Les troubles de l’attention

Les troubles de l’attention

© MASSON Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 4, 483-485 Comment j’examine Les troubles de l’attention 483 Formation Post-Universitaire B.F. Michel, A...

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© MASSON

Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 4, 483-485

Comment j’examine Les troubles de l’attention

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Formation Post-Universitaire

B.F. Michel, A. Loubet, G. Serratrice Adresse : Fédération de Neuro-Géronto-Psychiatrie, Hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille. Tirés à part : B.F. MICHEL, à l’adresse ci-dessus.

Introduction L’attention se définit comme l’aspect sélectif de la perception et de la réponse qui fait que, dans des conditions d’environnement constantes, face à un même stimulus, un organisme n’émet pas toujours la même réponse. C’est un système regroupant principalement 3 processus spécifiques : l’attention soutenue (vigilance), l’attention sélective et l’attention contrôlée, organisé en 3 réseaux (Cohen, 1993) : 1°) le réseau sous-cortical met en jeu la formation réticulée (attention soutenue) ; 2°) le réseau postérieur intègre lobe pariétal et noyaux gris (attention sélective) ; 3°) le réseau antérieur est sous le contrôle du cortex préfrontal (attention contrôlée). D’autres modèles existent, appréhendant les fonctions attentionnelles en 2 dimensions principales, l’intensité et la sélectivité (Van Zomeren et Brouwer, 1994).

Syndromes de déficit attentionnel Les syndromes liés à un déficit de l’attention se manifestent de différentes façons : troubles de la vigilance avec tendance à l’endormissement, ralentissement moteur ou cognitif, difficultés à maintenir une tâche avec tendance à la distraction. On retrouve à l’examen une impersistance motrice ou des troubles de l’exploration de l’espace. Parfois les troubles de l’attention ne s’accompagnent d’aucun symptôme observable, et l’on recherchera, à l’interrogatoire, les difficultés ressenties par le patient. L’attention constituant une ressource pour d’autres déficits cognitifs, la plainte cognitive peut recouvrir des difficultés liées à une hyper-attention compensatrice (Michel et al., 2000).

Syndrome d’extinction sensorielle C’est un syndrome dans lequel une sensation disparaît ou un stimulus devient imperceptible quand une autre sensation est provoquée par un stimulus simultané à un autre point du champ sensoriel. L’extinction visuelle a été décrite chez des patients incapables de percevoir deux stimuli visuels au même moment, bien que la perception de stimulations unilatérales soit intacte. L’extinction auditive se produit lorsque des sons sont émis simultanément et à même distance de chacune des deux oreilles. Syndrome d’héminégligence Lors d’une lésion cérébrale unilatérale droite, peut apparaître un syndrome d’héminégligence, au cours duquel le patient ignore les événements survenant dans la moitié opposée de l’espace extra-personnel. Ce syndrome est caractérisé, par exemple, par l’oubli de consommer la nourriture se trouvant dans la partie gauche de l’assiette, ou la lecture limitée à la moitié droite du texte. Syndrome de négligence motrice On appelle négligence motrice un syndrome dominé par la sous-utilisation des capacités motrices d’un hémicorps. Le tableau clinique du syndrome de négligence motrice comporte un défaut d’utilisation spontané du membre, une hypométrie, une mauvaise adaptation du membre atteint à l’environnement, une baisse des réactions posturales, et enfin une abolition de la réponse d’évitement aux stimulations nociceptives. Cette négligence est réversible si le patient porte son attention sur l’hémicorps.

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Syndrome de déficit de l’attention hyperactivité La caractéristique essentielle de ce syndrome qui s’observe chez l’enfant, est un mode persistant d’inattention ou d’hyperactivité impulsivité, plus sévère et plus fréquent que ce qu’on observe habituellement chez des sujets d’un niveau de développement similaire (Michel et al., 2000). On doit mettre clairement en évidence que les symptômes interfèrent avec le fonctionnement social ou scolaire. Le déficit de l’attention hyperactivité associe inattention, hyperactivité, et impulsivité ; il se rencontre plus souvent chez les jeunes garçons.

Troubles de l’attention en pathologie neurologique Affections neuro-dégénératives Les troubles de l’attention se rencontrent à la phase de début de la maladie d’Alzheimer, où leur reconnaissance est importante pour le dépistage précoce (Perry et Hodges, 1999). Toutefois, chez les sujets à la phase prédémentielle, les troubles de la mémoire précèdent les troubles attentionnels et ne sont pas la simple conséquence de ces derniers (Michel et al., 2000). C’est dans la démence à corps de Lewy (Michel et al., 2000) que les troubles de l’attention ont le plus de spécificité (fluctuation de l’attention, hallucinations visuelles, syndrome parkinsonien). De nombreuses études ont mis en évidence des troubles attentionnels dans les maladies de Parkinson et de Steele-Richardson.

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Lésions cérébrales focales Les troubles attentionnels s’observent après lésions cérébrales post-traumatiques. Dans les traumatismes crâniens bénins, ils font partie du syndrome post-commotionnel ; dans les traumatismes crâniens sévères, les lésions directes et de contrecoup intéressent les lobes frontaux (Michel et al., 2000). D’autres lésions focales, de type vasculaire, peuvent intéresser la région pariétale, responsables d’une héminégligence, ou les régions souscorticales, entraînant une négligence motrice.

Évaluation neuro-psychologique de l’attention L’évaluation neuro-psychologique est essentielle pour déterminer la présence de troubles de l’attention et les quantifier (Seron et Van der Linden, 2000). Nous n’envisagerons pas les tests informatisés, car ils ne sont pas utilisables par le clinicien « au lit du malade ». Échelles d’auto-évaluation de l’attention Certains déficits attentionnels ne se manifestent qu’au cours des activités complexes de la vie quotidienne, aussi est-il important d’apprécier les troubles ressentis par les patients dans un « contexte écologique ». Au niveau de l’attention, il existe peu d’épreuves développées dans cette optique. L’EDC de MacNaïr comprend 39 items, dont 12 attentionnels. Elle peut être utilisée pour évaluer les difficultés d’attention dans le cadre d’une consultation mémoire. Un questionnaire d’auto-évaluation spécifique de l’attention, le QAA à 66 items, a été proposé. Échelles de mesure de l’attention sélective L’empan correspond au nombre d’information qu’un sujet est capable de maintenir et de traiter en mémoire de travail pendant un court laps de temps : la tâche la plus connue est le digit span de la WAIS-R qui comporte une variante à rebours plus difficile. Le « serial additio-

nal » et le « serial soustraction test » consistent à demander au sujet d’additionner ou de soustraire de tant à tant, à partir de telle valeur jusqu’à l’arrêt de l’examinateur. L’item attention/calcul du MMS (soustraire 7 de 100, 5 fois de suite) est une variante du test précédent. Les tests de barrage sont multiples mais leur principe de base est identique : pointer sur une feuille de papier des lettres ou des dessins identiques à la ou aux cibles. Dans les épreuves « go/no go », le sujet doit réagir sélectivement aux cibles (« go ») et inhiber sa réaction aux distracteurs (« no go »). Le code de la WAIS-R permet de calculer le ralentissement attentionnel et les capacités d’inhibition. Une variante de ce test est le

« symbol digit modality test » qui consiste en un codage et une transformation de symboles abstraits en chiffres appariés. Enfin, la sous-échelle attention de l’échelle de Mattis se compose de 8 épreuves comptant pour un maximum de 37 points : empan, double commande, simple commande, imitation, comptage, appariement visuel. Échelles de mesure de l’attention contrôlée Dans le test de Stroop, on présente au patient des mots colorés dont il doit déterminer la couleur de l’encre. La tâche est facile lorsque les items sont des non-mots ; elle est difficile lorsque ce sont des mots, et très difficile lorsque ce sont des noms de cou-

Tableau I. Tests utilisables au lit du malade pour explorer l’attention. Tests

Évaluation des difficultés cognitives (EDC)

Mini-Mental State (MMS) Auteurs MacNair et Khan (1984) Folstein et al., (1975) Consignes Voici une liste de phrases décrivant des troubles Vous allez de l’attention que vous avez pu observer dans soustraire 7 vos activités quotidiennes. Indiquez la fréquence de 100 5 fois de survenue (0 = jamais, 1 = rarement, de suite (93, 86, 2 = parfois, 3 = souvent, 4 = très souvent). 79, 72, 65). Items 3. Quand je suis interrompu dans une lecture 3. Attention j’ai du mal à retrouver où j’en étais. et calcul 10. Il m’est difficile de fixer mon attention sur une tâche ou un travail. 11. J’ai des difficultés à raconter une émission que je viens de voir à la télévision. 17. Je n’arrive pas à suivre la conversation des autres. 19. Je perds le fil de mes idées en écoutant quelqu’un d’autre. 25. Je ne peux pas fixer mon attention sur un sujet précis. 26. J’ai besoin de me faire répéter plusieurs fois les consignes. 31. J’ai du mal à fixer mon esprit sur ce que je lis. 32. J’oublie ce que les gens me disent tout de suite après. 34. J’ai du mal à savoir si on m’a rendu correctement la monnaie. 36. Je dois faire les choses très lentement pour être sûr de bien les faire. 37. J’ai l’impression d’avoir la tête vide. Dimensions Auto-évaluation (métacognition) Attention sélective

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Trail Macking Test (TMT) Reitan (1958) Relier 25 points alternant des nombres et des chiffres. 2. TMTB

Attention contrôlée

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leurs, différents du mot, correspondant à la couleur de l’encre des mots colorés. Le TMT consiste, dans un premier temps (TMT-A) à relier une série de 25 points repérés par des nombres. Après la réussite à cette épreuve, on passe au TMT-B où les 25 points sont alternativement repérés par des lettres et des nombres. D’autres tests de double tâche sont aussi disponibles comme ceux qui consistent à exécuter simultanément un empan et un barrage. La double tâche de Baddeley se compose de 3 parties : un rappel de série de chiffres (empan), une tâche motrice (croix dans des cases) et une double tâche, consistant en l’association des 2 épreuves précédentes. Le Wisconsin Card Sorting Test (WCST) est une série de cartes sur lesquelles figurent des stimuli caractérisés par leur nombre (2 ou 4), leur position (haut ou bas), leur couleur (rouge ou verte), leur taille (petit ou gros) et leur forme (carré, triangle, rond ou hexagone). Le sujet propose une carte et l’expérimentateur dit correct/incorrect selon une règle définie à l’insu du sujet. Après une série de réponses correctes, l’expérimentateur change de critère et le sujet doit décou-

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vrir la nouvelle règle. Il s’agit pour cette dernière épreuve, au-delà de l’attention, essentiellement d’un examen des fonctions exécutives.

Conclusion En plus de son intérêt théorique en psychologie cognitive, l’évaluation de l’attention présente un intérêt pratique dans le cadre de l’examen neurologique (Tableau I). En effet, les troubles de l’attention sont extrêmement fréquents, comme séquelles discrètes mais invalidantes des traumatismes crâniens, ou dans le cadre du diagnostic très précoce d’une démence débutante. Références COHEN RA. (1993). The neuropsychology of attention. Plenum, New York. FOLSTEIN MF, FOLSTEIN SE, MAC-HUGH PR. (1975). Mini-Mental-State: a practical method for grading the cognitive state of patients for the clinician. J Psychiatr Res, 12: 189-198.

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