Kinesither Rev 2012;12(132):5–10
Pratique / Geste pratique
Les techniques d'hyperinsufflation dans le désencombrement des patients atteints de maladies neuromusculaires Jean-Claude Schabanel
La Lichère, 07220 Saint-Montan, France
RÉSUMÉ Cet article fait suite à l'article publié sur les aides à la toux dans le désencombrement des patients atteints de maladies neuromusculaires. Il présente les techniques d'hyperinsufflation. Il constitue un triptyque avec l'article baptisé : « Dernières évolutions des techniques instrumentales ». Niveau de preuve. – Non adapté. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY This article follows upon the article published concerning the assistant to the cough. It explains how to manage manual and mechanical hyperinsufflation to obtain clearance airways by patients with neuromuscular diseases. The hyperinsufflation techniques are described. It constitutes a triptych with the article entitled: "Last developments of the instrumental technologies''. Level of evidence. – Not applicable. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
L'HYPERINSUFFLATION MANUELLE EN PRATIQUE [1–4] Il est nécessaire d'utiliser un ballon autoremplissable à valve unidirectionnelle (BAVU) anciennement Ambu®, pour créer une hyperinsufflation. Le BAVU (Fig. 1) a plusieurs indications : recruter un maximum de territoire pulmonaire pour lutter contre le syndrome restrictif ; augmenter la cinétique respiratoire dans l'optique du bilan respiratoire ; traiter ou prévenir un encombrement pulmonaire ; augmenter de manière significative le peakflow à la toux. Le principe est de proposer une hyperinsufflation suffisante pour recruter un maximum de territoire pulmonaire. Les intérêts du BAVU sont multiples : matériel simple et peu coûteux ; l'originalité de cette pratique réside dans le fait qu'avec ce système, vous êtes en contact direct avec les voies aériennes (Fig. 2) ; © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.09.001
Mots clés Aide à la toux Désencombrement Kinésithérapie respiratoire Maladie neuromusculaire Techniques instrumentales Techniques manuelles
Keywords Assisted cough Cleaning airway Chest physiotherapy Neuromuscular disease Instrumental techniques Manual techniques
cela permet une appréciation immédiate
des résistances rencontrées et la réalisation d'une hyperinsufflation contrôlée avec une visualisation immédiate des zones raides par rapport aux zones plus souples. La séance consiste à prendre un BAVU de calibre deux à trois fois supérieur au volume courant (Vt) estimé de son patient. Il est nécessaire d'équiper le BAVU d'un filtre bactériologique et d'un raccord. Il est possible d'utiliser plusieurs interfaces : un embout buccal ; un masque nasobuccal ; une canule de trachéotomie ; une sonde endotrachéale. Le thérapeute presse le BAVU progressivement sans craindre un barotraumatisme. La présence d'une valve de sécurité ordinairement tarée à 40 mmHg prévient ce risque. Il est recommandé de proposer des séries courtes (trois à cinq cycles). Il est préférable de multiplier les séances plutôt que de faire des séances trop longues. En cas de besoin, le BAVU peut être raccordé à l'O2. Il est également possible d'associer
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Figure 1. Ballon autoremplissable à valve unidirectionnelle (BAVU).
à l'hyperinsufflation des augmentations du flux expiratoire (AFE) par pressions thoraciques manuelles.
L'« AIR-STACKING » OU EMPILAGE DE VOLUME COURANT EN PRATIQUE [1,2,5] Cette technique utilise un empilement de plusieurs Vt pour créer une hyperinsufflation suffisante pour recruter un maximum de territoire pulmonaire. Pour cela, nous utilisons le BAVU (Fig. 3 et 4) ou le respirateur volumétrique à valve expiratoire externe (Fig. 5 et 6). Les indications sont multiples : recruter un maximum de territoire pulmonaire pour lutter contre le syndrome restrictif ; augmenter la cinétique respiratoire dans l'optique du bilan respiratoire ; traiter ou prévenir un encombrement pulmonaire.
Figure 3. Hyperinsufflation sur trachéotomie.
La séance en cas d'utilisation d'un BAVU est différente selon l'interface. En cas d'interfaces invasives, il faut presser le BAVU progressivement sans craindre un barotraumatisme (une valve de sécurité ordinairement tarée à 40 mmHg est présente) (Fig. 3). En cas d'interfaces non invasives, il faut s'assurer que le patient contrôle sa glotte. C'est essentiel pour permettre la rétention de plusieurs volumes d'air successifs. Presser le BAVU, demander au patient de bloquer sa glotte et de ne pas « expirer ». Il faut répéter deux ou trois fois la technique. Puis le thérapeute demande au patient de « laisser partir l'air » et si besoin, il accompagne cette phase d'une pression thoracique manuelle (Fig. 4). La séance, en cas d'utilisation d'un respirateur, n'est pas possible si le patient est intubé ou trachéotomisé ou s'il est non coopérant.
Figure 2. Rapport de pression entre le ballon insufflateur et l'arbre bronchique.
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Figure 4. Hyperinsufflation sur embout buccal.
Deux méthodes sont possibles, soit par blocage de la valve expiratoire en position fermée par pincement du tuyau de commande de cette valve (Fig. 5), soit en éduquant le patient à bloquer sa glotte pour retenir un à trois Vt (Fig. 6). Il est possible d'associer à l'hyperinsufflation des AFE par pressions thoraciques manuelles (Huffing) [6–9]. Le « Huffing » consiste en l'application d'une pression manuelle au niveau de l'abdomen tendant à accompagner le diaphragme lors d'une expiration suivant une hyperinsufflation mécanique (Fig. 7). Il est recommandé de proposer des séries courtes (cinq à dix cycles). Il est préférable de multiplier les séances plutôt que de faire des séances trop longues.
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Figure 6. L'air-stacking sous respirateur.
LA RELAXATION DE PRESSION La relaxation de pression en pratique est une technique d'hyperinsufflation [10] anciennement nommée : Intermittent Positive Pressure Breathing (IPPB). L'utilisation des relaxateurs de pression bien qu'ancienne est toujours d'actualité. Toutefois, son utilisation nécessite une certaine rigueur dans la pratique [5,7–9,11–19]. C'est une technique inventée par Mr Bird qui utilise un appareil insufflant un volume inconnu jusqu'à une pression définie. Le débit est pré-réglé, la fréquence est gérée par le patient. L'appareil utilisé est l'Alpha 200c® (Fig. 8). Son utilisation permet de : recruter le plus grand nombre de territoire pulmonaire pour
lutter contre le syndrome restrictif ;
traiter ou prévenir un encombrement pulmonaire ; entretenir la mobilité du thorax et prévenir l'enraidissement
de la cage thoracique ;
améliorer la croissance pulmonaire en pédiatrie.
Figure 5. L'air-stacking par blocage de la valve expiratoire.
La Fig. 9 montre le branchement sur l'Alpha 200®. La Fig. 10 montre le branchement sur le circuit. Il est nécessaire de régler un niveau de sensibilité de l'appareil (trigger) pour permettre un déclenchement aisé de la part du patient tout en évitant des auto-déclenchements, de 1 à 8 cmH2O. La fréquence est assurée par le patient. Il faut proposer une pression positive de fin d'insufflation suffisante pour vaincre les résistances thoraco-pulmonaires et recruter ainsi, un maximum de territoire pulmonaire (20 à 40 cmH2O). Ce réglage doit permettre une expansion thoracique satisfaisante (attention à privilégier les zones les moins mobiles). Pour obtenir un meilleur recrutement, le débit insufflatoire doit être le plus faible que le patient puisse supporter pour diminuer la résistance au flux des voies aériennes distales, entre 20 et 60 L/mn. Attention, si la durée de l'insufflation est trop longue, le patient éprouve une sensation d'étouffement. Pour que la technique soit efficace, il faut respecter plusieurs critères :
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Figure 7. Le « Huffing ».
l'insufflation et l'expiration doivent être passives ; les séances doivent être assez courtes : dix à 15 minutes ou
trois séries de dix hyperinsufflations (il vaut mieux multiplier celles-ci plutôt que les rendre trop longues) ; cette technique doit être impérativement suivie par un kinésithérapeute compétent afin de modifier les réglages ou le positionnement lors des séances en fonction des bilans effectués régulièrement ; il est préférable d'hydrater son patient au début de chaque séance ; l'utilisation du nébuliseur du circuit n'est pas recommandée pour des aérosols (le débit initialisé par le nébuliseur est tel que le produit va avoir tendance à s'impacter plutôt qu'à se diffuser) [18,19] ;
Figure 8. L'Alpha 200® de la Société air liquide.
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la séance doit être éloignée de la prise des repas pour ne
pas gêner la digestion, de même, il faut être vigilant vis-à-vis des troubles de déglutition possibles. Si l'éducation est bien faite, les séances peuvent être pratiquées par le patient lui-même et/ou par tout autre intervenant. Pour réaliser la séance, il est possible d'utiliser plusieurs interfaces : l'embout buccal, recommandé pour une meilleure coopération du patient, car celui-ci peut gérer complètement sa séance (Fig. 11) ;
Figure 9. Branchements sur Alpha200®.
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Figure 13. Relaxation de pression sur canule de trachéotomie.
le masque nasobuccal doit être tenu par l'intervenant
(ne jamais l'attacher) (Fig. 12) ;
la trachéotomie ou la sonde endotrachéale. Attention, il Figure 10. Ensemble nébuliseur/valve expiratoire.
Figure 11. Relaxation de pression à l'embout buccal.
Figure 12. Relaxation de pression au masque nasobuccal.
est possible d'engendrer des fuites, soit par l'absence de ballonnet chez les enfants, soit par une pression de fin d'insufflation plus forte que la pression de ballonnet (Fig. 13). Il est nécessaire d'expliquer le principe de la technique au patient. Il est placé en position assise, ou mieux, demi-assise. La séance commence par des réglages faibles pour le désensibiliser aux hyperinsufflations. Dans certaines pathologies, cela peut demander plusieurs séances avant d'atteindre les réglages optimaux. Il est très important que l'insufflation soit la plus passive possible (si le patient inspire, c'est lui qui provoquera l'arrêt de l'insufflation). Le patient ne doit pas souffler, mais « laisser partir l'air ». Le thérapeute vérifie que les hyperinsufflations n'entraînent pas une compensation abdominale. Cela se produit lorsque la faiblesse des muscles abdominaux est importante. Dans ce cas, la correction passe par la confection d'une contention abdominale (Fig. 14). Il est recommandé de proposer des séries courtes (entre cinq et dix hyperinsufflations suivies d'un temps de repos et ce, pour un total de 30 hyperinsufflations). Il est préférable de multiplier les séances que de faire des séances trop longues. Il est possible d'associer d'autres techniques aux hyperinsufflations par relaxateur de pression : des AFE par pressions thoraciques manuelles (Fig. 15) ; la technique de PEP variable (Flutter®, Fluair®) en adaptant ces appareils sur la sortie expiratoire du circuit afin d'améliorer le drainage des sécrétions (Fig. 16). Les contre-indications à la technique sont : la rigidité pariétale et/ou parenchymateuse importante ; les résistances intrapulmonaires anormalement élevées ;
Figure 14. Relaxation de pression et contention abdominale.
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Figure 15. Relaxation de pression et pressions thoraciques manuelles.
Figure 16. Relaxation de pression et pression expiratoire positive variable.
la non coopération du patient ; la présence de douleur ; l'insufflation gastrique incontrôlable lors des séances ; les antécédents de pathologie emphysémateuse ou bulleuse et de pneumothorax.
Déclaration d'intérêts L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
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