C. R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la Terre et des planètes / Earth and Planetary Sciences 333 (2001) 811–826 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1251-8050(01)01713-X/FLA Géomatériaux / Geomaterials
Les perspectives de l’énergie nucléaire dans le cadre des changements climatiques Robert Dautray CEA–DCC, 31–33, rue de la Fédération, 75015 Paris, France Reçu le 11 juin 2001 ; accepté le 20 août 2001 Article rédigé à l’invitation du Comité de lecture
Abstract – The future of nuclear energy in relation with climate change. Electronuclear energy associated with hydrogen production can replace fossil fuels while emitting as few greenhouse gases as renewable energies. Besides waste management for which a solution has to be rapidly demonstrated, other key issues are to be examined to complete the demonstration of the viability of electronuclear energy. First, waste management and evolution of plutonium and its daughters must be considered together. A basic study has already been performed but what else to be done is huge and cannot be achieved in France (because of its geological and geographic features, because of the rural distribution of its population, etc.), except if a substantial and quite focused endeavour could bring concerned populations and workers, protection and confidence – which requires from the latter, represented by their elected representatives and thus by a public authority, that they work out “a general protection and confidence criterion for concerned populations and workers”. The unique solution in order to protect public health from a potential major danger is to bury as soon as possible all of the ultimate waste products, keeping in mind all of the unfavourable factors such as residual power of these products, their mobility in the confining geological beds and then through aquifers. There are so many categories of waste products whose treatment requires different durations, that storing is necessary in order to make them compatible after sorting by means of chemical separation (called reprocessing). Among all of these potential risks, the present-day most serious one, by far, is that of plutonium and its daughters, which are the most potentially radiotoxic. The unique solution consists in a separation of plutonium (and its daughters), followed by its fissions until a rather complete reduction in a product able to be buried after dilution in a matrix (for example, vitrification). But that solution faces serious handicaps. The examination of waste products and especially of the potentially most dangerous and difficult to treat, that is plutonium (and its daughters), leads thus necessarily to a ‘plutonium (and its daughters) plan’. Nuclear safety is a major preoccupation. The French electronuclear stock is a recognized success and when it will be necessary to replace the latter, it will be possible to use the European Pressurized Reactor French-German project; the latter includes protections against very unlikely events and its implementation would be a factor of substantial progress for nuclear safety. Radioprotection, as well as its scientific bases, epidemiology and radiobiology, have funding that is not at the level of the funding devoted to the technical and industrial realizations. As for proliferation, it can be noticed that the countries that have recently at their disposal nuclear weapons have done it independently of their eventual electronuclear stock and furthermore each of the latter used a different scientific and technical process. As for the eventual relations between reprocessing and proliferation, the problem should be solved if the total produced plutonium could be denatured in the reactors of the electronuclear stock. It must be noticed that the major potential danger would rather be the dispersion of radiotoxic products about which the department of ONU in charge of all of these questions is aware of increasing contraband from eastern Europe since some years. 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS nuclear energy / waste / climate change / nuclear safety / ‘plutonium plan’
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Résumé – L’énergie nucléaire, et plus précisément l’électronucléaire (associé à la production d’hydrogène), peut remplacer les combustibles fossiles, en contribuant aussi peu à l’effet de serre que les énergies renouvelables. Outre la gestion des déchets nucléaires, où une solution doit être démontrée rapidement, d’autres questions clés doivent être examinées pour achever la démonstration de la viabilité de l’énergie nucléaire. Tout d’abord, le traitement des déchets doit être considéré en même temps que le devenir du plutonium et de ses descendants. Un travail de base a déjà été accompli, mais ce qui reste à faire est considérable et ne peut aboutir en France (à cause de sa géologie, sa géographie, la répartition agricole de ses populations, etc.) qu’avec un effort substantiel et bien focalisé apportant protection et confiance aux populations et aux travailleurs concernés, ce qui exige que ceux-ci, représentés par leurs élus, et donc la puissance publique, élaborent un « critère général de protection et de confiance des populations et des travailleurs concernés ». La seule solution garantissant la santé publique d’un danger potentiel majeur consiste à enfouir le plus vite possible tous les déchets ultimes, en tenant compte de toutes les contraintes, comme par exemple la puissance résiduelle de ces déchets, leur mobilité dans les couches géologiques confinées et ensuite par les aquifères. Il y a tant de catégories de déchets divers, dont le traitement fait intervenir des durées différentes, qu’il faut des entreposages pour les rendre compatibles, après les avoir triés par séparation chimique (dite retraitement). Parmi tous ces risques potentiels, aujourd’hui, le plus grave, de très loin, est celui du plutonium et de ses descendants, qui sont les corps les plus potentiellement radiotoxiques. La séparation du plutonium (et de ses descendants), suivie de ses fissions jusqu’à le réduire quasi complètement en corps qu’on peut enfouir profondément, après dilution dans une matrice (vitrification par exemple), apparaît aujourd’hui comme la seule solution. Mais elle se heurte à des handicaps considérables. L’examen des déchets et du plus potentiellement dangereux et du plus difficile à traiter de ceux-ci, le plutonium (et ses descendants), conduit donc à la nécessité d’un « plan du plutonium (et de ses descendants) ». La sûreté nucléaire constitue une préoccupation majeure. Elle est satisfaisante en France. Le parc électronucléaire français est un grand succès à ce jour. Quand il faudra le remplacer, on pourra s’appuyer sur le projet de European Pressurized Reactor franco-allemand, qui inclut même des protections contre des événements considérés comme très improbables et dont la réalisation ferait effectuer à la sûreté nucléaire un pas substantiel. La radioprotection et ses bases scientifiques, l’épidémiologie et la radiobiologie possèdent des ressources qui ne sont pas à la hauteur des ressources consacrées aux réalisations techniques et industrielles. Pour la prolifération, on peut noter que les pays qui se sont dotés récemment d’armes nucléaires l’ont fait indépendamment de leur éventuel programme électronucléaire et, de plus, ont chacun utilisé un procédé scientifique et technique différent. Pour ce qui est des liens éventuels entre retraitement et prolifération, le problème serait réglé si tout le plutonium produit était irradié dans les réacteurs du parc électronucléaire. Il faut noter que le danger potentiel majeur serait plutôt la dispersion de matières radiotoxiques dont l’organisme de l’ONU chargé de toutes ces questions constate, depuis quelques années, la contrebande croissante en provenance des pays de l’Est. 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS énergie nucléaire / déchets / changements climatiques / sûreté nucléaire / « plan plutonium »
1. Le cadre temporel commandé par les changements climatiques Parler du nucléaire dans le cadre des changements climatiques futurs actuellement étudiés, c’est déjà savoir où se placer parmi plusieurs échelles de temps. 1. Éviter les émissions de gaz à effet de serre pendant les futurs siècles à venir, après celui en cours, avec les seules connaissances d’aujourd’hui, est possible avec le nucléaire, à condition d’utiliser non
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seulement l’uranium 235 (0,720 %), mais aussi le reste du combustible, l’uranium naturel, en transformant ses 99,274 5 % d’uranium 238 en plutonium 239 (demi-vie : 24 100 ans) et quelques autres isotopes en quantités plus réduites (avec un rendement qui est bien au-dessous de la moitié). Il faut pour cela des réacteurs à neutrons rapides (RNR), dont l’auteur de ces lignes pense que les bases de la faisabilité scientifique sont prouvées (et que d’autres techniques de remplacement sont ouvertes pour générer et « fissionner »
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le plutonium 239). On peut aussi utiliser le thorium 232 naturel en le transformant en uranium 233. Ces deux procédés exigent le retraitement, sous une forme ou sous une autre. Enfin, la fusion thermonucléaire contrôlée, dont la faisabilité scientifique reste à prouver, serait alors à considérer dans cette perspective. Mais, à une échelle si lointaine, les prévisions scientifiques ont-elles un sens ? 2. La possibilité d’éviter les émissions des gaz à effet de serre en faisant appel au nucléaire (depuis aujourd’hui jusqu’aux alentours du milieu du présent siècle ?) doit à mon sens être examinée en France avec, comme base, la fin du parc électronucléaire actuel et ce qui le remplacera. Seuls les REP (réacteurs à eau pressurisée), avec leurs perfectionnements déjà étudiés, leur grand nombre d’années-réacteurs d’exploitation, sont prêts à être construits avec des bases suffisamment solides en l’état des connaissances d’aujourd’hui (EPR : European Pressurized Reactor). 3. Durant la deuxième partie de ce XXIe siècle, des promoteurs divers font état de réacteurs qu’ils appellent « innovants », dont la variété et la diversité vont quelquefois de pair avec la perspective d’objectifs nouveaux. Leur faisabilité scientifique et technique (y compris l’aval du cycle, la maintenance, les suites des incidents) reste, pour beaucoup, à prouver sur le plan expérimental et est visée par des démonstrations à plus court terme. Certaines de ces techniques peuvent se révéler essentielles. 4. Ajoutons encore que l’un des composants le plus difficile à mettre au point est l’élément combustible, qu’il peut être lui-même la source de progrès importants et que de telles possibilités existent déjà aujourd’hui. 5. Nous nous placerons, dans ce texte, dans le cadre des changements climatiques étudiés par nos collègues et donc seulement dans le cas 2, c’est-àdire celui du concept de REP, plus ou moins évolué (y compris les éléments combustibles, eux aussi susceptibles d’évolutions rapides, nous l’avons déjà dit) ; il s’agit donc ici uniquement de la fin du parc électronucléaire actuel (et de celui qui lui succédera immédiatement, s’il en est décidé ainsi) et de l’aval de son (leur ?) cycle de combustible.
2. Les cinq problèmes majeurs du nucléaire en France Les problèmes essentiels et difficiles, peut-être dirimants, que les techniciens du nucléaire doivent résoudre pour terminer la démonstration de sa viabilité, afin qu’il puisse jouer pleinement le rôle d’énergie à émission de gaz à effet de serre négligeable, sont les suivants (l’émission, très faible de ces gaz par unité d’énergie produite est précisée dans la référence [1]
et est de l’ordre de – ou inférieure à – celle des énergies renouvelables, sauf l’hydroélectrique). 2.1. Le traitement des déchets Le problème du traitement des déchets doit être résolu afin que ceux-ci ne constituent pas de danger ou de menace pour l’homme et, plus généralement, pour l’espèce humaine et les autres espèces ainsi que pour la biosphère, ni ne modifient sensiblement les conditions moyennes de radioactivité (sauf très localement dans la couche géologique du site de stockage), du sous-sol et de tout ce qu’il contient (dont les aquifères), sur toutes les régions concernées par la circulation de ces aquifères et par la migration lointaine et le dépôt éventuel des radionucléides. 2.2. Le plutonium On a vu qu’à l’horizon des prochains siècles, le plutonium pourrait être, avec l’uranium 233, un combustible de base de l’humanité, et est donc une ressource précieuse. Mais aujourd’hui, dans le contexte économique du prix de l’énergie qu’il permettrait de produire, du bas prix de l’uranium naturel et de l’abondance de son offre, l’emploi du plutonium dans des réacteurs spécialisés n’a pas été poursuivi. • Notons que les énergies fossiles, encore essentielles par leur souplesse de transport, de stockage et de distribution, sont au premier rang des énergies en termes de transport (par exemple) dans les pays développés et dans les pays en voie de développement. • Notons de même que l’énergie électronucléaire permettrait d’alimenter les voitures électriques, tout comme elle alimente aujourd’hui les chemins de fer. Citons aussi la possibilité de la production d’hydrogène comme carburant universel à partir de l’énergie nucléaire. • La production régulière de plutonium (de l’ordre de 8 à 10 t par an en France) pose le problème de son utilisation transitoire. Certains pays entreposent les éléments combustibles le contenant et projettent de les stocker ensuite sous la surface terrestre, qui, à l’endroit du stockage, peut être plate ou montagneuse. Cette prévision est adaptée aux cadres géographique, géologique (dont hydrogéologique), à la répartition des populations et des activités (dont les sources d’eau et l’agriculture qui les utilise), ainsi qu’aux différentes ressources énergétiques. Dans le cas de la France, aujourd’hui, le plutonium est, pour sa plus grande partie, extrait des éléments combustibles par des procédés de séparation chimiques et physico-chimiques dans les usines dites
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aussi de « retraitement » de La Hague, dont le succès scientifique, technique et industriel en a fait les premières dans le monde, avec un rendement d’extraction de 99,88 % (ce haut taux de récupération serait la cause du prix élevé du retraitement actuel ; le coût de celui-ci tomberait rapidement en relâchant la contrainte de cette basse perte). Avec la suppression de tout RNR en France (le dernier, Phénix, prévu pour redémarrer en 2002, n’aurait qu’une très courte carrière), la solution actuelle est d’incorporer le plutonium dans des éléments combustibles (dits MOX : Mixt OXyde) sous forme d’oxyde de plutonium mélangé à l’oxyde d’uranium. Quels sont les problèmes posés par cette solution ? Nous les examinerons plus loin. 2.3. La sûreté nucléaire La sûreté nucléaire du parc électronucléaire français a été démontrée jusqu’à présent durant les 19 années (en moyenne) de fonctionnement des REP de 900 MWe et les 15 années (en moyenne) de fonctionnement de ceux de 1 300 MWe. Cette filière est aujourd’hui utilisée dans les parties du monde qui sont nucléarisées et y est largement majoritaire (se reporter à [1] pour les autres filières). Dans cette filière, seul le réacteur de Three Mile Island (TMI) a eu un accident grave (qui n’a pas fait de victime mortelle à ma connaissance). Les causes en ont été analysées, les parades trouvées : elles ont été intégrées dans la dernière génération du parc électronucléaire français. Peut-on aller plus loin encore dans la sûreté nucléaire dans ce nouveau siècle ? Nous chercherons à dire jusqu’où, avec les connaissances d’aujourd’hui. 2.4. La radioprotection Les statistiques annuelles françaises montrent que la radioprotection est satisfaisante dans l’industrie française. Du point de vue scientifique, elle est basée sur l’épidémiologie (mais on sort là des compétences de l’auteur) et la radiobiologie (idem). Que peut-on dire, du point de vue scientifique, quand il s’agit d’expositions, même très faibles, pendant des durées aussi longues que dans les sites de stockage ? Que peut-on faire de plus ? 2.5. La lutte contre la prolifération La France n’a été impliquée dans aucun des développements sur le chemin de la prolifération dans les pays ayant démontré leur avancement durant la dernière décennie. Que faire de plus ? Nous allons étudier ces cinq problèmes.
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3. Le traitement des déchets 3.1. La source primaire Le total des matières radioactives solides les plus radioactives extraites des éléments combustibles (1 038 t de métal lourd déchargées du parc électronucléaire en un an en l’an 2000) a été cette année-là de 44 t de produits de fission (PF), d’impuretés et de produits d’activation des impuretés, 15 t de plutonium (ou 13 t si on excepte le plutonium 241, de demi-vie courte : 14,4 ans), de l’ordre de 1 à 3 t (cela varie au fur et à mesure que la désintégration du plutonium 241 donne naissance à l’américium 241) d’actinides dits mineurs (neptunium, américium, curium, etc.) ; les actinides sont des éléments chimiques lourds, se distinguant par le remplissage, élément par élément, de la couche interne d’électrons 5f, allant du thorium (numéro atomique 90) au lawrencium (numéro atomique 103), qui suivent l’actinium (numéro atomique 89) – d’après le mot grec actinos, rayon. Ces actinides jouant un rôle dans les déchets sont le neptunium 237, les américium 241 et 243 (voir pour tout cela la référence [1]) ; le curium pose des problèmes différents. La production cumulée jusqu’à l’an 2000 inclus (voir [1]) est composée essentiellement, du seul point de vue de la radioactivité, de 601 t de PF (en y incluant impuretés et activation), de 131 t de plutonium (hors plutonium 241, à cause de sa demi-vie courte : 14,4 ans) et de 15 t d’actinides mineurs. La radioactivité de ces PF « allongés » est de 8,6 milliards de curies (Ci), 78 millions de curies pour le plutonium (sans compter le plutonium 241 : celuici engendre, au début du processus, 2,3 milliards de curies, vite diminués – sa demi-vie est de 14,4 ans) et, pour les autres actinides dits « mineurs », 94,5 millions de curies (à cause des demi-vies plus courtes) (voir [1]). En allant jusqu’au bout de la vie du parc électronucléaire, on ne change pas les ordres de grandeur. Ils seront multipliés au plus par un facteur de l’ordre de 2 (sans compter la décroissance radioactive, qui est considérable durant les premières décennies). Les hypothèses de base des auteurs de ces remarquables évaluations et les références de leurs travaux sont données dans [1]. On peut démontrer (voir [1]) que du point de vue de leur seule radioactivité, toutes les autres sources de radioactivité existant en France issues de déchets (structures internes et externes des réacteurs et des usines à démanteler, résidus miniers et radifères, déchets du système militaire dans sa totalité passée et présente ainsi que des anciennes sources radioactives des appareils médicaux et industriels, stocks divers, pollution radioactive de tous les sites, etc.), tout cela est très faible devant les termes primaires de radioactivité des éléments combustibles chiffrés ci-dessus. Les hy-
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pothèses de base de ces chiffres, les radioactivités de tous les objets cités ainsi que des exemples de radioactivités naturelles permettant d’établir des comparaisons et ainsi de situer les chiffres ci-dessus sont donnés dans la liste bibliographique de la référence [1]. Observons, pour avoir des repères de comparaison (voir une telle liste en [1]), que cela fait en l’an 2000 une production annuelle de déchets primaires radioactifs de l’ordre de 1 g par habitant, à comparer aux tonnes de gaz carbonique émises par an et par habitant dans tous les pays développés et au rejet de déchets ultimes de l’ordre de la centaine de kilogrammes (chiffre d’aujourd’hui, à vérifier par les spécialistes de l’incinération) par an et par habitant, provenant respectivement des activités agricoles, industrielles et ménagères (toutefois, la comparaison, pour ces dernières catégories ne doit-elle pas se faire avec les déchets secondaires – voir ci-après – du nucléaire ? Ils sont, quant à eux, par ordre de radioactivité décroissante, de 0,2, 1,5 et 20 cm3 par habitant et par an). Quant aux radioactivités cumulées en l’an 2000, elles sont aujourd’hui de l’ordre de 1 000 Ci par habitant. Elles tombent, dans le cadre actuel du retraitement (et donc en enlevant le plutonium et divers corps volatils et tritiés), pour les déchets à traiter, d’un facteur de l’ordre de 1 000 en 1 000 ans. La référence [1] montre que des techniques dont la faisabilité scientifique est prouvée permettraient d’envisager une diminution d’un facteur de l’ordre de 10 000 (donc moins d’un curie par habitant) en environ 300 ans, ou du moins en quelques siècles pour les corps concernés par le stockage et donne les repères de radioactivité naturelle concernés. 3.2. Les déchets radioactifs sous leur forme à manipuler et à traiter (sources secondaires) Tous les processus industriels mettant en œuvre des corps radioactifs vont ainsi diluer les corps primaires cités ci-dessus (ainsi que produire de grands volumes d’autres substances, qui ne changeront pas les ordres de grandeurs des radioactivités à traiter), auxquels il faut ajouter la liste des corps de moindre radioactivité cités au § 3.1. Finalement, suivant leur potentiel de nuisance, on les classe en France en trois catégories. 3.2.1. Déchets de faible et moyenne radioactivité par unité de volume et demi-vie courte, dits déchets A Cumulés jusqu’à l’an 2000 (année partout incluse), ils contiennent 0,02 % de la radioactivité artificielle totale du pays, dans un volume de 640 000 m3 . Ces déchets sont actuellement stockés au centre de l’Aube, qui fonctionne d’une manière excellente, après qu’on eut rempli le centre de la Manche (voir la référence [1] pour un avis sur son fonctionnement).
Ces déchets A constituent 94,3 % du volume des déchets, pour une radioactivité de 1,3 millions de curies. Il faut y ajouter les déchets de très faible radioactivité (TFA), qui posent des problèmes spécifiques, les déchets tritiés, pour lesquels les problèmes scientifiques et techniques sont résolus, les graphites irradiés de la filière graphite–gaz (et tous les éléments qui les accompagnaient), les résidus miniers qui sont, à la connaissance de l’auteur, déjà traités, les déchets radifères, etc., sans effets biologiques connus. 3.2.2. Les déchets de faible et moyenne radioactivité par unité de volume et demi-vie longue, dits déchets B Cumulés jusqu’à l’an 2000, leur volume est de 37 200 m3 (5,48 % du volume total des déchets) et 3 % de la radioactivité totale (89 millions de curies). 3.2.3. Déchets de haute radioactivité, dits déchets C Vitrifiés dans la mesure du possible, leur volume cumulé en l’an 2000 était de 1 500 m3 , soit 0,22 % du volume total et 97 % de la radioactivité (2,9 milliards de curies). Voir [1] pour les hypothèses de base. La grande différence entre la radioactivité des corps primaires et des corps secondaires tient au plutonium 241, qui a décrû, aux rejets, lors du retraitement, de corps volatils dans l’atmosphère ou d’eau tritiée en mer, etc. 3.3. Voies de traitement de ces déchets 3.3.1. L’entreposage L’entreposage est presque toujours nécessaire, pour une durée plus ou moins longue, afin de rendre compatibles les divers moments d’arrivée des déchets, la mise au point de leurs conteneurs (avec leur contrôle, leur remplissage, leur fermeture et sa vérification, les traitements différents de tous ces « colis » de familles de déchets), les durées de refroidissement de tant de corps différents (les tables de radionucléides des déchets mettent en œuvre plus de 140 corps, dont seulement certains d’entre eux sont ou seront séparés), les délais d’attente pour les conditionnements divers, pour la transmutation–fission de certains déchets (précédés de la fabrication de « cibles » contenant les corps à irradier) dans peut-être plusieurs réacteurs nouveaux, dont on peut compter la mise au point industrielle et l’exploitation fiable en décennies, l’extraction des restes des corps irradiés et le nouveau destin de certains de ces corps, souvent très radioactifs, pour lesquels on doit recommencer la liste d’opérations citée ci-dessus pour en détruire une fraction significative. Cet entreposage est aujourd’hui, pour certaines catégories de déchets, une réalité qui fonctionne à
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l’échelle industrielle et ne pose pas de problème actuellement, que ce soit dans des centres nucléaires, dans les piscines des centres et des usines, dans des puits d’usine où on superpose des déchets vitrifiés, des silos, etc. ; des entreposages anciens sont en cours de reprise pour les moderniser. Ces entreposages de flexibilité pourraient durer de quelques années à des décennies. On parle aussi d’entreposage de longue durée et certains auteurs parlent de siècle ! (au singulier et au pluriel ! voir [1]). Cela me rend perplexe, quand je considère l’histoire du dernier et des trois derniers siècles, ainsi que la liste d’aujourd’hui des problèmes redoutables (non pas par manque de contribution des connaissances scientifiques, mais pour des raisons extérieures à la science, que l’on entrevoit déjà pour le siècle qui commence). Cet entreposage permettrait de diminuer la puissance thermique de certains corps très radioactifs et de les rendre ainsi aptes à un éventuel stockage souterrain, et d’adapter entre elles – insistons sur ce point – des opérations aux dates et aux durées très diverses, (voire inconnues pendant longtemps), dont fait partie la mise en œuvre d’un éventuel stockage souterrain. 3.3.2. Séparation chimique et physico-chimique La séparation chimique (voir le récent rapport RST 4 de l’Académie des sciences [2]) et physicochimique des corps ou groupements de corps que l’on veut traiter différemment (actuellement, on sépare le plutonium de l’uranium et des produits de fission– actinides dits mineurs et aussi de certains matériaux de structure) est la base du système nucléaire français et apparaît aujourd’hui comme une nécessité pour régler le problème des déchets nucléaires existant en France. On en verra les raisons plus loin (les corps volatils sont rejetés dans l’atmosphère, et certains corps à dilution isotopique jugée insensible sont rejetés dans la mer). C’est ce qu’on appelle le retraitement (effectué à l’usine de La Hague pour la France) ; c’est une réalité industrielle, de la meilleure qualité technique mondiale. On pourrait séparer chimiquement d’autres corps, jugés gênants pour un stockage. La faisabilité scientifique de ces séparations est aujourd’hui démontrée et pourrait être effectuée, en particulier à partir d’adjonctions au procédé dit « Purex » de La Hague (d’autres procédés, et notamment ceux dits pyrotechniques, ont également été étudiés et apportent des possibilités nouvelles). Que ferait-on de ces corps ainsi séparés ? On parle alors de conditionnement, par exemple la vitrification (ou l’inclusion dans des « matrices » de corps stables à l’échelle géologique ; cf. les apatites, qui ont été citées – pour l’iode, le césium, les actinides –, puis la zirconolite (pour certains lanthanides, actinides etc.), la hollandite (pour le césium), etc., de
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certains oxydes, etc.), ou de transmutation de PF, de fission des actinides, etc. Il me paraît nécessaire de souligner que l’ensemble des nouvelles séparations chimiques, des conditionnements, des fabrications (avec des matériaux radioactifs à incorporer) des cibles ou des éléments combustibles, le transport de tous ces objets radioactifs d’une installation à l’autre, les entrées et sorties des cibles constituées des corps radioactifs dans les nouveaux concepts de réacteurs (dont la faisabilité reste à prouver ; les problèmes resteront à explorer au fur et à mesure de leur exploitation sur de longues durées, le passé est là pour nous le rappeler), leur sortie de réacteur et l’extraction de ce qui reste des corps initiaux, ainsi que des corps radioactifs nouveaux formés dans les réacteurs, leur entreposage, leur recyclage éventuel et, bien sûr, de nouveaux transports entre tant d’installations, tout cela constitue un très vaste système, qui doit éviter les norias regrettables de tant de corps très radioactifs (comme certains actinides) entre tant d’installations, elles aussi radioactives et donc fortement automatisées, tout cela ne constitue-t-il pas un système compliqué ? Ce système ne devrait-il pas être situé dans un seul « parc nucléaire » intégré, aussi proche que possible de la source première des corps radioactifs, c’est-à-dire de l’usine de retraitement ? Cela serait d’autant plus nécessaire que tous ces procédés de séparation chimique et physico-chimique subiront des pertes qui peuvent induire des conséquences inacceptables. Chiffrer les pertes maximales acceptables et les comparer aux performances réelles de ces procédés de séparation, transmutation, fission, séparation nouvelle, refabrication, etc. est une tâche essentielle. C’est donc ce très vaste système, mettant en œuvre des corps et des installations de constantes de temps souvent très différentes, sa cohérence, son intégration, ses « entreposages tampons » et tous les transports à l’intérieur de ce parc nucléaire et vers (et aussi, depuis) les installations extérieures (usine MELOX ?, centrales nucléaires ?, laboratoires chauds spécialement équipés ?, entreposages « régionaux » ?, etc.) qu’il faut étudier pour établir sa faisabilité scientifique dans un premier temps. Tout l’aspect « système » reste à faire, à ma connaissance, en y incluant l’aspect « pertes », tant pour toutes les installations citées que pour les réacteurs de transmutation–fission, qui ne transformeront jamais 100 % des corps (et certainement pas en un seul passage en réacteur) et qui, de toutes façons, créeront des corps radioactifs parasites, pas souhaités mais inévitables, comme dans tous les réacteurs nucléaires. J’ai cru nécessaire de citer ces travaux à faire (la liste ci-dessus n’est pas exhaustive) et ce système à créer ; n’oublions pas toutefois qu’ils porteront sur un petit nombre de corps, par exemple (en un premier temps ?) 99 Tc, 129I, 241 Am, 243 Am, 237 Np, Cm (que
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ferons-nous des Cm ?), etc. Et, bien entendu, à cette lointaine échéance que nous serions bien imprudents de prédire, une réflexion nouvelle sur le cycle du plutonium, sur son utilisation et sur le stockage des déchets ultimes qu’elle génère, serait à refaire. C’est d’ailleurs l’occasion de souligner que, si ce programme semble vaste, il a déjà été réalisé avec succès, jusqu’à maintenant, dans le cadre plus simple d’un seul corps, le plutonium, et pour un seul passage en réacteur, pour des éléments combustibles MOX (mais faudra-t-il aller au-delà pour les MOX, à cause de facteurs liés à leur refroidissement en entreposage et à leur stockage éventuel ?). De plus, je ne peux que souligner la nécessité d’établir dès que possible, et en interaction avec l’étude de système, un bilan sanitaire de tous ces projets d’opérations sur des corps radioactifs. 3.3.3. Stockage des déchets B et C Enfin, il faudra stocker d’une manière expérimentale, donc, étape par étape, avec des possibilités d’expériences particulières, d’observations, de corrections d’erreurs et d’effets inattendus, les déchets B et C. On observera que, pendant le stockage laissé ouvert et donc accessible aux expérimentateurs concernés (appelé aujourd’hui réversible), à l’exploitation, à la maintenance et aux modifications qui se révèleraient nécessaires, la sûreté, la sécurité, la radioprotection des travailleurs et des populations, la contamination des terrains et des lieux (cf. ventilation, humidité) reposent essentiellement sur les « conteneurs » renfermant les produits radioactifs (on retrouve là le problème des matériaux du nucléaire, traité par un récent rapport RST 5 – et aussi RST 4 – de l’Académie [2, 3]). Il y aura de nombreux types de conteneurs, adaptés à la famille de déchets considérée, ceux-ci contenus dans plus d’une centaine de milliers de « colis ». La mise au point de ces différents types de conteneurs est loin d’être achevée en France, même si des « containers » (pour reprendre ici la définition du dernier dictionnaire Robert) ont été fabriqués et utilisés pour d’autres objectifs, ce qui souligne l’ambiguïté de ce mot, si on ne l’accompagne pas de son objectif détaillé, c’est-à-dire de son cahier des charges (pour certains, tout baril s’appelle un conteneur). Ces conteneurs pourraient devoir jouer un rôle encore plus important dans le futur, pour éviter la sortie du stockage géologique de certains corps radioactifs dont on veut diminuer la migration autant que faire se peut, ainsi que pour la manipulation des « colis » de déchets pour les corrections qui se révèleraient nécessaires. Le conteneur est une barrière de plus, mais une barrière particulièrement importante (c’est ici l’occasion de rappeler que la technique française de vitrification
– autre barrière – des déchets, est reconnue internationalement comme la meilleure du monde). Pour revenir aux différents types de conteneurs, où en sont leurs spécifications, leur planning, leur liste, leurs cahiers des charges, leurs prototypes, la méthode de vérification expérimentale sur ces prototypes, la méthode de contrôle du respect du cahier des charges, etc. ? Quant aux conteneurs des éléments UOX irradiés, ils posent des problèmes, qui ont été résolus dans d’autres pays (je n’ai pas vu d’élément suffisant pour être aussi positif sur les MOX, à ce stade final de leur vie). Ces solutions sontelles valables dans le cadre géologique, chimique, géographique, agricole, etc. français ? Ces conteneurs sont entourés de matériaux jouant un rôle supplémentaire de « barrière » (dite « ouvragée ») dans le confinement des corps radioactifs, dont la nature peut être des argiles particulières, des bétons, des mélanges spécialement conçus pour cette fonction d’absorption, d’étanchéité, d’isolement et qui contribueraient à maintenir le cadre chimique désiré. Des schémas de stockage dans l’argile sont étudiés [1] : les emprises au sol, souterrain, seraient de l’ordre de 800 à 1 600 ha, et beaucoup plus faibles à la surface du sol. Les volumes excavés sont à prendre en compte très soigneusement. Que va-t-on en faire ? (voir [1]). Les dégagements de chaleur moyens seraient de l’ordre du W·m−2 (ou moins suivant la densité du nombre de colis par hectare), soit plus que le dégagement naturel du sol (0,08 W·m−2 , dû à la radioactivité de la croûte terrestre et de son « manteau ») ; toutefois, en quelques siècles, il tombera à un niveau négligeable par rapport à cette radioactivité naturelle [1]. De plus, le champ local total de dégagement de chaleur radioactive d’origine humaine du site envisagé en France serait de l’ordre de 5 millions de watts, qui chuteront en quelques siècles de plusieurs décades (de 1 000 à 10 000 fois, suivant les procédés de séparation et de transmutation retenus). Cela serait à comparer au dégagement radioactif de la croûte terrestre, qui serait de l’ordre de 0,8·1013 W, et celui du manteau, de 2,4·1013 W [1]. Rappelons au lecteur que le rayonnement solaire moyen au niveau de l’atmosphère est de l’ordre de 340 W·m−2 , la puissance solaire absorbée, soit 240 W·m−2 , étant ré-émise vers l’espace dans le domaine infrarouge. Plusieurs critères d’évaluation de la nuisance de chacun des isotopes des corps contenus dans les divers déchets radioactifs sont couramment utilisés par les divers intervenants. 3.3.3.1. Ne pas perturber trop longtemps la radioactivité de la Terre Un critère lié à une telle nécessité serait de reve-
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nir le plus vite possible à la radioactivité naturelle du minerai in situ, dont on était parti dans un autre lieu. Pour cela, il faut en premier lieu ôter de ces déchets le plutonium, avec une perte de 0,12 % aujourd’hui qui reste avec les PF et les actinides mineurs (avec ses divers isotopes dont le plus important est l’isotope 239 – demi-vie : 24 100 ans – ; l’isotope 240 joue aussi un rôle – demi-vie : 6 560 ans – et l’isotope 241, le plus virulent au début, parce qu’il a une demi-vie courte (14,4 ans) va donner l’américium 241, également fort longtemps nocif, lui aussi, avec sa demi-vie de 433 ans). Il n’empêche que cette très faible perte de 0,12 % des plutoniums 239 et 240, notamment, laissée dans les autres déchets après retraitement, devient la plus forte contribution des actinides à la radioactivité, après la décroissance des américiums 241 et 243. Il faudrait attendre plus de quelque 100 000 ans pour que le neptunium 237 prenne le relais de la plus haute radioactivité parmi les actinides. Citons aussi l’américium 243 (7 370 ans) et une interrogation sur l’utilité de traiter le neptunium 237 (demi-vie : 2,1 Ma), dont la radioactivité est relativement faible pendant longtemps, mais devient relativement importante à très long terme. Si, de plus, on enfouit directement les UOX non retraités (sans compter les MOX), on multiplie par un facteur de l’ordre de 1 000 le plutonium enfoui dans un éventuel stockage cité ci-dessus. On créerait ainsi une « mine artificielle » de plutonium, avec des teneurs de l’ordre du pour-cent pour ce qui est des UOX. Son approche est évidemment défendu par son rayonnement. Toutefois, celui-ci tombera à l’ordre de quelques centaines de curies (ce qui est moindre que certaines sources de cobalt 60 pour radiothérapie dans un hôpital) par assemblage de UOX entre 1 000 et 10 000 ans (ajoutons que le XXe siècle n’a pas manqué de dictateurs et de régimes pour sacrifier ceux qu’ils avaient réduits en esclavage à des travaux rapidement mortels pour ces esclaves). Est-ce cet enfouissement que vont faire tous les pays qui ont décidé de pratiquer le stockage direct de l’UOX, c’està-dire l’absence de retraitement, afin d’éviter de disposer de plutonium séparé ? Toutefois, si, comme en France, on synthétise des MOX avec ce plutonium séparé – d’ailleurs jamais séparé sous forme métallique, la seule qui soit utile pour les armes nucléaires, mais toujours sous forme de composé chimique –, l’irradiation le rend, à ma connaissance, totalement impropre à l’usage militaire (voir § 8 ci-après pour une preuve particulièrement reconnue). Une autre voie consiste à fissionner ce plutonium comme indiqué plus loin, au § 4. Le plus grand pays producteur du monde de ces UOX à stocker directement (et aussi le plus compétent dans le domaine des armes nucléaires) écrit, de plus, que ce plutonium contenu dans les UOX convient pour fabriquer des armes nucléaires et a élaboré une
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doctrine pour justifier sa volonté de ne pas retraiter. Ajoutons que les deux tiers du flux mondial de combustibles irradiés seraient destinés par leurs gouvernements à ce stockage direct. L’auteur de ces lignes, constatant ces incohérences, ne comprend pas. Donnons un ordre de grandeur de la quantité de plutonium existant aujourd’hui dans les combustibles usés de toute la planète, entreposés en attente de leur enfouissement, dans tous les pays qui ont choisi le stockage direct. Si tout le plutonium que ces éléments combustibles contiennent était séparé chimiquement (c’est ce qu’on sait faire industriellement à l’usine de retraitement de La Hague) et fissionné dans des réacteurs nucléaires, ainsi que l’uranium 238 transformé en plutonium 239, l’énergie que l’on tirerait de ce plutonium serait supérieure à celle que l’on va tirer dans le futur (c’est-à-dire à partir d’aujourd’hui) de toutes les réserves de pétrole et de gaz additionnées, reconnues sur toute la planète Terre, jusqu’à leur épuisement. Parmi les produits de fission, il faudrait déjà ôter le technétium (demi-vie : 213 000 ans), premier obstacle au retour à la radioactivité naturelle de départ. On peut, avec ce qui reste, qui est de loin le plus radioactif (à cause du 137 Cs et du 90 Sr), le plus pesant et le plus volumineux des déchets C retraités, revenir à la radioactivité naturelle de départ en un temps de l’ordre de quelques siècles ; une durée de 300 ans constitue un minimum, qui semble plausible sur les courbes de décroissance des PF ; peut-il réellement être atteint [1] ? 3.3.3.2. Minimiser la radio-toxicité des déchets due à l’ingestion et à l’inhalation Un autre critère d’évaluation est lié à la minimisation de la radio-toxicité de l’ensemble des déchets, due à l’ingestion et à l’inhalation. Ceci est expliqué dans [1]. Une liste très fournie de ces radio-toxicités par isotope d’élément est donnée dans la même référence. La radio-toxicité des actinides étant de l’ordre de 103 à 104 , celle des PF et des produits d’activation (en sievert par Becquerel – voir la définition du sievert dans [1]), cela conduit à ôter des déchets à stocker (en priorité et malgré leur bien plus faible masse relative) les actinides dits mineurs, après, bien entendu, et au premier rang d’entre eux, le plutonium, parce que le plus abondant et d’une demi-vie (24 100 ans) qui mène à une nuisance pendant des durées se comptant en millions d’années. Ce critère vise à minimiser les nuisances en cas de contact des humains avec ces déchets (par intrusion humaine, par exemple, volontaire ou non ?) et plus généralement avec tout élément de la biosphère. 3.3.3.3. Migration de radionucléides vers la surface de la Terre Un critère souvent cité concerne la migration de
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certains radio-nucléides (les plus mobiles et les plus toxiques à la fois) vers la surface de la Terre, notamment les rivières, l’agriculture utilisant ces eaux et donc l’alimentation humaine. On évalue alors la « dose » (voir [1]) absorbée par tel individu buvant et mangeant exclusivement ces produits toute sa vie. Après des calculs, fort dépendants des hypothèses (bien incertaines) des durées d’apparition de ces effets (sans danger, d’après les calculs), ce type de critère désigne à la surface de la Terre, pour des échelles de temps de l’ordre de 105 à 106 ans (et même plus) et par ordre de nuisance décroissante : l’iode 129 (demivie : 15,7 Ma), le chlore 36 (demi-vie : 301 000 ans, issu d’impureté transmutée), le palladium 107 (demivie : 6,5 Ma), l’étain 126 (demi-vie : 100 000 ans), le sélénium 79 (demi-vie : 1,1 Ma), le zirconium 93 (demi-vie : 1 530 000 ans), etc. et, beaucoup plus tard, les descendants naturels des actinides naturels (les calculs citent 106 à 107 ans, mais avec quelle validité ?). Tout cela désigne en premier lieu, et sans ambiguïté, l’iode 129 (en fait, le produit de fission immédiat est l’antimoine 129, demi-vie : 4,6 h, qui ne conduit à 129I qu’après deux ou trois désintégrations : il y a un branchement à partir de l’antimoine qui explique ces deux possibilités en passant par un 129 Te ou un 129 Te excité, qui se désexcite vers le 129 Te, de courte demi-vie, lui aussi). Pourtant, dans ces calculs, la source de cet iode 129 dans le stockage représente moins du centième de l’iode 129 extrait au retraitement des produits de fission, le reste, soit plus de 99 %, allant après retraitement dans l’atmosphère (c’est un produit volatil) et dans la mer, où son mélange avec l’iode naturel (127 I) le dilue rapidement. Cela illustre le fait qu’une faible perte (ici, moins de 1 %) dans un processus (ici, le retraitement) devient la nuisance majeure dans une étape suivante. Les temps d’arrivée en surface de ces corps les plus mobiles venant du stockage nous disent aussi que la traversée de la couche géologique protectrice en argile (par diffusion moléculaire) se fait déjà en moins de 100 000 ans pour certains corps les plus mobiles (50 000 ans, me disent certains spécialistes pour la seule diffusion moléculaire, dont on considère qu’elle est à l’origine du transport le plus rapide, pour certains corps, avec les connaissances d’aujourd’hui pour ce qui concerne l’argile étudiée dans le laboratoire souterrain). Attendons toutefois les résultats des études expérimentales in situ pour disposer de résultats expérimentaux valables. La liste de ces corps et de leur mobilité, suivant le cadre chimique, est donnée dans [1]. Respecter ces trois critères à la fois est scientifiquement et techniquement possible. Mais forment-ils un ensemble « complet » de critères capables de protéger les populations, les aquifères concernés, leurs ri-
vières liées à ces aquifères, leurs sous-sols également concernés, leurs futurs ? Le troisième critère n’est-il pas simplement un effet de la dilution des déchets « mobiles » sur un territoire de plus en en plus vaste et un temps de plus en plus long, par le biais des aquifères, des rivières qu’ils alimentent, des sous-sols et sols adjacents ou connectés, en direction de l’ouest (l’auteur n’a pas les compétences hydrogéologiques pour être précis ou affirmatif), en des temps (comptés après leur sortie de la couche d’argile protectrice) de l’ordre de quelques 104 à 105 ans, après avoir laissé des corps absorbés, notamment radioactifs, sur toute la partie du territoire concernée par ces migrations (il faut évidemment préciser cela et au cours du temps) ? Jusqu’où, en fonction du temps ? Quelles sont les profondeurs concernées et les exutoires ? Tout cela relève des géologues compétents. Ces trois critères ne sont-ils pas, avant tout, une hiérarchisation des radionucléides concernés, ce qui est tout à fait nécessaire et même précieux, mais est-ce suffisant ? Soulignons toutefois le rôle protecteur du 3e critère en ce qui concerne les personnes. On voit là qu’avoir un bon critère visant à protéger toutes les populations et travailleurs concernés, leur mode de vie et leur environnement est un point essentiel du stockage des déchets. On en déduit notamment le cahier des charges du stockage et donc le concept du stockage (c’est-à-dire, en particulier, la source radioactive détaillée que l’on a le droit d’introduire ainsi que toutes les protections et les équipements nécessaires, les moyens de contrôler expérimentalement que le fonctionnement du stockage reste dans les limites fixées par le cahier des charges et les moyens d’action efficaces, si ce n’est pas le cas). Cela agit directement sur ce qu’il faudrait séparer, conditionner–transmuter–fissionner, et aussi entreposer. Tous ces corps, introduits dans la couche géologique d’accueil, vont constituer une puissante perturbation mécanique, chimique, thermique, hydraulique source de gaz, etc., sans oublier les radiations. Une proposition de l’auteur de ces lignes pour avoir aussi une tentative, une première itération d’esquisse de critère général de protection et de confiance du public, protégeant tout ce qui est cité au début de l’alinéa précédent (aquifères, sous-sols connectés, rivières, biosphère concernée et particulièrement l’espèce humaine et ses activités, etc.), avait été préparée pour la réunion du 23 avril, dont le présent numéro thématique des Comptes rendus de l’Académie des sciences est le reflet. Il n’a pas pu être présenté, faute de temps. Le lecteur intéressé le trouvera dans [1]. De toutes façons, la vérification du respect de ce critère, pour avoir un sens, ne pourra être qu’expérimentale (avec aussi l’aide des observations sur le passé, mais ce passé ne sera peut-être pas complètement suffisant
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et pertinent pour tous les corps mobiles radioactifs issus du stockage), avec une possibilité d’action sur la source si nécessaire. Il faudrait, de plus, ajouter à la liste des corps à nuisances, dont les trois critères développés ci-avant (§ 3.3.3.1, 3.3.3.2, 3.3.3.3) rendaient compte : – les corps à forte puissance thermique, nécessitant donc un entreposage pour refroidissement (il y a en effet des limites strictes de température à ne pas dépasser en divers endroits des objets stockés et de leur environnement) – cela sera t-il trop long pour que cela ait un sens à l’aune de l’histoire humaine, en particulier pour les MOX ? – ; – les corps volatils, rejetés pendant le retraitement. L’auteur a eu connaissance, par des rapports scientifiques internationaux, des mesures de radioactivité de ces derniers corps, de leur trajet dans la Manche et la mer du Nord, puis jusqu’à la mer de Barents, de leur dilution, de plus en plus sensible, ainsi que du calendrier de ces déplacements, dus aux courants. Les rapports montrent, grâce à l’utilisation de traceurs, que la radioactivité en question reste toujours très inférieure à la radioactivité naturelle de l’eau de mer : la dilution dans la mer de l’iode 129 (se désintégrant en xénon 129, qui est un élément naturel), de l’eau tritiée (à la dilution isotopique s’ajoute la faible demi-vie de l’hydrogène 3, soit 12,3 années, donnant l’hélium 3, élément naturel) et le ruthénium 106 (demi-vie : 1,02, ans donnant le palladium 106, élément naturel). Il faut ajouter le rejet dans l’atmosphère du krypton 85 (demi-vie : 10,7 ans, donnant le rubidium 85, élément naturel (voir [1]). Une étude allemande, réalisée pour le projet d’usine de Wackersdorf [1], qui n’était pas située le long de la mer, avait développé les moyens scientifiques et techniques permettant de diminuer considérablement ces rejets, qui ainsi changeaient de nom et devenaient des déchets, qu’il fallait traiter comme on l’a exposé dans le présent texte. Mais on a vu ci-dessus que le destin des déchets stockés serait aussi, pour ceux qui migrent, la dilution dans l’espace et dans le temps. On retrouve ici, une fois de plus, la dualité dilution– concentration (chacune plus ou moins partielle) et réciproquement, comme dans les activités humaines, telle qu’elle est aussi présente dans la nature. Finalement, les trois premiers critères cités cidessus aboutissent, pour les hypothèses actuelles, à une hiérarchisation de la nocivité des déchets (tenant compte de leur demi-vie, de leur abondance, de leur mobilité, de leur radiotoxicité, de leur toxicité chimique) et de la facilité ou non de s’en débarrasser. Cela figure dans le tableau, issu des études d’un groupe de travail rassemblant les acteurs concernés du nucléaire (qu’ils tiennent à jour d’une manière rigoureuse).
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Il faut ajouter à toutes ces considérations sur les déchets radioactifs et leur stockage que le laboratoire souterrain actuellement étudié ne semble pas avoir à redouter de problèmes de sismicité, de créations de failles ou de mouvements tectoniques, ou encore les conséquences de ceux-ci ; mais pour quelle durée ces prévisions sont-elles valables ? Pour 10 000 ans, certainement. Pour un ou quelques millions d’années, aussi, me dit un géologue très expérimenté (ce n’est pas moi qui pourrais trancher). Il ne semble pas non plus devoir craindre de quelconques influences fâcheuses des variations climatiques pour les échelles de temps considérées, qui soient dues aux charges de glace au nord des zones considérées et aux changements de niveau de la mer, et donc les variations ainsi engendrées sur les équilibres de la croûte terrestre, qui sont jugées faibles dans la zone du laboratoire souterrain étudié par les géologues concernés. Mais je laisserai cet examen aux géologues compétents.
4. L’accumulation actuelle du plutonium J’ai déjà dit qu’à long terme, la fission et la surgénération du plutonium (et aussi du thorium transmuté en uranium 233, mais là, presque tout reste à faire – ajoutons que cela ne peut, à notre connaissance, fonctionner qu’avec une séparation chimique, sous un aspect ou un autre –) est une des solutions offrant des ressources d’énergie pour de très nombreux siècles, dont la faisabilité scientifique, technique et industrielle est prouvée dès aujourd’hui. Le cas de la fusion thermonucléaire est examiné en [1]. Pour ces périodes lointaines, toutes les prévisions sont aléatoires, et je m’arrêterai là sur ce sujet. En attendant l’arrêt de tout réacteur à neutrons rapides en France (en revanche, ces équipements sont arrêtés aux États-Unis et au Royaume-Uni pour des raisons économiques, mais maintenus, à ma connaissance, en bon état dans un premier temps, afin de pouvoir être réutilisés si nécessaire, pour tel usage ou pour tel autre, avant de voir, dans un second temps, leur sodium détruit, comme cela a été le cas, par exemple, pour le RNR de Dounreay, selon un procédé français), le Japon, la Russie, l’Inde, la Chine continuent cette activité de RNR, tandis que le flux de plutonium produit par le parc nucléaire français est privé de son « débouché » projeté, visant le long terme. L’arrêt des RNR chez eux ne gêne pas les États-Unis, qui ne retraitent pas. Mais n’est-ce pas une civilisation assise sur l’abondance, qui peut jeter ce qu’elle n’a utilisé qu’une seule fois ?
R. Dautray / C. R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la Terre et des planètes / Earth and Planetary Sciences 333 (2001) 811–826 Tableau. Classement hiérarchique des radionucléides : – par nuisance (intérêt de les détruire) ; – par faisabilité de séparation et de conditionnement dans le cas actuel du retraitement à La Hague. Table. Hierarchical classification of radionucleides: – according to their nuisance (interest of their destruction); – according to the feasibility of their separation and packaging in the present case of the retreatment at La Hague.
4.1. Utilisation transitoire de ce plutonium L’utilisation transitoire de ce plutonium (préalablement extrait des éléments combustibles irradiés des REP, puis mis par la Belgique sous forme d’éléments combustibles dits MOX), qui est pratiquée dans ce pays, mais aussi en Allemagne, en France et au Japon, a été étudiée. La faisabilité scientifique, technique et industrielle, la sûreté en ont été démontrées. En France, on irradie ainsi annuellement environ 8 t de plutonium produit sur 12 t. Aucune raison scientifique, technique, industrielle, économique ne s’oppose, à la connaissance de l’auteur, à ce que le nombre des réacteurs « autorisés » à brûler du MOX (une vingtaine de réacteurs ont été autorisés à ce jour à accueillir des MOX, ce qui produit environ le dixième de l’électricité nucléaire) soit augmenté, afin de brûler tout le plutonium produit annuellement. On verra en [1] les possibilités quant à l’emploi de ces MOX irradiés. Elles dépendent, en effet, après un très long refroidissement – dû, après la décroissance du curium 244 (demi-vie : 18 ans), à celle du plutonium 238 (demi-vie : 88 ans ; c’est cette demie-vie qui commande le rythme de décroissance thermique pendant la période de temps qui nous intéresse), et, après la rapide décroissance du plutonium 241 (demivie : 14 ans) en américium 241 (demi-vie : 433 ans), à la décroissance plus lente de celui-ci, qui prendra le relais de celle du plutonium 238 – du critère général d’acceptation de tel ou tel corps dans un stockage, sans oublier les études de criticité (en entreposage et stockage). Tout cela souligne, une fois de plus,
la nécessité d’étudier dans son ensemble le système détaillé au § 3.3.2, en y incluant le plutonium et les actinides issus de l’irradiation des MOX, suivant les différentes hypothèses que l’on peut faire quant à leur traitement. La durée nécessaire est-elle humainement réalisable ? Ainsi, pour descendre en dessous de 1 kW par assemblage, alors qu’il suffit de peu d’années pour l’UOX, il faut de 80 à 100 ans pour le MOX. Toutefois, c’est la température maximale admissible qui commande. Insistons sur le calendrier. L’intérêt primordial actuel des MOX, et ce pour encore de nombreuses années, n’est pas incompatible, du seul point de vue des prochaines décennies, avec ce qui a été dit plus haut sur la fission–transmutation. Celle-ci est jugée par l’auteur comme un projet à très long terme, où il faudra passer, outre la faisabilité scientifique, par de nombreux travaux techniques, des unités pilotes, des démonstrations de faisabilité des réacteurs de taille croissante, servant à expérimenter la réalité du « brûlage » des déchets, leurs essais, puis leur exploitation durant au moins une décennie pour en repérer les problèmes (dont la fabrication des cibles, leur irradiation, leur sûreté, la séparation chimique des corps restant et leur préparation éventuelle pour un nouveau recyclage, etc.), la réalisation progressive d’un grand nombre, peut-être, de ces réacteurs connectés aux sources des déchets, etc., bref, en d’autres termes, un système scientifique, technique et industriel complet à édifier, à démarrer, à contrôler, etc., intégré, comme je l’ai dit plus haut, dans un véritable parc nucléaire, si le pays en décidait ainsi (bilan sanitaire ?).
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Toutefois, le devenir ultime des MOX irradiés (une ou plusieurs fois) a plusieurs solutions qu’il faudrait examiner, compte tenu du critère général de protection et de confiance (en y incluant, en milieu oxydant humide, la solubilité éventuelle et donc la migration éventuelle de tel oxyde particulier du Pu, si elle est confirmée). Celui-ci pourrait entraîner, tôt ou tard, la fission de tout le plutonium produit dans les REP, ainsi que de tous les actinides. 4.2. Regarder l’électronucléaire en face Si c’est véritablement le cas, ne vaut-il pas mieux regarder l’électronucléaire en face, dans son ensemble et dans le temps, de la naissance des éléments combustibles à leur fin, et donc l’aval du cycle jusqu’à la désintégration de chaque isotope des PF jusqu’à un corps stable, à échéance acceptable. Si ce n’est pas le cas, et donc pour les corps à vie longue, il faut mener une action particulière, adaptée à la spécificité de chacun de ces corps (il en va de même pour certains produits d’activation). Peut-on avoir une vue d’ensemble positive, dès maintenant, du plutonium et des actinides, c’est-àdire les considérer comme des gisements d’énergie ? Si on les fissionne dans tel ou tel réacteur à neutrons thermiques (les réacteurs surmodérés, par exemple), les captures de neutrons, plus abondantes que dans les RNR, conduiront, directement ou indirectement (par désintégration bêta par exemple) à des actinides à seuil de fission, nécessitant donc des neutrons rapides pour être fissionnés. Que l’on veuille traiter le plutonium des MOX ou le plutonium des UOX, on ne peut donc pas se passer de neutrons rapides (que nous appellerons RNR) dans un pays de géologie, de géographie, de répartition des populations et de leurs activités comme la France pour brûler le plutonium (avec tous ses descendants), les autres actinides et leurs isotopes supérieurs que les captures de neutrons, même diminuées, ne manqueront pas de créer. Ces réacteurs ayant des flux élevés de neutrons rapides pourront-ils bénéficier de l’expérience considérable du passé, tant du point de vue de l’exploitation que de ceux de la maintenance, de la détection des incidents et des réparations nécessaires, des irradiations de produits de corrosion ou des impuretés et des contaminations ainsi entraînées, des manutentions d’autant de cibles et d’éléments combustibles irradiants et éventuellement contaminés, etc. ? Cela impliquera un examen approfondi de la radioprotection. Il faut y ajouter tous les aspects de sûreté liés aux fractions de neutrons retardés, relativement très faibles, et aux coefficients de réactivité insuffisants, voire positifs. Ainsi que je l’ai déjà dit, l’inventaire complet, l’entreposage, les transports, les purifications et leurs
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pertes, les fabrications et leurs pertes, les criticités éventuelles de tous ces corps irradiants (y compris l’émission de neutrons) à forte puissance thermique pendant plusieurs demi-vies de ces isotopes parmi les plus abondants et les plus créateurs de puissance (citons 0,57 W·g−1 pour le plutonium 238, à associer à un pourcentage isotopique dans le plutonium de 4,38, correspondant à 45 GW·j·t−1 , alors que tous les autres plutoniums se situent à un niveau de l’ordre du millième de W·g−1 ) créeront des contraintes qu’il faut approfondir. En un mot, les faits cités ci-dessus, dans cet examen du plutonium, gisement d’énergie ou déchet, nous montrent que nous ne pouvons pas nous passer d’un plan du plutonium et de ses descendants. 4.3. Réacteurs innovants Tant pour éliminer du plutonium accumulé et/ou les actinides mineurs et/ou les produits de fission à vie longue, etc., que pour produire de l’énergie nucléaire avec moins de déchets, utiliser le thorium ou encore pour mieux s’opposer à la prolifération, augmenter qualitativement la sûreté nucléaire, produire de l’hydrogène dans les meilleures conditions de son utilisation ultérieure, etc., on voit des projets de réacteurs dits « innovants » se multiplier ; l’auteur est frappé par la diversité, l’ampleur, les potentialités et le grand nombre des concepts et des sous-concepts. En effet, la liste en est très longue déjà en France (voir la référence [1], qui utilise un schéma du CEA partant déjà de quatre grandes familles et de nombreuses sous-familles et en fait une analyse détaillée). Répétons que les innovations en cours d’étude dans le domaine clé des éléments combustibles peuvent aussi grandement contribuer aux progrès des REP. Des exemples de ces potentialités sont la production d’hydrogène, qui, utilisé dans les piles à combustibles, pourrait devenir le combustible de demain, les portables (de toutes tailles), les deux-roues, les véhicules légers comme aussi les transports en commun urbains, les habitations (fournissant électricité, chaleur et climatisation décentralisées, quand c’est nécessaire ou/et utile, etc.). Avec les seules connaissances d’aujourd’hui, on peut affirmer que la relève des combustibles fossiles, pourra, progressivement, se faire avec le couple vraiment apparié nucléaire–hydrogène (pile à combustible). Voici, avec l’électronucléaire étudié dans le présent texte, une voie nouvelle qui s’ouvre. Le rapport de la National Academy Press (National Research Council, 1996) des États-Unis Nuclear Wastes: Technologies for Separations and Transmutation [1] analyse en détail les objectifs des réacteurs qui peuvent contribuer à la transmutation–fission, citant cinq grandes familles, leur état d’avancement et
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l’effort qu’il faudrait faire pour arriver à un résultat. Il recommande la prudence et la poursuite sur une décennie d’actions de recherche et développement à un rythme modeste. Il faut toutefois noter que son contexte est différent du nôtre, puisque, aux ÉtatsUnis, on ne retraite pas et que, parmi les installations à construire, il y aurait une ou des usines de retraitement (les États-Unis ont de l’ordre de deux fois la puissance électronucléaire en fonctionnement de la France). Dans toutes ces familles de réacteurs, les éléments combustibles et les cibles (solides ou liquides) contenant les éléments à transmuter–fissionner seront, à mon avis, un des éléments clés et non pas la base du concept général du réacteur. On a noté une convergence remarquable sur ce sujet (qui donne lieu à de nombreuses expériences) en Europe – l’auteur de ces lignes a aussi entendu citer les exemples des États-Unis et du Japon. À quel stade en sont-ils réellement dans leur marche vers un type de réacteur sous-critique, à neutrons rapides qui serait étayé par de nombreuses études ? Les ÉtatsUnis réalisent des expérimentations. L’auteur est dubitatif quant au fait que l’élimination des déchets, de propriétés très diverses, puisse être expérimentée (tout cela sur le même type de réacteur ?) avec un bon rendement, des pertes moindres que celles nécessaires aux objectifs d’élimination des déchets en vue de leur destination ultime et dans une durée acceptable, ce qui exige un flux neutronique élevé permettant de raccourcir les délais de transmutation, mais aussi favorisant les captures neutroniques aux dépens des désintégrations bêta, dans les cas où c’est utile, et facilitant l’arrivée sur un corps stable (là encore, ce seront les matériaux de ces cibles et des éléments combustibles qui joueront un rôle clé). Compte tenu des taux de transmutation–fission et de la limite de tenue des matériaux concernés, il faudra sans doute sortir les cibles avant qu’elles soient totalement consumées, les trier (séparation) chimiquement, en refabriquer d’autres, contenant également des corps radioactifs déjà irradiés et/ou nouveaux, éliminer éventuellement les corps parasites radioactifs formés par irradiation, etc. Tout cela concerne ceux des pays nucléarisés qui retraitent leur flux de combustible dans la proportion du tiers du flux de combustible irradié : il en résulte que ce projet devrait être international ; c’est le cas en Europe. Résumons les § 3 et 4 qui sont connectés, a minima, par le stockage de leurs déchets ultimes. Un problème réside dans la compatibilité entre une politique scientifique qui vise à séparer tous les PF à vie longue et les actinides, afin de ne pas les enfouir dans un stockage éventuel et simultanément d’enfouir tels quels les éléments UOX et les MOX irradiés (qui contiennent justement ces éléments qu’on voulait
séparer chimiquement pour ne pas les enfouir : au premier rang, le plutonium) dans un même site ? Y a-t-il une solution à cette contradiction ? cela est traité dans [1]. La France possède une part substantielle des bases scientifiques nécessaires à la démonstration expérimentale du traitement des déchets radioactifs et de l’utilisation convenable, transitoire, du plutonium produit par les réacteurs à eau. Leur mise en œuvre va s’étaler sur des décennies, pendant lesquelles beaucoup de choses peuvent changer. L’auteur pense que le choix de telle ou telle solution sera rendu possible par les nombreux degrés de liberté du système scientifique et technique nucléaire en France. Une base de choix supplémentaire entre les solutions déjà énoncées sera, par exemple, la minimisation des risques venant de l’extérieur du système, la simplicité (s’en éloignerait-on plutôt, alors que c’est sa simplicité qui contribuait au succès de l’électronucléaire français ?) et la robustesse (qu’est-ce qui la caractérisera dans les faits ?), tout cela venant évidemment bien après la sûreté et la radioprotection, que nous allons aborder maintenant.
5. La sûreté nucléaire La sûreté nucléaire en France est à considérer ici, dans le cadre des connaissances actuelles, seules retenues pour ce texte, en ce qui concerne la fin du parc nucléaire existant de REP, dont la durée de vie technique est, dans les documents de base dont dispose l’auteur, de 30 ans pour les autorités de sûreté ou de 40 ans selon certains calculs techniques. L’auteur renvoie le lecteur à la référence [1]. Dans certains pays, la prolongation des durées de vie (pour une durée limitée bien déterminée) de certains réacteurs a été étudiée en détail et est acceptée par les autorités de sûreté, moyennant des travaux de rénovation (on parviendrait ainsi jusqu’à 60 ans, pour certains réacteurs, dans des pays fortement industrialisés). Qu’en sera-t-il pour le parc électronucléaire français, dont on a rappelé l’âge moyen plus haut ? L’un des points forts du nucléaire en France est le succès scientifique, technique, industriel, économique et sanitaire de ce parc électronucléaire. C’est le fruit du travail, de la compétence, du dévouement de tous les techniciens français concernés, de leurs méthodes de travail et de leurs organismes, dévoués au bien public, après les années de pénurie que la France a connues pendant la dernière guerre et les années qui ont suivi. Les Français doivent savoir que l’électricien français est le premier électricien du monde, que l’industriel auquel EDF confie la fabrication de ses chaudières nucléaires est aussi le premier du monde, sans omettre les fabricants d’éléments combustibles,
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les fabricants de turboalternateurs et les organismes d’étude. Quand il faudra remplacer ce parc électronucléaire, l’auteur pense qu’il faudra garder le concept de REP en augmentant, autant que faire se peut, la sûreté des populations avoisinantes et des travailleurs, en y incluant des protections contre des événements jugés aujourd’hui scientifiquement et techniquement très improbables de fusion des combustibles du cœur du réacteur. C’est tout cela, en particulier, qu’a réussi à intégrer le projet de European Pressurized Reactor (EPR) franco-allemand, devenu une référence internationale, dont la démonstration ferait effectuer à la sûreté nucléaire un pas substantiel.
faits scientifiques, dans un cadre pertinent. Ajoutons que ce sujet serait réglé dans le sens poursuivi par la France si tout le plutonium produit était intégré dans les MOX et irradié dans les réacteurs du parc électronucléaire. Les avis de la NAS et de la Royal Society n’auraient alors peut-être même plus d’objet, ce dernier cas n’ayant aucune base scientifique, à ma connaissance, dans leur avis. Ainsi, pour rendre le plutonium militaire soviétique inapte à l’emploi pour des objectifs d’armement, les États-Unis ont accepté que ce plutonium soit utilisé comme combustible de MOX et irradié...
6. La radioprotection et ses bases scientifiques, l’épidémiologie et la radiobiologie
8. Recommandations
La radioprotection et ses bases scientifiques, l’épidémiologie et la radiobiologie ont été étudiées par plusieurs publications de l’Académie des sciences [1] et de l’Académie de médecine. Depuis, de nouvelles connaissances sur les gênes de réparation des lésions de l’ADN, sur les irradiations hors du noyau cellulaire, sur l’étude des victimes d’anciennes irradiations, etc. ont été publiées. L’auteur laisse le soin à ses collègues médecins et biologistes d’en dire infiniment plus, et mieux, sur ce sujet. La radioprotection sur de très nombreuses générations poserait-elle des problèmes encore ouverts ? Tous les travaux nécessaires demandent des ressources : l’auteur déplore, une fois de plus, que les ressources mises à la disposition des chercheurs concernés de l’épidémiologie et de la radiobiologie soient bien trop petites et disproportionnées par rapport aux crédits consacrés aux réalisations techniques et industrielles françaises.
7. Les risques de prolifération Quant aux risques liés à la prolifération, il faut souligner que les pays ayant avancé sur cette voie durant la dernière décennie et répertoriés comme tels par les publications des organisations scientifiques de l’ONU l’ont fait indépendamment de leur programme électronucléaire éventuel (voir [1]) et, de plus, l’ont fait chacun avec un procédé scientifique et technique différent. Pour ce qui est des liens éventuels entre retraitement et prolifération, mentionnés et soulignés par des rapports aussi sérieux que ceux de la NAS (National Academy of Sciences) des États-Unis et de la Royal Society (sujet que j’ai déjà entamé au § 3.3.3.1), le sujet pourrait être traité par un examen détaillé des
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En arrivant à la fin de ce texte, l’auteur croit devoir attirer l’attention du lecteur sur les travaux scientifiques nécessaires vus par discipline : – les études de matériaux [3] ; – la chimie et la radiochimie [2] ; – les sciences de la Terre ; presque tous les domaines y sont nécessaires ; – la géomécanique au sens le plus général, en y incluant les endommagements des ouvrages, les soutènements des galeries, la mécanique des roches, l’influence des dégagements thermiques sur toutes les propriétés des matériaux concernés, la mécanique des milieux poreux dans ces milieux perturbés, les circulations hydrauliques, la ventilation et son rôle sur l’humidité, les teneurs en eaux des terrains adjacents aux galeries, la diffusion moléculaire dans les milieux à faible porosité, la mécanique de ces conteneurs corrodés, soumis à la pression interne liée à des dégagements de gaz, avec peut-être des amorces de rupture, etc. ; – la physico-chimie avec, notamment, des propriétés telles que celles des gels, des phénomènes comme le vieillissement des bétons, l’absorption, les dépôts, les accumulations des corps migrants, solubles ou non, la formation de colloïdes et leur destin, la solvation et son interaction avec les parois, etc.) ; – la physique des réacteurs au sens le plus large : études fines des transformations dans les cibles, devenir des neutrons les plus rapides, des éventuels produits de spallation, taux détaillé de transmutation, de fission, de tous les corps présents ; par exemple, formation de corps nouveaux issus de transmutations sur d’autres éléments que ceux que l’on avait voulu introduire pour être transmutés, y compris les impuretés – par exemple, la transmutation de l’impureté « chlore » du graphite en Cl 36 jouerait un rôle majeur dans les ennuis que rencontre tel de nos voisins avec le démantèlement de ses anciens réacteurs à graphite, etc. – ;
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– l’action de tous ces corps radioactifs sur la biosphère, tout cela dans le contexte d’irradiations par des rayonnements ionisants d’une rare intensité ; – etc. Tout cela constitue, avec bien d’autres domaines de la science, un travail scientifique couplé d’une ampleur et d’une difficulté rare. On pourrait en dire autant, et même plus, sur les difficultés scientifiques du stockage, d’autant plus que l’on veut prévoir des événements futurs, plus ou/et moins lointains, avec des méthodes basées sur le passé d’autres corps, le présent des travaux des laboratoires, dont ceux souterrains (qu’il faudra donc maintenir accessibles et « opérationnels » pour effectuer les nombreuses vérifications expérimentales citées plus haut) et des modélisations fondées sur des faits expérimentaux vérifiables et ouverts – qui restent à faire pour une part –, pour entrevoir les futurs possibles et donner des bases chiffrées aux réponses que suscitent des questions légitimes. Mais la plupart de ces études sont maintenant engagées et prises en charge avec vigueur par un ensemble de scientifiques issus de nombreux organismes et disciplines scientifiques concernées. Ce ne sont plus seulement les seuls acteurs du nucléaire qui traitent ces problèmes, mais aussi des chercheurs de tout le pays et leurs collègues européens intéressés tous ensemble. À une tâche scientifique que nous avons décrite s’attelle un rassemblement de compétences et de volontés convergentes, qui ont déjà effectué un chemin substantiel. Je ne vois pas d’obstacles scientifiques, parmi ceux que j’ai cités, qui ne puisse être franchi par leurs travaux.
9. Conclusion En conclusion, la production infime de gaz à effet de serre (liée à la construction, dont la production des matériaux, à l’exploitation, à la maintenance, à la déconstruction, au cycle des éléments combustibles, etc.), place le nucléaire sensiblement au même niveau que les énergies dites renouvelables (voir [1]). L’ensemble des problèmes qu’il pose aujourd’hui, examinés dans le présent texte, fait appel à des bases scientifiques, soit connues, soit dont l’établissement, quelquefois plus avancé à l’étranger, fournit les connaissances nécessaires utiles directement ou indirectement pour le cas spécifique français. On citera, par exemple (§ 3), les conteneurs suédois, les études sur les couches d’argile en Suisse et en Belgique (ici avec une argile bien différente de celle du site de l’Est), les études sur le granite en Suède et au Canada, en collaboration féconde avec l’acteur nucléaire français concerné grâce à ses initiatives et ses compétences, sur le sel à Carlsbad–WIPP (Waste Iso-
lation Pilot Plant) aux États-Unis, en Allemagne etc. Que dire, dans ce même cadre étranger, à propos du § 6, des mécanismes de réparation de l’ADN et des autres études de radiobiologie publiées dans les revues scientifiques anglo-saxonnes ? Ils ne sont pas du domaine de compétence de l’auteur, qui ne s’estime pas autorisé à en dire plus sur ce sujet essentiel. Il va de soi que tant de travaux entraînent : – des priorités (par exemple, il faut traiter vite les problèmes des grands volumes de déchets B et donc de leurs conteneurs et de leur destination, qui ne peut être, dans un premier temps, que un ou des entreposages et, dans un second temps, les premiers hôtes d’un éventuel stockage souterrain ; leur quantité – 97 500 colis, cumulés jusqu’à 2000 inclus –, ajoutée à la difficulté de se protéger de tant de déchets divers, ne représente-t-elle pas un danger pour la santé publique ? – sur le chemin critique est la disponibilité des conteneurs adaptés, je l’ai déjà dit –) ; – des hiérarchisations (par exemple, il faut déjà protéger les travailleurs et les populations et leurs modes de vie dans leur environnement ; c’est donc de là que doivent partir les modes de traitement des déchets ; il faut, en conséquence, mettre d’abord tous les déchets en situation sûre et disposer d’entreposages, de conditionnements et de conteneurs ; c’est aussi de cette protection, aussi complète que faire se peut, qu’il faut partir pour définir les critères de stockage et donc ce que j’appelle le concept de stockage – en particulier, tout ce qu’on a le droit d’enfouir, avec quelles protections artificielles, quels contrôles expérimentaux et quels moyens d’action pour rectifier les erreurs ou l’inattendu ?). Un deuxième exemple : faut-il privilégier implicitement l’argilite en cours d’étude ? Sinon, que voudrions-nous, du seul point de vue scientifique, faire de plus dans un autre type de roche ? Il faut également repérer les points durs : par exemple, les migrations des radionucléides mobiles et leurs parcours éventuels, leurs dépôts possibles, après leur sortie envisageable (quand ?) de la couche géologique protectrice. Autre exemple, il faudrait aussi disposer d’un réacteur d’essai de matériaux avec des flux de neutrons rapides à l’échelle européenne pour contribuer à étudier les problèmes liés aux matériaux, qui seront des conditions incontournables partout. Enfin, il faut souligner la nécessité de situer dans le temps (sur plus d’un demi-siècle) toutes les activités citées dans le présent texte (voir [1]), avec leurs étapes importantes. Ainsi, les cinq problèmes cités au début de ce texte seraient maîtrisés et, de surcroît, certains autres problèmes nouveaux globaux ou régionaux d’un monde qui a bien besoin d’une contribution des sciences à son développement.
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Le message principal à retenir de ce texte est le suivant. Tout retard à l’enfouissement profond de quasiment tous les déchets nucléaires (B et C, produits ultimes du plutonium et de ses descendants compris) constitue un risque potentiel pour la santé
publique en cas d’adversités, bien plus grave que tous ceux survenus depuis la fin de la seconde guerre mondiale. À cette condition, le nucléaire peut fournir une énergie sans conséquences sur l’effet de serre.
Références
[2] Rapport Science et Technologie, RST n◦ 4, Radiochimie, matières radioactives et rayonnements ionisants, Éditions Tec & Doc, Paris, 2000, 382 p.
[1] Dautray R., L’énergie nucléaire civile dans le cadre temporel des changements climatiques, rapport de l’Académie des sciences, 2001, 330 p., 130 illustrations.
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[3] Rapport Science et Technologie, RST n◦ 5, Matériaux du nucléaire, Éditions Tec & Doc, Paris, 2000, 326 p.