Misoprostol : utilisation hors AMM dans la prise en charge de l’hémorragie du post-partum

Misoprostol : utilisation hors AMM dans la prise en charge de l’hémorragie du post-partum

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) 43, 179—189 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) 43, 179—189

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

USAGE HORS AMM : LE CYTOTEC

Misoprostol : utilisation hors AMM dans la prise en charge de l’hémorragie du post-partum Misoprostol: Off-label use in the treatment of post-partum hemorrhage A. Garrigue , F. Pierre∗ Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction, CHU de Poitiers, 2, rue de la Milétrie, 86000 Poitiers, France Disponible sur Internet le 20 janvier 2014

MOTS CLÉS Hémorragie du post-partum ; Misoprostol ; Prévention ; Traitement ; Atonie utérine ; Troisième phase du travail ; Délivrance dirigée



Résumé Objectif. — État des connaissances sur l’utilisation du misoprostol hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans la prise en charge de la prévention de l’hémorragie de la délivrance, et son traitement curatif. Méthode. — Recherche bibliographique en langues franc ¸aise et anglaise effectuée par consultation des banques de données PubMed, Cochrane Library et des recommandations des sociétés savantes internationales, et de l’Organisation Mondiale pour la Santé. Résultats. — Dans la prévention de l’HPP, il a été démontré que la prise orale de misoprostol réduisait la survenue d’hémorragie sévère du post-partum (≥ 1 L) de plus de 80 % par rapport au placebo (p < 0,02, RR 0,20 [0,04—0,91]) et de près de 50 % pour les hémorragies ≥ 500 mL (p < 0,0001, RR 0,53 [0,39—0,74]). Ces résultats ont été confirmés par plusieurs études. Comparé à la prise d’ocytocine, le misoprostol a une moindre efficacité : survenue d’une HPP sévère (≥ 1 L) significativement plus fréquente chez les patientes recevant du misoprostol versus celles recevant 10 ui de syntocinon IV ou IM (RR 1,39 [1,19—1,63]). Il a été démontré que la prise de misoprostol était associé à un risque accru d’avoir recours à d’autres utérotoniques (p < 0,001). Dans le cadre de la prise en charge thérapeutique de l’HPP, le misoprostol (800 ␮g en sublingual) pourrait être une bonne alternative à l’ocytocine (40 UI IVL) dans le traitement des HPP quand celui-ci n’est pas disponible. En effet, l’arrêt des saignements actif est obtenu de fac ¸on significativement équivalente (RR 1,12 [0,92—1,37]). Cependant, il faut noter la survenue significativement plus fréquente d’effets secondaires avec le misoprostol, notamment les diarrhées, nausées et vomissements, mais aussi les tremblements (RR 2,80 [2,25—3,49]) et la fièvre ≥ 38 ◦ C (RR 8,07 IC [5,52—11,8]).

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Pierre).

0368-2315/$ – see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2013.11.011

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A. Garrigue, F. Pierre Conclusion. — Pour la prévention de l’HPP, une dose unique de 600 ␮g (3 comprimés de 200 ␮g) sublingual peut être indiquée, après la naissance de l’enfant, quand l’ocytocine n’est pas disponible. Pour le traitement de l’HPP secondaire à une atonie utérine, une dose unique de 800 ␮g de misoprostol (4 comprimés de 200 ␮g) en sublingual peut être indiquée en l’absence d’accès à l’ocytocine. L’utilisation conjointe de misoprostol et d’ocytocine dans le traitement de l’HPP n’a pas prouvé son intérêt. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Post-partum haemorrhage; Misoprostol; Prevention; Treatment; Uterine atony; Third stage of labour; Active management of the third stage of labour

Summary Introduction. — Current knowledge on off-label use of misoprostol for prevention and treatment of post-partum haemorrhage (PPH). Materials and methods. — Systematic review of French and English literature by searching in PubMed, The Cochrane Library and recommendations of international scholarly societies and the World Health Organization. Results. — Oral misoprostol reduces the risk of severe PPH (≥ 1 L) by more than 80% when compared to a placebo (P < 0.02, RR 0.20 [0.04—0.91]), and reduces the risk of moderate PPH (500 mL) by almost 50% (P < 0.0001, RR 0.53 [0.39—0.74]). These results are confirmed by numerous studies. On the other hand, compared to oxytocin, misoprostol is slightly less efficient in preventing PPH. Severe PPH is significantly more frequent in patients receiving misoprostol when compared to those receiving 10 IU of syntocinon intravenously or intramuscularly (RR 1.39 [1.19—1.63]). Use of misoprostol is associated with a higher risk of using other uterotonics (P < 0.001). Regarding treatment of PPH, misoprostol (800 ␮g sublingual) could be an alternative to oxytocin (40 IU intravenous) when the later is not available. Active bleeding is equivalently stopped with misoprostol and with oxytocin (RR 1.12 [0.92—1.37]). However, more side effects are recorded with misoprostol, especially diarrhoea, nausea and vomiting but also tremors (RR 2.80 [2.25—3.49]) and fever above 38 ◦ C (RR 8.07 IC [5.52—11.8]). Conclusion. — In prevention of PPH, a single dose of 600 ␮g of misoprostol sublingual (3 tablets of 200 ␮g) can be indicated during the third stage of labour, when oxytocin is not available. For treatment of PPH caused by uterine atony, a single dose of 800 ␮g of misoprostol sublingual (4 tablets of 200 ␮g) can be indicated if oxytocin is not an option. Combined use of misoprostol and oxytocin has not been proved to be more efficient. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction Environ 515 000 femmes décèdent chaque année au cours de l’accouchement, principalement dans les pays en voie de développement [1]. L’hémorragie du post-partum (HPP) reste la cause la plus importante de morbi-mortalité maternelle dans le monde. Elle est responsable d’un tiers des morts maternelles du péri-partum. En Afrique subsaharienne, le taux de mortalité s’élève à 40 pour 100 000 naissances contre 1 pour 100 000 naissances en Grande Bretagne [2,3]. En France métropolitaine, une enquête récente portant sur les décès maternels recensés par le Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM) et survenus au cours des années 1996 à 2006, a retrouvé 729 morts maternelles [4]. On décompte 22 % de causes hémorragiques (160/729), dont 11 % secondaires à une hémorragie du post-partum immédiat. Les séquelles d’HPP incluent le syndrome de détresse respiratoire, la coagulopathie, le choc hémorragique, la stérilité et la nécrose hypophysaire chez la mère. Elle contribue à la mortalité maternelle en partie à cause du mauvais état de santé des mères mais également à cause du manque de structures d’accouchement équipées de fac ¸on appropriée et de la prise en charge inadaptée à la délivrance dans certains pays.

L’atonie utérine est la cause principale des HPP primaires (survenant dans les 24 premières heures) (70 %). Les traitements utérotoniques, et notamment l’ocytocine, permettent le plus souvent de traiter ces hémorragies. Mais cette molécule n’est pas toujours disponible et utilisable dans les pays en voie de développement. En effet, les utérotoniques injectables, dont l’ocytocine fait partie, sont des molécules instables à des hautes températures, et nécessitent donc une conservation dans une chaîne de froid rigoureuse. Tous les pays ne sont pas dotés de tels équipements. C’est la raison pour laquelle des études se sont intéressées à l’utilisation du misoprostol en traitement préventif et curatif de l’HPP. Différentes études ont montré qu’une prise en charge active de la troisième phase du travail permettait la réduction de la prévalence de l’hémorragie du postpartum [5—7]. En effet, comme deux tiers des patientes présentant une HPP n’ont pas de facteur de risque connu [1], plusieurs agences internationales ont émis des recommandations sur la prise en charge active de la troisième phase du travail [8], confirmé par l’OMS en 2009 [9]. Cette gestion active comprend : • une injection d’ocytocine ou d’un autre utérotonique dans la minute qui suit l’expulsion du bébé ;

Misoprostol (hors AMM) : prise en charge de l’hémorragie du post-partum • le clampage et la section précoce du cordon, associée à une traction douce de ce dernier afin d’expulser le placenta ; • un massage utérin après la délivrance placentaire. Chez les patientes à faible risque d’HPP, il a été montré dans une étude randomisée [10] que les pertes sanguines supérieures à 1 L atteignait 2,6 % (83 sur 3158 femmes) dans le groupe « physiologique » contre 0,9 % (27 sur 3126 femmes) dans le groupe gestion active de la troisième partie du travail RR 0,33 [0,21—0,51]. Les agents utérotoniques recommandés par la FIGO pour la prévention de l’HPP sont : • l’ocytocine, à conserver à l’abri du gel, de 15 à 30 ◦ C : 10 UI IM ; • l’ergométrine ou méthylergométrine, à conserver à l’abri du gel et de la lumière, de 2 à 8 ◦ C : 0,2 mg IM ; • le misoprostol, à conserver à température ambiante : 600 ␮g per os sublingual. Pour affirmer l’efficacité du misoprostol dans cette indication, de nombreuses études ont été menées depuis 1990. Plusieurs variétés de doses et de voies d’administration ont été testées soit contre placebo, soit contre d’autres agents utérotoniques. Cette prostaglandine E1 est un agent utérotonique peu onéreux (18,64 euros pour 60 comprimés, soit 0,31 centimes d’euros par comprimés de 200 ␮g), pouvant être pris par voie orale sublingual, ne nécessitant pas de conservation au froid et possédant une longue durée de vie. Le dixhuitième comité d’experts sur la sélection et l’utilisation de médicaments essentiels de l’OMS a approuvé en mars 2011 l’ajout du misoprostol dans le cadre de la prévention de l’hémorragie de la délivrance [11]. Il est indiqué à la dose de 600 ␮g quand l’ocytocine ne peut être disponible ou utilisée en toute sécurité. L’objectif de ce travail est de faire l’état des connaissances sur l’utilisation du misoprostol hors AMM dans la pris en charge de l’hémorragie du post-partum. Les critères d’inclusion de cette analyse sont la prévention de l’hémorragie du post-partum par misoprostol seul ou en adjonction aux autres utérotoniques ainsi que le traitement de la survenue d’une HPP en dehors des conditions d’AMM d’utilisation du misoprostol. La voie sublinguale est la voie majoritairement choisie en raison de sa pharmacocinétique qui s’adapte à la prise en charge de l’hémorragie du postpartum : délai d’action rapide avec un pic d’activité élevé et brève. La quasi-totalité des articles n’étudient que cette voie et l’OMS la recommande [8]. Enfin, les utérotoniques dits usuels peuvent être de l’ocytocine mais aussi de l’ergométrine selon les pays dans lesquels se déroulent les études. Cette particularité sera précisée pour chaque référence.

Méthodologie La recherche bibliographique a été effectuée à l’aide des bases de données informatiques Pubmed entre 2000 et juin 2013. Les mots clés suivants ont été choisis et combinés en autant d’étapes que nécessaire : misoprostol, post-partum

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hemorrhage, uterine atony, third stage of labour. Seules ont été retenues les publications de langues anglaise et franc ¸aise. Celles-ci ont été classées par niveau de preuve. Plusieurs revues de synthèse sur le sujet ont été consultées. La recherche informatisée a été complétée par une recherche manuelle des références des articles sélectionnés. Les recommandations des sociétés savantes suivantes ont été consultées : American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) www.acog.org ; Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada (SOGC) www.sogc.org ; Organisation Mondiale de la Santé (OMS) www.who.int/fr ; International Federation of Gynecology and Obstetrics (FIGO) www.figo.org.

Résultats Le misoprostol en traitement préventif de l’HPP Misoprostol versus placebo L’ensemble de la littérature retrouvé sur le sujet a prouvé l’efficacité du misoprostol sur la réduction de la survenue d’une HPP quand il est comparé au placebo [12—19]. Dans une première étude randomisée en double insu sur 661 femmes, comparant l’utilisation de 600 ␮g de misoprostol en sublingual à un placebo pour la gestion de la troisième phase du travail, des pertes sanguines > 1000 mL sont survenues pour 37 femmes sur 330 versus 56 sur 331 (RR 0,66, 95 % CI 0,45—0,98) [16]. Derman et al. ont également mené une étude randomisée en double insu sur 1620 patientes, étudiant l’efficacité du misoprostol à la dose de 600 ␮g versus placebo dans la prévention de l’HPP [17]. La dose était délivrée per os à 5 minutes du clampage du cordon ombilical. Il a démontré que la prise orale de misoprostol réduisait la survenue d’hémorragie sévère du post-partum (≥ 1 L) de plus de 80 % par rapport au placebo (p < 0,02, RR 0,20 [0,04—0,91]) et de près de 50 % les hémorragies de 500 mL (p < 0,0001, RR 0,53 [0,39—0,74]) (NP1). Les effets secondaires relatés sont les tremblements et la fièvre maternelle mais sans conséquence néonatale. Enfin dans une étude menée au Pakistan sur 1100 femmes, l’administration de 600 ␮g de misoprostol per os chez les patientes accouchant à domicile réduisait significativement le risque de pertes sanguines ≥ 500 mL (RR 0,76 [0,59—0,97]) [18]. Dans une revue systématique de la littérature étudiant misoprostol versus placebo, et excluant la voie rectale, les pertes sanguines > 1000 mL étaient significativement réduites par la prise orale ou sublinguale de 600 ␮g (4514 femmes, RR 0,77, 95 % [0,59—1,00]) ainsi que pour la prise de 400 ␮g de misoprostol (1288 femmes, RR 0,54, 95 % [0,32—0,91]) [15]. Enfin, une revue récente de la littérature, incluant 52678 femmes dans 72 études, retrouve un effet protecteur de la prise orale ou sublinguale de misoprostol versus placebo pour le risque de survenue d’une HPP sévère RR 0,57 [0,27—1,22], ainsi qu’une réduction de l’utilisation d’autres utérotoniques RR 0,87 [0,70—1,08] [20]. Reste l’incertitude d’équivalence entre une prise per os et sublinguale, qui ont été analysées ensemble ; mais

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A. Garrigue, F. Pierre

à la lecture du chapitre sur la pharmacocinétique et des recommandations de l’OMS et de la FIGO 2012, c’est la voie sublinguale qui doit être privilégiée pour un effet rapide et maximale souhaité dans ce contexte [8,21].

À l’inverse, Bellad et al. ont, dans une étude randomisée portant sur 652 femmes ayant rec ¸u 10 ui de syntocinon IM, retrouvé une efficacité significativement supérieure dans le groupe misoprostol 400 ␮g en sublingual versus placebo (survenue d’une HPP : p = 0,002) [36].

Le misoprostol sublingual à la dose unique de 600 ␮g, utilisé dans la gestion active de la troisième phase du travail, permet une diminution de l’incidence de l’HPP comparé au placebo (NP1).

Effets secondaires La fièvre et les tremblements sont les effets indésirables les plus fréquents lors de l’administration de misoprostol en post-partum, et ils sont connus comme étant dosedépendant. Les résultats de la méta-analyse d’Hofmeyr indique que, comparé au placebo, le risque de fièvre était trois fois plus importante avec un dosage de 400 ␮g et six fois plus importante avec une dose de 600 ␮g de misoprostol administré lors de la délivrance [15]. Leur survenue est plus fréquente par voie orale et sublinguale que par voie rectale [37—40]. Mais ces effets indésirables sont de courtes durées et restent bénins [40—42].

Misoprostol versus utérotoniques usuels L’étude randomisée en double insu de Singh a comparé, sur une population de 300 femmes, l’utilisation de misoprostol à la dose de 400 et 600 ␮g per os, à 5 ui d’ocytocine IM, et à 200 ␮g de méthylergométrine IM dans la gestion de la troisième phase du travail [22]. Le groupe de patientes recevant 600 ␮g de misoprostol avait significativement moins de pertes sanguines (p < 0,01) que les autres groupes, mais la diminution du taux d’hémoglobine était comparable et les effectifs de chaque groupe était faible. Une étude prospective randomisée en double insu récente portant sur 530 femmes a comparé la prise de 400 ␮g de misoprostol en sublingual versus 10 UI de syntocinon IM à 1 minute de la naissance [23]. Aucune différence significative entre les deux groupes n’a été retrouvé concernant la survenue d’hémorragie du post-partum (p = 0,85) ou de l’abondance des saignements (153 mL/146 mL p = 0,36). En revanche, les effets secondaires du misoprostol étaient significativement plus importants : tremblements (p < 0,001, RR 0,86 [0,82—0,90]) et fièvre (p = 0,03, RR 0,97 [0,95—0,99]). Ce qui rejoint les conclusions d’autres auteurs [24—30]. Mais la plus grosse étude portant sur 18 000 femmes montrait une perte sanguine ≥ 1 L chez 4 % des patientes recevant du misoprostol contre 3 % chez celles recevant 10 ui de syntocinon IV ou IM (RR 1,39 [1,19—1,63]) [31]. Dans cette même étude, il a été démontré que la prise de misoprostol était associé à un risque accru d’avoir recours à d’autres utérotoniques (p < 0,001). Les auteurs ont conclu que l’ocytocine était d’efficacité supérieure au misoprostol pour la prévention de l’HPP. Ce qui a été confirmé dans deux autres études, ainsi que par la dernière revue de la Cochrane (RR 1,33 [1,16—1,52]) [20,32,33].

Le misoprostol pour la prévention de la survenue d’hémorragies sévères du post-partum est moins efficace que les utérotoniques injectables (NP1).

Misoprostol additionné à l’ocytocine Fawole et al. n’ont pas retrouvé d’efficacité significativement supérieure de l’ajout de 400 ␮g de misoprostol sublingual aux utérotoniques usuels pour la prévention de l’HPP, versus placebo, dans une étude randomisée en double insu portant sur 1345 patientes [34]. Confirmé par une seconde étude randomisée en double insu [35].

Conclusion

Pour la prévention de l’HPP, quand l’ocytocine n’est pas disponible, une dose unique de 600 ␮g (3 comprimés de 200 ␮g) sublinguale est indiquée, après la naissance de l’enfant ; ce qui est le cas pour les pays n’ayant pas la possibilité d’utiliser l’ocytocine en raison de l’absence de la chaîne du froid.

Le misoprostol en traitement curatif de l’HPP Le traitement des HPP secondaires à l’atonie utérine comprend l’administration d’utérotoniques (généralement ocytocine et/ou ergométrine), associé au massage utérin et à la compression bimanuelle. L’utilisation d’utérotoniques permet d’éviter des complications à type de transfusion de dérivés sanguins, et chirurgie d’hémostase. Le plus souvent l’ocytocine est le traitement de choix car c’est un produit efficace, dont l’innocuité a été prouvée, sans les effets indésirables et les contre-indications de l’ergométrine [43]. Néanmoins, il y a une place pour l’utilisation du misoprostol dans les pays dépourvus d’accès à l’ocytocine. Sept études randomisées récentes ont évalué l’efficacité de l’administration de misoprostol dans le traitement de l’HPP. Une seule a étudié le misoprostol versus utérotoniques standards sans délivrance dirigée à l’ocytocine, deux après délivrance dirigée, et les quatre autres l’ajout de misoprostol aux utérotoniques usuels. Aucune étude n’a comparé l’utilisation du misoprostol au sulprostone. Misoprostol versus ocytocine sans délivrance dirigée par ocytocine Winikoff et al. en 2010 ont montré que le misoprostol (800 ␮g en sublingual pour 488 patientes) pouvait être une bonne alternative à l’ocytocine (40 ui IVL pour 490 patientes) dans le traitement des HPP ≥ 700 mL quand celui-ci n’était pas disponible, dans une étude randomisée portant sur

Misoprostol (hors AMM) : prise en charge de l’hémorragie du post-partum 978 patientes [44]. En effet, l’arrêt des saignements actifs dans les 20 minutes était obtenu de fac ¸on significativement équivalente (RR 0,94 [0,91—0,98]), ainsi que la survenue d’hémorragie ≥ 1 L (147 patientes, soit 30 % du groupe misoprostol, versus 83 patientes, soit 17 % du groupe ocytocine (RR 1,78 [1,40—2,26])).

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patientes recevant de l’ocytocine [44,46]. De même, le taux de fièvre était significativement plus fréquent (RR 8,07 IC [5,52—11,8]). Deux autres études portant sur le dosage de 600 ␮g sublingual versus placebo retrouvaient également un taux significativement plus important de tremblements et de fièvre dans le groupe misoprostol [48,49]. Conclusion

Le misoprostol est suffisamment efficace sur l’arrêt des saignements pour être utilisé en première ligne dans le traitement de l’HPP quand l’ocytocine n’est pas disponible (NP2).

Misoprostol après délivrance dirigée par ocytocine Dans l’étude de Blum et al., 807 femmes ont été randomisées après délivrance dirigée par 10 ui de syntocinon IVL [45]. Aucune différence significative sur l’arrêt des saignements actifs n’a été retrouvé lors de la comparaison de la prise de misoprostol (800 ␮g sublingual n = 407) versus à ocytocine (40 ui IVL n = 402) lors d’une HPP ≥ 700 mL dans une étude randomisée en double insu sur 809 femmes (RR 0,99 [0,95—1,04]). En revanche, les effets secondaires étaient significativement plus importants dans le groupe misoprostol (tremblements RR 2,54 [1,95—3,32], fièvre RR 1,47 [1,09—1,99]).

Pour le traitement de l’HPP, le misoprostol en sublingual est d’efficacité équivalente à l’ocytocine après délivrance dirigée (NP2).

Misoprostol comme traitement complémentaire aux utérotoniques usuels Zuberi et al. ont montré que l’ajout de misoprostol (600 ␮g) au traitement par ocytocine ne réduisait pas de fac ¸on significative les pertes sanguines de plus de 500 mL lors d’une HPP (RR 0,59 [0,12—2,99]), mais ce, sur un faible effectif de 61 femmes [46]. Trois autres études ont évalué l’apport de 600 ␮g de misoprostol versus placebo aux utérotoniques usuels, et sont concordantes [47—49]. La plus large étude portant sur 1422 patientes n’a pas retrouvé de supériorité de l’ajout de misoprostol sur la survenue d’une HPP sévère ≥ 1 L (RR 1,02 [0,79—1,32]) [47].

L’étude de l’utilisation conjointe de misoprostol aux utérotoniques usuels n’a pas montré sa supériorité par rapport à l’usage seul des utérotoniques (NP1).

Effets secondaires Les deux études testant la dose de 800 ␮g de misoprostol sublingual comme première ligne de traitement d’une HPP ont retrouvé des taux de tremblements significativement plus élevé (RR 2,80 [2,25—3,49]) que chez les

Seulement quand l’ocytocine n’est pas disponible pour le traitement de l’HPP par atonie utérine, une dose unique de 800 ␮g (4 comprimés de 200 ␮g) sublinguale est efficace, après la naissance de l’enfant. Ce qui est le cas pour les pays n’ayant pas la possibilité d’utiliser l’ocytocine en raison de l’absence de possibilité de respect de la chaîne du froid. L’utilisation conjointe de misoprostol et d’ocytocine dans le traitement de l’HPP n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Misoprostol et morbidité maternelle L’objectif principal de l’utilisation du misoprostol dans l’HPP est de diminuer la morbi-mortalité maternelle. Aucune étude randomisée n’a la puissance nécessaire pour évaluer son impact sur la mortalité maternelle, celle-ci étant rare. Hofmeyr et Gülmezoglu ont donc réalisé une revue de la littérature afin d’étudier la relation possible entre l’utilisation de misoprostol et la morbi-mortalité maternelle [15]. Pour prouver l’efficacité de la dose et les effets secondaires, les objectifs retenus étaient les pertes sanguines ≥ 1 L ou ≥ 500 mL après diagnostic de l’HPP et une fièvre ≥ 38 ◦ C. Les effets indésirables pouvant être dose-dépendant, une évaluation de cet effet dose-dépendant a également été réalisé. Les études recensées comprenaient celles randomisées sur la prévention et le traitement de l’HPP et comparant le misoprostol au placebo ou à d’autres utérotoniques. Quarante-sept études ont été recensées contenant plus de 40 000 patientes. On compte 11 morts maternelles (relatées dans 5 études) dont huit ayant rec ¸u du misoprostol (RR 2 [0,68—5,83]). Les effets secondaires les plus fréquents observés dans la phase de délivrance sont la fièvre et les tremblements. Le risque d’hyperthermie maligne a été décrit pour la dose de 800 ␮g au moment de la délivrance [45], et une fièvre supérieure à 40 ◦ C a été reportée dans l’étude de l’OMS portant sur un dosage de 600 ␮g per os. Le nombre de décès reste faible et cette revue de la littérature est une étude rétrospective avec les biais que cela implique ne permettant aucune conclusion. Plus récemment, une revue de la Cochrane a étudié l’intérêt du misoprostol utilisé dans le post-partum pour diminuer la morbi-mortalité maternelle [50]. Soixante-dixhuit études ont été recensées portant sur 59 216 femmes. Trente-quatre ont été exclues. Soixante et onze d’entre elles portaient sur l’utilisation du misoprostol dans la prévention de l’HPP (dont 10 en cas de césarienne et 68 en cas d’accouchement voie basse) et 7 pour le traitement

184 curatif en cas de survenue d’une HPP. Il n’y a pas de différence significative en termes de mortalité maternelle dans les groupes misoprostol que ce soit comparé au placebo : 10 études, 6/4626 versus 1/4707 (RR 2,70 [0,72—10,11]) ; ou comparé aux autres utérotoniques : 21 études, 5/15 089 versus 3/15 369 (RR 1,54 [0,40—5,92]). Seule la fièvre ≥ 38 ◦ C était significativement plus fréquente dans le groupe misoprostol comparé aux autres groupes témoins (56 études, RR 3,97 [3,13—5,04]). Cette différence était plus importante pour des dosages supérieurs au égaux à 600 ␮g de misoprostol (RR 4,64 [3,33—6,46]) comparé aux dosages inférieurs ou égaux à 400 ␮g de misoprostol (RR 3,07 [2,25—4,18]). Lorsqu’on retire ce paramètre à la morbidité maternelle, on ne retrouve plus de différence significative sur la survenue de morbidité maternelle dans les différents groupes. Les conclusions de Hofmeyr suite à la revue de la Cochrane sont qu’un registre prospectif des morts maternelles suite à la prise de misoprostol serait intéressant.

Conclusion En 2011, l’OMS rajoutait le misoprostol pour la prévention de l’HPP dans la liste des médicaments essentiels [11].

A. Garrigue, F. Pierre L’utilisation de misoprostol peut être envisagée lorsque l’ocytocine n’est pas disponible. Étant donné que l’utilisation de misoprostol dans la prévention de l’HPP implique la délivrance à un grand nombre de patientes à bas risque avec des effets secondaires pouvant être majeurs, il est recommandé de n’utiliser qu’un dosage de 600 ␮g en sublingual si son utilisation est nécessaire [20,21]. Cette politique n’exclut pas la possibilité d’augmenter la dose de 200 ␮g en cas de survenue d’une HPP seulement en l’absence d’ocytocine. Aucune politique de distribution pour la délivrance à domicile ne peut être cependant recommandée en l’absence de données suffisantes dans la littérature [51]. En effet, dans de nombreux pays en voie de développement, les accouchements à domicile ne peuvent être évités. Oladapo et al., dans une revue de la Cochrane en 2012, se sont intéressés aux articles mentionnant la distribution de misoprostol aux patientes ou aux travailleurs de la santé non professionnels comparé à la prise en charge habituelle de l’HPP quand l’accouchement se déroule en dehors d’un établissement de santé, mais aucune étude n’a envisagé l’évaluation avec ces objectifs [51].

Type d’études

Thème d’étude

Population Lieu

n

Inde

530 400 ␮g de misoprostol sublingual/10 ui de synto IM

Chaudhuri et al. Int J Gynecol Obstet 2012 [23]

Étude prospective randomisée en double insu

Comparaison du misoprostol au syntocinon

Hofmeyr. Bull World Health Organ 2009 [52]

Revue de la littérature des études randomisées misoprostol/placebo

Morbi/mortalité 46 études plus de 40 000 patientes maternelle du misoprostol Effets dosedépendant

Singh et al. Int J Gynecol Obstet 2009 [22]

Randomisée en double insu

Résultats Dosage/mode d’administration misoprostol

Comparaison New Delhi, Inde miso/synto/ methyergométrine dans la troisième phase du travail

600 ou 400 ␮g miso/placebo ou utero toniques

300 Quatre groupes 400 ␮g miso sublingual 600 ␮g miso sublingual 5 uisynto IV 200 ␮g methylergometrine IV

HPP ≥ 500 mL Pertes sanguines

Effets secondaires

6/5,7 % p = 0,85 153/146 mL p = 0,36

Mort maternelle

8/11 dont 6 avec HPP RR 2,49 [0,76—8,13]

≥ 1000 mL

600 ␮g = RR 0,77 [0,59—1] 400 ␮g = RR 0,63 [0,44—0,91] 600/400 = 1,02 [0,71—1,48]

Pertes sanguines

p < 0,01

Durée de la 3e phase

p < 0,05

Tremblements

Fièvre

19/0,8 % RR 0,86 [0,82—0,90]

2,3/0 % RR 0,97 [0,95—0,99]

600 ␮g/placebo RR 6,71 [4,83—9,32] 600 ␮g/utérotoniques RR 6,76 [5,54—8,25] 400 ␮g/utérotoniques RR 05 [2,45—3,81] 600/400 RR 2,53 [1,78—3,60]

400 : 2 % 600 : 4,3 %

Misoprostol (hors AMM) : prise en charge de l’hémorragie du post-partum

Annexe 1. Misoprostol dans le traitement préventif de l’HPP.

400 : 12 % 600 : 21,3 %

185

186

Annexe 1 (Suite ) Type d’études

Patted et al. J Matern Fetal Neonatal Med 2009 [42]

Fawol et al. Int Gynecol Obstet 2011 [34]

Randomisée double insu

Vimala et al. Int Gynecol Obstet 2004 [30]

Randomisée en double insu

Bellad et al. BJOG 2012 [36]

Randomisée en double insu

Randomisée en double insu

Population

Dosage/mode Résultats d’administration misoprostol

Lieu

n

Effets secondaires du misoprostol dans la prévention de l’HPP

Inde

1620 600 ␮g de misoprostol versus placebo

Efficacité de 400 ␮g de misoprostol ajouté aux utérotoniques usuels versus placebo

Niger

1345 400 ␮g de misoprostol sublingual ajouté aux utérotoniques usuels versus placebo

≥ 500 mL

Efficacité et effets secondaires misoprostol versus methylergotamine

New Delhi

1020 400 ␮g misoprostol sublingual versus 200 ␮g methylergométrine IV

≥ 500 mL

Efficacité misoprostol additionné au syntocinon

Inde

400 ␮g misoprostol sublingual versus placebo après délivrance dirigée au syntocinon (10 ui)

≥ 500 mL

Effets secondaires du misoprostol les 24 premières heures

Niger et Thaïlande

652

1686 600 ␮g de misoprostol versus ocytocine

≥ 1000 mL

Autres utérotoniques nécessaires

Baisse Hg > 10 %

Effets secondaires Tremblements

Fièvre

52/17 % p < 0,001

4,2/1,1 % p < 0,001

21,6 %/0

6,6 %/0

H1 : RR 6,4 [3,9—10,4] H2—H6 : RR 4,7 [1,9—11,2]

H1 : RR 2,8 [1,4—5,3] H2-H6 : RR 6,3 [3,7—10,8]

RR 0,96 [0,63—1,45] RR 0,50 [0,15—1,66]

3,1 %/0 p > 0,05 5 %/8,3 % p > 0,05

3,1/9,1 % p = 0,002 9,7/45,6 % p ≤ 0,001

A. Garrigue, F. Pierre

Lumbiganon et al. BJOG 2002 [41]

Thème d’étude

Type d’études

Thème d’étude

Population Lieu

n

5 hôpitaux : Burkinafaso, Égypte, Turquie, Vietnam

809

Dosage/mode d’administration misoprostol

Résultats

800 ␮g misoprostol sublingual/40ui syntocinon

Arrêt des saignements ≥ 1000 mL

Effets secondaires Tremblements Fièvre

Randomisée en double insu

Comparaison miso/synto

Zuberi et al. BMC Pregnancy Childbirth 2008 [46]

Étude randomisée en double insu multicentrique

Étude de l’adjonction de misoprostol aux utérotoniques usuels qd HPP

Afrique du sud

61

600 ␮g miso en addition au syntocinon ds HPP ≥ 500 mL Versus placebo DD par 10 uisynto IV ou 5 ui synto + 0,4 mg ergométrine IM ou IV

Pertes sanguines post ttt ≥ 500 mL

RR 0,59 [0,12—2,99]

51,7 %/6,2 %

37,9 %/9,4 %

Leon W. BMC Pregnancy Childbirth 2012 [53]

Open Label Pilot Study

Dosage et effets secondaires du misoprostol

Équateur

50

600 ␮g dans le traitement des HPP sublingual Après 10 uisynto IM troisième phase du travail

Arrêt des saignements en 20 min

41/50 82 %

600/800 RR 0,17 [0,02—1,25]

600/800 RR 0,45 [0,23—0,88]

Winikoff et al. Lancet 2010 [44]

Multicentrique Randomisée en double insu

Comparaison miso/synto ds HPP

Équateur, Égypte, Vietnam

978 HPP

800 ␮g de misoprostol/40 ui IV synto Pas de syntocinon à la troisième phase du travail

Arrêt des Sgt en 20 min Sgt ≥ 300 mL

90 %/96 % RR 0,94 [0,91—0,98] 30 %/17 % RR 1,78 [1,40—2,26]

47 %/17 % RR 2,80 [2,25—3,49]

44 %-6 % RR 8,07 [5,52—11,8]

Widmer et al. Lancet 2010 [47]

Multicentrique randomisée en double insu

Étude de l’adjonction de misoprostol aux utérotoniques usuels qd HPP

Argentine, Égypte, Afrique du sud, Thaïlande, Vietnam

1422 randomisées

600 ␮g misoprostol sublingual/placebo Avec 10 uisynto IM ou IV quand HPP par atonie utérine

Pertes sanguines ≥ 500 mL

RR 1,02 [0,79—1,32]

RR 2,01 [1,79—2,27]

RR 2,88 [2,37—2,50]

Blum et al. Lancet 2010 [45]

89 %/90 % RR 3,62 [1,02—12,89]

Misoprostol (hors AMM) : prise en charge de l’hémorragie du post-partum

Annexe 2. Misoprostol dans le traitement de l’HPP.

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