O, Langard S, Järvholm B, Frentzel-Beyme R, Kauppinen T, Stücker I, Shaham J, Heederik D, Ahrens W, Bergdahl IA, Cenée S, Ferro G, Heikkilä P, Hooiveld M, Johansen C, Randem BG, Schill W : Cancer mortality among European asphalt workers: an international epidemiological study. II. Exposure to bitumen fume and other agents. Am J Ind Med 2003 ; 43 : 28-39. Burstyn I, Boffetta P, Kauppinen T, Heikkilä P, Svane O, Partanen T, Stücker I, Frentzel-Beyme R, Ahrens W, Merzenich H, Heederik D, Hooiveld M, Langard S, Randem BG, Järvholm B, Bergdahl IA, Shaham J, Ribak J, Kromhout H : Estimating exposures in the asphalt industry for an international epidemiological cohort study of cancer risk. Am J Ind Med 2003 ; 43 : 3-17.
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Le dosage sérique des protéines dérivées de la mésothéline : un marqueur potentiellement utile pour le diagnostic et le suivi du mésothéliome Robinson BWS, Creaney I, Lake R, Nowak A, Musk AW, De Klerk N, Winzell P, Hellstrom KE, Hellstrom I. Mesothelin-family proteins and diagnosis of mesothelioma. Lancet 2003 ; 362 : 1612-6. Introduction Le mésothéliome est une tumeur de mauvais pronostic dont le diagnostic est souvent difficile. Les efforts visant à la mise en évidence précoce de cette tumeur sont néanmoins justifiés dans la mesure où les progrès thérapeutiques seront probablement obtenus préférentiellement dans les formes précoces. La mésothéline est une glycoprotéine de la surface cellulaire qui joue, a priori, un rôle dans l’adhésion cellulaire et les phénomènes de reconnaissance et de coopération entre cellules. Méthodes et résultats Un test ELISA a été mis au point, comportant deux anticorps monoclonaux (OV569 et 4H3), qui reconnaissent des fractions protéiques de la mésothéline. Les auteurs souhaitaient évaluer si ce test permettant le dosage sérique de protéines dérivées de la mésothéline (PDM) pouvait être utilisé pour le diagnostic de mésothéliome, le suivi thérapeutique et/ou la surveillance d’individus à risque de mésothéliome du fait d’une exposition antérieure à l’amiante. Pour la détection des mésothéliomes, une sensibilité de 84 % a été démontrée ; la spécificité variait selon la population témoin utilisée (100 % pour les pathologies pleurales non mésothéliomateuses, 83 % pour les sujets antérieurement exposés à l’amiante) (tableau I). La sensibilité variait en fonction de la taille de la tumeur (elle était de 71 % pour les tumeurs de moins de 1 cm). À partir d’une évaluation cinétique sur quelques patients (n = 6), les auteurs ont suggéré qu’il existerait une tendance à l’accroissement de la concentration de PDM avec la progression de la maladie. L’évolution après traitement, évaluée sur quelques patients (n = 7), suggérait également que la concentration de PDM permettrait de surveiller l’évolution de la masse tumorale résiduelle. Enfin, le suivi des 40 témoins exposés à l’amiante sur une durée de 8 ans a permis d’établir que, sur les 7 sujets positifs, 3 ont développé un mésothéliome et 1 un cancer bronchopulmonaire. © 2004 SPLF, tous droits réservés
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