Les méta-analyses en chirurgie : toujours utiles ?

Les méta-analyses en chirurgie : toujours utiles ?

Journal de Chirurgie Viscérale (2017) 154, 397—398 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Les méta-analyses en chir...

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Journal de Chirurgie Viscérale (2017) 154, 397—398

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Les méta-analyses en chirurgie : toujours utiles ?夽 Meta-analyses in surgery: Always useful?

MOTS CLÉS Méta-analyse ; Chirurgie ; Médecine factuelle ; Laparoscopie

La méta-analyse publiée par Cirocchi et al. [1] et une excellente illustration des difficultés de la chirurgie factuelle. Les auteurs ont essayé de faire une méta-analyse sur un sujet d’actualité (et ils doivent en être remerciés). Ils ont été confrontés dans ce travail à la pauvreté de la littérature et l’inexistence d’étude d’un bon niveau de preuve (prospective, avec un effectif suffisant, randomisée ou non), confirmant ainsi les limites de la recherche scientifique en chirurgie [2]. Les méta-analyses ne sont pas la panacée. Elles ne peuvent répondre à toutes nos questions. Elles doivent être lues et interprétées de manière critique, d’autant que leur qualité est, dans près de la moitié des cas, non optimale [3]. Les critères PRISMA (www.prisma-statement.org) ont été adoptés par les grandes revues chirurgicales et sont devenus incontournables pour bien mener et publier une méta-analyses. Malgré cela, une récente étude [4] a démontré qu’il n’en était rien : la qualité des métaanalyses en chirurgie ne s’est pas améliorée après l’instauration des critères PRISMA. Dans l’exemple de la méta-analyse publiée ici, les auteurs ne pouvait que constater l’absence d’un bon niveau de preuve scientifique, rappelant l’adage « garbage in-garbage out ». La plus belle méta-analyse ne peut donner que ce qu’elle a ! Cette méta-analyse n’apporte pas de réponse factuelle à la question posée, alors que faire ? Encourager la réalisation d’essais randomisés de bonne qualité ? Oui, chaque fois que possible. Sinon, il faut surtout favoriser les études prospectives à grandes échelles avec une bonne méthodologie et un score de propension [5] et développer les registre nationaux. Dans le cas présent (de l’occlusion colique sur tumeur du côlon droit), il me semble que, plutôt que d’opposer laparotomie et laparoscopie et essayer de prouver la supériorité d’une voie d’abord, il faudrait changer de paradigme et donner les clefs du choix à nos collègues. Les études à venir devraient s’attacher à rechercher les facteurs prédictifs de faisabilité et innocuité de la voie d’abord laparoscopique (durée de l’occlusion, diamètre de l’intestin grêle, antécédents chirurgicaux, absence de contre-indication générale de la laparoscopie, accord du patient préalablement informé). Ainsi, on pourra mieux sélectionner les patients pour telle ou telle voie d’abord, éviter la morbidité peropératoire de la laparoscopie ou la surmorbidité d’une conversion tardive [6].

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2017.10.011. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. 夽

https://doi.org/10.1016/j.jchirv.2017.09.004 1878-786X/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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Éditorial

Cette méta-analyse [1] soulève aussi d’autres questions : fallait-il la mener à son terme et fallait-il la publier ? Publier des essais randomisés négatifs ou des métaanalyses négatives ou inconsistantes est important car cela augmente la fiabilité de la recherche scientifique et comporte un message qui module (ou contrebalance) celui des études positives plus souvent publiées [7]. Toute revue systématique ou méta-analyse répondant aux standards méthodologiques devrait être publiées [8]. Un autre intérêt (et non des moindres) à publier les méta-analyses avec des résultats inconsistants est d’éviter à d’autres chercheurs d’entamer un travail sur le même thème avec ses inconvénients en termes de perte d’énergie, de temps et de moyens financiers pouvant être utilisés pour d’autres thèmes [9], surtout en ces temps de contraintes budgétaires. La méta-analyse peut être simplement considérée comme une « bonne » revue de la littérature. Il est recommandée que toute « mise au point » ou « revue de la littérature » suive la méthodologie des revues systématiques, qu’elles soient qualitatives ou quantitative (avec calcul des risques relatifs ou rapports des cotes, de la taille de l’effet, de la sensibilité des résultats, et du nombre de sujets à traiter) [8]. La finalité d’une méta-analyse n’est pas toujours (et obligatoirement) d’apporter une réponse avec un bon niveau de preuve à la question posée. La méta-analyse peut être l’occasion de faire un état des lieux des connaissances scientifiques, soulever de nouvelles questions, ou proposer des études nouvelles (en termes d’effectif ou de conception) permettant de répondre à la question posée [10] (Fig. 1).

Déclaration de liens d’intérêts KS déclare des liens d’intérêt avec : Fresenius-Kabi, MSD, Sanofi, Takeda. AD déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Cirocchi R, Campanile FC, Di Saverio S, et al. Laparoscopic versus open colectomy for obstructing right colon cancer: a systematic review and meta-analysis. J Visc Surg 2017;154:399—409. [2] Slim K. Limits of evidence-based surgery. World J Surg 2005;29:606—9. [3] Adie S, Ma D, Harris IA, Naylor JM, Craig JC. Quality of conduct and reporting of meta-analyses of surgical interventions. Ann Surg 2015;261:685—94. [4] Chapman SJ, Drake TM, Bolton WS, Barnard J, Bhangu A. Longitudinal analysis of reporting and quality of systematic reviews in high-impact surgical journals. Br J Surg 2017;104:198—204. [5] Lonjon G, Porcher R, Ergina P, Fouet M, Boutron I. Potential pitfalls of reporting and bias in observational studies with propensity score analysis assessing a surgical procedure: a methodological systematic review. Ann Surg 2017;265:901—9. [6] Masoomi H, Moghadamyeghaneh Z, Mills S, Carmichael JC, Pigazzi A, Stamos MJ. Risk factors for conversion of laparoscopic colorectal surgery to open surgery: does conversion worsen outcome? World J Surg 2015;39:1240—7. [7] Chalmers L. Underreporting research is scientific misconduct. JAMA 1990;263:1405—8. [8] Schünemann HJ, Moja L. Reviews: Rapid ! Rapid ! Rapid ! and systematic. Syst Rev 2015;4:1—3. [9] Slim K, Raspado O, Brugère C, Launay-Savary MV, Chipponi J. Failure of a meta-analysis on the role of elective surgery for left colonic diverticulitis in young patients. Int J Colorectal Dis 2008;23:665—7. [10] Sutton AJ, Higgins JPT. Recent developments in meta-analysis. Statist Med 2008;27:625—50.

K. Slim ∗ , A. Deneuvy Service de chirurgie digestive, CHU Clermont-Ferrand, place Lucie-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand, France ∗ Auteur

Figure 1.

Meta-analysis.

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K. Slim) Disponible sur Internet le 7 novembre 2017