Maladie de Parkinson : rôle des facteurs génétiques et environnementaux. Implication en pratique clinique quotidienne

Maladie de Parkinson : rôle des facteurs génétiques et environnementaux. Implication en pratique clinique quotidienne

revue neurologique 166 (2010) 764–769 Journe´es internationales de la SFN 2010 Maladie de Parkinson : roˆle des facteurs ge´ne´tiques et environneme...

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revue neurologique 166 (2010) 764–769

Journe´es internationales de la SFN 2010

Maladie de Parkinson : roˆle des facteurs ge´ne´tiques et environnementaux. Implication en pratique clinique quotidienne Parkinson’s disease: Role of genetic and environment factors. Involvement in everyday clinical practice L. Defebvre CNRS FRE 3291, service de neurologie et pathologie du mouvement, poˆle de neurologie, hoˆpital Salengro, CHRU, rue E´mile-Laine, 59037 Lille cedex, France

info article

r e´ s u m e´

Mots cle´s :

Des de´terminants ge´ne´tiques et toxiques jouent un roˆle pre´ponde´rant dans la survenue

Maladie de Parkinson

d’une maladie de Parkinson (MP). Au moins, 13 loci et neuf ge`nes implique´s dans les

Facteur ge´ne´tique

formes familiales et sporadiques de la maladie ont e´te´ de´crits. Une association signifi-

facteur toxique

cative entre l’exposition professionnelle aux pesticides (surtout les insecticides) et la MP a

Maladie professionnelle

pu eˆtre confirme´e re´cemment conduisant dans des cas encore rares a` une reconnaissance de maladie professionnelle. Nous de´velopperons dans cet article une attitude pratique face a` ces situations fre´quentes ou` une origine ge´ne´tique ou toxique est e´voque´e. Une telle approche pourra eˆtre applique´e tre`s largement en envisageant ensuite au cas par cas une analyse plus approfondie dans un centre spe´cialise´ de re´fe´rence dans le domaine ge´ne´tique ou des pathologies professionnelles et de l’environnement. L’e´valuation d’un facteur ge´ne´tique justifie la re´alisation d’un arbre ge´ne´alogique et si possible l’examen des diffe´rents cas familiaux. En fonction du mode de transmission, de l’aˆge de de´but de la maladie et de l’expression phe´notypique, une analyse ge´ne´tique sera re´alise´e (principalement l’e´tude des ge`nes de la Parkine en cas de transmission re´cessive et LRRK2 en cas de transmission dominante). L’e´valuation d’un facteur toxique apparaıˆt plus difficile car son implication directe ne peut pas toujours eˆtre de´finie avec certitude, le recueil d’informations e´tant plus complexe (liste de produits, relation de cause a` effet, syste`me de protection utilise´s. . .). La conduite a` tenir sera d’identifier l’existence d’un facteur de risque potentiel notamment pour certaines professions (agriculteurs, travail dans une usine utilisant des me´taux lourds) en envisageant secondairement une consultation spe´cialise´e aupre`s du me´decin du travail ou d’une consultation de pathologie professionnelle pour e´laborer e´ventuellement une proce´dure de reconnaissance de maladie professionnelle. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Adresse e-mail : [email protected]. 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2010.07.014

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abstract Keywords:

Genetics and exposure to toxins constitute the main determinants in the onset of Parkin-

Parkinson’s disease

son’s disease (PD). At least, 13 loci and nine genes involved in familial and sporadic forms

Genetic factor

have been described. A significant association between occupational exposure to pesticides

Toxic factor

(especially insecticides) and PD has been confirmed recently with rare cases even being

Occupational disease

recognized as occupational disease. We develop in this paper a practical approach for such situations where a common genetic or toxic origin is suggested. Such an approach can be applied very broadly using case by case study then further analysis in a specialized center of reference in the field of genetics or occupational diseases and the environment. A pedigree needs to be drawn to evaluate a potential genetic factor with, if possible, the examination of various family members. Depending on the mode of inheritance, age of disease onset and phenotypic expression, genetic analysis will be carried out (mainly the study of parkin gene for recessive transmission and LRRK2 gene for dominant transmission). The evaluation of a toxic factor is more difficult because its direct involvement may not always be defined with certainty, the collection of information is more complex (product list, causal relationship, protection system used...). The course of action will identify the existence of a potential risk factor particularly in patients at risk (farmers, workers in a factory using heavy metals) by considering secondary specialized consultation with the occupational physician or pathology consultation work for possible development of a procedure for recognition of occupational disease. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1.

Introduction

La maladie de Parkinson a e´te´ longtemps conside´re´e comme une pathologie de´ge´ne´rative d’origine inconnue, puis progressivement, le roˆle a` la fois de facteurs environnementaux mais e´galement ge´ne´tiques a pu eˆtre suspecte´ comme des causes potentielles de cette affection, l’hypothe`se principale actuelle e´tant que l’alte´ration d’un ou plusieurs ge`nes, en interaction avec ces facteurs environnementaux, est susceptible de conduire a` la mort des neurones dopaminergiques. Sur le plan ge´ne´tique, les e´tudes e´pide´miologiques portant plus spe´cifiquement sur des populations de jumeaux ont contribue´ a` la de´couverte de formes monoge´niques de la maladie de Parkinson. Durant ces dernie`res anne´es, l’identification d’au moins 13 loci et neuf ge`nes implique´s dans les formes familiales et sporadiques de maladie de Parkinson a pu eˆtre de´crite (Lesage et Brice, 2009). Les transmissions peuvent se faire selon un mode autosomique dominant ou re´cessif de´fini a` l’interrogatoire en e´tablissant de fac¸on syste´matique un arbre ge´ne´alogique si une forme familiale de maladie de Parkinson est suspecte´e. La pe´ne´trance de certaines mutations est de´pendante de l’aˆge et elle est parfois incomple`te. Certains ge`nes implique´s dans les formes monoge´niques de maladie de Parkinson sont aussi des facteurs de risque dans des cas sporadiques, notamment la forme Leucine rich repeat kinase 2 (LRRK2). De nombreuses formes familiales sont encore inexplique´es ; en effet, l’ensemble des mutations de´couvertes dans ces ge`nes ne rendrait compte que de 5 a` 10 % des cas familiaux. Soulignons qu’en l’absence d’histoire familiale, une proportion certainement importante de cas dits apparemment sporadiques pourrait eˆtre en lien avec des alte´rations dans des ge`nes de´ja` identifie´s. L’identification dans les formes monoge´niques du phe´notype de certaines formes particulie`res constitue un enjeu essentiel afin de de´terminer a` terme quand il faut poser l’indication du diagnostic ge´ne´tique, avec comme conse´quence

principale le de´clenchement potentiel d’une proce´dure de conseil ge´ne´tique (Lesage et Brice, 2010). L’implication d’un facteur environnemental a e´te´ largement e´tudie´e depuis la description des cas de syndrome parkinsonien chez le toxicomane apre`s injection d’un de´rive´ de l’he´roı¨ne, le 1me´thyl-4-phe´nyl-1,2,3,6-te´trahydropyridine (MPTP) (Davis et al., 1979). D’autres publications ont alors fait e´tat d’observations de syndrome parkinsonien conse´cutif a` l’utilisation d’herbicides, de pesticides et d’insecticides avec parfois un mode d’installation aigu ou subaigu. Le roˆle de´le´te`re des pesticides dans la gene`se et le de´veloppement de la maladie de Parkinson sont connus de longue date mais cette relation de cause a` effet n’a en fait e´te´ mise en e´vidence que plus re´cemment (Elbaz et Tranchant, 2007). Plusieurs e´tudes ont alors de´montre´ une association significative entre l’exposition a` de telles substances et la survenue d’une maladie de Parkinson avec un risque relatif compris entre 3,7 et 12 (Lai et al., 2002). Une association significative entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la maladie de Parkinson a pu eˆtre de´termine´e dans plusieurs e´tudes re´centes (Baldi et al., 2003 ; Elbaz et al., 2009). Cette relation pesticide/maladie de Parkinson peut s’expliquer par plusieurs me´canismes :  une action directe neurotoxique en perturbant le transport de la dopamine, en alte´rant le fonctionnement de la chaıˆne respiratoire mitochondriale, ou par une perturbation enzymatique plus diffuse entraıˆnant un stress oxydatif ;  une action indirecte conjugue´e a` un profil particulier de de´toxification des xe´nobiotiques (par exemple, le polymorphisme du ge`ne de la de´brisoquine) (Chrysostome et Tison, sous presse). Ainsi, pour les pesticides, une interaction ge`nes/environnement pourrait constituer un facteur e´tiologique majeur. Dans le cadre de facteurs toxiques, on e´valuera e´galement une

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e´ventuelle exposition prolonge´e a` des solvants organiques et a` des me´taux lourds (mercure, plomb, cadmium), mais aussi au mangane`se. ` partir des donne´es exhaustives concernant les facteurs A ge´ne´tiques et environnementaux dans la survenue de la maladie de Parkinson, est-il possible de de´gager une attitude pratique dans notre prise en charge quotidienne des patients parkinsoniens ? Celle-ci doit-elle eˆtre conside´re´e uniquement comme une approche re´serve´e a` certains centres spe´cialise´s, limite´e au domaine de la recherche ? Nous mentionnerons d’emble´e qu’une attitude pratique simple mene´e en plusieurs e´tapes apparaıˆt justifie´e lorsqu’un nouveau cas de maladie de Parkinson est identifie´. Cette approche pourra eˆtre applique´e tre`s largement dans le domaine de la neurologie ge´ne´rale en envisageant ensuite au cas par cas une analyse plus approfondie dans un centre spe´cialise´ de re´fe´rence dans le domaine ge´ne´tique ou toxicologique. Les implications d’une telle de´marche sont multiples, non seulement en termes de diagnostic mais aussi parfois pronostic, sans oublier les informations qui pourront eˆtre ensuite transmises a` la famille. La responsabilite´ d’un facteur toxique peut de´boucher sur la reconnaissance d’une maladie professionnelle comme cela a pu eˆtre rapporte´ re´cemment, sans ne´gliger e´galement les mesures de protection a` appliquer chez des sujets toujours expose´s a` un facteur toxique si celui-ci est de´fini. Une telle de´marche peut difficilement s’envisager en une seule e´tape surtout lorsque le diagnostic de maladie de Parkinson vient d’eˆtre pose´, l’annonce diagnostique repre´sentant un moment essentiel dans la prise en charge des patients, consultations pendant lesquelles de nombreux aspects doivent eˆtre aborde´s : confirmation du diagnostic,

[(Fig._1)TD$IG]

de´veloppement des aspects the´rapeutiques, des conse´quences de la maladie, informations sur ses causes potentielles, cette dernie`re question e´tant tre`s souvent pose´e spontane´ment par les patients. Cette dernie`re proble´matique peut certainement s’envisager au cours d’une seconde consultation, les informations a` recueillir e´tant nombreuses : enqueˆte e´pide´miologique, arbre ge´ne´alogique, e´valuation du risque et de ses conse´quences, conseil ge´ne´tique.

2.

E´valuation d’un facteur ge´ne´tique

Une premie`re e´tape simple est d’e´tablir un arbre ge´ne´alogique de´taille´ afin de pre´ciser, en cas de suspicion de forme familiale, s’il s’agit d’une forme de transmission autosomique dominante « verticale » ou de transmission autosomique re´cessive « horizontale ». Une des difficulte´s est cependant d’obtenir suffisamment d’informations sur l’identification d’autres cas familiaux, une confirmation diagnostique ne pouvant eˆtre e´tablie que si un examen syste´matique d’autres cas dans la famille est re´alise´. Cette e´tape peut donc devenir rapidement longue et fastidieuse surtout pour les patients qui n’ont pas garde´ de contacts re´guliers avec leur famille. Plusieurs e´tudes ont de´montre´ qu’une connaissance re´gulie`re et pre´cise des membres de la famille au-dela` de la deuxie`me ge´ne´ration permet de de´finir un risque plus e´leve´ de forme familiale pouvant atteindre 33 % (De Michele et al., 1996). La pre´sentation clinique, c’est-a`-dire l’identification d’une forme typique de maladie de Parkinson ou d’une forme atypique est susceptible d’apporter des arguments orientant vers une forme ge´ne´tique. Par exemple, des atypies ont pu eˆtre

Fig. 1 – Arbre de´cisionnel. Analyses ge´ne´tiques a` demander en fonction de l’histoire familiale de la maladie de Parkinson et de l’aˆge de de´but de la maladie (Lesage et Brice, 2010). Decision-making algorithm. Genetic analysis to be requested depending on the family history of Parkinson’s disease and age at disease onset.

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identifie´es dans les formes Parkine sous forme de de´lire, d’attaque de panique ou de phobie. Au contraire dans d’autres formes, par exemple PARK8 (mutation du ge`ne LRRK2), aucune particularite´ phe´notypique n’a pu eˆtre identifie´e avec cependant un aˆge de de´but variable. Une fois ce mode de transmission de´termine´, les lecteurs se re´fe´reront a` l’arbre de´cisionnel pour rechercher plus se´lectivement telle ou telle forme ge´ne´tique en tenant compte du mode de transmission et de l’aˆge de de´but de la maladie (Fig. 1). Nous re´sumerons dans les paragraphes suivants plus spe´cifiquement les particularite´s concernant l’e´tude des ge`nes de la Parkine, PTEN-induced kinase 1 (Pink1) et DJ-1 (principales formes de transmission autosomique re´cessive) et du ge`ne LRRK2 et de l’alpha-synucle´ine (principales formes de transmission autosomique dominante).

2.1.

Formes re´cessives

Dans les formes re´cessives ave´re´es, le ge`ne de la Parkine sera e´tudie´ en premie`re intention chez des sujets aˆge´s de moins de 50 ans. En cas de ne´gativite´ des re´sultats, l’analyse s’orientera vers les mutations du ge`ne Pink-1 (en soulignant qu’elles sont beaucoup plus rares, ne repre´sentant que 2 % des cas a` de´but pre´coce) et du ge`ne DJ-1. La forme Parkine est suspecte´e devant l’apparition d’un syndrome parkinsonien pre´coce de´butant volontiers par une dystonie avec une dure´e d’e´volution longue et une bonne re´activite´ au traitement. Plus rarement, des signes atypiques ont e´te´ de´crits (cf. supra). Il existe une grande varie´te´ de mutations, plus d’une centaine ont pu eˆtre de´crites (re´arrangement d’exons, mutations ponctuelles). Cette diversite´ des mutations rend le diagnostic mole´culaire complexe ne´cessitant l’utilisation de plusieurs techniques, limitant de ce fait parfois l’application en routine. Si un seul re´arrangement de grande taille est mis en e´vidence, un se´quenc¸age du ge`ne est ne´cessaire pour de´pister une mutation ponctuelle associe´e. Les mutations du ge`ne PINK-1 (PARK6 sur le chromosome 1) sont plus rares. Une quarantaine de mutations ponctuelles ont pu eˆtre identifie´es. Cette forme de´bute pre´cocement avant 50 ans avec une e´volution lente et une tre`s bonne sensibilite´ a` la L-Dopa. En troisie`me intention, une recherche de mutation sur le ge`ne DJ-1 (PARK-7 situe´ sur le chromosome 1) peut eˆtre effectue´e. La fre´quence des mutations de ce ge`ne reste tre`s faible, de l’ordre de 1 % avec un profil clinique comparable aux formes Parkine, une dizaine de mutations ponctuelles ayant e´te´ identifie´es. Dans les formes sporadiques, il existe parfois des cas familiaux de pe´ne´trance faible, ou des cas dans lesquels l’histoire familiale correspond a` des formes pseudore´cessives : le ge`ne de la Parkine sera alors e´tudie´ lorsque l’aˆge de de´but pre´ce`de 40 ans.

2.2.

Formes dominantes

Dans les formes autosomiques dominantes ou` au moins deux individus atteints dans la famille sont observe´s dans deux ge´ne´rations successives, l’analyse sera syste´matiquement re´alise´e a` la recherche de mutations du ge`ne LRRK2, soit par une recherche rapide de la mutation G2019S en fonction de l’origine ethnique du patient, soit par un screening complet.

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La recherche de mutation du ge`ne LRRK2 (PARK-8 situe´ sur le chromosome 12) donnera des re´sultats plus souvent positifs, ce ge`ne expliquant jusqu’a` 10 % des cas familiaux de transmission dominante et e´galement pre`s de 4 % des formes sporadiques. Sur une quarantaine de variations de ce ge`ne, sept mutations ont un effet pathoge`ne ou confirme´, la principale d’entre elles e´tant la mutation ponctuelle G2019S. C’est cette dernie`re qui sera recherche´e de fac¸on syste´matique en premie`re intention, e´tant associe´e a` 7 % des formes familiales de maladie de Parkinson d’origine europe´enne et 2 % des cas apparemment isole´s. L’origine ethnique doit eˆtre prise en compte. En effet, le pourcentage apparaıˆt beaucoup plus e´leve´ en Afrique du Nord, sept mutations atteignant 30 a` 40 % des formes familiales de maladie de Parkinson. Ce roˆle est e´galement important chez des patients d’origine juive Ashke´naze sans expression phe´notypique particulie`re. Ainsi, une proportion non ne´gligeable de cas apparemment isole´s de maladie de Parkinson pourrait re´sulter d’une mutation dominante du ge`ne LRRK2. Les autres mutations semblent plus spe´cifiques de populations donne´es, par exemple la mutation R1441G dans la population basque. En cas d’absence de mutation du ge`ne LRRK2, le ge`ne de l’asynucle´ine sera alors e´tudie´ surtout en cas de formes atypiques (syndromes parkinsoniens +). Pour ce ge`ne, c’est principalement la mutation ponctuelle A53T qui sera recherche´e. Son implication apparaıˆt plus rare justifiant sa recherche uniquement en seconde intention chez les sujets dont la pathologie de´bute avant l’aˆge de 50 ans et notamment dans les formes ou` il existe des atypies cliniques (de´mence, hallucinations). Des duplications, voire triplications de cette re´gion chromosomique contenant le ge`ne de l’a-synucle´ine, ont pu e´galement eˆtre identifie´es dans quelques familles (Chartier-Harlin et al., 2004). Dans le cadre du conseil ge´ne´tique et du de´pistage chez les sujets a` risque, l’absence de proposition potentielle d’un traitement neuroprotecteur constituera un e´le´ment essentiel dans la de´cision de re´aliser ou non ce de´pistage. La pe´ne´trance incomple`te de certaines mutations (par exemple, du ge`ne LRRK2) doit e´galement eˆtre prise en compte. Ainsi, si une mutation est de´tecte´e, le de´pistage peut eˆtre discute´e pour un sujet a` risque, mais son interpre´tation doit eˆtre re´alise´e avec prudence (mutation a` l’e´tat he´te´rozygote, pe´ne´trance incomple`te de´pendant de l’aˆge) (Wider et al., 2010). Le diagnostic pre´natal reste l’exception dans la mesure ou` il existe des traitements symptomatiques efficaces, l’indication peut eˆtre envisage´e, par exemple dans les formes familiales e´voluant rapidement vers une de´mence.

3.

E´valuation d’un facteur toxique

La proble´matique d’un facteur toxique apparaıˆt diffe´rente par rapport aux facteurs ge´ne´tiques car son implication directe ne peut pas toujours eˆtre de´finie avec certitude. Si plusieurs publications ont permis d’e´tablir une association significative entre l’exposition professionnelle a` certains pesticides et la maladie de Parkinson, une relation dose-effet n’a pas pu eˆtre de´fini clairement (Baldi et al., 2003). Dans une e´tude plus re´cente mene´e sur une cohorte de 224 sujets parkinsoniens compare´s a` 557 te´moins, tous adhe´rents de la Mutualite´ sociale agricole (MSA), cette relation a pu eˆtre pre´cise´e par rapport a` une exposition professionnelle globale aux pestici-

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des (insecticides, fongicides et herbicides), avec une relation dose-effet en fonction du nombre d’anne´es d’exposition qui se retrouve chez les sujets ayant de´veloppe´ la maladie plus tardivement (Elbaz et al., 2009). Ces re´sultats ont pu eˆtre obtenus en reconstituant de fac¸on tre`s de´taille´e a` l’occasion d’entretiens avec des me´decins du travail de la MSA le recueil d’un grand nombre d’informations concernant la surface des exploitations, le type de cultures et des pesticides utilise´s, le nombre d’anne´e et la fre´quence annuelle d’exposition ou encore la me´thode d’e´tendage. Les sujets parkinsoniens sont plus fre´quemment des utilisateurs professionnels de pesticides. Parmi les familles de pesticides e´tudie´es (insecticides, fongicides et herbicides), seuls les insecticides sont significativement lie´s aux cas de maladie de Parkinson (OR = 2,2 ; IC a` 95 % = 1,1–4,3). Parmi les insecticides incrimine´s, les organochlore´s pre´sentent l’association la plus robuste (Elbaz et al., 2009). Cette famille de pesticide regroupe par exemple, le Lindane et le DDT, tre`s largement utilise´s en France entre les anne´es 1950 et 1990. Ce produit peut par ailleurs persister dans l’environnement de nombreuses anne´es apre`s son utilisation. L’implication d’autres pesticides n’est pas non plus exclue. Ainsi, l’exposition aux pesticides double pratiquement le risque de survenue de maladie de Parkinson chez les agriculteurs. Il est important de pre´ciser que ces associations sont mises en e´vidence pour une exposition professionnelle et ne sont pas retrouve´es pour d’autres types d’exposition par exemple, le jardinage de loisir, qui pourrait concerner une partie importante de la population. Plusieurs e´le´ments vont intervenir pour e´tablir une relation potentielle de cause a` effet entre l’exposition a` un facteur toxique et la survenue d’une maladie de Parkinson :  les modalite´s de recueil de l’information pour un sujet a` partir de l’interrogatoire sont susceptibles d’entraıˆner un biais de me´morisation ;  l’utilisation d’un listing de produits toxiques potentiels peut permettre une de´tection plus aise´e de ces toxiques ne´anmoins, ce type de recueil n’est pas toujours aise´ a` e´tablir, le nombre de produits propose´s dans le commerce e´tant extreˆmement nombreux avec une composition de ces derniers qui n’est pas toujours parfaitement mentionne´e, les noms commerciaux de ces produits pouvant varier. Certains auteurs ont propose´ d’utiliser des outils informatise´s et valide´s afin d’e´valuer l’exposition en fonction du lieu d’habitation (Costello et al., 2009) ;  les syste`mes de protection utilise´s doivent e´galement eˆtre pre´cise´s (veˆtements ou combinaisons de protection, masques e´vitant ou limitant l’inhalation) car les modalite´s de contamination sont varie´es par voie cutane´e ou par inhalation. Il semble difficile de re´aliser ce type d’e´valuation en consultation classique de neurologie. La conduite a` tenir sera d’abord d’identifier l’existence d’un facteur de risque potentiel notamment chez les sujets a` risque (agriculteurs, travail dans une usine utilisant des me´taux lourds) et d’envisager alors secondairement une consultation spe´cialise´e aupre`s du me´decin du travail ou d’une consultation de pathologie professionnelle pour e´laborer e´ventuellement une proce´dure de reconnaissance de maladie professionnelle. Celle-ci est

relativement longue et ne de´bouchera pas syste´matiquement sur cette reconnaissance. C’est en 2006 que le premier cas de maladie de Parkinson a e´te´ reconnu comme maladie professionnelle chez un agriculteur. Nous rappellerons que l’indemnisation en maladie professionnelle d’un assure´ social peut eˆtre obtenue de deux fac¸ons. Premie`rement, le syste`me des tableaux, le plus ancien et le plus important, permet a` un salarie´ pre´sentant une maladie inscrit au tableau d’eˆtre pris en charge au titre de maladie professionnelle dans le cadre de la pre´somption d’origine (sans apport de preuve), de`s lors que des crite`res fixe´s par de´cret sont re´unis : la dure´e de la maladie, la dure´e de l’exposition et la nature des travaux effectue´s. Soulignons qu’actuellement dans le registre des maladies professionnelles, seule l’intoxication au mangane`se est reconnue comme maladie professionnelle dans le cadre du Parkinson. La liste des maladies professionnelles en fonction des produits toxiques ou en fonction du type de symptomatologie est disponible sur le site de l’Institut national de recherche et de se´curite´ pour le re´gime ge´ne´ral et pour le re´gime agricole ; http://www.inrs.fr/mp. Deuxie`mement, le syste`me comple´mentaire « hors tableau » cre´e´ en 1993 permet la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie dans deux situations : soit si tous les crite`res du tableau ne sont pas re´unis, soit si elle n’est pas de´signe´e dans un tableau de maladie professionnelle (dans ce cas, la maladie doit entraıˆner une incapacite´ permanente partielle supe´rieure a` 25 %). Dans ce cas, la reconnaissance va alors se fonder sur un avis motive´ et une expertise e´tablie par le Comite´ re´gional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), ce comite´ est constitue´ de trois me´decins : un professeur d’universite´-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier, qualifie´ en matie`re de pathologie professionnelle, un me´decin conseil (Assurance Maladie ou MSA) et un me´decin inspecteur re´gional du travail. Ce comite´ est nomme´ par le pre´fet de re´gion. Il e´met un avis (recherche d’un lien direct et essentiel) en tenant compte de la chronologie de la maladie par rapport aux conditions de l’exposition, aux donne´es e´pide´miologiques, a` la relation des « doses d’exposition – effet biologique » et a` la recherche de facteur e´ventuel de confusion potentiel extraprofessionnel. Ce dernier point reste essentiel car un facteur ge´ne´tique pourrait eˆtre conside´re´ comme un facteur confondant, alors qu’une telle pre´disposition est fre´quente. Les avis des comite´s vont s’imposer aux caisses. Rappelons que la premie`re e´tape de reconnaissance d’une maladie professionnelle sera d’e´tablir un certificat me´dical pre´cisant la nature de la maladie et les manifestations constate´es et les suites probables. Ces proce´dures ont permis d’attirer l’attention a` l’e´chelon national des employeurs sur les attitudes pre´ventives a` faire adopter aux salarie´s en cas de manipulation de pesticides. Il est clair qu’actuellement ces mesures prises pour limiter les impacts de l’usage des pesticides restent insuffisantes et ne font pas assez appel aux principes de pre´caution. L’impact sanitaire des pesticides est encore peut-eˆtre trop me´connu. Cette reconnaissance du risque devrait permettre de mettre l’accent sur une obligation de formation des professionnels a` l’usage des pesticides. Les me´thodes de pre´vention passent par une e´ducation des utilisateurs professionnels des pesticides, a` un meilleur usage et surtout a` une mise en place de mesures de protection au

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cours de travaux agricoles meˆme si ces mesures n’ont pas pu de´montrer avec certitude un e´ventuelle impact pour limiter le risque toxique. Une question reste pose´e : quelle conse´quence pourrait avoir une exposition a` de plus faibles doses de ces facteurs toxiques dans la population ge´ne´rale ? Des e´tudes comple´mentaires seront ne´cessaires pour re´pondre a` cette question. Afin de de´velopper un re´seau de toxicovigilance, la MSA a d’ailleurs mis en place la production de bilans toxicologiques, des mesures de pre´vention et des programmes de recherche e´pide´miologiques. Il nous paraıˆt donc indispensable de prendre en compte la proble´matique d’un facteur toxique environnemental au cours d’une consultation de neurologie en interrogeant les patients syste´matiquement sur les donne´es relatives aux expositions professionnelles, ce roˆle re´pondant a` des re`gles de de´ontologie et de sante´ publique et en proposant e´ventuellement au salarie´ une consultation spe´cialise´e oriente´e en pathologies professionnelles.

4.

Conclusion

Dans la maladie de Parkinson, l’identification d’un nombre grandissant de ge`nes de´le´te`res a contribue´ a` une meilleure connaissance des voies mole´culaires implique´es dans le processus de´ge´ne´ratif. Les perspectives futures seront d’identifier des biomarqueurs de la maladie qui pourraient permettre de discerner, dans certains cas, la phase pre´symptomatique, surtout si des mole´cules neuroprotectrices e´taient a` notre disposition au sein de l’arsenal the´rapeutique. Un pre´ambule a` toutes ces e´tapes reste baser sur l’identification des formes familiales en sensibilisant les neurologues a` ce type de recherche clinique a` mener de principe aux cours des diffe´rentes consultations. Les donne´es concernant le roˆle de facteurs toxiques, notamment des pesticides, se sont clairement consolide´es au fil des e´tudes. De ce fait, leur de´pistage plus syste´matique ne doit pas non plus eˆtre ne´glige´. L’implication d’un facteur ge´ne´tique serait privile´gie´e chez les sujets de´butants la maladie plus pre´cocement, avec au contraire un roˆle pre´ponde´rant de l’environnement chez ceux de´butant la maladie plus tardivement.

Conflit d’inte´reˆt Aucun.

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Remerciements Je remercie le Dr Rouaix (service toxicologie et ge´nopathies, poˆle de biochimie et biologie mole´culaire, UF neurobiologie, CHRU de Lille), le Dr Nisse et le Pr Frimat (service de pathologies professionnelles et de l’environnement, poˆle sante´ publique, CHRU de Lille) pour la relecture attentive de cet article.

r e´ f e´ r e n c e s

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