Revue du Rhumatisme 71 (2004) 89–91 www.elsevier.com/locate/revrhu
Fait clinique
Lipome arborescent du genou traité par synovectomie arthroscopique Lipoma arborescens of the knee: report of a case with arthroscopic synovectomyL Michel Franco a,b,*, Jean-Marc Puch c, Marie-Jeanne Carayon d, Delphine Bortolotti 2, Laetitia Albano a, Aude Lallemand 4 a b
Service de néphrologie, hôpital Pasteur, 20, avenue de La-voie-romaine, 06202 Nice cedex 1, France Service d’endocrinologie, hôpital Pasteur, 20, avenue de La-voie-romaine, 06202 Nice cedex 1, France c Cabinet de chirurgie orthopédique, 51, avenue Cap de Croix, 06000 Nice France d Cabinet d’anatomie pathologique, 22, boulevard Tzaréwitch, 06000 Nice, France Reçu le 8 octobre 2002 ; accepté le 20 février 2003
Résumé Les auteurs rapportent un cas de lipome arborescent du genou traité par synovectomie arthroscopique. Il s’agit d’une pseudotumeur rare de la synoviale, d’étiologie inconnue, surtout observée au genou, en particulier dans le récessus suprapatellaire. Si le diagnostic est évoqué, notamment devant un épanchement chronique, les séquences adaptées d’imagerie par résonance magnétique peuvent confirmer la nature graisseuse de la prolifération. En cas d’extension limitée au compartiment antérieur du genou, la synovectomie arthroscopique est une alternative possible à l’arthrotomie. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract We report a case of lipoma arborescens treated with an arthroscopic procedure. Lipoma arborescens is an uncommon pseudotumoral synovial lesion usually located in the suprapatellar pouch of the knee. This diagnosis should be considered, particularly in patients with chronic joint effusion. Magnetic resonance imaging confirms the lipomatous nature of the synovial proliferation. When limited to the anterior compartment of the knee, lipoma arborescens can be treated by arthroscopic synovectomy. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Lipome arborescent ; Genou ; Synovectomie Keywords: Lipoma arborescens; Knee; Synovectomy
Le lipome arborescent de la synoviale est une lésion pseudotumorale rare atteignant le plus souvent le genou. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet d’évoquer le diagnostic en montrant la nature graisseuse de la prolifération synoviale et précise son extension. En pratique le diagnostic est établi après biopsie synoviale. Le traitement de référence est la synovectomie par arthrotomie. Les rares L
Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Franco). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S1169-8330(03)00275-8
formes localisées au compartiment antérieur du genou peuvent bénéficier d’une synovectomie arthroscopique. Nous en rapportons un cas. 1. Observation Mme R., 48 ans, a développé en septembre 2000 un gonflement douloureux du genou droit, à la suite d’un traumatisme minime. Il n’y avait pas d’antécédent au niveau de ce genou. L’examen trouvait un épanchement articulaire et une tuméfaction du récessus sous-quadricipital. La radiogra-
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Fig. 1. IRM, coupe axiale en T2 : prolifération synoviale en hyposignal, sous forme de masse dense (tête de flèche large) ou de digitations plus éparses (flèche), au sein de l’épanchement.
phie était normale et le liquide articulaire stérile, sans cristaux, avec 9700 cellules/mm3 à prédominance lymphocytaire (90 %). Les examens biologiques usuels étaient normaux. L’IRM montrait une prolifération synoviale au niveau du récessus sous-quadricipital, au sein d’un épanchement abondant. Cette prolifération apparaissait en hyposignal sur les coupes axiales pondérées en T2 (Fig. 1), sous forme d’une masse bien délimitée et de digitations plus éparses. Les coupes sagittales en mode T1 montraient les digitations en hypersignal (Fig. 2). Le diagnostic de lipome arborescent n’a pas été évoqué et une arthroscopie a été décidée. Elle découvrait une hyperplasie synoviale digitiforme majeure, blancjaunâtre, au niveau du récessus sous-quadricipital et des rampes condyliennes. L’examen histologique de ces digitations synoviales montrait un revêtement synoviocytaire discrètement inflammatoire et pluristratifié par endroits et la présence de plages adipocytaires haut situées dans le tissu conjonctif des franges synoviales, affirmant le diagnostic de lipome arborescent (Fig. 3). Dans un deuxième temps une synovectomie arthroscopique était effectuée au niveau du compartiment antérieur du genou (récessus sousquadricipital, rampes condyliennes, régions périméniscales). Le résultat clinique est bon avec un recul actuel de 24 mois.
Fig. 2. IRM, coupe parasagittale interne en T1 : prolifération synoviale en hypersignal dans le récessus sous-quadricipital.
Fig. 3. Histologie de la biopsie synoviale, G × 40 : membrane synoviale siège d’une prolifération adipocytaire.
2. Discussion Le lipome arborescent est une affection rare, dont la première observation détaillée a été rapportée par Arzimanoglu [1]. Il s’agit d’une lésion synoviale étendue ou diffuse, parfois nommée prolifération villeuse lipomateuse de la synoviale [2] pour la différencier du lipome articulaire isolé et de la maladie de Hoffa. Le genou est de loin l’articulation la plus touchée mais la hanche, le poignet, le coude, la cheville et les bourses séreuses de l’épaule et du genou sont des localisations possibles [2,3]. Nous avons revu 46 cas détaillés de lipome arborescent du genou, chez l’adulte [1–19]. L’atteinte est bilatérale dans 8 cas ; l’âge moyen est de 46 ans pour les hommes (30 cas), 37 ans pour les femmes. Le récessus sous-quadricipital est le site le plus souvent atteint. L’évolution peut se faire sur des années, avec épisodes de douleurs, blocage et épanchement. L’examen trouve de façon constante un épanchement souvent très abondant (plusieurs centaines de ml) [1,2] et parfois une synovite palpable. Le liquide synovial est habituellement acellulaire, parfois modérément inflammatoire ou hémorragique [7] ; dans un cas la présence de globules lipidiques a été signalée [5]. La radiographie peut montrer des érosions osseuses sans spécificité [10,12]. La tomodensitométrie ou l’arthroscanner
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précise la topographie des masses et leur densité graisseuse (50–60 UH), sans prise de contraste après injection veineuse d’iode [8]. L’IRM est l’examen le plus performant pour étudier une telle lésion synoviale. Elle permet d’évoquer le diagnostic devant une prolifération synoviale de signal identique à la graisse sur les séquences T1 et T2 ; l’image peut être parasitée par des artéfacts de déplacement chimique à l’interface lipome–liquide synovial. Cette prolifération se présente sous l’aspect de franges villositaires, ou de masses sous-synoviales bien limitées, les 2 aspects pouvant s’associer [9,12,15]. Les séquences avec suppression du signal de la graisse peuvent éventuellement confirmer la nature de ces masses synoviales [9] ; il n’y a pas de prise de contraste après injection veineuse de gadolinium. Le diagnostic différentiel se pose surtout avec la synovite villonodulaire dont les caractéristiques en IRM sont différentes du fait des anomalies de signal liées aux dépôts d’hémosidérine. Les diagnostics d’hémangiome synovial ou de lipome synovial, éventuellement évoqués par l’IRM [12,14,15,18], seront en pratique établis par arthroscopie. L’arthroscopie montre une prolifération synoviale blancjaunâtre, formant des digitations de taille variable (quelques mm à 2 cm), donnant un aspect d’arborescence [10]. L’examen microscopique montre que la synoviale est totalement infiltrée par des adipocytes matures ; le revêtement synoviocytaire est discrètement inflammatoire ou hyperplasique avec une infiltration focale périvasculaire mononuclée [11]. L’origine dystrophique, inflammatoire ou tumorale est discutée [1,2,11]. Le volume parfois très important (plus de 1 kg) de la prolifération synoviale [11] pourrait plaider pour une origine tumorale. Pour certains auteurs [2] il s’agit d’une réaction non spécifique de la synoviale à une atteinte dégénérative ou inflammatoire. Une gonarthrose est très souvent associée, sans qu’il soit possible d’établir un lien entre les 2 affections [19] ; certains conseillent cependant de rechercher un lipome arborescent en cas d’arthrose sévère unilatérale chez un sujet jeune [19]. D’autres cas sont associés à une polyarthrite rhumatoïde ou psoriasique [2,5,14,18]. La prolifération adipeuse pourrait se faire à partir des adipocytes du tissu conjonctif synovial, ou après différentiation d’une cellule mésenchymateuse totipotente [19]. Le traitement de référence est la synovectomie après arthrotomie ; l’arthroscopie est utilisée pour le diagnostic dans beaucoup de cas récents [9–11,13,14,16], mais une arthrotomie est pratiquée dans un second temps. Il n’y a habituellement pas de récidive après synovectomie. La synovectomie arthroscopique est conseillée par Blais et al. [10] et par Sola et al. [13] si la lésion est localisée au compartiment antérieur du genou ; le recul dans ces cas est respectivement de 6 mois et 2 ans. Un cas de lipome arborescent du genou chez un enfant de 13 ans, traité par synovectomie chimique à l’acide osmique a été rapporté avec un bon résultat à un an [20]. Nous n’avons pas trouvé d’autre cas signalant l’utilisation de ce traitement. En conclusion, le lipome arborescent est une lésion rare qu’il faut évoquer devant un épanchement articulaire chroni-
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que. L’utilisation des séquences adaptées d’IRM permet d’envisager le diagnostic et d’en préciser l’extension. Le traitement arthroscopique des formes localisées au compartiment antérieur du genou est possible. L’utilisation fréquente de l’IRM en pathologie articulaire peut amener la découverte de lipomes peu étendus asymptomatiques [18] ; dans cette hypothèse le choix entre surveillance simple et traitement arthroscopique dépend de chaque cas particulier.
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