Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites

Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites

Journal de radiologie (2011) 92, 280—290 FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . . Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et ...

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Journal de radiologie (2011) 92, 280—290

FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .

Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites Imaging evaluation of renal function: Principles and limitations P.-H. Vivier a,∗,b, M. Dolores a, J. Le Cloirec c, M. Beurdeley d, A. Liard d, F. Elbaz d, J.-B. Roset a, J.-N. Dacher a,b a

Service de radiologie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France Inserm U644, faculté de médecine-pharmacie de Rouen, 22, boulevard Gambetta, 76183 Rouen, France c Service de médecine nucléaire, centre H.-Becquerel, rue d’Amiens, 76038 Rouen cedex 1, France d Service de chirurgie pédiatrique, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France b

MOTS CLÉS Exploration de la fonction rénale ; Imagerie par résonance magnétique (IRM) ; Scintigraphie rénale ; Rein ; Hydronéphrose



Résumé Le rein assure de nombreuses fonctions, dont la plus représentative et la plus étudiée est la filtration glomérulaire. En pratique, en cas d’uropathie unilatérale, la décision chirurgicale est souvent dictée par l’altération de la fonction rénale différentielle, qui est explorée généralement par la scintigraphie. L’IRM est à ce jour encore peu validée, mais représente une alternative intéressante du fait d’une exploration non irradiante, à la fois morphologique et fonctionnelle. Les séquences récentes telles que la diffusion, l’arterial spin labeling (ASL), et le blood oxygen level dependent (BOLD) peuvent par ailleurs apporter des informations complémentaires. Le rôle du scanner et de l’échographie reste limité dans l’étude de la fonction rénale. © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-H. Vivier).

0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jradio.2011.03.002

Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites

KEYWORDS Renal function evaluation; MRI; Renal scintigraphy; Kidney; Hydronephrosis

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Abstract The kidney performs multiple functions. Glomerular filtration is the most studied of these functions. In clinical practice, the surgical indication for patients with unilateral uropathy is frequently based on the split renal function as demonstrated by scintigraphy. MRI is not yet validated as a technique but nonetheless offers an interesting non-radiating alternative to achieve both morphological and functional renal evaluation. Recent pulse sequences such as diffusion, arterial spin labeling, and blood oxygenation dependent imaging may also provide additional information. CT and US remain of limited value for the evaluation of renal function. © 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.

Le rein est un organe complexe assurant de multiples fonctions homéostasiques (équilibres hydro-électrolytique, acido-basique, tensionnel), mais également endocrines (sécrétion d’érythropoïétine et production de 1,25(OH)2 D3 ). Bien que ces fonctions soient relativement indépendantes les unes des autres, il est d’usage d’apprécier la fonction rénale globale en étudiant la filtration glomérulaire, également dénommée débit de filtration glomérulaire (DFG). En pratique courante, cette mesure est réalisée au moyen de la clairance de la créatinine, évaluée en dosant la créatininémie et en estimant sa clairance par les formules de Cockcroft ou MDRD chez l’adulte [1,2] et la formule de Schwartz chez l’enfant [3]. Cependant, ces estimations à partir de la créatininémie sont peu précises. La méthode de référence pour étudier le DFG est la clairance de l’inuline qui est désormais remplacée par la mesure de la clairance de l’acide ethylène di-amino tetra-acétique (EDTA-51 Cr). Cette mesure est rarement effectuée en pratique. Par ailleurs, l’EDTA51 Cr ne permet ni la réalisation d’images scintigraphiques, ni de mesurer les fonctions rénales différentielles droite et gauche (pourcentage de la fonction globale de chaque rein). En cas de pathologie uro- ou néphrologique unilatérale, il est souvent utile d’apprécier la fonction rénale différentielle. Cette dernière est dite équilibrée lorsque les deux reins se situent entre 45 et 55 % de la fonction rénale globale. L’imagerie est le seul moyen d’accéder de manière non invasive à cette mesure. La scintigraphie rénale au 99m TcMAG3 ou au 99m Tc-DMSA est l’examen de référence effectué en routine. L’uro-IRM fonctionnelle pourrait devenir une alternative intéressante, en permettant un bilan morphologique précis ainsi qu’un examen fonctionnel non irradiant. Les nouvelles séquences d’IRM permettent d’apprécier la perfusion, l’oxygénation du rein, et la diffusion de l’eau dans le parenchyme rénal. Les apports du scanner et de l’échographie seront également abordés dans cette revue.

Scintigraphie dynamique au

99m

Tc-MAG3

Il s’agit d’un examen dynamique, réalisé après injection de mercapto-acétyl-triglycine marqué (MAG3). Le 99m Tc-MAG3 n’est pas ou peu filtré dans les glomérules, mais est secrété dans les tubules proximaux [4]. L’association européenne de médecine nucléaire (EANM) a émis des recommandations sur la dose à injecter

Figure 1. Courbes rénographiques dynamiques au 99m Tc-MAG3. Examen effectué pour évaluer un syndrome de jonction pyélourétéral droit. Les fonctions rénales différentielles étudiées par la méthode des intégrales sont équilibrées. On constate une stase rénale droite (courbe rouge) avec déplacement du point d’activité maximale et profil en plateau jusqu’au test d’hyperdiurèse au furosémide réalisé à la 20e minute qui se traduit par une vidange de cavités rénales droites, démontrant une stase du produit dans les cavités dilatées et non pas un obstacle.

[5]. Les données dosimétriques sont fournies dans le Tableau 1. L’acquisition est dynamique pendant 20 à 40 minutes. À partir des rénogrammes des deux reins, il est possible de déterminer la fonction rénale différentielle lors des premières minutes après injection (en étudiant l’intégrale sous la courbe ou la méthode bi-compartimentale de RutlandPatlak) (Fig. 1), mais également le drainage des cavités. L’étude des rénogrammes est complexe, et l’analyse de l’aspect des courbes s’avère insuffisante lorsqu’il existe un aspect d’obstruction [6]. Il est possible d’effectuer facilement des images après miction et/ou verticalisation, ce qui favorise la vidange d’urines stagnantes et donc limite les faux positifs d’obstruction. Plusieurs méthodes prenant ou non en compte la fonction rénale (activité résiduelle normalisée et efficience d’excrétion) ont été proposées pour mieux affirmer l’existence ou non d’une obstruction [7,8]. Leur multiplicité et les difficultés rencontrées pour les valider ont été un obstacle à l’acceptation d’un consensus international. Le coût de total de l’examen est de 327 euros.

282 Tableau 1

P.-H. Vivier et al. Dosimétrie des scintigraphies rénales au

99m

Tc-DMSA et

99m

99m

Dose injectée (MBq) Dose absorbée (mGy) Vessie Reins Ovaires Testicules Dose efficace (mSv)

Scintigraphie au

99m

Tc-MAG3. 99m

Tc-DMSA Adulte de 70 kg

Enfant de 10 kg

Tc-MAG3 Adulte de 70 kg

Enfant de 10 kg

99

33

69

23

1,8 17,8 0,3 0,2 0,9

1,9 25,1 0,6 0,3 1,2

Tc-DMSA

Il s’agit d’un examen statique, réalisé après injection intraveineuse de 99m Tc-DMSA. Le 99m Tc-DMSA n’est pas filtré dans les glomérules, mais est capté par les cellules du tubule contourné proximal. L’EANM a émis des recommandations sur la dose à injecter [5]. L’activité rénale mesurée reflète donc la masse corticale fonctionnelle. Les images statiques (5 à 10 minutes), réalisées deux à six heures après injection, permettent d’étudier les reins selon plusieurs incidences, voire de réaliser des tomographies monophotoniques. L’indication essentielle de cet examen est d’évaluer le retentissement fonctionnel des uropathies malformatives et celui de leurs complications, en particulier infectieuses et ainsi d’étayer l’indication opératoire. Le but est de mettre en évidence des cicatrices corticales à distance d’une pyélonéphrite aiguë (au moins six mois après) (Fig. 2) ou le retentissement fonctionnel d’une néphropathie de reflux ou d’obstacle, et plus rarement de prouver l’existence d’une atteinte parenchymateuse lors d’une pyélonéphrite aiguë. L’activité corticale mesurée au moyen de régions d’intérêt rénales et de bruit de fond permet de quantifier les fonctions rénales relatives. Cet examen a l’inconvénient de nécessiter un temps de réalisation long. Le coût total de l’examen est de 269 euros.

Imagerie par résonance magnétique La principale indication de l’uro-IRM fonctionnelle rénale est la mesure de la fonction rénale différentielle (ou relative ou séparée), principalement dans le cadre des uropathies obstructives. La plupart de ces examens concernent donc les enfants ayant un syndrome de jonction pyélo-urétéral, un méga-uretère primitif ou une duplicité urétérale obstructive. L’uro-IRM fonctionnelle a connu un essor important depuis la publication d’Avni et al. [9]. Les indications chez les adultes concernent les uropathies obstructives de découverte tardive, typiquement le syndrome de jonction pyélo-urétéral qui peut se révéler à n’importe quel âge. La recherche d’obstacle au décours des chirurgies urologiques est aussi une indication fréquente. Les premières publications portant sur l’uro-IRM fonctionnelle remontent aux années 2000 [10—12]. La technique a rapidement évolué. Cependant, seuls quelques centres universitaires font de l’uro-IRM fonctionnelle en routine.

7,6 0,2 0,4 0,3 0,1

7,4 0,3 0,3 0,4 0,2

La faible diffusion de cette technique s’explique par la durée de l’examen qui était d’environ une heure il y a quelques années et qui est actuellement de 30 minutes ou moins. Par ailleurs, le post-traitement relativement complexe et non standardisé a également découragé certains radiologues. Pourtant, plusieurs logiciels dédiés au post-traitement de l’uro-IRM fonctionnelle sont disponibles gratuitement [13,14]. Certaines équipes ont tenté de mesurer la fonction rénale absolue (en mL/min), mais ces techniques sont complexes et restent imprécises à ce jour [15]. Seule la mesure de la fonction rénale séparée sera abordée dans cette mise au point. Le coût total d’une uro-IRM fonctionnelle est de 283 euros.

Gadolinium : dose et aspects pratiques Il existe un risque théorique de fibrose néphrogénique systémique liée à l’injection de gadolinium chez les patients ayant une uropathie bilatérale. Plusieurs sociétés savantes [16,17] recommandent de calculer la clairance de la créatinine et d’éviter l’injection de gadolinium si celle-ci est inférieure à 30 mL/min/1,73 m2 . Par ailleurs, il est souhaitable d’utiliser des produits de contraste macrocycliques et d’injecter la dose la plus faible possible [18]. Les reins se distinguent des autres organes car ils concentrent et éliminent les produits de contrastes gadolinés standard. Or la relation entre la concentration de gadolinium et le signal n’est ni linéaire ni monotonique (effet T2*). Il existe cependant une zone de linéarité à basse concentration, ce qui permet une quantification relative [19]. Afin de limiter la concentration de gadolinium dans les reins et les urines, il est souhaitable d’utiliser une faible dose (0,025—0,05 mmol/kg). Par ailleurs, il est recommandé [20,21] d’hydrater le patient 30 minutes avant l’examen par 250 à 500 mL d’eau. Par ailleurs, du furosémide est injecté en intraveineux quelques minutes avant le gadolinium [22,23], à la dose de 0,5 mg/kg (1 mg/kg chez les nourrissons), avec un maximum de 40 mg [20,24]. L’hydratation et le furosémide engendrent un hyperdébit dont le but est de limiter la concentration de gadolinium dans le rein et les urines et donc de prévenir l’effet T2*, mais aussi de démasquer une obstruction partielle intermittente.

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Figure 2. Scintigraphie statique au 99m Tc-DMSA. Bilan lésionnel et évaluation fonctionnelle rénale chez un enfant âgé de trois ans après un épisode de pyélonéphrite ayant conduit au diagnostic de reflux vésico-urétéral gauche de grade 4 ; (a) des images sont acquises de face en antérieur et en postérieur, ainsi qu’en oblique postérieur droit et gauche et mettent en évidence d’importantes cicatrices postinfectieuses rénales gauches. La distribution parenchymateuse rénale droite est normale ; (b) mesure de la fonction rénale différentielle : asymétrie fonctionnelle : rein gauche = 12 % ; rein droit = 88 %.

Séquences L’examen est généralement composé de séquences anatomiques et d’une séquence fonctionnelle dynamique effectuée après l’injection de gadolinium [25,26] : • une séquence de repérage ;

• des séquences morphologiques T2, axiales et coronales permettant d’apprécier l’épaisseur du parenchyme, la différenciation cortico-médullaire, et d’effectuer des mesures standard (longueur des reins, taille des bassinets) ; • des séquences hyper-pondérées T2 sensibles à l’eau (type bili-IRM), coronales, qui permettent d’étudier en

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P.-H. Vivier et al.

Figure 3. Analyse de la séquence dynamique en IRM ; (a) régions d’intérêt placées sur le parenchyme rénal ; (b) rénogrammes parenchymateux, avec représentation des aires sous la courbe. Aire du rein droit : 51 %, aire du rein gauche : 41 % ; (c) région d’intérêt placée dans l’aorte ; (d) courbe aortique et graphique de Rutland-Patlak et des pentes correspondant à l’analyse. Les pentes sont strictement identiques à droite et à gauche.

quelques secondes ou minutes l’ensemble des voies urinaires, quelle que soit la fonction des reins et sans injection de produit de contraste. Cette étude morphologique des cavités urinaires se distingue de celle de l’urographie intraveineuse et de l’uroscanner qui nécessite parfois plusieurs heures avant que le produit de contraste iodé n’opacifie l’ensemble du tractus urinaire en cas de dilatation importante ou d’insuffisance rénale ; • une séquence hyper-pondérée T2 3D synchronisée à la respiration, permettant une analyse fine des cavités urinaires et des reconstructions multiplanaires et volumiques ; • une séquence fonctionnelle dynamique pondérée T1 en écho de gradient 3D. Cette séquence est acquise en coronal et doit inclure l’aorte abdominale pour permettre une analyse par la méthode de Ruland-Patlak. L’injection d’une faible dose de gadolinium permet d’utiliser un angle de bascule faible (< 25◦ ) et d’optimiser le rapport signal sur bruit. La résolution temporelle doit être inférieure ou égale à 5 s. La durée de cette séquence dynamique est de 10 minutes et ne doit en aucun cas être inférieure à cinq minutes, sous peine de ne pas pouvoir mesurer la fonction rénale différentielle ; • une séquence en écho de gradient T1 3D, coronale, en apnée ou synchronisée à la respiration, avec la meilleure résolution possible. Idéalement, cette séquence devrait être isotropique afin de pouvoir effectuer des reconstructions multiplanaires. Le but est d’analyser les cavités urinaires opacifiées. Les reconstructions en maximum intensity projection (MIP) sont souvent utiles.

Analyse fonctionnelle : Post-traitement L’analyse fonctionnelle est composée de deux parties distinctes : la mesure de la fonction rénale différentielle et l’étude de la vidange rénale à la recherche d’un obstacle. La mesure de la fonction rénale différentielle est effectuée en trac ¸ant une région d’intérêt sur le parenchyme rénal sur les images de la séquence dynamique (Fig. 3). Un rénogramme parenchymateux (courbe du signal en fonction du temps) est ainsi obtenu. La partie initiale de la courbe est marquée par un pic correspondant à l’arrivée du bolus de gadolinium dans le cortex. Puis, après une décroissance brève, une pente linéaire correspond à l’augmentation de la concentration intra-rénale de gadolinium liée à sa filtration, mais également à la réabsorption tubulaire de l’eau. Cette pente de filtration est utilisée pour mesurer la fonction rénale différentielle. Après quelques secondes, le gadolinium est excrété dans les cavités (qui ne sont pas incluses dans la region of interest [ROI] parenchymateuse), d’où une baisse de la concentration intra-parenchymateuse du gadolinium, donc du signal. La partie terminale de la pente de filtration correspond ainsi au point d’équilibre entre, d’une part, la filtration glomérulaire et la réabsorption tubulaire de l’eau et, d’autre part, l’excrétion. L’excrétion devient ensuite prédominante et est associée à une baisse progressive du signal. La pente de filtration peut être analysée de deux fac ¸ons : • l’aire sous la courbe : l’aire située sous la pente de filtration ; • le modèle bicompartimental de Rutland-Patlak : ce modèle considère qu’il existe un flux unidirectionnel du

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Cette analyse n’est pas encore fiable en raison d’un recalage difficile (translations antéro-postérieure et crânio-caudale, rotation et déformation des reins) et des effets de volume partiel, particulièrement marqués chez les nourrissons ayant un parenchyme rénal étiré, voire atrophique. Plus simplement, une seule coupe de la séquence dynamique peut être étudiée pour chaque rein et les résultats sont ensuite pondérés par les volumes. Idéalement, la mesure des volumes (Fig. 5) est effectuée à partir d’une séquence ayant une résolution spatiale supérieure à celle de la séquence dynamique [27]. Figure 4. Résultats obtenus pour une analyse de la fonction rénale différentielle en IRM (même patient que Fig. 3). L’analyse des aires sous la courbe et des pentes du graphique de RutlandPatlak sont analysables sans et avec pondération par les volumes. L’analyse sans les volumes donne une information sur le degré de fonction du parenchyme rénal par unité de volume. La pondération par les volumes fournit le résultat réel de la fonction rénale différentielle.

produit de contraste du secteur vasculaire intra-rénal (premier compartiment) vers le secteur néphronique (second compartiment). La quantité de gadolinium présente dans le secteur vasculaire est approchée en mesurant le signal dans l’aorte (fonction d’entrée artérielle). Cette technique permet d’obtenir après transformations mathématiques le graphique de RutlandPatlak. La pente de chaque courbe est proportionnelle à la fonction rénale glomérulaire. L’obtention des résultats bruts sans pondération par les volumes donne une information sur la valeur fonctionnelle du rein par unité de tissu (Fig. 4). Néanmoins, pour calculer la fonction rénale différentielle, ces deux approches doivent être pondérées par les volumes rénaux. L’analyse du signal de l’ensemble du parenchyme rénal devrait être effectuée à partir de la séquence dynamique au moyen d’une segmentation 3D associée à un recalage performant.

Évaluation du drainage Le but est de savoir s’il existe un obstacle ou une simple dilatation. Il n’existe à ce jour aucun élément validé en imagerie permettant de confirmer ou non l’existence d’un obstacle. L’analyse des courbes dynamiques étudiant les cavités rénales (rénogramme excrétoire) est peu utile. En effet, l’analyse des rénogrammes excrétoires a été développée en médecine nucléaire, avec des images de projection : l’activité mesurée sur une image est proportionnelle à la quantité de traceur dans le rein et ses cavités. En revanche, l’intensité du signal en IRM est liée à la concentration (et non pas à la quantité) de gadolinium dans la coupe étudiée (et non pas de l’ensemble du rein et de ses cavités). De plus, la densité du gadolinium est supérieure à celle de l’eau, si bien que la concentration de gadolinium dans les cavités dilatées (et donc l’aspect du rénogramme excrétoire) varie avec la coupe choisie chez un patient en décubitus dorsal. De plus, contrairement à la scintigraphie, l’IRM a l’inconvénient de ne pas permettre d’étudier facilement le drainage des urines après miction et/ou verticalisation. Des temps de transit (ou plutôt d’apparition) rénaux ou caliciels ont été publiés [28] afin de différencier une obstruction d’une stase ou d’une forme intermédiaire. Ces temps correspondent aux délais séparant l’apparition du

Figure 5. Mesures des volumes en IRM dans le cadre d’un syndrome de jonction pyélo-urétéral droit (même patient que Fig. 3 et 4). Le parenchyme rénal est segmenté sur une séquence T1 après injection de gadolinium à un temps tardif. Les cavités rénales opacifiées ou non sont exclues du volume. Rein droit/94 mL (a), rein gauche/155 mL (b).

286 rehaussement cortical de l’arrivée du produit de contraste respectivement dans les calices ou les uretères. Ces temps de transit n’ont pas été validés et apparaissent peu discriminants en pratique pour différencier une stase d’une obstruction vraie en cas d’hydronéphrose. Le seul élément informatif en imagerie en faveur d’une obstruction est la dégradation de la fonction rénale séparée sur au moins deux examens successifs. L’apparition d’une douleur lombaire quelques secondes à quelques minutes après injection de furosémide est également un excellent critère, puisque cette douleur est liée à l’apparition d’une hyperpression intra-pyélique.

Apport de la diffusion, du blood oxygen level dependent (BOLD), et de l’arterial spin labeling (ASL) Diffusion Il a été prouvé que les valeurs d’apparent diffusion coefficient (ADC) étaient abaissées aussi bien dans le cortex que dans la médullaire en cas d’insuffisance rénale [29]. De fac ¸on logique, il a également été retrouvé une corrélation modérée (r = 0,71) entre l’ADC et la fonction rénale différentielle [30]. Il convient de rester prudent sur les valeurs d’ADC publiées, car il existe une grande dépendance de ces valeurs par rapport aux paramètres de la séquence et plus particulièrement au choix des valeurs de b [31]. Par ailleurs, il est difficile d’expliquer de fac ¸on rationnelle les valeurs d’ADC, puisque la diffusion de l’eau dans le rein est à la fois liée à la diffusion interstitielle, mais aussi tubulaire et perfusionnelle. Les études faites sur les hydronéphroses ne sont pas concordantes, puisque certaines trouvent une augmentation des valeurs de l’ADC dans le parenchyme rénal [32] alors que d’autres montrent une diminution [33].

Blood oxygen level dependent (BOLD) Le BOLD, séquence en écho de gradient sensible à l’effet paramagnétique de la déoxy-hémoglobine, permet d’étudier l’oxygénation du rein. Le flux sanguin est faible dans la médullaire malgré une consommation importante d’oxygène liée à la réabsorption active d’eau et de sodium. Cela explique un fonctionnement de base dans un état d’hypoxie relative. C’est la raison pour laquelle la médullaire est particulièrement sensible à l’ischémie (nécrose tubulaire aiguë). L’utilisation du BOLD apparaît intéressante pour étudier une éventuelle souffrance tissulaire, par exemple en cas de sténose significative d’une artère rénale [34]. L’application semblant actuellement la plus utile est la différenciation entre une nécrose tubulaire aiguë et un rejet chez les greffés rénaux, ce qui pourrait permettre d’éviter la biopsie. En cas de rejet, l’altération de la fonction rénale s’associe à une baisse de la filtration de l’eau et ainsi à une baisse des besoins de réabsorption active d’eau et de sodium, d’où une élévation de l’oxygénation de la médullaire [35]. La sensibilité aux effets de susceptibilité magnétique augmente avec les hauts champs, ce qui sensibilise la technique et permet d’obtenir des valeurs discriminantes à 3 T. Néanmoins, l’étude des reins peut être limitée du fait de l’air dans le côlon qui, tout comme la

P.-H. Vivier et al. déoxy-hémoglobine, est à l’origine d’un effet paramagnétique.

Arterial spin labeling (ASL) L’ASL permet d’étudier la perfusion sans injection. Pour cela, les protons sanguins sont « marqués » par une impulsion de 180◦ (inversion). Une image sans et avec marquage est effectuée. L’image de soustraction fournit une image de perfusion. Des études ont démontré les capacités de l’ASL à quantifier le flux sanguin rénal, notamment en cas de sténose d’artère rénale [36]. Il semble également que l’ASL puisse être utilisé pour quantifier la perfusion des tumeurs avant et après traitement anti-angiogénique, afin d’évaluer précocement la réponse tumorale [37].

Échographie L’échographie ne permet pas d’évaluer correctement la fonction rénale séparée. Une étude a prouvé la faisabilité de la mesure des volumes rénaux en échographie 3D chez les enfants [38]. Le ratio des volumes est statistiquement un bon indicateur de la fonction rénale séparée, mais n’est pas fiable pour un patient donné. De plus, la mesure des volumes en échographie 3D peut être délicate compte tenu de l’arrêt des ultrasons par les côtes aux pôles supérieurs. Par ailleurs, un flou cinétique peut gêner les mesures, compte tenu d’apnées impossibles ou difficiles chez les enfants. L’échographie de contraste permet d’évaluer la perfusion tissulaire et peut être appliquée à l’étude des tumeurs rénales [39]. Cette technique semble également prometteuse pour prédire la réponse tumorale aux traitements anti-angiogéniques [40]. Par ailleurs, l’utilisation de produits de contraste ultrasonore facilite la recherche de sténose d’artère rénale et la détection d’artère polaire, et réduit donc le nombre d’examens non contributifs [41]. L’échographie de contraste n’apporte pas de renseignement utile pour apprécier la filtration glomérulaire.

Scanner La relation linéaire entre la concentration d’iode et les unités Hounsfield permet théoriquement mieux qu’en IRM une quantification de la fonction rénale différentielle. Plusieurs études ont montré la faisabilité de cette mesure par la méthode de Rutland-Patlak initialement par des acquisitions dynamiques toutes les 5 s pendant deux minutes [42], puis plus récemment par des acquisitions simplifiées basées sur trois hélices [43]. Le produit dose-longueur (PDL) d’une hélice abdominopelvienne est d’environ 470 mGy·cm pour un adulte de 170 cm et de 70 kg [44], soit une dose efficace de 7,1 mSv. Le PDL d’un enfant d’un an, de 75 cm et de 10 kg, est de 80 mGy·cm [45], soit une dose efficace de 2,4 mSv. Une seule hélice abdomino-pelvienne est donc bien plus irradiante qu’une scintigraphie rénale au 99m Tc-MAG3 ou 99m Tc-DMSA. L’étude de la seule fonction rénale différentielle par scanner n’est pas indiquée en pratique, car le scanner est moins précis et nettement plus irradiant que la scintigraphie.

Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites

POINTS À RETENIR • La dilatation chronique des voies urinaires supérieures est la principale indication de l’étude de la fonction rénale différentielle. • La méthode de référence pour l’étude de la fonction rénale différentielle est la scintigraphie. • La principale limite de la scintigraphie rénale est sa faible résolution spatiale. • L’IRM permet une étude morphologique et fonctionnelle dans le même temps. • L’étude fonctionnelle des deux pôles d’une duplicité urétérale n’est faisable de fac ¸on fiable qu’en IRM car elle nécessite une bonne résolution spatiale. • Les séquences morphologiques reposent sur les séquences pondérées en T2. • Les reins éliminent et concentrent les agents gadolinés standard. • Afin d’éviter les effets T2* délétères pour quantifier la fonction rénale différentielle, il est utile : ◦ d’hydrater le patient avant l’examen, ◦ d’injecter du furosémide avant le gadolinium, ◦ d’injecter une faible dose de gadolinium (≤ 0,05 mmol/kg) ; • Une uro-IRM fonctionnelle dure 30 minutes. • L’uro-IRM fonctionnelle est encore peu développée du fait d’un post-traitement spécifique. L’existence de logiciels dédiés et gratuits devrait permettre la diffusion de cette technique.

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permet d’obtenir dans le même temps des informations morphologiques et fonctionnelles pour un coût comparable et sans irradiation. De plus, les séquences récentes telles que l’angio-IRM sans injection, l’ASL et le BOLD sont très prometteuses et fournissent des informations fonctionnelles autres que la fonction rénale séparée. L’IRM fonctionnelle du rein reste encore peu validée à ce jour du fait de la jeunesse de cette technique.

Cas clinique Histoire de la maladie Cette femme de 26 ans, sans antécédent, consulte pour des douleurs abdominales chroniques mal caractérisées. Une échographie abdominale met en évidence une dilatation pyélocalicielle droite avec un bassinet mesuré en antéropostérieur à 25 mm en intra-sinusal. L’uretère lombaire homolatéral n’est pas dilaté. Une uro-IRM fonctionnelle (Fig. 6—8) est effectuée pour déterminer si les douleurs sont liées ou non au syndrome de jonction pyélo-urétéral. L’examen est indolore.

Questions 1. Comment expliquer le retard d’excrétion du rein droit (Fig. 7) ? 2. Les volumes du rein permettent-ils une première approche de la fonction rénale différentielle ? 3. Les douleurs abdominales sont-elles expliquées par le syndrome de jonction pyélo-urétéral ?

Conclusion

Réponses

La scintigraphie rénale reste la méthode de référence pour évaluer la fonction rénale différentielle. Cependant, l’IRM

1. Il n’y pas de retard d’excrétion ! Seule une coupe coronale oblique passant par la partie moyenne du rein est

Figure 6. Mesure des volumes rénaux par segmentation des reins sur une séquence pondérée T2 avec saturation de la graisse, droit (a) et gauche (b).

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Figure 7. Séquence dynamique (coupe passant par la partie moyenne du rein droit). Temps artériel (a), parenchymateux (b), tardif précoce (150 s après injection) (c), tardif (10 minutes après injection) (d).

représentée ici. Le gadolinium est plus dense que l’eau et stagne dans les parties déclives. Une image en maximum intensity projection (MIP) de la séquence dynamique, effectuée 150 s après injection (Fig. 9), met en évidence la présence de gadolinium dans les cavités droites. L’intensité du signal est un peu plus faible du côté droit du fait d’une dilution du gadolinium dans les cavités dilatées. Une faible intensité pourrait aussi être expliquée par une fonction rénale altérée. 2. En l’absence d’antécédents (diabète, hypertension, amylose, polykystose rénale, pyélonéphrite. . .) chez un sujet jeune, le rapport des volumes est un bon indicateur de la fonction rénale relative. Le volume rénal total est de 264 mL (136 + 128 mL). D’un point de vue volumique, la fonction rénale différentielle peut être grossièrement estimée à 51 % du côté droit (136/264 × 100). Cette approche peut être assimilée à celle de la scintigraphie au 99m Tc-DMSA, mais elle n’est pas toujours fiable

et l’analyse de la cinétique de rehaussement des reins est indispensable. 3. La méthode de Rutland-Patlak indique que la fonction rénale différentielle est équilibrée (51 % à droite, 49 % à gauche). Par ailleurs, l’injection intraveineuse de furosémide (indispensable pour l’exploration des hydronéphroses en uro-IRM) n’est pas suivie de douleurs lombaires. L’association de ces deux éléments permet de ne pas attribuer les douleurs au syndrome de jonction. Néanmoins, un syndrome de jonction peut être lithogène, et un complément tomodensitométrique pourrait être proposé pour éliminer des douleurs d’origine lithiasique.

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Mesure de la performance rénale en imagerie : principes et limites

Figure 8.

289

Évaluation fonctionnelle par la méthode de Rutland-Patlak.

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[11] Figure 9. Image MIP effectuée à partir de la pile d’images de la séquence dynamique 150 secondes après injection. Flèches : présence de produit de contraste dans les cavités rénales droites.

[12]

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