J Radiol 2008;89:620-32 © 2008. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
formation médicale continue
Le point sur…
Radiographies de l’épaule : les incidences utiles en pratique courante A Denis, J Vial, N Sans, O Loustau, H Chiavassa-Gandois et J-J Railhac
Abstract
Résumé
Shoulder radiography: useful radiographic views in current practice J Radiol 2008;89:620-32
Les objectifs de ce cours sont les suivants : connaître les différentes incidences radiologiques utiles dans l’exploration d’une pathologie de l’épaule ; savoir proposer en fonction de chaque situation clinique les incidences les plus pertinentes et connaître la sémiologie radiologique des principales pathologies rencontrées en pratique courante.
The purposes of this paper are: 1) to review the different radiographic projections commonly used to explore shoulder pathology; 2) to propose a practical approach for radiographic evaluation of the shoulder, adapted to the main clinical situations; 3) to recognize the different imaging features of the most frequent shoulder diseases. Key words: Shoulder. abnormalities. Radiography. upper limb..
u XXIe siècle, alors que l’échographie, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique sont devenues prépondérantes, le premier temps indispensable à toute investigation d’une épaule douloureuse repose toujours sur le bilan radiographique standard. Confronté aux données de l’interrogatoire et de l’examen clinique du patient, il peut être suffisant pour affirmer un diagnostic étiologique précis dans la plupart des situations pathologiques. Les radiographies permettent l’étude de la structure osseuse, des contours osseux, de la congruence articulaire et des parties molles péri-articulaires. La multiplicité des incidences décrites dans la littérature reflète la complexité de cette articulation et peut être déstabilisante pour le clinicien. Une bonne connaissance des différents clichés permet au radiologue de réaliser un bilan radiographique pertinent, adapté à chaque situation clinique. Le bilan radiographique de base doit impérativement comporter des clichés de face et de profil, complémentaires les uns des autres. Ces clichés doivent être réalisés au mieux sous contrôle scopique avec une table télécommandée. Depuis l’ordonnance de mars 2001, la radioprotection est une obligation légale. Elle comporte deux principes essentiels : la justification des actes et l’optimisation des pratiques. Une radiographie d’épaule de face délivre environ 0,080 msv avec 0,055 msv à la peau ; une radiographie de profil délivre environ 0,087 msv. Le radiologue est donc confronté à un triple défi : • appréhender avec une technique statique une articulation complexe et extrêmement mobile ; • se limiter aux incidences réellement indispensables, afin de minimiser la dose d’exposition délivrée au patient et de réduire le coût de l’examen ; • proposer une imagerie de seconde intention si ce bilan radiologique ne permet pas de porter un diagnostic précis.
A
Service d’Imagerie Médicale, Pavillon J Putois, CHU Purpan, Place du Docteur Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse Cedex 9, France. Correspondance : A Denis E-mail :
[email protected]
Mots-clés : Épaule. anomalies. Radiographie. membre supérieur.
Quelles innovations techniques en 2008 ? En 2008, le pré requis nécessaire à la réalisation d’un bilan radiographique standard de bonne qualité est l’utilisation d’une scopie télévisée. Les techniques numérisées d’imagerie standard offrent de nombreux avantages par rapport à la radiologie conventionnelle analogique : • une meilleure optimisation de la qualité de l’image et de la dose délivrée ; • un champ de vue plus large ; • des possibilités de traitement d’image dites de « post-processing » ; • la possibilité d’archiver les images sur un PACS, afin d’optimiser le suivi et la prise en charge. Cette technique d’imagerie numérisée offre toutefois une résolution spatiale inférieure à la radiographie conventionnelle, mais elle est compensée par une meilleure résolution en contraste. Même s’ils sont peu répandus en France, les capteurs plans constituent également une innovation technique majeure, l’intérêt principal reposant sur le fait qu’à qualité d’image identique, ces techniques délivrent moins de dose d’irradiation, comparativement aux plaques photostimulables (1).
Les clichés de face
1. Radiographies de « face en double obliquité » Elles sont incontournables et réalisées de façon quasi systématique devant toute épaule douloureuse. Le cliché de face doit être réalisé selon des critères précis en double obliquité : • obliquité latérale, en faisant pivoter d’environ 30 ° le patient du côté à étudier, afin de rendre le rayon tangent aux bords antérieur et postérieur de la glène et de dégager l’interligne gléno-huméral ; • obliquité crânio-caudale, le tube incliné vers le bas de 25 °, de manière à éviter les superpositions osseuses dans l’espace sousacromial.
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Cette incidence de face peut être réalisée avec trois rotations du bras : neutre, interne et externe (fig. 1-2). L’intérêt principal de ces trois rotations est de dégager les zones d’insertion des différents tendons de la coiffe des rotateurs et de localiser avec précision d’éventuelles calcifications. La rotation neutre explore l’insertion du tendon supra-
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épineux, la rotation interne l’insertion des tendons infra-épineux et petit rond (teres minor) et la rotation externe l’insertion du tendon subscapulaire et la gouttière bicipitale. Ces incidences permettent également de bien étudier l’interligne gléno-huméral (mesuré normalement à 6 mm et toujours inférieur à 8 mm).
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Fig. 1 : a b c
Réalisation de l’incidence de face en double obliquité. Rotation neutre : positionnement en double obliquité, rayon descendant de 20 à 30° et épaule contro-latérale formant un angle de 45° avec la table. Paume de la main contre la cuisse. Rotation interne : le bras réalise une rotation interne de 45°, dos de la main contre la cuisse. Rotation externe : le bras en légère abduction est porté en rotation externe, bord médial de la main contre la cuisse.
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Fig. 2 : a b c
Incidence de face en double obliquité. Rotation neutre : le sillon intertuberculaire se projette en situation paramédiane externe sur la tête humérale. La zone d’insertion du tendon supra-épineux est visible. Rotation interne : le sillon intertuberculaire se déplace en dedans. Visualisation de la zone d’insertion du subscapulaire, de l’infraépineux et du petit rond (teres minor). Rotation externe : cette incidence permet l’analyse de la partie antérieure du tubercule majeur et des berges du sillon intertuberculaire.
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Dans un contexte traumatique, ces radiographies peuvent mettre en évidence des luxations, une fracture du trochiter ou de l’extrémité supérieure de l’humérus, une encoche postéro-externe de la tête humérale, voire une fracture du rebord antéro-inférieur de la glène. Très souvent réalisées, ces incidences se heurtent toutefois à quelques critiques : performances médiocres pour l’étude des éléments anatomiques médiaux de l’épaule (scapula, clavicule et articulation acromio-claviculaire), irradiation non négligeable et reproductibilité moyenne (2).
2. Face stricte en décubitus avec rayon droit (Railhac) C’est à Railhac et al. que l’on doit le développement de cette incidence (3). Le patient est placé en décubitus dorsal, bras en rotation neutre et le rayon incident est vertical, perpendiculaire au plan de la table (fig. 3). Les structures à traverser étant moins épaisses (décubitus et rayon vertical), l’irradiation est moindre et la qualité photographique est excellente. Ce cliché est surtout parfaitement reproductible, non opérateur dépendant (simplicité de réalisation) et non patient dépendant (cliché statique « positionnel »). L’intérêt majeur de cette technique réside en la suppression de l’effet de pesanteur du bras par le décubitus. Ainsi la subluxation crâniale de la tête humérale est favorisée si la coiffe rompue ne s’interpose plus entre la tête humérale et la voûte acromiocoracoïdienne. La diminution de hauteur de l’espace acromiohuméral, normalement occupé par les tendons supra-épineux et infra-épineux, s’observe surtout dans les ruptures étendues de la coiffe intéressant souvent les deux tendons. Pour la détection d’une rupture de la coiffe, la valeur seuil de 6 mm a été retenue avec une sensibilité de 90 % et une spécificité de 95 %. Cependant, un espace acromio-huméral normal sur le cliché en décubitus ou en manœuvre de Leclercq (face en double obliquité, bras en abduction contrariée à moins de 30 °) n’élimine pas une rupture transfixiante du supra-épineux (persistance d’un moignon tendi-
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neux maintenant une hauteur sous-acromiale normale). Le cliché en décubitus est donc une incidence très utile dans le dépistage d’une rupture massive de la coiffe des rotateurs. Il apparaît plus sensible et plus spécifique que la manœuvre de Leclercq et pourrait, pour certains, la remplacer (2). De plus, la radiographie de l’épaule de face stricte en décubitus dorsal expose bien l’articulation acromio-claviculaire, notamment à la recherche d’une arthrose avec ostéophytose inférieure, pouvant être à l’origine d’un conflit avec la bourse sous-acromiodeltoïdienne et la face superficielle de la coiffe des rotateurs. Cette incidence permet aussi de bien visualiser la moitié latérale de la clavicule, l’épine de la scapula et le gril costal supéro-latéral. En revanche, l’interligne gléno-huméral n’est pas dégagé, ce qui constitue le point faible de cette technique.
Les clichés de profil
1. Le profil sous-acromial (aussi dénommé profil de Neer ou de coiffe, profil de Lamy) C’est l’incidence de profil la plus souvent réalisée, complétant généralement les clichés de face en double obliquité dans les épaules non traumatiques (fig. 4). Le patient est placé en oblique antérieur du côté à radiographier. Le rayon incident, parallèle au grand axe du muscle supra-épineux, est tangentiel à l’écaille de la scapula. L’orientation crânio-caudale du rayon varie en fonction de l’incidence choisie : horizontal pour le profil de Lamy et tangent à la face inférieure de l’acromion pour le profil de Neer ou de coiffe. Dans la pathologie de la coiffe des rotateurs, l’apport de cette incidence est double : étude de la voûte acromio-coracoïdienne et localisation spatiale des calcifications tendineuses. Cette incidence analyse également l’espace coraco-huméral : recherche d’une étroitesse constitutionnelle de ce défilé ou de calcifications du subscapulaire, pouvant être à l’origine d’un conflit antérieur.
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Fig. 3 : a b
Incidence de face stricte en decubitus avec rayon droit. Réalisation du cliché de l’épaule de face, patient en decubitus, bras le long du corps avec rayon vertical. Excellente visualisation de l’espace sous acromial et de l’articulation acromio-claviculaire ainsi que de toutes les structures osseuses de l’épaule.
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Fig. 4 : a b
2. Le profil axillaire Cette incidence réalise une vue crânio-caudale de l’épaule en abduction. Le patient est assis en bout de table, le bras en abduction à 45 ° et la cassette est placée dans le creux axillaire. Le rayon incident est vertical incliné de 10 ° vers le coude dans le plan longitudinal du bras. Ce cliché permet une bonne visualisation de l’apophyse coracoïde et de l’acromion. C’est l’incidence de choix pour faire le diagnostic d’un os acromiale et pour en préciser son type (4). D’autre part, en plaçant la tête humérale en rotation interne, elle permet de bien dégager le tubercule mineur et l’espace coraco-huméral (recherche de calcifications du subscapulaire). En ce qui concerne l’articulation gléno-humérale, le profil axillaire permet
Incidence de Neer ou profil de coiffe. Réalisation de l’incidence de Neer. La tête humérale se projette à l’intersection du trépied constitué caudalement par l’écaille, dorsalement par l’épine et ventralement par le processus coracoïde.
d’étudier le centrage antéro-postérieur de la tête et l’orientation de la glène par rapport à la scapula. Un faux profil axillaire est aujourd’hui de plus en plus réalisé chez un sujet debout ou assis, bras en élévation dans le plan frontal, main posée sur la tête. Le rayon directeur est horizontal (fig. 5).
3. Le profil glénoïdien ou incidence de Bernageau Il se réalise chez un sujet debout en oblique antérieur de 40 à 50 ° pour l’épaule à explorer (5). Le bras est en élévation, plaqué contre la table, tandis que le rayon directeur est descendant d’environ 30 ° et centré sur la base du moignon de l’épaule. Cette incidence est essentielle dans les bilans d’instabilité, puisqu’elle
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Fig. 5 : a b
Faux profil axillaire. Réalisation d’un faux profil axillaire. Quatre éléments essentiels sont analysables : la morphologie acromiale, le centrage de la tête humérale, l’articulation acromioclaviculaire et le processus coracoïde.
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permet une étude fine des rebords glénoïdiens (fig. 6). Ce cliché individualise le tiers supérieur et les deux tiers inférieurs du rebord glénoïdien. Le rebord glénoïdien supérieur vient coiffer les deux tiers inférieurs du rebord glénoïdien antérieur (signe de la casquette). Le bord inférieur apparaît sous la forme d’une ligne dont la partie antérieure (visière de la casquette) correspond au rebord antéro-inférieur qui se fracture dans certaines luxations antérieures récidivantes. Cette incidence étudie également le rebord glénoïdien postérieur dans son tiers moyen. Pour être exploitables, les clichés doivent parfois être réalisés de façon bilatérale et comparative.
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4. Le profil de Bloom-Obata Cette incidence est utilisée lorsque l’épaule est immobilisée. Le patient est debout ou assis, contre la table de radiologie, coude au corps (fig. 7). La cassette est placée sur la table de radiologie et le patient est positionné en hyperlordose, l’épaule traumatisée en rétropulsion. Le rayon directeur appliqué est descendant et vertical. Ce profil est intéressant dans le bilan d’une instabilité postérieure et pour rechercher une encoche de MacLaughlin (fracture-enfoncement de la partie antéro-supérieure de la tête humérale) chez un patient dont l’épaule n’est pas mobilisable.
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Fig. 6 : a b
Incidence de Bernageau ou profil glénoïdien. Réalisation de l’incidence de Bernageau. Le rebord glénoïdien antéro-inférieur s’individualise sous la forme d’un éperon osseux à angle aigu dépassant la cavité glénoïdale (visière de la casquette).
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Fig. 7 : a b
Profil de Bloom-Obata. Réalisation de l’incidence de Bloom-Obata. Projection de la tête humérale en rotation interne utile pour diagnostiquer une instabilité postérieure.
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5. Incidence de Garth Comme les incidences de face en double obliquité, le patient se place en oblique postérieur de 45 °, bras en rotation interne de 45 °, avec un rayon directeur descendant incliné d’environ 45 °. On obtient donc une vue de profil de la cavité glénoïdale chez un patient radiographié presque de face et n’ayant aucune abduction (fig. 8). Outre une bonne étude de l’articulation gléno-humérale, cette incidence dégage les faces postéro-supérieure de la tête humérale et antéro-inférieure de la glène. Cette incidence trouve tout son intérêt dans le bilan des instabilités (encoche de Hill Sachs, fracture du rebord glénoïdien antéro-inférieur), surtout quand l’épaule est peu mobilisable.
Quelles incidences pour quelle pathologie ?
1. Pathologie de la coiffe des rotateurs Le bilan de base doit comporter des clichés de face trois rotations, une incidence de Railhac et un profil sous-acromial. Si l’on sus-
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pecte la présence d’un os acromiale, la réalisation d’un profil axillaire peut permettre de trancher. L’apport de ce bilan est triple : localiser avec précision des calcifications, analyser la voûte acromio-coracoïdienne et rechercher des signes indirects de rupture de coiffe (fig. 9). La réduction de hauteur du défilé sous-acromial est, depuis longtemps, reconnue comme un excellent signe de rupture de la coiffe des rotateurs. L’espace acromio-huméral correspond à l’épaisseur de la « cale élastique » formée par la partie postéro-supérieure de la coiffe des rotateurs. À l’état normal, cet espace mesure (sur les films) de 7 à 15 mm, avec une moyenne à 10 mm. Goupille considère qu’une épaisseur inférieure à 7 mm est très évocatrice d’une perforation transfixiante de la coiffe (6). Sur l’incidence de Railhac, cette valeur seuil est abaissée à 6 mm. Les remaniements de la face inférieure de l’acromion et de la face supérieure de la grosse tubérosité (irrégularités de contours, ostéosclérose) constituent également des signes indirects qui peuvent s’observer en cas de lésion de la coiffe. La voûte acromio-coracoïdienne est formée par : • la face inférieure de l’acromion,
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Fig. 8 : a b
Fig. 9 :
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Incidence de Garth. Réalisation de l’incidence de Garth. Bonne visualisation des faces postérosupérieure de la tête humérale et antéro-inférieure de la glène.
Rupture transfixiante des tendons supra-épineux et infra-épineux. Subluxation supérieure de la tête humérale, avec disparition quasi-complète de l’espace sous-acromial, associée à des remaniements scléro-géodiques du tubercule majeur.
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• la face inférieure du ligament coraco-acromial, • la face inférieure de l’articulation acromio-claviculaire, • le processus coracoïde. Tout ce qui est susceptible de réduire l’espace au niveau de l’arche « acromio-coraco-claviculaire » peut être à l’origine d’un conflit antéro-supérieur ; les limites osseuses et articulaires de cette structure doivent donc être analysées avec précision. L’analyse radiologique de la voûte acromio-coraco-claviculaire comprend trois temps : • l’étude de la configuration acromiale qui inclut le type acromial, la pente acromiale (antérieure et latérale), la recherche d’un défaut d’ossification (os acromiale) et la détermination de sa position par rapport à l’épiphyse externe de la clavicule (fig. 10) ; • L’analyse de l’articulation acromio-claviculaire (ostéophytose inférieure) (fig. 11) ;
Fig. 10 :
Os acromiale. Faux profil axillaire. La solution de continuité est due à un défaut d’ossification entre préacromion et mésacromion.
Fig. 11 :
Arthrose acromio-claviculaire évoluée. Incidence de face stricte en decubitus. Remaniements ostéophytiques à développement inférieur, venant réduire la hauteur du défilé sous-acromial. Présence également d’un pincement de la partie supérieure de l’interligne gléno-huméral, témoignant d’une omarthrose et d’une calcification à l’insertion du tendon infra-épineux.
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• La recherche d’une enthésopathie sous acromiale (ligament coraco-acromial) (fig. 12). L’analyse radiologique de cette voûte commence sur le profil sous-acromial par l’étude de la morphologie acromiale définie par Bigliani : plat (type 1), concave vers le bas (type 2) et crochu (type 3) (7). Plus récemment, plusieurs auteurs ont décrit un acromion convexe vers le bas (type 4) (8). Bien qu’elle soit utilisée en pratique quotidienne, cette classification est controversée en raison de sa grande variabilité inter-observateurs. Cette variabilité est due à l’absence de définition claire des termes « plat », « crochu » et « courbe » et à la qualité aléatoire des clichés radiographiques qui sont particulièrement sensibles à des variations mineures de l’angulation crânio-caudale du tube. Pour pallier ces insuffisances, certains auteurs ont proposé des méthodes d’évaluation objectives du type acromial, en calculant la flèche acromiale ou l’angle acromial (9). La réalisation de clichés de qualité optimale (clichés normalisés) permet également d’améliorer la reproductibilité de cette incidence (10). La pente acromiale correspond à l’inclinaison de l’acromion dans le plan frontal et sagittal. La pente latérale s’étudie sur des clichés de face (rotation neutre et incidence de « Railhac ») ; le plus souvent cette pente est nulle et la partie antéro-externe de l’acromion se projette à la même hauteur que l’extrémité distale de la clavicule. Une pente inférolatérale, c’est-à-dire une bascule inféro-latérale ou une position anormalement basse du coin antéro-externe de l’acromion peut être à l’origine d’un conflit avec le tendon supra-épineux et la bourse sous-acromio-deltoïdienne. La pente antérieure s’étudie sur le profil sous-acromial ; on parle de pente antéro-inférieure quand la partie antérieure de l’acromion apparaît plus bas située que sa partie postérieure. Ce type de pente peut également générer un conflit entre l’extrémité antéroinférieure de l’acromion et la partie moyenne du tendon supraépineux au niveau de la zone critique. Le profil sous-acromial permet également la détection d’enthésophytes acromiaux (« spurs » des anglo-saxons), développés à la partie antéro-inférieure du bec acromial au niveau de l’insertion du ligament coraco-acromial (fig. 12). Ces éperons osseux sont souvent pourvoyeurs de conflits sous-acromiaux ; leur incidence augmente avec l’âge (11).
Fig. 12 :
Enthésopathie du ligament coraco-acromial. Incidence de Neer. Bec osseux développé en regard du sommet de l’acromion à l’insertion du ligament coraco-acromial.
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La position de l’acromion par rapport à l’épiphyse externe de la clavicule s’étudie sur l’incidence de Railhac. Normalement, la limite inférieure du bec acromial est alignée avec la limite inférieure de la clavicule. Une position anormalement basse de l’acromion (en dessous du cortex inférieur de la clavicule) peut aussi être à l’origine d’un conflit, en réduisant la hauteur du défilé sousacromial. L’arthrose acromio-claviculaire, également pourvoyeuse de conflit, se traduit souvent par le développement d’ostéophytes inférieurs bien visualisés sur l’incidence de Railhac.
3.2. Les luxations sterno-claviculaires
2. Les instabilités
Le bilan radiographique comprend des incidences de face en trois rotations et un profil sous-acromial. La réalisation de clichés en rotation permet de détecter des fractures tubérositaires isolées. Même si les fractures céphalo-tubérositaires sont bien visualisées sur les clichés standards, leur bilan préthérapeutique doit être complété par un examen tomodensitométrique, afin de déterminer précisément le nombre de fragments.
2.1. Les luxations antéro-internes En urgence, le bilan radiographique (réalisé avant la réduction) est souvent limité par la douleur et l’impotence fonctionnelle. Ce premier bilan permet de préciser l’importance du déplacement et de rechercher une fracture associée. Le cliché de face est souvent suffisant pour confirmer le diagnostic ; il montre la tête humérale située sous la glène. En cas de doute, un profil de Lamy confirme la vacuité de la glène et la projection antérieure de la tête humérale. Un contrôle radiographique post-réduction est indispensable, afin de vérifier la restitution de l’interligne articulaire. Chez le sujet âgé, les luxations pures sont rares et il faut toujours rechercher une fracture associée du col huméral (12). Un bilan plus complet est réalisé en cas d’instabilité chronique, afin de dépister d’éventuelles lésions osseuses non visualisées sur le bilan initial. Il comprend au minimum des clichés de face trois rotations et un profil de Bernageau. Les principales lésions à rechercher sont : une encoche de Hill Sachs ou de Malgaigne (surtout visible sur la face en rotation médiale) et une fracture du rebord antéro-inférieur de la glène (visible sur le profil de Bernageau) (fig. 13).
Elles sont de diagnostic difficile sur les clichés standard, en raison des superpositions osseuses. Le bilan radiographique de base consiste en un cliché de face strict qu’il faut compléter par une incidence trans-sternale. En cas de forte suspicion clinique, le patient doit être orienté d’emblée vers le scanner qui est l’examen de référence.
3.3. Les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus
3.4. Les fractures de la clavicule (fig. 16) Le bilan radiographique consiste en une incidence de Porcher (défilé claviculaire). Un cliché de thorax de face peut être réalisé en cas de suspicion de complication pleuro-pulmonaire.
3.5. Les fractures de la scapula Elles sont rares et peuvent intéresser tous les éléments osseux constituant cet os : acromion, coracoïde, glène, col, corps et épine (fig. 17). Plusieurs incidences sont nécessaires pour un diagnostic précis : face et profil strict de scapula, épaule de face et profil. Au moindre doute, ce bilan doit être comparatif ; il pourra également être complété par un cliché thoracique de face et des incidences de gril costal, à la recherche de lésions pleuro-pulmonaires et de fractures costales.
2.2. Luxation postérieure de la tête humérale Elles sont beaucoup plus rares que les luxations antéro-internes et ne représentent que 5 % des luxations. Le bilan radiographique comprend une face et une incidence de Lamy. Sur le cliché de face, quatre signes radiologiques sont évocateurs du diagnostic : impossibilité d’enfiler correctement l’interligne gléno-huméral, diminution de hauteur de l’espace sous-acromial, projection de la tête humérale au-dessus du processus coracoïde, présence d’une encoche de MacLaughlin en dedans du tubercule mineur (fig. 14). De profil, la tête se projette en arrière de la glène ou à cheval sur le bord postérieur. Le tassement du rebord glénoïdien postérieur est inconstant et difficile à voir ; il est mieux visible sur le profil axillaire que sur le profil de Bernageau.
3. L’épaule traumatique Les lésions peuvent intéresser les trois structures osseuses (scapula, clavicule et humérus) et les trois articulations de l’épaule (glénohumérale, acromio-claviculaire et sterno-claviculaire).
3.1. Les luxations acromio-claviculaires L’incidence de Railhac permet d’analyser parfaitement l’articulation acromio-claviculaire ( fig. 15). En cas de luxation, l’interligne articulaire est élargi et l’extrémité externe de la clavicule est déplacée en haut et en arrière. Les clichés doivent être réalisés avec une technique parfaite de façon bilatérale et comparative. En cas de doute, un cliché sensibilisé par le port de charge peut être réalisé pour mettre en évidence une subluxation. J Radiol 2008;89
4. L’épaule hyperalgique Une douleur invalidante de l’épaule chez un sujet d’âge moyen oriente en premier lieu vers une poussée aiguë et inflammatoire d’une tendinopathie calcifiante. La recherche et la localisation des calcifications en cause nécessitent la réalisation de clichés de face en trois rotations et d’un profil sous-acromial (fig. 18).
5. Capsulite rétractile Initialement, le bilan radiographique est le plus souvent normal, puis apparaît une déminéralisation osseuse régionale, donnant un aspect pommelé à la tête humérale, avec respect des contours osseux et de l’interligne articulaire. Des clichés de face en trois rotations et un profil sous-acromial suffisent le plus souvent ; à la phase initiale de la maladie, les clichés comparatifs peuvent également être utiles. En pratique, l’interrogatoire minutieux et l’examen clinique bien conduit orientent d’emblée la démarche diagnostique et guident l’examen radiologique. Dans la plupart des situations cliniques, les clichés de face deux rotations associés à une incidence de Railhac et à un profil sous-acromial apportent les renseignements attendus. Si le contexte clinique le nécessite et en cas d’insuffisance des radiographies, les examens de seconde intention (échographie, IRM et/ou scanner) actuellement à notre disposition permettent le plus souvent de résoudre le problème.
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Fig. 13 : a b c
Lésions osseuses de passage secondaires à une luxation gléno-humérale antérieure récidivante. Encoche de Hill Sachs et fracture du rebord antéro-inférieur de la glène. Cliché de face bras en rotation interne. Encoche de Hill Sachs. Arthro-IRM ; coupe axiale T1 avec saturation du signal de la graisse. Fracture du rebord antéro-inférieur de la glène. Profil de Bernageau.
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Fig. 14 : a b
Luxation gléno-humérale postérieure fixée. Élévation de la tête humérale et disparition de l’interligne articulaire. Cliché de face. Examen tomodensitométrique sans produit de contraste. Coupe axiale.
Fig. 15 :
Luxation acromio-claviculaire (stade 3). Cliché de face.
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Fig. 16 :
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Fracture du tiers moyen de la clavicule. Cliché de face.
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Fig. 17 : a b
Fracture complexe du corps de la scapula. Cliché de face. Tomodensitométrie : reconstruction en volume mettant en évidence la fracture du corps de la scapula.
Fig. 18 :
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Épaule hyperalgique. Cliché de face mettant en évidence une volumineuse calcification dans la bourse sous-acromiodeltoïdienne.
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Points à retenir • Les radiographies de l’épaule sont incontournables dans toute exploration d’une épaule douloureuse. • Une scopie télévisée est nécessaire. • Les clichés de face en double obliquité 3 rotations permettent de bien dégager les différentes insertions des tendons de la coiffe. • L’incidence de face stricte en décubitus (Railhac), permet de dépister une rupture massive de la coiffe des rotateurs. Contrairement aux clichés de face en double obliquité 3 rotations, elle expose bien les structures médiales de l’épaule. En revanche, cette incidence dégage mal l’interligne gléno-huméral. • Le profil sous-acromial étudie la voûte acromio-coracoïdienne et l’espace coraco-huméral et permet de localiser des calcifications. • Le profil glénoïdien ou incidence de Bernageau est indispensable pour tout bilan d’instabilité ; il permet une étude fine des rebords glénoïdiens. • L’association de clichés de face en double obliquité 2 rotations (rotation interne et externe), d’une incidence de Railhac et d’un profil sous-acromial permettent le plus souvent un diagnostic précis.
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J Radiol 2008;89