L'utilisateur des transports collectifs urbains: une identité en débat au sein des entreprises

L'utilisateur des transports collectifs urbains: une identité en débat au sein des entreprises

Sociologic du travail (1999) 41, 255-273 0 1999 Editions scientifiques et medicales Nsevier SAS. Tous droits r&erv& L’utilisateur des transports c...

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Sociologic du travail (1999) 41, 255-273 0 1999 Editions scientifiques et medicales

Nsevier

SAS. Tous droits

r&erv&

L’utilisateur des transports collectifs urbains : une identit6 en debat au sein des entreprises firic Le Breton* RCsumC - A partir d’une enquCte dans trois r&eaux de transports urbains l’auteur expose comment ce secteur passe d’un ancien modi?le industriel - performance technique et usagers captifs - B un mod&le de service supposant 1’Clargissement des clientkles et la recherche de la rentabilitk. La prise en compte nouvelle de l’utilisateur transforme la relation de face B face avec le personnel de conduite et entraine des &actions de blocage. L’article montre ainsi que la relation de service ne constitue pas le seul support de la modemisation de l’action publique. 0 1999 l?ditions scientifiques et m&licales Elsevier SAS agent de conduite

I relation

de service I usager 1 service public I transport

Abstract - Mass transit users in urban areas: A debated identity. A survey conducted in three urban transit systems is used to show how mass transportation is switching from an old ‘industrial’ model, based on technical performance and captive riders, to a service model, which involves attracting new users and making a profit. This focus on users changes face-to-face relations with the personnel who drives buses, trams, etc. The use of more and more control procedures and surveys has caused employees to react against management’s demands. In each transit system, management has tried to break the deadlock by using different policies. In effect, the ‘service relation’ is not the only grounds for modernizing public utilities. 0 1999 fiditions scientifiques et mCdicales Elsevier SAS public transportation

/ relations

with users / mass transportation

/ urban transit systems

1. Introduction A l’instar de l’ensemble des organisations de service public, les opCrateurs de transports collectifs urbains ont engag la modernisation de leur activitk depuis le milieu de la dkcennie 1970, dans un contexte dont on peut retenir deux dimensions principales. D’une part, le r61e dCvolu aux transports collectifs s’est, B partir de cette pCriode, considkrablement Clargi. 11 ne s’agit plus seulement d’offrir une >aux captifs privCs des moyens individuels de dkplacement. Les acteurs locaux, Clus, urbanistes et techniciens des villes, exploitants, s’accordent a faire du transport collectif l’outil d’un modkle de ville renouvel6 dans la perspective d’une amklioration des conditions de vie de l’ensemble des citadins qui doivent bCnCficier d’une bonne accessibilitk urbaine, d’un environnement pr6servCl et de centres-villes rendus a la dkambulation, ti 1’Cchange et & la rencontre. La rkussite de cet objectif nkcessite que le transport collectif puisse concurrencer efficacement la voiture, tant * Correspondance et tirks & part. GIP Mutations industrielles, Le Descartes-I, 29, promenade Michel-Simon, 93166 Noisy-le-Grand cedex, France. 1 Initialement instituee par la loi d’orientation des transports int&ieurs de dtcembre 1982, la procCdure des plans de dkplacements urbains rel&ve dCsormaisde la loi sur l’air et la pollution de dCcembre 1997. Ce transfert tCmoigne du rapprochement des problemes de p&ervation de l’environnement et de gestion des mobilit& urbaines. C’est Bgalement sur ce th&me de 1’6cologie en milieu urbain que de nombreux exploitants appuient leurs carnpagnesde promotion du transport colle&f.

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sur le plan de l’offre que sur celui du confort et de la qualite du deplacement. Des moyens importants sont done consacres au secteur, notamment a travers la creation de metros et tramways dans un nombre croissant de grandes agglomerations francaisesz. Mais ces operations extremement couteuses obligent les collectivites locales a recourir a des capitaux prives. La seconde caracteristique de l’evolution du secteur reside alors dans l’bmergence et le renforcement continu du partenariat public-prive. Jusqu’aux annees 1970, les collectivites locales ne se preoccupaient guere du transport collectif qu’elles concedaient a des entreprises privies sous le regime des G risques et perils B. Et si aujourd’hui, 70 % des reseaux sont exploit& par des societes anonymes et 21 % par des societes d’economie mixte, pour 9 % seulement de societes publiques, les G risques et perils >Xont quasiment disparu, remplaces par differentes formules de contrat qui associent Ctroitement les autorites organisatrices et leurs prestataires. La viabilite de ces accords entre parties prenantes decoule de l’efficacite des concessionnaires dans l’acquittement de leurs missions mais aussi et reciproquement de la capacite pour les reseaux, et les grands groupes dont ils sont les filiales3, de rentabiliser leurs efforts financiers d’investissement et de bonne gestion. Ces deux nouveaux enjeux de l’elargissement de leurs champs d’intervention et de l’imperatif d’efficacite Cconomique incitent les exploitants 5 modifier leurs logiques d’intervention. 11s abandonnent leur reference initiale empruntCe a un modele industriel centre sur la production de kilom&tres4 pour instituer au sein des entreprises une logique de service sanctionnee par la satisfaction des usagerG. Ce changement bouleverse la man&e dont les operateurs apprehendent les utilisateurs du service. Pendant longtemps, ces derniers, sans Ctre veritablement rkgliges, ne constituaient pas la preoccupation centrale des entreprises qui, apres la faillite du secteur de la fin de la decennie 1960, se consacraient au redeploiement des reseaux en termes de maillage, de frequences, de kilometrages de lignes et d’extension du part des materiels. Mais les enjeux recents auxquels est confronte le transport collectif obligent les operateurs a reconsiderer leurs modalites d’apprehension des utilisateurs. En effet, le sucds du double objectif de rentabilite Cconomique - ou plus exactement, dans le cas des transports collectifs urbains, de maitrise des deficits - et de redefinition de l’organisation urbaine par le transfert modal de la voiture vers les

’ Des transports collectifs en sites propres fonctionnent deja, outre Paris, a Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Names, Rotten, Saint-Etienne, Strasbourg et Toulouse ; ils sont en tours de construction ou en projet a Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dunkerque, Le Mans, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nice, OrlCans, Rennes, Toulon, Tours et Valenciennes. 3 Trois grands groupes se partagent 70 % du marche du transport collectif urbain : CGEA-CGFIE et VIA-GTI sont privts, Transdev est un groupe sent-public. 11s sont respectivement les filiales de Vivendi, des Chargeurs et de la Caisse des depots et consignations. 4 Jusqu’aux an&es 1980, l’tvaluation de l’activite des reseaux ttait essentiellement mesuree en <s, <>, etc. Sur ce point, on peut se reporter aux annuaires statistiques des transports collectifs urbains publits tous les ans par le Certu. 5 Dam ces pages, nous emploierons indistinctement les termes d’utilisateur, de client et d’usager sans tenir compte des acceptions particulitres qui leur sont souvent attribuees, sauf mention contraire indiquee par l’emploi des termes entre guillemets.

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transports collectifs, suppose que les operateurs se dotent des moyens de retenir leurs clienteles traditionnelles et d’en seduire de nouvelles. L’amelioration de la prise en compte des utilisateurs fait alors l’objet de nombreuses dbmarches, largement partagees par l’ensemble du milieu professionnel. Mais les entreprises de transport collectif presentent une particularite par rapport a d’autres organismes de service public, lice a la distribution du pouvoir dans les organisations. Les relations concretes a l’utilisateur sont monopolisees par les personnels de conduite qui representent approximativement 70 % des effectifs totaux des entreprises. Ces agents disposent d’un pouvoir discretionnaire [lo] nettement plus important que dans d’autres organisations. En effet, plusieurs categories d’agents interviennent dans la foumiture d’electricite, dans le fonctionnement du reseau telephonique ou dans le montage d’un dossier administratif. Ce partage des taches reduit d’autant le pouvoir des agents de contact. La situation est differente dans le cas du transport collectif. Le reseau, les lignes, les correspondances peuvent Ctre remarquablement organises, les bus et rames de metro et de tramway d’un confort appreciable, les tarifs correctement adapt&, l’information saris faille... Neanmoins, les conducteurs ont potentiellement la capacite d’arriver en retard, de conduire brutalement, de rudoyer les utilisateurs. Des lors, la relation de face a face rev& une importance cruciale pour les gestionnaires des emreprise& qui s’efforcent d’obtenir des personnels de contact la n-rise en muvre de comportements professionnels plus conformes a l’objectif de seduction des utilisateurs. Cette dynamique de <>[ 151 du changement organisationnel, c’est-a-dire par la prise en compte des destinataires, a fait l’objet de recherches dans de nombreux autres domaines : les services publics administratifs [3, 11, 131, le logement social [ 16, 171 ou encore les grandes entreprises publiques de reseaux [ 1, 14, 181. Pour notre part, nous souhaitons rendre compte de ses modalites et de ses consequences en l’examinant au sein de trois entreprises de transports collectifs de province7. Nous montrerons d’une part que les injonctions que les gestionnaires adressent aux personnels de contact aboutissent dans une confrontation entre ces deux categories d’acteurs qui empeche ou du moins ralentit considerablement la moder6 NOW retenons ici le terme employ& par Norbert Alter dans son etude sur France TCltcom. Le terme de <> designe les tquipes dirigeantes Clargies, c’est-a-dire les cadres dirigeants et leurs collaboraterns immediats qui ont le statut de cadre ou celui d’agent de haute-mahrise. ’ Nos elements d’analyse proviennent d’une enquete men&e au tours de l’annee 1997 au sein de plusieurs reseaux, a Toulouse, Bordeaux, Angouleme, Names, Rennes, Caen, Rotten, Dijon, BesanGon, Grenoble et Saint-Etienne. Les observations et analyses formulees dans cet article proviennent d’investigations approfondies menees dans trois entreprises : la SociCte des transports de Ronsac (STR), la Compagnie des transports de Villebon (CTV) et la Comuagnie des transports de Neufchlteau (CTN). Ces trois entreprises sont considtrees par les professionnels du se&m connne pkmi les plus significatives pour leurs politiques de modernisation. Elles ont en common d’avoir opte pour des dispositifs techniques differents mais dont I’installation s’est a chaque fois accompagnee de profonds bouleversements des organisations : la STR exploite un metro depuis juin 1993 ; le reseau villebonois fut pilote, entre 1974 et 1978, dans l’exptrimentation d’un systeme tlectronique d’aide a l’exploitation ; la CTN a inaugure en novembre 1994 une ligne de tramway. Nous avons realise une quarantaine d’entretiens semi-directifs aupres des personnels des differents services de chacune des entreprises. En 1995, la STR employait 1 597 personnel& la CTV, 388 et la CTN, 1 161. Les pourcentages de personnels roulants dans ces effectifs totaux sont de 68,7 % pour la STR, de 765 % pour la CTV et de 68,8 % pour la CTN.

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nisation de l’activid par la transformation de la relation de face a face avec l’utilisateur. Nous examinerons ensuite les strategies qui permettent aux gestionnaires de mettre le service de transport collectif en adequation avec ses contraintes actuelles en faisant l’economie de l’adhesion a leurs projets des agents de conduite. Enfin, nous observerons comment ces strategies contribuent, dans certains cas, a creer, si ce n’est de nouveaux metiers, du moins de nouveaux segments d’activites a partir desquels une fraction significative des agents vont pouvoir recomposer, en les diversifiant, leurs pratiques et comportements professionnels.

2. Deux logiques de prise en compte de l’utilisateur Jusqu’au milieu des annees 1980, la quasi-totalite des effectifs des e&reprises Ctait affectee aux services de l’exploitation qui rassemblent les agents de conduite, les personnels des ateliers et leurs hierarchies de terrain et d’encadrement. Les cadres Ctaient meme, pour une pat-tie d’entre eux, des anciens de la conduite. Puis les exploitants ont commence a recruter des personnels aux profils atypiques dans le secteur, investis de la t&he d’adapter le transport collectif a ses nouveaux enjeux Cconomiques et a son contexte urbain actuel. Sont entres dans les entreprises des travailleurs sociaux, des urbanistes, des professionnels de l’action commerciale, du marketing et de la communication. Ces nouveaux Venus ont import6 des conceptions et des outils differents de ceux qui prevalaient alors exclusivement dans le domaine. 11soccupent aujourd’hui les postes d’encadrement dans les services trees recemment sur la base de leurs competences. Ainsi, les services de l’exploitation ont perdu a la fois leur monopole numerique et leur pouvoir, puisque les moyens de la decision appartiennent desorrnais davantage aux directeurs des nouveaux services commerciaux, des etudes g&&ales, de la gestion des ressources humaines, aux responsables des cellules <>ou enfin, et plus discretement, aux dirigeants des instances centrales des grands groupes. Les entreprises reunissent done aujourd’hui deux categories d’acteurs, distinctes l’une de l’autre autant par les positions qu’elles occupent, par leurs missions respectives et par leurs cultures professionnelles. De ce fait, les membres de ces deux categories concoivent l’activite des reseaux et, pour ce qui nous interesse plus particulierement, l’utilisateur des services, de facon fort differente. Les personnels de l’exploitation se revendiquent tres fortement d’une logique de service public, qui s’est elaboree au tours des decennies precedentes. Elle reste pour eux la reference principale en fonction de laquelle doit Ctre concu et produit le service. Les comportements des gestionnaires relbvent d’une logique en voie de constitution autour d’un problbme priori&ire, celui de la performance du reseau dans tous les domaines : performance commerciale de la vente des titres, performance de l’exploitation avec des progres en mat&e de temps de parcours, de productivite, de maillage du reseau ; nous parlerons de logique de la performance. Un rapide examen de ces deux referentiels nous permettra de saisir quelles sont les conceptions de l’utilisateur en presence et la nature des enjeux organisationnels qu’elles supportent.

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2.1. La logique du service public

Telle qu’elle est apprehendee par les personnels, la logique du service public repose sur deux caracttkistiques. D’une part, la 1Cgitimite de l’action pro&de de la delegation par l’l?tat-providence aux transporteurs d’une mission de service public Cgalitariste et redistributif. Le transport collectif < ([4], p. 32) dans un domaine specifique, celui de la mobilite urbaine. I1 est consider6 comme un service social visant a restaurer l’egalite des citoyens dans le domaine du droit a la mobilite. Ce quasi-critere de droit public assigne aux exploitants une clientele prioritaire, les >et la production des entreprises qui consiste en des <>.Mais pour les autres, les G non habitues B, la relation est fondee sur l’evitement, le maintien a distance. L’agent ne s’affranchit de ce cadre minimal que dans des situations dysfonctionnelles necessitant une intervention specifique : un voyageur est perdu ou ne dispose pas de titre de transport, etc., plusieurs chercheurs 8 M. Bigey

note ?I props

du tramway

de Nantes

qu’il attire C
et les attach&-case

>>.

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ont qualifie ce type d’intervention de <
entre

2.2. La logique de la performance Le referentiel a travers lequel les gestionnaires des entreprises concoivent I’activite et l’utilisateur differe sensiblement du precedent. Leur preoccupation principale est de pouvoir maitriser de maniere precise toutes les dimensions de l’activite, celles qui concernent les utilisateurs et celles qui concement les personnels. Trois raisons expliquent ce souci. D’une part, l’imperatif de rentabilite Cconomique impose la multiplication de divers outils d’evaluation, de mesure et de controle dans les domaines commerciaux et financiers mais aussi darts celui de la productivite qui depend pour l’essentiel des temps de parcours. Par ailleurs, les exploitants sont tenus de rendre des comptes precis aux autorites organisatrices. Ces demieres sont soucieuses de maitriser financierement un domaine dans lequel elles investissent une partie parfois considerable de leurs fonds9. Mais les collectivites locales souhaitent Cgalement pouvoir Cvaluer l’activite de leurs prestataires dans les autres secteurs d’intervention pour lesquels elles les mandatent : celui de la cG”, c’est-a-dire des actions de prevention dans les quartiers qui constituent un volet desormais important de l’activite des transporteurs ; celui, plus informel mais tout aussi sensible, du rapport de l’exploitant avec les riverains des lignes de bus ou de tramway, les commercants, les associations de protection de l’environnement, de promotion des modes altematifs de transport (deux roues, marche). La qualite de ces relations est mesuree notamment par les reclamations, auxquelles les Clus sont t&s attentifs. De fait, ce domaine des <
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s’affranchir de la seule clientele captive. Les transporteurs doivent prendre en compte l’ensemble de la population. Alors, les utilisateurs ne sont plus apprehend& uniquement en fonction du souci de perkquation sociale qui fonde la logique du service public, mais en fonction de la construction, par le biais d’enqu&tes et d’etudes, de produits susceptibles d’attirer des clienteles potentielles. D’autre part, l’identite des utilisateurs des services se demultiplie. 11scontinuent d’&tre pour partie des clients du service de transport. Mais l’entreprise doit Cgalement se preoccuper des populations qui sont concemees et impliquees dans ses actions en mat&e de cohesion sociale, d’amenagement urbain lib a la creation des metros et tramways, sans Ctre pour autant des clients du transport collectif. Ainsi, 1’Clargissement des missions du transporteur induit une diversification des clienteles qui ne sont plus definies en fonction de la seule norme de mobilite, mais qui necessitent tout autant que les utilisateurs du transport le developpement de competences specifiques et de logique de prise en compte au sein des entreprises. On peut retenir trois critbres pour resumer chacune des deux conceptions de l’utilisateur en presence dans les entreprises. La logique du service public et les personnels qui en sont les promoteurs retiennent prioritairement la figure du voyageur defini par son droit a la mobilid. Les agents opbrent ensuite deux grandes categorisations. 11sdistinguent les <>: les nouveaux produits sont Clabores sur la base d’enquetes et les gestionnaires observent ensuite s’ils correspondent ou non a des <
3. La prise en compte de l’utilisateur, contradictoires

support

d’enjeux

Ces deux referentiels, et les logiques de prise en compte de l’utilisateur qu’ils structurent, am&tent les deux categories d’acteurs a apprehender la relation de contact de manibre nettement differente. l3 L’essentiel 2gigtes.

du contentieux

dans les entreprises

est lik B des incidents

et accidents

impliquant

des personnes

i.

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3.1. Les injonctions de face h face

des gestionnaires

A la transformation

Le Breton

de la relation

La relation de face a face recouvre un enjeu crucial pour les gestionnaires. 11sla considbrent comme la phase la plus fragile de la production, oti peuvent s’aneantir les ameliorations de l’activite Claborees en amont : modification de l’image des entreprises, campagnes de publicite, adaptations tarifaires, accroissement de l’offre kilometrique, adaptation des repartitions horaires... Quand ils adviennent, les dysfonctionnements engendrent in fine la rupture du contrat conclu entre l’utilisateur et le prestataire et l’insatisfaction des clienteles. Alors, soit ces dernieres desertent le transport collectif au profit d’autres modes de deplacement et oberent les comptes financiers d’exploitation, soit protestent directement aupres des Clus. Dans tous les cas, la legitimite de l’exploitant est mise a mal, ce qui peut avoir, dans un secteur concurrentiel, des repercussions dommageables, par exemple, lors du reexamen des contrats de concession14. Les gestionnaires s’efforcent alors de normaliser la relation de face a face, et d’y reduire les risques de dysfonctionnement susceptibles de s’y produire : informations ma1 relayees, horaires non respect&, transport inconfortable, incivilites des agents. Plusieurs modalites concourent a cette fin. Dune part, ils mettent en place de nombreuses procedures de contrble des differents aspects de l’activite des personnels. Des dispositifs techniques, systbmes d’aide a l’exploitation, points de regulation, phonie, verifications sur le terrain permettent de s’assurer du respect des temps de trajet et de la ponctualite ; la proprete des bus est controlee ; le traitement des reclamations que les utilisateurs adressent a l’entreprise est rationalise, dans les delais qui doivent Ctre rapides et les methodes, qui recourent a l’enqdte aupres de l’agent mis en cause. Les directeurs generaux sont toujours les premiers destinataires des reclamations, ce qui temoigne de l’importance accordee a cet aspect l5 . Toutes les dimensions de l’activite sont formalisees dans des tableaux de bord, suivis quotidiennement. Les demarches dites <>avec l’aide des anciens. Desormais, depuis cinq ans approximativement, les nouveaux recrutCs suivent une p&ode de formation de quelques jours, qui fera l’objet, deux ou r4 D’ailleurs un nombre croissant des contrats integrent des criteres relatifs a la qualite du service. ‘s Les explokmts savent que dans bien des cas, les rtclamations qu’ils re9oivent sont Bgalement adressees aux Blus. 11s accordent alors une grande attention a ces protestations qui tout en Ctant d’un ordre des s petits faits B, peuvent potentiellement se reveler tres g&antes pour eux quand elles sont exploitees dans un registre politique. I6 A notre connaissance, seuls deux reseaux sont impliques dans des demarches de certification aux names IS0 : la Semitag de Grenoble et les Tram de Mulhouse, pour son atelier mecanique. ” En une dizaine d’anntes les budgets X>de la majorite des reseaux ont nettement augment& Pour les trois reseaux qui nous ikressent, les chiffres sont (en pourcentage de la masse salariale) : pour la STR en 1985 : 1,85 ; en 1995 : 3,40. Pour les memes anntes, les chiffrent passent de 1,77 a 2.99 pour la CTV et de 1,99 a 4,6 pour la CTN.

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trois mois plus tard, d’une <>professionnelle, apres avoir exerce pendant plusieurs annees d’autres metiers, souvent dans le monde de la conduite, soit routier, soit conducteur de car de tourisme. Les personnes retenues aujourd’hui sont plus jeunes, comptent beaucoup plus de femmes 18, disposent de niveaux de qualification initiale tres superieurs a ceux de leurs air&s et sont generalement en debut de carrier-e professionnelle. Le recrutement de <>et la creation d’un nouveau CAP d’agent commercial de conduite sont les nouvelles filibres de recrutement conformes aux criteres que nous venons d’enoncer et qui visent a renouveler le profil des personnels de base. Pour ce qui est du recrutement des agents de maitrise, les gestionnaires delaissent la promotion interne et privilegient l’integration de nouveaux personnels, 18 encore, le plus souvent, des non professionnels du secteur. Dans tous les cas, les embauches doivent se preter a des procedures de recrutement lourdes, confiees a des cabinets specialis% qui retiennent prioritairement des candidats aux capacites relationnelles soutenues. 3.2. Les agents de contact

rCsistent

aux injonctions

des gestionnaires

Les agents sont globalement critiques a l’egard de l’imposition de ces nouvelles normes. 11sprotestent que la mise en application de nouveaux modes de relation avec l’utilisateur est difficile, impossible ou meme saris objet veritable. On peut reperer plusieurs raisons a cette attitude partagee aussi bien par les plus jeunes dans le metier que par les plus anciens. Certaines raisons sont du ressort du registre des conditions d’exercice du metier, et d’autres des enjeux, pour la categoric des conducteurs, du changement organisationnel. D’une part, les personnels estiment que les transformations imposees par les gestionnaires bouleversent a leur net desavantage les conditions d’exercice du metier. L’amelioration de la qua&C de service aboutit en fait dans la disparition des marges de manozuvre deja faibles dont ils disposaient dans leur travail. La ponctualite et les gains de productivite permettant une meilleure couverture du territoire au benefice des utilisateurs se traduisent concretement pour eux par des x, le renforcement des controles de terrain et la disparition des ‘s M&me si le transport collectif urbain demeure un univers essentiellement masculin. En 1985, 3,l % des personnels de la STR Btaient des femmes ; elles representent en 1995,8 % de l’effectif. Pour les m&mes annees, ces chiffes passent de 13,0 a 16.0 a la CTV, tout a fait atypique sur ce plan ; et de 4,9 a 7,3 a la CTN. Les femmes representaient, en 1996, a peine 11 % de l’effectif total de l’ensemble national des reseaux. Le recrutement des femmes a debut6 a partir des an&es 1985, le fait marquant &ant qu’elles ont ete 9 partir de ce moment recrutees sur des postes de conduites alors qu’elles ttaient auparavant cantonntes darts les services administratifs. Les femmes restent toutefois particulierement sous-represent&es darts la categoric x cadres D des entreprises ; en 1995, seuls 3 % des cadres de l’ensemble des rkseaux fran9ais ttaient des femmes.

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<>du mCtierr9, apparent& au <> par lesquels les agents detoument <> ([2], p. 67). D’autre part, les agents font valoir que le contenu concret de leur activite de conduite n’offre aucun support reel a la mise en ceuvre d’une qualite de service telle qu’elle est conque par les gestionnaires. 11ssont deja partages entre la conduite, dans des conditions de circulation difficiles, l’attention aux temps de parcours et a la ponctualite, la vente des titres, parfois le controle des passagers entrants lorsque la montee se fait par l’avant, le controle des sorties, la surveillance de l’ambiance generale dans le bus... Les nouveaux Venus dans le metier expliquent bien cette difficulte Cprouvee pendant plusieurs semaines a coordonner ces taches qui relevent des differentes competences de la conduite, du service et de controle, difficult6 dont I. Joseph [9] donne une description parlante dans son etude du <>d&rite par C. Musselin [ 1l] a propos des personnels de guichet des administrations. Comme eux, ils ne disposent d’aucune ressource pour materialiser la qualite de service, et principalement ils ne disposent pas de temps a y consacrer. Les anciens du metier racontent comment ils n’hesitaient pas, il y a quelques an&es, a arreter le bus pour attendre un habitue ou pour resoudre un problbme quelconque. Cette marge de manmuvre n’existe plus aujourd’hui. Des lors, la relation avec l’utilisateur peut devenir angoissante, voire traumatisante lorsque l’absence de ressource se combine avec une difficulte reelle, lors d’une altercation par exemple, et que s’accroit le decalage entre les representations du <>,Claborees par enquetes et sondages, vehiculees par les gestionnaires et la realite du face a face. Les agents sont alors conduits a refuter les representations des utilisateurs des gestionnaires, voire a les contredire radicalement, <>aflirme un conducteur. On peut faire l’hypothese que l’amplitude du discours sur la <>le meilleur service. En faisant valoir quelles sont les conditions concretes du face a face, les personnels s’efforcent de demontrer que, en quelque sorte, leurs G clients >> le sont de moins en moins. Mais par ailleurs la preservation de la logique du service public recouvre trois enjeux cruciaux pour les personnels de contact. Tout d’abord, en renon9ant a exercer leur capacite discretionnaire vis-a-vis de l’utilisateur au profit dune autre forme de relation dont ils ne seraient pas les initiateurs, les agents renoncent au monopole de la definition des relations de face a face qui constituent leur source de pouvoir dans l’organisation. Ce risque est amplifie dans un autre registre. Les entreprises sont profondement reorganides depuis quelques an&es. De nouveaux services apparaissent ; les organisations hi&a&i” <
sur le trajet pour disposer de quelques ou une cabine t&lephonique...

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ques sont simplifiees ; les rbgles de fonctionnement du march6 inteme changent ; les cultures de depots disparaissent. Dans ce contexte, le rapport a l’utilisateur, loin d’etre secondaire ou anecdotique, est une dimension structurante de la culture de metier du groupe et se constitue comme un des demiers facteurs de cohesion des groupes de pairs partageant le mCme metier. L’abandon de la logique de service public et de ses elements, notamment la norme de mobilite, induit le risque d’une dilution definitive de la communaute et de la culture qui fondent le statut de l’agent. Enfin, l’acceptation d’une nouvelle identite sociale de l’utilisateur, qui serait <x, et plus globalement dans celle d’un statut d’emploi qui est actuellement assez preserve. Ainsi, la reformulation de la relation a l’utilisateur est vecue par les personnels de contact comme un risque potentiel de remise en cause a la fois : a) des conditions concretes d’exercice du metier, b) des ressources de leur pouvoir dans l’organisation, c) de la cohesion de la communaute des pairs, fondatrice d’une identite professionnelle et d) de leur statut d’emploi. Les termes de cette confrontation des deux logiques de prise en compte de l’utilisateur sont identiques sur nos trois sites d’enquete. Cette similitude nous renseigne sur le degre Clew5 de coherence et d’integration du secteur du transport collectif, qui tient a plusieurs facteurs. Les grandes phases de l’histoire du secteurzO valent pour tous les reseaux : declin jusqu’au colloque de Tours de mai 1970, qui intervient a la meme periode que les elections municipales au tours desquelles le transport collectif devient pour la premiere fois un veritable enjeu Clectoralzl ; creation en 1973 puis extension a tous les reseaux de la ressource fiscale specifique du versement transport qui finance le redeploiement des reseaux et des recrutements importants, qui se repercutent aujourd’hui sur les anciennetes des personnels ; loi d’orientation des transports interieurs en 1982, qui marque le lancement des strategies de reconquete des villes a l’encontre de la voiture. Par ailleurs, les politiques d’entreprise sont semblables dans leurs principes. On observe partout la meme reorganisation des structures et des modes de fonctionnement des entreprises a travers la deconcentration des unites de production, le fractionnement des temps de travail, la disparition de <
am travaux

de J.-M.

Offner.

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La confrontation entre les gestionnaires et les personnels de contact aboutit sinon dans un blocage du moins dans le ralentissement de l’adaptation des entreprises a leurs contraintes Cconomiques et contextes urbains actuels. Nous allons examiner a present quelles sont les strategies mises en ceuvre par les gestionnaires pour depasser cette situation. Nous verrons que ces strategies ont en commun de dispenser les gestionnaires d’obtenir l’adhesion des personnels de conduite. On pourrait en ce sens parler de <>.Mais nous verrons aussi que les choix effectues debouchent, dans certains cas, dans la creation de nouveaux segments d’activites constituant des opportunites d’evolution du metier de conducteur dont certaines categories d’agents vont se saisir. Les dynamiques de transformation des entreprises vont ainsi engendrer une differentiation au sein des groupes d’agents de conduite.

4. Strategies de contournement des agents

et recomposition des compCtences

Si la situation de depart est identique dans les trois entreprises, les strategies de contoumement mises en aeuvre different notablement. Elles ont alors des repercussions variables sur les modalites et les contenus de recomposition des competences des personnels de conduite. 4.1. La ma&rise du temps comme critbre principal

de la qualit

de service

La premiere stradgie consiste a privilegier une des dimensions possibles de la relation de service, la ponctualite. L’organisation de l’activite reduit l’implication des personnels dans leur travail au respect d’une seule norme, la maitrise du temps, scientifiquement construite par le systbme d’aide electronique a l’exploitation (SAE)**. La compagnie des transports de Villebon (CTV) est une filiale du groupe VIA-GTI qui, le premier dans le secteur du transport urbain, des les annees 1974-1975, a recrute des professionnels du marketing, d’abord au niveau de la direction centrale du groupe, puis dans les reseaux. A la mCme Cpoque, le reseau bisontin bCnCficie de plusieurs conditions qui facilitent la modemisation de l’activite, en avance par rapport aux autres reseaux. De fait, Villebon a longtemps fait figure de en France et reste aujourd’hui parmi les plus performants23. Le premier adjoint au maire est un militant convaincu de l’avenir du transport collectif ; le centre-ville t&s attractif d’une prefecture de region est situ6 dans une cuvette a2 Les systemes d’aide Clectronique a l’exploitation sont des dispositifs techniques qui permettent de contrSler tres precisement, depuis un poste de commande centralise, l’ensemble des parametres M temps s du trajet d’un bus : horaire de depart, temps de trajet entre dew points de regulation, temps total du trajet, horaire d’arrivee au terminus. *s Le critere communtment employe pour mesurer ces performances est le ratio du nombre de voyages effectues par chaque habitant au tours de l’annee (v/h/a). Pour 1995, ce ratio ttait a Villebon de 177, soit l’un des trois meilleurs au plan national, Paris except& Ce chiffre, pour la meme am&e, Ctait de 126 a Neufchlteau et de 106 a Ronsac.

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des transports

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exigue qui multiplie les congestions de trafic ; enfin, le proche voisin suisse fait &at de performances enviables puisque les habitants de Lausanne, Fribourg ou Geneve empruntent les transports collectifs ?I raison de 350 a 400 fois par an. filus et exploitants decident de profiter des subventions de l’l?tat pour acquerir un dispositif alors experimental, le SAE, en mCme temps qu’ils instaurent un plan de circulation tres favorable aux transports collectifs. La mise en Deuvre du SAE entre 1974 et 1978 s’accompagne de deux transformations radicales de l’organisation du travail et de l’entreprise. D’une part, le SAE permet de controler a la minute pres la ponctualite de tous les bus en circulation. L’autonomie dont les agents de conduite beneficiaient jusqu’alors sur le terrain, est significativement reduite. D’autre part, une cellule chargee du marketing est c&e. Les responsables du service commercial et les responsables de la regulation en sont les animateurs. 11s obtiennent a la fois la responsabilite de la gestion du SAE et celle de la programmation de l’activite permise par ce nouvel outil. 11smonopolisent ainsi un pouvoir qui, dans tous les autres reseaux, est reparti auprbs de deux directions autonomes. La consequence de cette innovation reside dans l’edification d’une norme de travail predominante : la maitrise du temps, apprehendee par les gestionnaires comme la condition principale et la mesure de la qualite du service. Les temps de parcours, les horaires de depart des depots, les horaires de passage aux points de regulation et aux arrets, les horaires d’arrivee aux terminus sont calculCs et suivis a la minute p&s. Les agents sont tenus de respecter ces temps, avec de faibles marges de deux ou trois minutes, et sont rappel& a l’ordre en cas de depassement en avance ou en retard. La qualite de service telle qu’elle est definie a la CTV et mise en oeuvre a travers le SAE minore les possibilites de contact entre les usagers et les agents dont la tache principale est de respecter les temps de parcours. La modemisation de l’activite dans cette entreprise procede done dune manibre singulibre. Si certains analystes, tels que J. Gadrey [5] observent une prise de puissance des services, y compris dans le monde industriel, la CTV foumit l’exemple contraire d’une entreprise de servicez4 qui fonctionne dans un cadre tayloriste puisque le rapport des personnels a leur travail et aux utilisateurs du service est focalise sur une seule norme, la maitrise du temps. On est ainsi en presence d’un cas <>visant a Cviter que les <>ne soient encore diminds. Mais les plus jeunes d’entre eux, particulibrement ceux qui ont moins de cinq annees d’anciennete et qui representent presque 20 % de l’effectif total, *4 On peut en effet considerer que les entreprises puisque leur production n’est pas stockable.

de transport

public

urbain

sont des entreprises

de service

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Cprouvent avec acuite des frustrations d’autant plus vives qu’ils ont CtCrecrutes pour un metier presente sous le jour du contact, du sens de la relation avec les clients. Les formations dispensees en tours de bat professionnel integrent des contenus de formation qu’ils jugent motivants : l’analyse transactionnelle, la gestion des conflits, la relation commerciale... Entres dans l’entreprise avec l’espoir d’y trouver un metier de conducteur renouvele, les jeunes sont d&us de ne pouvoir pratiquer que le mCme metier que leurs airks. Leurs difficult& sont amplifiees par la faiblesse des possibilites de mobilite interne soit hierarchique soit fonctionnelle qui les oblige a envisager de nombreuses annees de conduite. De facon symptomatique, des hypotheses de demission sont Cvoquees. 4.2. La modernisation

par l’alliance

avec les partenaires

locaux

La seconde strategic consiste pour les gestionnaires a Q s’appuyer sur l’exterieur >>[18], c’est-a-dire a rechercher les partenaires les mieux a m&me de les aider a moderniser l’activite. 11s les trouvent parmi leurs partenaires locaux et negocient avec eux une transformation du service qui privilegie les nouvelles missions du transporteur : la G paix urbaine >>et la recherche d’une adequation optimale entre le reseau de transport collectif et les mutations urbaines. A la Compagnie des transports de Neufchateau (CTN), l’effort de renouvellement de I’activite est lie a trois Cvenements interdependants : le lancement du projet de tramway et sa mise en circulation en novembre 1994 ; l’entree de l’entreprise dans le groupe Transdev, qui disposait des finances et des expertises necessaires a la reussite du projet de tramway ; enfin, l’arrivee sur de nombreux postes d’encadrement strategiques (direction g&&ale, developpement et action commerciale, etudes generales, direction du tramway, prevention et securite) de nouveaux personnels. La singular&! de la CTN par rapport aux deux autres entreprises reside dans sa participation a un systeme tres integre d’acteurs locaux, qui tient a deux facteurs. D’une part, les Clus sont fortement impliques dans le domaine de la mobilite urbaine, Clargie aux nouvelles missions du transport collectif que nous signalions precedemment, et dont les conceptions empruntent beaucoup au voisin allemand25. Le maire a CtC Clu sur la base d’un programme ou cet enjeu occupait une place prioritaire ; le <>est par ailleurs confie au premier vice-president de l’autorite organisatrice des transports collectifs qui est Cgalement le president de la CTN26. D’autre part, plusieurs personnes occupent, comme J.-M. Offner l’a montre [ 121, des positions de mediateurs entre les secteurs prive et public. Elles favorisent alors <>([6], p. 116) car elles ont, au long de leurs itineraires professionnels, combine <>([6], p. 121). Donnons deux exemples significatifs de ces mediateurs qui tissent des liens entre les differentes institutions locales engagees dans le domaine. L’actuel directeur general de la CTN a debut6 sa carriere dans une 25 La ville de Karlsruhe notamment, visitke par les promoteurs moins de 100 km. x La CTN est, comme la STR, une sociCtC d’kconomie mixte.

de tramway

de tous les rkseaux,

La CTV est une so&t6

anonyme.

se trouve

2

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agence d’urbanisme. 11 assume ensuite, au sein des services de l’autorite organisatrite, la responsabilite du projet <>qui depasse et englobe celui du (>,permet a la CTN de s’impliquer sur des enjeux, strategiques pour ses allies, autres que ceux du strict transport collectif. La modernisation de l’activite s’effectue done par le developpement d’actions et de competences &rang&es a la mission traditionnelle du reseau, et qui ne concernent pas directement les personnels de conduite. Toutefois, ces evolutions recentes de la CTN creent des marges de manceuvre et d’evolution pour les personnels de base, qui leur permettent de diversifier leurs pratiques professionnelles. D’une part, la mise en service du tramway a offert l’opportunite de la polyvalence a une centaine d’agents qui partagent leur temps de conduite entre ce nouveau mode de transport et le bus. Les nombreuses candidatures temoignent de l’attrait des agents pour ce nouveau mode et/au de leur desir de s’bloigner de la seule conduite du bus. Le second support de recomposition du metier consiste dans la forte implication des agents de la CTN, et particulibement des plus jeunes, dans les actions de prevention et d’animation menees au sein des quartiers de la peripherie proche. Ces actions sont du ressort des animateurs de lignes, agents de maitrise responsables a la fois de lignes de bus, des personnels de conduite qui y sont affect& et de leur insertion dans l’environnement urbain. Les personnels de conduite peuvent, sur la base du volontariat, s’associer aux animateurs de lignes et s’investir avec eux dans les differentes actions qu’ils decident de mener : rencontres sportives et tables rondes avec les habitants des quartiers, informations dans les Ccoles et colleges, participation de l’entreprise a des operations diverses, etc. Le fait singulier reside dans la revendication d’autonomie de ces agents qui rechignent a informer leur hiCrarchie de leurs actions, craignant qu’elle ne veuille temperer ou rtglementer leur ardeur en les privant de cette nouvelle marge de liberte. Ainsi, une frange significative des personnels investit, voire surinvestit, cet aspect de la mission du transporteur pour doter d’un nouveau contenu le metier de conducteur ou d’animateur de ligne et l’emanciper de la norme traditionnelle de mobilite. 4.3. La modernisation

par la crkation

d’une nouvelle

sbquence d’activitt?

La troisieme strategic consiste dans le pari explicite de la transformation des competences des agents dans le cadre de la creation d’un nouveau segment d’activite.

c. Le Breton

270

La STR dispose d’un service commercial depuis 1978. AnimCe par des professionnels diplomes d’ecoles de commerce, ayant exerce dans des entreprises privees, cette fonction s’est etoffee et distingue aujourd’hui trois services de l’action commerciale, du marketing operationnel et du marketing strategique. Ces personnels ont progressivement institue une nouvelle modalite de relation a l’utilisateur que nous designerons comme la prestation Clargie. 11 s’agit de developper des sequences de service aux utilisateurs, soit en amont soit en aval du transport. Toutes les fonctions d’information, d’accueil, de vente des titres, d’orientation font l’objet de nombreuses ameliorations : une Cquipe de six personnes est affectee au standard telephonique d’un numero commercial, qui fonctionne en continu grace au recours a un prestataire specialis assurant une veille lors des heures de fermeture de l’entreprise ; une dizaine d’agences et de points de contact sont ouverts et repartis sur le reseau. Toutes les stations du metro sont investies en permanence par des agents d’accueil et des <
d’idkes,

la STGA

d’Angoul&me

a opt6 pour

l’envoi

d’une

lettre

rbgulikre

de

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des transports

collectifs

urbains

271

rompre avec l’ennui et l’isolement de la conduite. L’importance des effectifs concern% suscite l’emergence d’une nouvelle fonction qui se structure peu a peu a h-avers de nouvelles competences collectives tournees vers les utilisateurs et la facilitation de leur acces a la ville et a ses lieux et services, beaucoup plus que vers l’univers de la mobilite et du reseau. Des reseaux de cooperation s’organisent dans l’entreprise independamment des services de l’exploitation. 11s associent le marketing et le commercial, le contentieux, les cellules chargees de la billetique et du traitement des reclamations et les animateurs de ligne. L’observation de P. Bouvier notant que <>([2], p. 125) serait a la STR, en train de perdre son fondement, a la faveur non pas tant d’une evolution du reseau que dune modification des rapports entre le reseau et son environnement urbain, rapports dont la maitrise se constitue progressivement en ressource pour certaines categories d’agents. La consequence de la mobilite inteme d’effectifs importants reside dans une radicalisation du comportement des personnels qui ne peuvent et/au ne veulent pas acceder a l’une ou l’autre des options de la mobilite fonctionnelle ou hibrarchique. Deux categories de personnels vivent des situations particulibrement difficiles. D’une part, les grands anciens de plus de vingt-cinq ans d’anciennete qui arrivent en fin de carriere. L’evolution de l’entreprise les prive de ce a quoi ils pensaient avoir droit : au moins la consideration due a l’ancien, au mieux une promotion a l’anciennete telle qu’elle se pratiquait auparavant. D’autre part, les personnels qui estiment ne pas etre en mesure, pour diverses raisons, de s’investir dans les nouvelles opportunites de mobilite. 11s rejoignent alors les grands anciens dans le repli sur les aspects techniques de la conduite, et dans une frustration de leurs attentes, qui est particulibrement forte chez les plus jeunes d’entre eux.

5. Conclusion Les entreprises connaissent la m&me situation de confrontation entre deux logiques de prise en compte de l’utilisateur. Neanmoins, les strategies des gestionnaires pour mettre en adequation le transport collectif et ses contraintes Cconomiques et urbaines actuelles different sensiblement selon les sites et les ressources dont ils disposent en termes de compdtences propres ou de qualite de leur insertion dans le milieu local. Ces dynamiques pourraient du reste engendrer une perte d’homogeneite du milieu, initialement forte, au fur et a mesure que les enjeux lies, directement ou indirectement, aux transports collectifs se localiseraient. Dans le cas de la CTN, la modemisation de l’activite procede de l’engagement du transporteur sur de nouvelles missions dynamisees par de t&s fortes alliances avec les partenaires locaux. La STR opere par la mise au point progressive de nouveaux segments de prestations aux utilisateurs. Le choix de la CTV est d’une autre nature puisque le systeme Clectronique d’aide a l’exploitation vise a contraindre les agents au respect d’une seule dimension de la prestation, la ponctualite, plutot qu’a en renouveler le contenu. Les trois options ont cependant en commun de reduire l’implication des personnels de conduite dans la transformation de l’activite.

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g. Le Breton

Ces dynamiques de changement different toutefois sur le point crucial des opportunites de recomposition des pratiques professionnelles des agents qu’elles induisent. Ces opportunites sont reelles, et saisies comme telles par les personnels, au sein de deux entreprises : a la STR a n-avers l’ensemble des formules de polyvalence et a la CTN, dans l’engagement des agents sur les missions likes a la paix urbaine et leur accbs a la conduite du tramway. Ces opportunites n’existent pas a la CTV. Les recompositions engendrent alors des ruptures au sein des groupes de personnels, sur la base de leur capacite et/au volonte respectives a la mobilite sanctionnee par les contours qui regissent desormais les marches intemes. De plus il faut noter que, dans les cas de la CTN et de la STR, la modemisation s’opere par un deploiement des activites independamment du <>des entreprises, le transport. Dans le premier cas, les nouveaux champs d’action sont lies a des competences en matiere d’amenagement urbain et de mediation, d’animationprevention dans les quartiers sensibles ; dans le second, c’est sur des sequences soit precedant soit succedant au transport que se developpent les innovations de l’entreprise, qui par ailleurs met en czuvre un vehicule automatique leger (Val) ne necessitant m&me plus la presence de conducteurs. Nous pourrions qualifier cette dynamique de man&e plus tranchee, en observant que les changements dans ces deux reseaux ne modifient en rien le contenu du metier de conduite, inchange par rapport aux decennies pasdes. Ce constat invite a nous interroger sur la pertinence et l’operationalite des principes de <
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du travail 36

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L’utilisateur

dam

la gestion

des transports

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