Les troubles orthopédiques secondaires de l’enfant IMC : comment les prévenir et les traiter

Les troubles orthopédiques secondaires de l’enfant IMC : comment les prévenir et les traiter

Motricité cérébrale 29 (2008) 61–64 Prévention et traitement des troubles orthopédiques Les troubles orthopédiques secondaires de l’enfant IMC : com...

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Motricité cérébrale 29 (2008) 61–64

Prévention et traitement des troubles orthopédiques

Les troubles orthopédiques secondaires de l’enfant IMC : comment les prévenir et les traiter Secondary orthopedic disorders in cerebral palsy children: Prevention and treatment A. Renders Centre de référence IMOC UCL, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique Disponible sur Internet le 12 juin 2008

Résumé Parmi les enfants atteints de paralysie cérébrale, un grand nombre présenteront au cours de leur croissance des raccourcissements musculaires et déformations qui à long terme vont réduire ou modifier leur fonction motrice. Cet article discute des mécanismes à l’origine de ces déformations mais aussi de la nécessité de les anticiper par un suivi systématique, en agissant précocement sur les causes et en appliquant au bon moment les différents moyens thérapeutiques dont nous disposons. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract A large number of children with cerebral palsy will develop muscle shortening and deformities during their growth which in the long term will reduce or alter their motor function. In this article, we discuss the origin of these deformities as well as the need to anticipate their development by an early preventive action on the causes and by applying available therapeutic means. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Infirmité motrice cérébrale ; Prévention orthopédique ; Rétractions ; Spasticité Keywords: Cerebral palsy; Orthopedic prevention; Retractions; Spasticities

1. Introduction L’appareil ostéoarticulaire du nourrisson, dont l’atteinte cérébrale est récente, n’est pas déformé quelle que soit l’étendue de l’atteinte. Ce n’est qu’avec le temps, la croissance, l’installation du déséquilibre musculaire et de positions vicieuses que les déformations vont progressivement apparaître. Alors que la lésion cérébrale est fixée, les conséquences des troubles du tonus et du

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déséquilibre musculaire vont retentir sur le potentiel fonctionnel de l’enfant, voire l’aggraver. Il est donc essentiel que ces enfants puissent bénéficier d’un suivi orthopédique dès le plus jeune âge et que des mesures de prévention soient prises aussi précocement que possible d’autant plus que l’atteinte motrice est sévère. 2. La pathogénie des troubles orthopédiques : le rôle de la croissance Une condition essentielle à la croissance harmonieuse du muscle est l’étirement régulier d’un muscle

0245-5919/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.motcer.2008.04.001

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relâché dans des conditions physiologiques de mise en charge et d’appui. Cette condition est déficiente chez l’enfant IMC, en raison des troubles du tonus et de la réduction plus ou moins sévère du niveau d’activités motrices [1]. La progression naturelle des déformations et les effets de la pathologie neuromusculaire ont bien été décrits dans de nombreux modèles animaux. Dans des travaux sur la souris spastique, Ziv et al. [2] ont démontré que la perturbation entre la croissance osseuse et le complexe muscle–tendon était responsable de l’installation de raccourcissements des muscles gastrocnemius avec présence d’un équin. Mais c’est au Pr Guy Tardieu [3] que nous devons les premières publications sur le sujet, en particulier sur l’ajustement du nombre de sarcomères du muscle du chat à la longueur qui lui est imposée. Ainsi, l’état de contraction permanent du muscle maintient le muscle en position raccourcie, situation où le nombre de sarcomères est réduit induisant ainsi une modification des propriétés viscoélastiques du muscle et de ses capacités à s’allonger. Toujours d’après Tardieu [3], pour grandir et s’adapter à la longueur entre ses insertions, le muscle doit augmenter le nombre de ses sarcomères, ce que les muscles spastiques sont incapables de faire. D’autres anomalies morphologiques sont observées dont une réduction du volume musculaire et une accumulation anormale de collagène [4,5]. 3. La pathogénie des troubles orthopédiques : les troubles cérébromoteurs Le développement harmonieux d’une articulation nécessite une répartition équilibrée des contraintes mécaniques autour de cette articulation. Si un déséquilibre existe entre des muscles spastiques provoquant des contraintes excessives dans un sens et des muscles faibles peu sollicités, le secteur de mobilité de l’articulation va se modifier et l’articulation progressivement se détériorer (exemple : la luxation de hanche). Les postures anormales, les attitudes vicieuses, les asymétries aggraveront les conséquences du déséquilibre musculaire sur l’appareil squelettique : instabilité de l’articulation, antéversion des cols fémoraux, torsions tibiales, pieds valgus, scolioses. . . [1]. 4. Objectif prévention : le suivi Les troubles orthopédiques peuvent se manifester précocement dans le développement d’un enfant atteint de paralysie cérébrale, la mise en place d’un suivi

systématique au long terme est indispensable, en sachant que la fréquence et la gravité de ces troubles sont en relation directe avec le degré de sévérité de l’atteinte motrice. Il faut non seulement prendre le temps de réaliser des mesures régulières de l’élasticité musculaire et des amplitudes articulaires, mais il faut aussi repérer les attitudes vicieuses, les asymétries, les insuffisances et les excès de contractions, pour déceler les problèmes et agir au moment approprié, sans attendre qu’elles ne viennent interférer avec le potentiel fonctionnel de l’enfant. Des radiographies des hanches chez le quadriplégique et chez le diplégique non marchant seront réalisées tous les ans dès l’âge de 18 mois, jusqu’à la fin de la croissance [6]. Des radiographies du rachis compléteront également le bilan pour toute suspicion de déviation et seront répétées, en particulier durant la phase de croissance pubertaire. Pour les enfants marchants, une analyse quantifiée de la marche pourra également compléter le follow up en particulier un peu avant et durant la puberté [1]. Au cours des consultations, il faudra également réajuster, si nécessaire, les fréquences des rééducations, revoir les appareillages et installations ainsi leur temps de mise en place. 5. Objectif prévention : l’action rééducative La prévention orthopédique doit être une des préoccupations essentielles des rééducateurs [7]. Deux axes principaux sous-tendent leur démarche : le maintien du mouvement et la préservation des secteurs de mobilité des articulations. Le mouvement est entraîné par le biais d’activités motrices, d’enchaînements moteurs, d’activités fonctionnelles, précédé d’étirements, de manœuvres de décontractions. L’immobilisation par orthèses permet de maintenir pour un temps prolongé l’étirement musculaire : orthèse de postures nocturnes, sièges moulés, appareils de station. Pour Lespargot, six heures d’immobilisation par jour seraient suffisantes pour maintenir les amplitudes musculaires du triceps [8]. 6. Objectif prévention : le traitement de la spasticité Ces dernières années, le traitement de la spasticité est devenu plus sophistiqué et effectif, en complément des moyens déjà existants. À nouveau, l’efficacité du traitement sera d’autant plus grande que le recours à ces techniques sera précoce. Le traitement peut être médical

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ou chirurgical, temporaire ou permanent, focal ou global. En Belgique, nous avons une assez bonne expérience de l’utilisation de la toxine botulique, Molenaers et al. [9] ont pu démontrer qu’en combinaison avec les plâtres, un appareillage adapté et un traitement de kinésithérapie bien conduit, le traitement par injection de toxine botulique peut prévenir l’apparition de rétractions musculaires et déformations osseuses, réduisant ou retardant ainsi le besoin d’une chirurgie orthopédique. Le baclofen per os a pour principal défaut de ne pas être liposoluble et de ne pas atteindre son tissu cible, le système nerveux central, et d’être responsable d’un grand nombre d’effets secondaires (sédation, faiblesse musculaire, modification de l’humeur, nausées. . .). L’administration de baclofen intrathécal permet d’obtenir des concentrations de produit beaucoup plus grandes dans le liquide céphalorachidien. Son indication principale est le contrôle de la spasticité sévère chez les patients non ambulants, dans le but d’améliorer le confort, les soins et la douleur [10]. Le baclofen intrathécal peut aussi être utilisé chez des enfants marchants mais les effets exacts sur la marche et la force musculaire ont été encore peu étudiés. Il existe encore deux autres approches neurochirurgicales : la rhizotomie dorsale sélective décrite par Fasano et diffusée par Peacock [11] il y a plus de 20 ans, qui est peu pratiquée chez nous et qui a des indications limitées, les neurotomies sélectives moins connues outre-Atlantique et qui ont pour principe de réaliser une interruption partielle des afférences (Ia et Ib) et des efférences du réflexe myotatique d’un nerf moteur [12]. Tous ces traitements ont un objectif préventif et doivent êtres réalisés avant que les déformations orthopédiques ne soient installées. Par ailleurs, ils nécessitent une rééducation adéquate, planifiée par une équipe multidisciplinaire. Rappelons que la spasticité n’est qu’un des facteurs du pronostic orthopédique et que les insuffisances musculaires et le manque de sélectivité y contribuent beaucoup plus et sont bien plus difficiles à traiter. 7. Le traitement des déformations Même avec tous ces moyens mis en œuvre, les contraintes sont trop fortes, les amplitudes articulaires se dégradent, l’enfant perd en fonctionnalité, pour de multiples raisons que ce soient la sévérité de l’atteinte, la croissance trop rapide, une collaboration insuffisante de l’enfant ou de sa famille, le manque de ressources

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extérieures, il faut alors avoir recours aux traitements orthopédiques. 7.1. Les plâtres successifs Lorsque la déformation est installée, en particulier au niveau des triceps et que l’amplitude de mobilisation passive ne permet plus d’obtenir un secteur de mobilité compatible avec les différentes phases de déroulement du pas durant la marche, un traitement par plâtres successifs peut être proposé [13]. Ce traitement permet de gagner rapidement en longueur musculaire à condition de maintenir le résultat obtenu par des orthèses de postures. Ces traitements peuvent se faire tout au long de la croissance, mais auront une efficacité maximale à un âge plus jeune au moment où les propriétés viscoélastiques du muscle ne sont que peu modifiées. 7.2. La chirurgie orthopédique Il semble de plus en plus évident qu’avec un traitement médical précoce bien conduit, les rétractions musculaires sont moins sévères à l’adolescence mais les défauts d’axes osseux et les déformations en valgus des pieds restent problématiques [1]. Il est certain aussi que l’âge auquel la chirurgie est pratiquée est de plus en plus tardif avec une chirurgie multiple en un seul temps opératoire qui à une visée fonctionnelle et esthétique à un âge où l’apparence et les capacités d’intégration jouent un rôle important. Ce point sera développé par mes collègues chirurgiens. 8. Conclusion La difficulté de la prévention des troubles orthopédiques du jeune enfant est qu’elle n’est pas réservée aux seuls thérapeutes mais doit être appliquée à tout moment et par tous les intervenants en particulier l’enfant qui la subit et les parents qui sont sollicités continuellement. Les moyens de prévention et les lieux d’intervention sont multiples, ils nécessitent une bonne coordination, une évaluation et un suivi multidisciplinaire, ainsi qu’un passage correct des informations. Il faut aussi que cette prévention tienne compte des impératifs personnels, familiaux, sociaux et financiers de l’enfant et sa famille. Il s’agit donc d’une prise en charge individualisée, soucieuse de réduire tant que faire ce peut le handicap et augmenter la qualité de vie de l’enfant.

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[8] Tardieu C, Lespargot A, Tabary C, Bret MD. For how long must the soleus muscle be stretched each day to prevent contracture? Dev Med Child Neurol 1988;30(1):3–10. [9] Molenaers G, Desloovere K, Fabry G, De Cock P. The effects of quantitative gait assessment and botulinum toxin A on musculoskeletal surgery in children with cerebral palsy. J Bone Joint Surg Am 2006;88(1):161–70. [10] Albright AL, Gilmartin R, Swift D, Krach LE, Ivanhoe CB, McLaughlin JF. Long-term intrathecal baclofen therapy for severe spasticity of cerebral origin. J Neurosurg 2003;98(2): 291–5. [11] Peacock WJ, Arens LJ, Berman B. Cerebral palsy spasticity: selective posterior rhizotomy. Pediatr Neurosci 1987;13:61–6. [12] Decq P. Peripheral neurotomies for the treatment of focal spasticity of the limbs. Neurochirurgie 2003;49(2-3 Pt 2): 293–305. [13] Bruntz H, Heuillet A, Loisel M, Le Métayer M, Warniez MC. Le traitement des rétractions musculaires. Techniques d’allongement par plâtres successifs. Motricité cérébrale 1981; 2.