Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) S57–S175 / Cahiers de nutrition et de diététique 48 (2013) S57–S175
alimentaire : il n’est pas propre à la nuit mais touche également les repas avant et après le travail nocturne. Paradoxalement, les participants exprimaient peu de préoccupations ou difficultés alimentaires. Celles relevées par quelques travailleurs étaient la crainte de ne pas avoir suffisamment d’énergie durant la nuit, la peur de prendre du poids ou encore l’accès restreint à la nourriture. Conclusion. – Même si les travailleurs de nuit rapportent peu de préoccupations et de difficultés alimentaires, cette étude a mis en évidence des pratiques alimentaires problématiques telles que le grignotage, la consommation importante d’aliments gras et/ou sucrés, ainsi qu’une déstructuration alimentaire. Alors que les travailleurs de nuit constituent une population à risque de développer des pathologies dites de civilisation, une meilleure connaissance de leurs pratiques et perceptions alimentaires devrait permettre d’améliorer les interventions de promotion de la santé par l’alimentation.
P040 Le changement des habitudes de vie : un cercle vertueux ? Étude ethnographique sur le processus de prise en charge de l’hypercholestérolémie T. Fournier1,*, E. Bruckert2, C. Alamowitch3, G. Naelten4, N. Boireau4 1 CERTOP-CNRS, Université Toulouse II, Toulouse, 2 APHP, Paris, 3 Livry-Gargan, Livry-Gargan, 4 Danone Research, Palaiseau, France Introduction et but de l’étude. – Le changement des habitudes de vie (alimentation et activité physique) est un objectif essentiel de la prévention cardiovasculaire mais difficile à maintenir sur le long terme. Nous avons étudié l’histoire de vie de 25 personnes hypercholestérolémiques pour identifier les étapes qui les ont conduits à la réussite ou à l’échec de ce processus de changement. Matériel et méthodes. – Une étude qualitative, en 3 phases, a été conduite auprès de 25 sujets : a) un entretien de type « récit de vie » mené à domicile (1 h 30) afin d’identifier les ressentis et les étapes de la prise en charge du cholestérol ; b) une phase d’auto-ethnographie avec photos et vidéos (10 jours) pour illustrer les freins et leviers de la prise en charge ; et c) un entretien semi-directif réalisé à domicile (2 h) de manière à construire le modèle de changement des habitudes de vie. Résultats. – Le processus de prise en charge du cholestérol est composé de six étapes dynamiques (Tableau 1). Tableau 1. Les étapes de la prise en charge Pas de changement
Revendication
« Je n’ai pas envie de changer mes habitudes de vie »
Fatalisme
« Le cholestérol n’est pas ma préoccupation principale »
Changement en transition
Démarrage
« Je me sens en sursis, j’attends la seconde prise de sang »
Dents de scie
« J’ai du mal à stabiliser mon comportement, j’alterne entre tentatives de changement et périodes de laisser-aller »
Changement stabilisé
Résignation
« J’ai changé mes habitudes de vie mais je n’en éprouve que très peu de bénéfices »
Épanouissement
« Même si l’on me disait que je n’ai plus de cholestérol, je ne reviendrais pas à mon mode de vie passé »
Ce processus correspond à un cercle vertueux dont le diagnostic d’hypercholestérolémie constitue le point d’entrée. Parmi les personnes ayant stabilisé les changements initiés, l’étape de «þrésignationþ» dépend d’un soutien extérieur, comme celui du médecin généraliste ou de l’entourage proche. Les individus « épanouis »
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s’approprient davantage la prise en charge : ils en ressentent des effets positifs d’un point de vue physique et/ou psychologique, ce qui les motive à maintenir les changements initiés et à en introduire de nouveaux. Conclusion. – Le diagnostic d’hypercholestérolémie, le discours du médecin généraliste et l’entourage proche apparaissent comme des leviers essentiels à l’introduction et au maintien de nouvelles habitudes de vie. L’identification du profil de patient au sein de ce processus devrait permettre d’améliorer l’observance des règles hygiéno-diététiques.
P041 Consommation de compléments alimentaires pendant la grossesse et facteurs socioéconomiques, alimentaires et de mode de vie associés C. Pouchieu1,*, R. Lévy1,2, C. Faure1,3, V. Andreeva1, P. Galan1, S. Hercberg1,4, M. Touvier1 1 Centre de recherche Sorbonne Paris Cité, UREN (Unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle), Inserm (U557), Inra (U1125), Cnam, Université Paris 13, Bobigny, 2 Département de Biologie de la Reproduction-CECOS, 3Département de Biologie de la Reproduction-CESOS, Hôpital Jean Verdier, Bondy, 4 Département de Santé Publique, Hôpital Avicenne, Bobigny, France Introduction et but de l’étude. – La consommation de compléments alimentaires (CA) pendant la grossesse est très peu documentée. De plus, la part relative de l’automédication versus prescription médicale est mal connue. L’objectif de cette étude était d’évaluer la consommation de CA et les facteurs socioéconomiques, alimentaires et de mode de vie associés, chez les femmes enceintes qui participent à la cohorte NutriNet-Santé. Matériel et méthodes. – Les données ont été collectées par autoquestionnaires sur Internet. Les apports alimentaires étaient évalués par enregistrements alimentaires des 24 h répétés. 903 femmes enceintes avaient fourni des informations sur leur consommation de CA (ceux au sens réglementaire et les médicaments contenant principalement des vitamines/minéraux). Les consommatrices de CA ont été comparées aux non-consommatrices par des analyses de régression logistique multivariée. Résultats. – La prise de CA (en général et d’acide folique spécifiquement) était positivement associée à l’âge, à la primiparité, et à des niveaux de revenu et des catégories socioprofessionnelles plus élevés. Les consommatrices de CA avaient des apports alimentaires significativement plus élevés en la plupart des vitamines et des minéraux. La proportion de consommatrices de CA (i.e. au moins 3 jours par semaine) était très élevée et augmentait significativement avec le trimestre de grossesse (de 58,0 à 74,5 % du 1er au 3e trimestre). Chez les femmes au 1er trimestre de grossesse, un CA contenant de l’acide folique était consommé dans 50,2 % des cas. La consommation de fer triplait entre le 1er et le 3e trimestre de grossesse (de 18,5 à 63,9 %). Les CA étaient prescrits ou recommandés par un médecin dans 86,7 % des cas. Conclusion. – Cette étude fournit des informations détaillées et actualisées sur la consommation de CA et ses déterminants pendant la grossesse. Même dans cette population relativement bien éduquée, la supplémentation en acide folique en début de grossesse res-
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tait insuffisante et était associée à des inégalités socio-économiques et démographiques. Référencesþ: Pouchieu C, Lévy R, Faure C, Andreeva VA, Galan P, Hercberg S and TouvierþM. (2013) Socioeconomic, Lifestyle and Dietary Factors Associated with Dietary Supplement Use during Pregnancy. PLoS ONE 8(8): e70733. doi:10,1371/journal.pone.0070733
P042 Consommation de féculents dans la population adulte française : profil socio-économique des consommateurs et contribution aux apports nutritionnels F. Szabo De Edelenyi1,*, C. Julia1, F. Courtois1, C. Méjean1, S. Péneau1, P. Galan1, S. Hercberg1, E. Kesse-Guyot1 1 UREN, U557 Inserm/U1125 Inra/Université Paris 13, Bobigny, France Introduction et but de l’étude. – La consommation de féculents « à chaque repas selon l’appétit » fait partie des recommandations du Programme National Nutrition Santé. Les féculents étant une source majeure de glucides complexes, une consommation suffisante de féculents d’origines variées pourrait aider à augmenter les apports énergétiques provenant des glucides complexes, tout en réduisant la part issue des lipides. Plusieurs études ont en effet montré que le pourcentage des apports énergétiques provenant des glucides complexes est trop bas en France et dans de nombreux pays européens. Matériel et méthodes. – Les quantités et les fréquences de consommation des différents types de féculents ont été calculées pour 80 209 volontaires adultes (78 % de femmes) faisant partie de l’étude Nutrinet-Santé. Les consommations alimentaires ont été mesurées à partir de 3 recueils de consommation détaillée sur 24 h (2 en semaine et 1 le week end). Les données sociodémographiques ont également été recueillies à l’inclusion dans l’étude. Les données ont ensuite été redressées sur l’âge, le sexe, la C.S.P., la catégorie de commune et la présence d’un enfant mineur au foyer à partir des données de recensement INSEE de 2009. Nous avons étudié la consommation de féculents (pain, céréales petit-déjeuner peu sucrées, pâtes et semoule, riz, légumes secs, pommes de terre, autres céréales et autres tubercules) dans les différentes catégories sociodémographiques, ainsi que la contribution des féculents aux apports nutritionnels. Les déterminants de la conformation aux recommandations nutritionnelles concernant les féculents (entre 3 et 6 portions de féculents par jour) ont été estimés à l’aide d’une régression logistique multivariée. Résultats. – La consommation moyenne de féculents est de 257 g (217 g pour les femmes et 300 g pour les hommes). Le pain est le principal contributeur aux apports en féculents (47 %), suivi des pommes de terre (19 %), des pâtes et de la semoule (17 %) et du riz (8 %). Les types de féculents consommés diffèrent selon l’âge et le niveau d’éducation. La contribution du pain augmente avec l’âge alors que celle des pâtes diminue. Le pourcentage de consommateurs de céréales petit-déjeuner, de riz et d’autres céréales est plus important dans les niveaux d’éducation élevés, où la consommation de pommes de terre est plus faible. Environ 43 % des sujets avaient des apports en féculents conformes aux recommandations. Les hommes étaient plus nombreux à atteindre les recommandations (55 % contre 33 % pour les
femmes) mais également plus nombreux à consommer plus que 6 portions journalières (9,5 % contre 1,3 % des femmes), même après ajustement sur l’apport en énergie. Concernant les apports nutritionnels, les féculents contribuent environ à 22 % des apports énergétiques, à 75 % des apports en glucides complexes et à 36,1 % des apports en fibres et sont une source de micronutriments tels que le fer et le magnésium. Conclusion. – Notre étude montre une trop faible consommation de féculents dans la population française. Un effort de communication plus important devrait être fourni afin de mettre en avant les recommandations nutritionnelles sur les féculents.
P043 Représentations des mères de familles de Suisse romande concernant les matières grasses et les acides gras ajoutés D. Siegfried1, A. Salomon1,*, L. Vernay Lehmann1 1 Haute école de Santé, filière Nutrition et diététique, Genève, Suisse Introduction et but de l’étude. – Les lipides sont essentiels à l’organisme. Cependant, une consommation quantitativement ou qualitativement inadéquate peut être source de maladies cardio-vasculaires. L’apparition de nouveaux produits sur le marché fait l’objet d’un processus marketing puissant qui peut aller à l’encontre des. messages nutritionnels communiqués par la santé publique. Les recommandations nutritionnelles pour la population, au niveau des lipides et des acides gras, varient selon les sociétés savantes. Les diététiciens doivent être vigilants et en mesure de critiquer ces recommandations, afin de délivrer des messages préventifs cohérents. Ces phénomènes participent à l’émergence de représentations qui rendent parfois les choix alimentaires difficiles pour les consommateurs. Le but de cette étude est d’identifier les représentations concernant les matières grasses et les acides gras ajoutés. Matériel et méthodes. – Cette étude est une recherche qualitative de type exploratoire. Des entretiens semi-dirigés ont été menés auprès de 10 mères de familles de Suisse romande ayant un ou plusieurs enfants âgés de 5 à 15 ans. Un guide d’entretien a été rédigé, sur la base de neuf thèmes différents, à savoir : l’huile d’olive, de tournesol, de colza, d’arachide et de palme, le beurre et la margarine ainsi que les omégas 3 et 6 et les acides gras trans. Résultats. – Le goût est le 1er critère de choix de consommation des matières grasses. Les habitudes familiales et l’aspect « santé » viennent respectivement en 2e et 3e position. Les matières grasses sont perçues majoritairement comme nécessaires. L’huile d’olive est perçue comme une huile saine et recommandée. Le beurre, pour son aspect naturel et son goût, est préféré à la margarine. Néanmoins, il est perçu comme gras et mauvais pour la santé. La population pense qu’une matière grasse saine a une teneur faible en lipides. Conclusion. – Pour transmettre un message nutritionnel adapté, il est nécessaire de prendre en compte les représentations de la population. Cela facilite la prise en charge et les changements de comportement. Les diététiciens doivent encourager la promotion des matières grasses protectrices pour la santé. Les médias semblent être un vecteur privilégié de communication pour diffuser l’information nutritionnelle. La collaboration des professionnels de la nutrition avec l’industrie alimentaire permettrait de participer à la création de produits de bonne qualité nutritionnelle et de diffuser des messages