Sociologic du travail (1999) 41, 255-273 0 1999 Editions scientifiques et medicales
Nsevier
SAS. Tous droits
r&erv&
L’utilisateur des transports collectifs urbains : une identit6 en debat au sein des entreprises firic Le Breton* RCsumC - A partir d’une enquCte dans trois r&eaux de transports urbains l’auteur expose comment ce secteur passe d’un ancien modi?le industriel - performance technique et usagers captifs - B un mod&le de service supposant 1’Clargissement des clientkles et la recherche de la rentabilitk. La prise en compte nouvelle de l’utilisateur transforme la relation de face B face avec le personnel de conduite et entraine des &actions de blocage. L’article montre ainsi que la relation de service ne constitue pas le seul support de la modemisation de l’action publique. 0 1999 l?ditions scientifiques et m&licales Elsevier SAS agent de conduite
I relation
de service I usager 1 service public I transport
Abstract - Mass transit users in urban areas: A debated identity. A survey conducted in three urban transit systems is used to show how mass transportation is switching from an old ‘industrial’ model, based on technical performance and captive riders, to a service model, which involves attracting new users and making a profit. This focus on users changes face-to-face relations with the personnel who drives buses, trams, etc. The use of more and more control procedures and surveys has caused employees to react against management’s demands. In each transit system, management has tried to break the deadlock by using different policies. In effect, the ‘service relation’ is not the only grounds for modernizing public utilities. 0 1999 fiditions scientifiques et mCdicales Elsevier SAS public transportation
/ relations
with users / mass transportation
/ urban transit systems
1. Introduction A l’instar de l’ensemble des organisations de service public, les opCrateurs de transports collectifs urbains ont engag la modernisation de leur activitk depuis le milieu de la dkcennie 1970, dans un contexte dont on peut retenir deux dimensions principales. D’une part, le r61e dCvolu aux transports collectifs s’est, B partir de cette pCriode, considkrablement Clargi. 11 ne s’agit plus seulement d’offrir une >aux captifs privCs des moyens individuels de dkplacement. Les acteurs locaux, Clus, urbanistes et techniciens des villes, exploitants, s’accordent a faire du transport collectif l’outil d’un modkle de ville renouvel6 dans la perspective d’une amklioration des conditions de vie de l’ensemble des citadins qui doivent bCnCficier d’une bonne accessibilitk urbaine, d’un environnement pr6servCl et de centres-villes rendus a la dkambulation, ti 1’Cchange et & la rencontre. La rkussite de cet objectif nkcessite que le transport collectif puisse concurrencer efficacement la voiture, tant * Correspondance et tirks & part. GIP Mutations industrielles, Le Descartes-I, 29, promenade Michel-Simon, 93166 Noisy-le-Grand cedex, France. 1 Initialement instituee par la loi d’orientation des transports int&ieurs de dtcembre 1982, la procCdure des plans de dkplacements urbains rel&ve dCsormaisde la loi sur l’air et la pollution de dCcembre 1997. Ce transfert tCmoigne du rapprochement des problemes de p&ervation de l’environnement et de gestion des mobilit& urbaines. C’est Bgalement sur ce th&me de 1’6cologie en milieu urbain que de nombreux exploitants appuient leurs carnpagnesde promotion du transport colle&f.
256
t. Le Breton
sur le plan de l’offre que sur celui du confort et de la qualite du deplacement. Des moyens importants sont done consacres au secteur, notamment a travers la creation de metros et tramways dans un nombre croissant de grandes agglomerations francaisesz. Mais ces operations extremement couteuses obligent les collectivites locales a recourir a des capitaux prives. La seconde caracteristique de l’evolution du secteur reside alors dans l’bmergence et le renforcement continu du partenariat public-prive. Jusqu’aux annees 1970, les collectivites locales ne se preoccupaient guere du transport collectif qu’elles concedaient a des entreprises privies sous le regime des G risques et perils B. Et si aujourd’hui, 70 % des reseaux sont exploit& par des societes anonymes et 21 % par des societes d’economie mixte, pour 9 % seulement de societes publiques, les G risques et perils >Xont quasiment disparu, remplaces par differentes formules de contrat qui associent Ctroitement les autorites organisatrices et leurs prestataires. La viabilite de ces accords entre parties prenantes decoule de l’efficacite des concessionnaires dans l’acquittement de leurs missions mais aussi et reciproquement de la capacite pour les reseaux, et les grands groupes dont ils sont les filiales3, de rentabiliser leurs efforts financiers d’investissement et de bonne gestion. Ces deux nouveaux enjeux de l’elargissement de leurs champs d’intervention et de l’imperatif d’efficacite Cconomique incitent les exploitants 5 modifier leurs logiques d’intervention. 11s abandonnent leur reference initiale empruntCe a un modele industriel centre sur la production de kilom&tres4 pour instituer au sein des entreprises une logique de service sanctionnee par la satisfaction des usagerG. Ce changement bouleverse la man&e dont les operateurs apprehendent les utilisateurs du service. Pendant longtemps, ces derniers, sans Ctre veritablement rkgliges, ne constituaient pas la preoccupation centrale des entreprises qui, apres la faillite du secteur de la fin de la decennie 1960, se consacraient au redeploiement des reseaux en termes de maillage, de frequences, de kilometrages de lignes et d’extension du part des materiels. Mais les enjeux recents auxquels est confronte le transport collectif obligent les operateurs a reconsiderer leurs modalites d’apprehension des utilisateurs. En effet, le sucds du double objectif de rentabilite Cconomique - ou plus exactement, dans le cas des transports collectifs urbains, de maitrise des deficits - et de redefinition de l’organisation urbaine par le transfert modal de la voiture vers les
’ Des transports collectifs en sites propres fonctionnent deja, outre Paris, a Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Names, Rotten, Saint-Etienne, Strasbourg et Toulouse ; ils sont en tours de construction ou en projet a Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dunkerque, Le Mans, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nice, OrlCans, Rennes, Toulon, Tours et Valenciennes. 3 Trois grands groupes se partagent 70 % du marche du transport collectif urbain : CGEA-CGFIE et VIA-GTI sont privts, Transdev est un groupe sent-public. 11s sont respectivement les filiales de Vivendi, des Chargeurs et de la Caisse des depots et consignations. 4 Jusqu’aux an&es 1980, l’tvaluation de l’activite des reseaux ttait essentiellement mesuree en <s, <>, etc. Sur ce point, on peut se reporter aux annuaires statistiques des transports collectifs urbains publits tous les ans par le Certu. 5 Dam ces pages, nous emploierons indistinctement les termes d’utilisateur, de client et d’usager sans tenir compte des acceptions particulitres qui leur sont souvent attribuees, sauf mention contraire indiquee par l’emploi des termes entre guillemets.
L’utilisateur
dans la gestion
des transports
collectifs
urbains
257
transports collectifs, suppose que les operateurs se dotent des moyens de retenir leurs clienteles traditionnelles et d’en seduire de nouvelles. L’amelioration de la prise en compte des utilisateurs fait alors l’objet de nombreuses dbmarches, largement partagees par l’ensemble du milieu professionnel. Mais les entreprises de transport collectif presentent une particularite par rapport a d’autres organismes de service public, lice a la distribution du pouvoir dans les organisations. Les relations concretes a l’utilisateur sont monopolisees par les personnels de conduite qui representent approximativement 70 % des effectifs totaux des entreprises. Ces agents disposent d’un pouvoir discretionnaire [lo] nettement plus important que dans d’autres organisations. En effet, plusieurs categories d’agents interviennent dans la foumiture d’electricite, dans le fonctionnement du reseau telephonique ou dans le montage d’un dossier administratif. Ce partage des taches reduit d’autant le pouvoir des agents de contact. La situation est differente dans le cas du transport collectif. Le reseau, les lignes, les correspondances peuvent Ctre remarquablement organises, les bus et rames de metro et de tramway d’un confort appreciable, les tarifs correctement adapt&, l’information saris faille... Neanmoins, les conducteurs ont potentiellement la capacite d’arriver en retard, de conduire brutalement, de rudoyer les utilisateurs. Des lors, la relation de face a face rev& une importance cruciale pour les gestionnaires des emreprise& qui s’efforcent d’obtenir des personnels de contact la n-rise en muvre de comportements professionnels plus conformes a l’objectif de seduction des utilisateurs. Cette dynamique de <>[ 151 du changement organisationnel, c’est-a-dire par la prise en compte des destinataires, a fait l’objet de recherches dans de nombreux autres domaines : les services publics administratifs [3, 11, 131, le logement social [ 16, 171 ou encore les grandes entreprises publiques de reseaux [ 1, 14, 181. Pour notre part, nous souhaitons rendre compte de ses modalites et de ses consequences en l’examinant au sein de trois entreprises de transports collectifs de province7. Nous montrerons d’une part que les injonctions que les gestionnaires adressent aux personnels de contact aboutissent dans une confrontation entre ces deux categories d’acteurs qui empeche ou du moins ralentit considerablement la moder6 NOW retenons ici le terme employ& par Norbert Alter dans son etude sur France TCltcom. Le terme de <> designe les tquipes dirigeantes Clargies, c’est-a-dire les cadres dirigeants et leurs collaboraterns immediats qui ont le statut de cadre ou celui d’agent de haute-mahrise. ’ Nos elements d’analyse proviennent d’une enquete men&e au tours de l’annee 1997 au sein de plusieurs reseaux, a Toulouse, Bordeaux, Angouleme, Names, Rennes, Caen, Rotten, Dijon, BesanGon, Grenoble et Saint-Etienne. Les observations et analyses formulees dans cet article proviennent d’investigations approfondies menees dans trois entreprises : la SociCte des transports de Ronsac (STR), la Compagnie des transports de Villebon (CTV) et la Comuagnie des transports de Neufchlteau (CTN). Ces trois entreprises sont considtrees par les professionnels du se&m connne pkmi les plus significatives pour leurs politiques de modernisation. Elles ont en common d’avoir opte pour des dispositifs techniques differents mais dont I’installation s’est a chaque fois accompagnee de profonds bouleversements des organisations : la STR exploite un metro depuis juin 1993 ; le reseau villebonois fut pilote, entre 1974 et 1978, dans l’exptrimentation d’un systeme tlectronique d’aide a l’exploitation ; la CTN a inaugure en novembre 1994 une ligne de tramway. Nous avons realise une quarantaine d’entretiens semi-directifs aupres des personnels des differents services de chacune des entreprises. En 1995, la STR employait 1 597 personnel& la CTV, 388 et la CTN, 1 161. Les pourcentages de personnels roulants dans ces effectifs totaux sont de 68,7 % pour la STR, de 765 % pour la CTV et de 68,8 % pour la CTN.
258
i. Le Breton
nisation de l’activid par la transformation de la relation de face a face avec l’utilisateur. Nous examinerons ensuite les strategies qui permettent aux gestionnaires de mettre le service de transport collectif en adequation avec ses contraintes actuelles en faisant l’economie de l’adhesion a leurs projets des agents de conduite. Enfin, nous observerons comment ces strategies contribuent, dans certains cas, a creer, si ce n’est de nouveaux metiers, du moins de nouveaux segments d’activites a partir desquels une fraction significative des agents vont pouvoir recomposer, en les diversifiant, leurs pratiques et comportements professionnels.
2. Deux logiques de prise en compte de l’utilisateur Jusqu’au milieu des annees 1980, la quasi-totalite des effectifs des e&reprises Ctait affectee aux services de l’exploitation qui rassemblent les agents de conduite, les personnels des ateliers et leurs hierarchies de terrain et d’encadrement. Les cadres Ctaient meme, pour une pat-tie d’entre eux, des anciens de la conduite. Puis les exploitants ont commence a recruter des personnels aux profils atypiques dans le secteur, investis de la t&he d’adapter le transport collectif a ses nouveaux enjeux Cconomiques et a son contexte urbain actuel. Sont entres dans les entreprises des travailleurs sociaux, des urbanistes, des professionnels de l’action commerciale, du marketing et de la communication. Ces nouveaux Venus ont import6 des conceptions et des outils differents de ceux qui prevalaient alors exclusivement dans le domaine. 11soccupent aujourd’hui les postes d’encadrement dans les services trees recemment sur la base de leurs competences. Ainsi, les services de l’exploitation ont perdu a la fois leur monopole numerique et leur pouvoir, puisque les moyens de la decision appartiennent desorrnais davantage aux directeurs des nouveaux services commerciaux, des etudes g&&ales, de la gestion des ressources humaines, aux responsables des cellules <>ou enfin, et plus discretement, aux dirigeants des instances centrales des grands groupes. Les entreprises reunissent done aujourd’hui deux categories d’acteurs, distinctes l’une de l’autre autant par les positions qu’elles occupent, par leurs missions respectives et par leurs cultures professionnelles. De ce fait, les membres de ces deux categories concoivent l’activite des reseaux et, pour ce qui nous interesse plus particulierement, l’utilisateur des services, de facon fort differente. Les personnels de l’exploitation se revendiquent tres fortement d’une logique de service public, qui s’est elaboree au tours des decennies precedentes. Elle reste pour eux la reference principale en fonction de laquelle doit Ctre concu et produit le service. Les comportements des gestionnaires relbvent d’une logique en voie de constitution autour d’un problbme priori&ire, celui de la performance du reseau dans tous les domaines : performance commerciale de la vente des titres, performance de l’exploitation avec des progres en mat&e de temps de parcours, de productivite, de maillage du reseau ; nous parlerons de logique de la performance. Un rapide examen de ces deux referentiels nous permettra de saisir quelles sont les conceptions de l’utilisateur en presence et la nature des enjeux organisationnels qu’elles supportent.
L’utilisateur
dans la gestion
des transports
collectifs
urbains
259
2.1. La logique du service public
Telle qu’elle est apprehendee par les personnels, la logique du service public repose sur deux caracttkistiques. D’une part, la 1Cgitimite de l’action pro&de de la delegation par l’l?tat-providence aux transporteurs d’une mission de service public Cgalitariste et redistributif. Le transport collectif < ([4], p. 32) dans un domaine specifique, celui de la mobilite urbaine. I1 est consider6 comme un service social visant a restaurer l’egalite des citoyens dans le domaine du droit a la mobilite. Ce quasi-critere de droit public assigne aux exploitants une clientele prioritaire, les >et la production des entreprises qui consiste en des <>.Mais pour les autres, les G non habitues B, la relation est fondee sur l’evitement, le maintien a distance. L’agent ne s’affranchit de ce cadre minimal que dans des situations dysfonctionnelles necessitant une intervention specifique : un voyageur est perdu ou ne dispose pas de titre de transport, etc., plusieurs chercheurs 8 M. Bigey
note ?I props
du tramway
de Nantes
qu’il attire C
et les attach&-case
>>.
260
E. Le Breton
ont qualifie ce type d’intervention de <
entre
2.2. La logique de la performance Le referentiel a travers lequel les gestionnaires des entreprises concoivent I’activite et l’utilisateur differe sensiblement du precedent. Leur preoccupation principale est de pouvoir maitriser de maniere precise toutes les dimensions de l’activite, celles qui concernent les utilisateurs et celles qui concement les personnels. Trois raisons expliquent ce souci. D’une part, l’imperatif de rentabilite Cconomique impose la multiplication de divers outils d’evaluation, de mesure et de controle dans les domaines commerciaux et financiers mais aussi darts celui de la productivite qui depend pour l’essentiel des temps de parcours. Par ailleurs, les exploitants sont tenus de rendre des comptes precis aux autorites organisatrices. Ces demieres sont soucieuses de maitriser financierement un domaine dans lequel elles investissent une partie parfois considerable de leurs fonds9. Mais les collectivites locales souhaitent Cgalement pouvoir Cvaluer l’activite de leurs prestataires dans les autres secteurs d’intervention pour lesquels elles les mandatent : celui de la cG”, c’est-a-dire des actions de prevention dans les quartiers qui constituent un volet desormais important de l’activite des transporteurs ; celui, plus informel mais tout aussi sensible, du rapport de l’exploitant avec les riverains des lignes de bus ou de tramway, les commercants, les associations de protection de l’environnement, de promotion des modes altematifs de transport (deux roues, marche). La qualite de ces relations est mesuree notamment par les reclamations, auxquelles les Clus sont t&s attentifs. De fait, ce domaine des <
L’utilisateur
dans la gestion
des transports
collectifs
urbains
261
s’affranchir de la seule clientele captive. Les transporteurs doivent prendre en compte l’ensemble de la population. Alors, les utilisateurs ne sont plus apprehend& uniquement en fonction du souci de perkquation sociale qui fonde la logique du service public, mais en fonction de la construction, par le biais d’enqu&tes et d’etudes, de produits susceptibles d’attirer des clienteles potentielles. D’autre part, l’identite des utilisateurs des services se demultiplie. 11scontinuent d’&tre pour partie des clients du service de transport. Mais l’entreprise doit Cgalement se preoccuper des populations qui sont concemees et impliquees dans ses actions en mat&e de cohesion sociale, d’amenagement urbain lib a la creation des metros et tramways, sans Ctre pour autant des clients du transport collectif. Ainsi, 1’Clargissement des missions du transporteur induit une diversification des clienteles qui ne sont plus definies en fonction de la seule norme de mobilite, mais qui necessitent tout autant que les utilisateurs du transport le developpement de competences specifiques et de logique de prise en compte au sein des entreprises. On peut retenir trois critbres pour resumer chacune des deux conceptions de l’utilisateur en presence dans les entreprises. La logique du service public et les personnels qui en sont les promoteurs retiennent prioritairement la figure du voyageur defini par son droit a la mobilid. Les agents opbrent ensuite deux grandes categorisations. 11sdistinguent les <>: les nouveaux produits sont Clabores sur la base d’enquetes et les gestionnaires observent ensuite s’ils correspondent ou non a des <
3. La prise en compte de l’utilisateur, contradictoires
support
d’enjeux
Ces deux referentiels, et les logiques de prise en compte de l’utilisateur qu’ils structurent, am&tent les deux categories d’acteurs a apprehender la relation de contact de manibre nettement differente. l3 L’essentiel 2gigtes.
du contentieux
dans les entreprises
est lik B des incidents
et accidents
impliquant
des personnes
i.
262
3.1. Les injonctions de face h face
des gestionnaires
A la transformation
Le Breton
de la relation
La relation de face a face recouvre un enjeu crucial pour les gestionnaires. 11sla considbrent comme la phase la plus fragile de la production, oti peuvent s’aneantir les ameliorations de l’activite Claborees en amont : modification de l’image des entreprises, campagnes de publicite, adaptations tarifaires, accroissement de l’offre kilometrique, adaptation des repartitions horaires... Quand ils adviennent, les dysfonctionnements engendrent in fine la rupture du contrat conclu entre l’utilisateur et le prestataire et l’insatisfaction des clienteles. Alors, soit ces dernieres desertent le transport collectif au profit d’autres modes de deplacement et oberent les comptes financiers d’exploitation, soit protestent directement aupres des Clus. Dans tous les cas, la legitimite de l’exploitant est mise a mal, ce qui peut avoir, dans un secteur concurrentiel, des repercussions dommageables, par exemple, lors du reexamen des contrats de concession14. Les gestionnaires s’efforcent alors de normaliser la relation de face a face, et d’y reduire les risques de dysfonctionnement susceptibles de s’y produire : informations ma1 relayees, horaires non respect&, transport inconfortable, incivilites des agents. Plusieurs modalites concourent a cette fin. Dune part, ils mettent en place de nombreuses procedures de contrble des differents aspects de l’activite des personnels. Des dispositifs techniques, systbmes d’aide a l’exploitation, points de regulation, phonie, verifications sur le terrain permettent de s’assurer du respect des temps de trajet et de la ponctualite ; la proprete des bus est controlee ; le traitement des reclamations que les utilisateurs adressent a l’entreprise est rationalise, dans les delais qui doivent Ctre rapides et les methodes, qui recourent a l’enqdte aupres de l’agent mis en cause. Les directeurs generaux sont toujours les premiers destinataires des reclamations, ce qui temoigne de l’importance accordee a cet aspect l5 . Toutes les dimensions de l’activite sont formalisees dans des tableaux de bord, suivis quotidiennement. Les demarches dites <>avec l’aide des anciens. Desormais, depuis cinq ans approximativement, les nouveaux recrutCs suivent une p&ode de formation de quelques jours, qui fera l’objet, deux ou r4 D’ailleurs un nombre croissant des contrats integrent des criteres relatifs a la qualite du service. ‘s Les explokmts savent que dans bien des cas, les rtclamations qu’ils re9oivent sont Bgalement adressees aux Blus. 11s accordent alors une grande attention a ces protestations qui tout en Ctant d’un ordre des s petits faits B, peuvent potentiellement se reveler tres g&antes pour eux quand elles sont exploitees dans un registre politique. I6 A notre connaissance, seuls deux reseaux sont impliques dans des demarches de certification aux names IS0 : la Semitag de Grenoble et les Tram de Mulhouse, pour son atelier mecanique. ” En une dizaine d’anntes les budgets X>de la majorite des reseaux ont nettement augment& Pour les trois reseaux qui nous ikressent, les chiffres sont (en pourcentage de la masse salariale) : pour la STR en 1985 : 1,85 ; en 1995 : 3,40. Pour les memes anntes, les chiffrent passent de 1,77 a 2.99 pour la CTV et de 1,99 a 4,6 pour la CTN.
L’utilisateur
dans la gestion
des transports?u&ctifs
urbains
263
trois mois plus tard, d’une <>professionnelle, apres avoir exerce pendant plusieurs annees d’autres metiers, souvent dans le monde de la conduite, soit routier, soit conducteur de car de tourisme. Les personnes retenues aujourd’hui sont plus jeunes, comptent beaucoup plus de femmes 18, disposent de niveaux de qualification initiale tres superieurs a ceux de leurs air&s et sont generalement en debut de carrier-e professionnelle. Le recrutement de <>et la creation d’un nouveau CAP d’agent commercial de conduite sont les nouvelles filibres de recrutement conformes aux criteres que nous venons d’enoncer et qui visent a renouveler le profil des personnels de base. Pour ce qui est du recrutement des agents de maitrise, les gestionnaires delaissent la promotion interne et privilegient l’integration de nouveaux personnels, 18 encore, le plus souvent, des non professionnels du secteur. Dans tous les cas, les embauches doivent se preter a des procedures de recrutement lourdes, confiees a des cabinets specialis% qui retiennent prioritairement des candidats aux capacites relationnelles soutenues. 3.2. Les agents de contact
rCsistent
aux injonctions
des gestionnaires
Les agents sont globalement critiques a l’egard de l’imposition de ces nouvelles normes. 11sprotestent que la mise en application de nouveaux modes de relation avec l’utilisateur est difficile, impossible ou meme saris objet veritable. On peut reperer plusieurs raisons a cette attitude partagee aussi bien par les plus jeunes dans le metier que par les plus anciens. Certaines raisons sont du ressort du registre des conditions d’exercice du metier, et d’autres des enjeux, pour la categoric des conducteurs, du changement organisationnel. D’une part, les personnels estiment que les transformations imposees par les gestionnaires bouleversent a leur net desavantage les conditions d’exercice du metier. L’amelioration de la qua&C de service aboutit en fait dans la disparition des marges de manozuvre deja faibles dont ils disposaient dans leur travail. La ponctualite et les gains de productivite permettant une meilleure couverture du territoire au benefice des utilisateurs se traduisent concretement pour eux par des x, le renforcement des controles de terrain et la disparition des ‘s M&me si le transport collectif urbain demeure un univers essentiellement masculin. En 1985, 3,l % des personnels de la STR Btaient des femmes ; elles representent en 1995,8 % de l’effectif. Pour les m&mes annees, ces chiffes passent de 13,0 a 16.0 a la CTV, tout a fait atypique sur ce plan ; et de 4,9 a 7,3 a la CTN. Les femmes representaient, en 1996, a peine 11 % de l’effectif total de l’ensemble national des reseaux. Le recrutement des femmes a debut6 a partir des an&es 1985, le fait marquant &ant qu’elles ont ete 9 partir de ce moment recrutees sur des postes de conduites alors qu’elles ttaient auparavant cantonntes darts les services administratifs. Les femmes restent toutefois particulierement sous-represent&es darts la categoric x cadres D des entreprises ; en 1995, seuls 3 % des cadres de l’ensemble des rkseaux fran9ais ttaient des femmes.