Biologie en allergologie piège du diagnostic en pratique courante

Biologie en allergologie piège du diagnostic en pratique courante

Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 668–670 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/ JPA 2004 : ateliers de l’Anaforc...

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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 668–670 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/

JPA 2004 : ateliers de l’Anaforcal

Biologie en allergologie piège du diagnostic en pratique courante Allergy and the laboratory diagnostic pitfalls in current practice Reçu le 16 septembre 2004 ; accepté le 23 septembre 2004 Disponible sur internet le 28 octobre 2004

Mots clés : Diagnostic allergologique ; Tests cutanés ; tests in vitro ; IgE sériques ; Médiateurs chimiques Keywords: Allergy diagnosis; Skin tests, In vitro tests; Serum IgE; Chemical mediators

Expert : A. Magnan

3. Résultats

Expert : C. Lambert

3.1. Examens biologiques abordés

Organisateur : D. Ortolan

3.1.1. Tests de sensibilisation

Rapporteur : J. Le Sellin

1. Introduction En termes de diagnostic, la pratique allergologique quotidienne se heurte toujours à deux questions : y-a-t-il un lien direct entre tel allergène et les manifestations cliniques du patient ? Et quel est le risque allergique (gravité, risque de réactions croisées) ? L’interrogatoire, la chronologie d’apparition des symptômes et les multiples subtilités cliniques sont la base de la démarche, mais de nombreux cas cliniques laissent un doute dans l’esprit. Les tests cutanés mettent en évidence une sensibilisation. Les tests de réintroduction allergénique ou d’exposition allergénique sont les seuls à pouvoir confirmer l’allergie vraie, mais ils sont lourds sur le plan pratique et non dénués de risques. De quels examens biologiques disposonsnous ? Quelles sont leurs indications et quelles sont leurs interprétations ou limites ?

2. Méthode Les résultats biologiques ont été évoqués à partir de 12 cas cliniques concernant des allergies aux aliments, médicaments ou venins d’hyménoptères. 0335-7457/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.allerg.2004.09.009

3.1.1.1. Dosage des IgE sériques totales. En pratique allergologique, une augmentation très forte des IgE sériques totales peut expliquer la présence d’un taux d’IgE spécifiques au-dessus du seuil (0,35 KU/l) sans que cela corresponde à une allergie cliniquement expressive. Sinon, l’intérêt de ce dosage est très limité en dehors du diagnostic du terrain atopique. Il est surtout intéressant dans l’expertise d’autres diagnostics que l’allergie immédiate : parasitoses, dysimmunité, etc. 3.1.1.2. Dosage d’IgE sériques spécifiques. • Actuellement, il n’y a pas d’examen biologique de référence, mais plusieurs techniques immunologiques sont fiables : Pharmacia® (système Rast ou Cap) ou DPC® (immulite). La spécificité et la sensibilité peuvent varier d’une technique à l’autre selon l’allergène. Comme pour les tests cutanés, aucun test n’est spécifique à 100 %. • À noter que les techniques dites sur bandelettes ne devraient plus être utilisées du fait de leur manque de spécificité. Elles ne sont plus remboursées. • Le problème du délai entre un accident aigu et le prélèvement pour examen biologique a également été soulevé. Bien qu’il n’y ait pas de certitude, pendant un accident grave le taux des IgE qui restent dans le sérum est probablement diminué. Il vaut mieux attendre quelques jours pour éviter d’être en présence d’un faux négatif par consommation des IgE spécifiques. 3.1.1.3. Dosage des IgG4. Au cours de la désensibilisation, l’apparition d’IgG4 pourrait venir en compétition avec les

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IgE et réduire le risque allergique. Mais les résultats ne sont pas toujours significatifs et la présence d’IgG4 n’est pas suffisante pour guider la conduite thérapeutique chez un patient donné. 3.1.2. Réactivités croisées Actuellement les dosages d’IgE spécifiques concernent en fait des allergènes complexes puisqu’un aliment ou un pollen comportent une multitude de protéines. Dans le futur, il sera possible d’évaluer la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis de telle molécule purifiée ou de tel segment de peptidique notamment par l’utilisation de « bio-puces ». 3.1.2.1. Le test d’inhibition. Il permet d’évaluer la part d’allergie croisée entre deux allergènes. Son résultat ne doit pas retenir l’indication ou non d’une double désensibilisation chez un patient donné Il n’est pas remboursé. 3.1.2.2. Les immunoblots. Ils permettent d’étudier la spécificité contre les différents constituants de l’allergène qui sont séparés par électrophorèse. Ils ne sont pas quantitatifs. Mais ces examens sont du domaine de la recherche et n’ont pas d’application clinique actuellement. 3.1.3. Niveau de réactivité Seuls les tests de réintroduction ou de provocation signent la réactivité à un allergène. Cela n’est pas toujours possible et comporte des risques. Le test de provocation in vitro pourrait servir d’indicateur 3.1.3.1. Test de dégranulation des basophiles humains. L’évaluation se fait soit par dosage de l’histamine dans le surnageant (test d’histamino-libération), soit par mesure des changements morphologiques sur la cellule en cytométrie de flux (CD63 ou CD203c). En fait, il est souvent difficile de quantifier la positivité et il ne doit pas être utilisé pour poser une indication de désensibilisation 3.1.3.2. Test d’activation des basophiles (Basotest®). Plus délicat, il pourrait être intéressant pour explorer les intolérances aux AINS et à l’aspirine. Ces tests, actuellement en cours d’évaluation, ne sont pas tous validés. Ils ne sont pas remboursés 3.1.4. Évaluation d’un anaphylactique ou anaphylactoïde Des dosages sériques peuvent confirmer l’origine allergique ou non d’un choc. Une élévation de la tryptase sérique confirme la dégranulation mastocytaire (donc IgE-dépendante). Une élévation de l’histaminémie (prélèvement sur tube EDTA) relève d’une dégranulation des basophiles et des plaquettes par divers mécanismes (anaphylatoxiques, chocs osmotiques) Le dosage de l’histamine urinaire n’est plus disponible.

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3.2. Circonstances cliniques particulières abordées 3.2.1. Allergie aux bêtalactamines Après la clinique et la chronologie d’apparition des symptômes, le diagnostic repose en premier lieu sur la pratique de tests cutanés en prick-test, en intradermoréaction (IDR) avec lecture immédiate et tardive et, parfois, sur la réalisation d’épidermotests. Il est traditionnel de faire un test avec l’Allergopen® (dérivés métaboliques des bêtalactamines), mais il est préférable et indispensable de tester la molécule suspectée si cela est possible. Les tests cutanés ont une bonne valeur prédictive et il est totalement contre-indiqué de réaliser une réintroduction si un test est positif. Pour chaque patient, il faut évaluer la nécessité d’un traitement par bêtalactamines dans le futur proche. Si tel est le cas, la réintroduction d’une bêtalactamine (pour laquelle les tests cutanés ont été négatifs) est autorisée sous surveillance en milieu hospitalier. Il existe des dosages d’IgE spécifiques pour quelques bêtalactamines, mais en aucun cas le résultat de ce dosage ne peut affırmer le diagnostic. Les tests cellulaires font l’objet de recherches cliniques et leur valeur pronostique n’est pas validée cliniquement. 3.2.2. Intolérance et/ou allergie aux AINS Là encore, l’interrogatoire, la clinique et la chronologie sont les éléments primordiaux du diagnostic. La grande majorité des cas rencontrés sont des intolérances non immunologiques. Il n’y a pas de tests cutanés à faire. Il n’y a pas pour l’instant de test biologique validé pour le confirmer. Il existe quelques cas d’allergies vraies IgE-dépendantes : un test cutané est justifié. Après avoir évalué l’utilité d’un traitement par AINS chez un patient, il est possible de lui proposer : • une accoutumance avec introduction très progressive sur 24 ou 48 heures. Dans ce cas, l’AINS est bien toléré, mais il y a nécessité de le poursuivre tous les jours ; • le plus souvent, les indications sont des indications de réintroduction d’un Ant-Cox2 toujours sous surveillance. 3.2.3. Allergies sous anesthésie générale L’accent a été mis sur la nécessité de confirmer la nature allergique au moment de l’accident. Le dosage de la tryptase confirme l’implication des mastocytes tissulaires et donc probablement le caractère IgE-dépendant des symptômes. Le dosage d’histamine et la recherche d’activation du complément (C3 et C4) permet de suspecter un mécanisme anaphylatoxique. La préparation d’une trousse (deux tubes avec notice) dans les blocs opératoires et centres de radiologie permet d’agir vite au moment de l’accident. En revanche, le diagnostic de l’allergène en cause se fera par tests cutanés au mieux dans un délai de quatre à six semaines.

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3.2.4. Allergies alimentaires Les signes cliniques, la chronologie des symptômes et les tests cutanés orientés par la clinique ont une bonne sensibilité pour déceler une allergie alimentaire. Le dosage d’IgE sériques spécifiques a ici sa place. L’interprétation peut poser certains problèmes : • un défaut de détection d’IgE spécifiques n’élimine pas une allergie même pour un allergène comme l’arachide. Dans ce cas, une autre technique sera peut être plus sensible ; • il faut savoir que certains réactifs sont instables et rendent la biologie non réalisable comme pour les drupacés par exemple ; • après une allergie alimentaire aiguë, si le patient fait un régime d’éviction le taux d’IgE spécifiques peut baisser, voire se négativer, et cela pose un problème d’interprétation si l’on ne peut comparer le résultat avec un dosage initial. Un taux bas ou nul n’autorise, à lui seul, de réintroduire l’aliment ; • dans tous les cas douteux, c’est la provocation orale qui permettra d’établir le diagnostic, mais elle n’est pas anodine et doit être pleinement justifiée ; • pour limiter l’indication des tests de provocation orale (TPO), plusieurs publications donnent des valeurs prédictives de taux d’IgE sériques spécifiques. Ces valeurs seuil donnent un ordre d’idée, il s’agit d’outils diagnostiques qui doivent aider le clinicien et il doit donc en tenir compte pour les indications de TPO ; • le problème des réactions croisées entre pollens et/ou aliments ne peut pas être résolu par le seul dosage des IgE sériques spécifiques. Une réaction croisée immunologique ne repose pas toujours sur une réalité clinique. Seul le lien entre l’exposition à l’allergène et les symptômes cliniques peut permettre le diagnostic d’allergie ;

• les dosages d’IgE sériques spécifiques de pollens et de certains aliments peuvent être faussement positifs par reconnaissance de motifs carbohydrates (CCD) communs aux végétaux. Mais ces IgE n’ont pas de conséquence clinique. Cette activité peut être testée par la broméline (rk202). 3.2.5. Allergie au venin d’hyménoptères En dehors de la clinique et des tests cutanés, le dosage d’IgE sériques spécifiques est toujours demandé dans le bilan d’une suspicion d’allergie aux hyménoptères. Il conforte le diagnostic et est répété en fin de désensibilisation. Il n’y a pas d’indication de tests cutanés ou biologiques sans signes cliniques évocateurs d’allergie. La présence d’IgG4 est en faveur, mais ne permet pas d’affirmer à elle seule une action protectrice de la désensibilisation. De la même façon, le résultat d’un Rast-inhibition ne pourra pas être retenu pour indiquer ou non une double désensibilisation chez un patient donné. 4. Conclusion Il ressort de l’atelier que les dosages des IgE sériques spécifiques représentent l’examen biologique le plus utile à l’allergologue. Globalement, les dosages sont certainement sensibles et spécifiques, mais l’interprétation individuelle laisse une part importante aux connaissances cliniques du praticien. Les examens biologiques aux décours des accidents médicamenteux aigus (comme en anesthésie) sont indispensables sur le plan physiopathologique et médicolégal. L’intérêt pronostique des tests cellulaires demande des évaluations complémentaires pour démontrer une utilité clinique.