Pour citer cet article : Moya-Plana A, et al. Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou. Bull Cancer (2019), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.06.014 Bull Cancer 2019; //: ///
Synthèse
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Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou Antoine Moya-Plana 1, Joanne Guerlain 1, Odile Casiraghi 2, François Bidault 3, Séréna Grimaldi 4, Ingrid Breuskin 1, Philippe Gorphe 1, Stéphane Temam 1
Reçu le 18 juin 2019 Accepté le 23 juin 2019 Disponible sur internet le :
1. Université Paris-Saclay, département de cancérologie cervico-faciale, Gustave Roussy, 94805 Villejuif, France 2. Université Paris-Saclay, département d'anatomopathologie, Gustave Roussy, 94805 Villejuif, France 3. Université Paris-Saclay, département de radiologie, Gustave Roussy, 94805 Villejuif, France 4. Université Paris-Saclay, département de médecine nucléaire, Gustave Roussy, 94805 Villejuif, France
Correspondance : Antoine Moya-Plana, Gustave Roussy Cancer Campus, département de cancérologie cervico-faciale, 94805 Villejuif, France.
[email protected]
Mots clés Ganglion sentinelle Micrométastase Cavité buccale Curage ganglionnaire Mélanome Lymphoscintigraphie
Résumé La recherche du ganglion sentinelle a été développée initialement dans la prise en charge du mélanome puis du cancer du sein. Son application dans les tumeurs de la tête et du cou est plus récente, probablement du fait de la complexité du drainage lymphatique cervical, de la proximité fréquente entre la tumeur primitive et sa zone de drainage et de la présence de structures anatomiques critiques (comme le nerf facial). En onco-dermatologie, avec une sensibilité de détection comparable et une faible morbidité, la technique du ganglion sentinelle a été validée en chirurgie cervico-faciale pour les mélanomes avec indice de Breslow supérieur à un millimètre ou ulcéré, les carcinomes de Merkel et les carcinomes épidermoïdes à haut risque. Pour les tumeurs des voies aéro-digestives supérieures, il est maintenant établi que cette technique est fiable en termes de détection et de sécurité carcinologique pour les carcinomes épidermoïdes T1-T2N0 de la cavité orale et de l'oropharynx. Sa réalisation permet, alors, d'éviter un curage ganglionnaire cervical aux patients dont les ganglions sentinelles sont indemnes. Il en résulte une diminution significative de la morbidité thérapeutique et une amélioration de la qualité de vie. Pour certaines localisations (comme le plancher buccal antérieur) où il existe une proximité entre la tumeur primitive et le premier relais ganglionnaire, on recommande une tumorectomie première afin d'optimiser la détection du ganglion sentinelle. Le développement de nouvelles techniques de repérage comme les procédures d'injection peropératoire ou l'utilisation de nouveaux traceurs (tel que le tilmanocept) devrait permettre d'améliorer encore la sensibilité de détection et d'en élargir les indications.
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tome xx > n8x > xx 2019 https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.06.014 © 2019 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
BULCAN-815
Pour citer cet article : Moya-Plana A, et al. Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou. Bull Cancer (2019), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.06.014
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A. Moya-Plana, J. Guerlain, O. Casiraghi, F. Bidault, S. Grimaldi, I. Breuskin, et al.
Keywords Sentinel node Micrometastasis Oral cavity Neck dissection Melanoma Lymphoscintigraphy
Summary Sentinel lymph node biopsy in head and neck oncology Sentinel lymph node biopsy (SLNB) has been initially developed for melanoma and breast cancers. Its application in head and neck cancers is recent, probably due to the complexity of the lymphatic drainage, the proximity between the primary tumor and the lymph nodes and the critical anatomical structures (such as the facial nerve). In onco-dermatology, SLNB is validated in head and neck surgery for melanoma with Breslow thickness up to 1 mm or ulceration, Merkel carcinoma and high-risk squamous cell carcinoma. Considering the malignancies of the upper aerodigestive tract, the feasibility and oncologic safety of SLNB are now established for T1-T2N0 oral and oropharyngeal squamous cell carcinomas. Thus, it could allow patients with negative sentinel nodes to avoid an unnecessary neck dissection, leading to a decrease of morbidity with an quality of life improvement. For some primary locations (e.g., anterior floor of the mouth) with high proximity between tumor and lymph nodes, it is recommended to remove the tumor before the SLNB so as to improve the detection. New techniques of detection are currently being developed with intra-operative procedures and new tracers (such as tilmanocept), leading to a better accuracy of detection and, probably, new indications.
Introduction
2
Le principe de la recherche du ganglion sentinelle en cancérologie est de pouvoir, après avoir localisé le (ou les) premier(s) relais ganglionnaire(s) d'une tumeur cN0 (clinique et radiologique), mettre en évidence et caractériser une éventuelle dissémination lymphatique infra-clinique. Cette technique a été initialement développée par Morton, en 1992, dans la prise en charge du mélanome [1]. Le marqueur initialement utilisé était le Bleu Patent. Le développement de colloïde marqué au Tc99m a permis une amélioration notable de la sensibilité de détection des ganglions sentinelles. Le statut du ganglion sentinelle est ainsi devenu un facteur pronostique majeur dans la prise en charge du mélanome cutané [2]. Son utilisation est ainsi recommandée pour les patients cN0 dont la tumeur est ulcérée et/ou dont l'indice de Breslow est supérieur à un millimètre [3]. Le statut du ganglion sentinelle constitue ainsi un élément pronostique indispensable permettant de dépister des patients à haut risque de récidive métastatique en leur proposant éventuellement une intensification thérapeutique adjuvante (immunothérapie, thérapies ciblées. . .) dans le cadre d'essais cliniques [4,5]. Les premiers résultats en sont d'ailleurs prometteurs avec une diminution très significative du taux d'évolution métastatique [4]. En revanche, la réalisation d'un évidement complémentaire en cas de ganglion sentinelle positif n'est plus recommandée de manière systématique [6]. Le bénéfice de cette intervention chirurgicale supplémentaire n'est pas démontré en termes de survie globale pour les patients présentant un mélanome cutané avec un ganglion sentinelle positif [2,6,7]. Concernant les cancers des voies aéro-digestives supérieures, la problématique est radicalement différente. Ces tumeurs, des carcinomes épidermoïdes en général, sont très lymphophiles mais leur taux de métastases à distance est relativement
limité [8]. Leur pronostic est avant tout locorégional. Ainsi, en dehors de certaines localisations très peu lymphophiles (larynx, ethmoïde. . .), un traitement chirurgical des aires ganglionnaires est généralement recommandé, même pour les patients cN0 [9].
Rationnel en chirurgie cervico-faciale En cancérologie cervico-faciale, l'intérêt premier de réaliser une analyse du ganglion sentinelle est ainsi d'épargner un évidement ganglionnaire aux patients cN0 dont le(s) ganglion(s) sentinelle (s) sont indemnes d'envahissement tumoral. Cette technique s'inscrit dans l'évolution globale de la cancérologie ORL vers une réduction de la morbidité thérapeutique et le développement de traitements mini-invasifs (endoscopie, laser, robot. . .). La complexité du drainage lymphatique cervical, la proximité fréquente entre la tumeur primitive et sa zone de drainage et la présence de structures anatomiques critiques (comme le nerf facial) ont probablement retardé le développement de la technique du ganglion sentinelle en chirurgie cervico-faciale. Actuellement, la recherche du ganglion sentinelle est validée dans la prise en charge des carcinomes épidermoïdes débutants de la cavité orale et de l'oropharynx et en onco-dermatologie. Des antécédents de chirurgie et/ou radiothérapie cervicale (ou des VADS) sont à rechercher systématiquement. En l'absence de données fiables dans la littérature, ils doivent être considérés comme une contre-indication à la technique du ganglion sentinelle.
Indications et modalités de réalisation Carcinome épidermoïde T1-T2N0 de la cavité orale Le bilan pré-thérapeutique locorégional d'un carcinome épidermoïde de la cavité orale T1-T2 comporte un examen clinique, un
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Pour citer cet article : Moya-Plana A, et al. Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou. Bull Cancer (2019), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.06.014
Figure 2 Repérage du ganglion sentinelle par SPECT-CT
radioactivité de l'aire ganglionnaire doit se normaliser après ablation du ganglion sentinelle (dans le cas contraire, il faudra rechercher d'autres ganglions sentinelles sous-jacents). L'analyse histologique des ganglions sentinelles (deux à trois en moyenne) peut se faire éventuellement en extemporané, permettant ainsi la réalisation d'un évidement complémentaire dans le même temps opératoire en cas de positivité [8]. Les ganglions sentinelles sont généralement fixés dans du formaldéhyde puis coupés en deux dans leur grand axe en passant par le hile. On réalise alors des coupes de 3 mm d'épaisseur tous les 200 mm sur quatre niveaux avec une coloration en HES (Hématine-Eosine-Safran) et un immunomarquage avec les anticorps anti-cytokératine AE1/AE3 [8]. Le protocole peut cependant varier selon les centres (tableau I) [13–17]. L'atteinte histologique est alors définie en : pN0 (pas de métastase), pNcti (cellules tumorales isolées inférieures à 0,2 millimètre ou inférieures à 200 cellules), pNmi (micrométastase inférieure à deux millimètres) et pN1 (macrométastase supérieure à deux millimètres avec éventuelle rupture capsulaire) [18]. Ainsi, cette analyse fine des ganglions prélevés permet la détection de maladie précoce micrométastatique, difficile à objectiver en technique de routine appliquée à un évidement cervical « classique » [19]. Actuellement, l'évidement complémentaire est indiqué pour les atteintes micro et macrométastatiques mais pas lorsqu'il s'agit de cellules tumorales isolées. En cas d'échec de détection du ganglion sentinelle, un évidement ganglionnaire cervical (adapté à la localisation de la tumeur primitive) devra être réalisé de principe.
Figure 1
Autres indications en cancérologie ORL
Injection du nanocolloide sous anesthésie locale (tumeur du plancher buccal antérieur)
Les carcinomes épidermoïdes T1-T2cN0 de l'oropharynx (loge amygdalienne, pilier antérieur, sillon amygdalo-glosse, base de
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TDM cervico-facial injecté et une IRM cervico-faciale avec injection. La présence d'une atteinte ganglionnaire est un facteur pronostique majeur pour ces lésions de la cavité orale [9]. Pour une tumeur primitive classée cN0, malgré un bilan initial exhaustif, on estime le taux de métastases ganglionnaires occultes autour de 20 % [10,11]. Le curage ganglionnaire, souvent bilatéral pour ces tumeurs médianes, est ainsi réalisé « par excès » chez 80 % des patients. Cette chirurgie ganglionnaire présente cependant une morbidité potentielle notamment pour le nerf spinal et le rameau mandibulaire du nerf facial [12]. La réalisation d'un ganglion sentinelle doit ainsi permettre de limiter la morbidité postopératoire tout en maintenant des résultats carcinologiques identiques. Après réalisation d'une anesthésie locale, un nanocolloïde marqué au Tc99m est injecté en péri-tumoral (figure 1). La dose est adaptée en fonction de la programmation de la chirurgie (veille ou matin de l'intervention). Une lymphoscintigraphie dynamique ou idéalement un SPECT-CT, est alors réalisé afin de suivre la migration du traceur, déterminer la position du (ou des) ganglion(s) sentinelle(s) et réaliser un marquage cutané (figure 2). Au bloc opératoire, sous anesthésie générale, une cervicotomie exploratrice est alors menée, guidée par une sonde de détection gamma et, selon les équipes, une gamma-caméra. L'incision, de petite taille, doit être menée sur le trajet d'un éventuel curage cervical complémentaire. Quelques critères sont importants pour la détection exacte d'un ganglion sentinelle : la radioactivité du ganglion sentinelle doit dépasser le seuil de 20 fois le signal de fond ; elle doit persister ex vivo ; la
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Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou
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A. Moya-Plana, J. Guerlain, O. Casiraghi, F. Bidault, S. Grimaldi, I. Breuskin, et al.
TABLEAU I Protocole d'analyse du ganglion sentinelle Publications
Nombre de patients
Niveaux de coupe
Intervalle (mm)
IHC
Hernando et al. (2016) [13]
73
5
150
AE1/AE3
Boeve et al.(2018) [14]
91
Non précisé
500
AE1/AE3
Salazar-Fernandez et al.(2015) [15]
96
4
Non précisé
AE1/AE3
Jan Sollamo et al. (2015) [16]
26
Non précisé
Non précisé
AE1/AE3
Shilling et al.(2015) [17]
415
5
150
AE1/AE3
Moya-Plana et al. (2018) [18]
229
4
200
AE1/AE3
langue) peuvent également bénéficier de la réalisation d'un ganglion sentinelle [20,21]. Cependant, l'abord de la lésion primitive pour l'injection du colloïde marqué en péri-tumoral est souvent plus complexe et peut nécessiter une procédure sous anesthésie générale. Par ailleurs, les cas de tumeurs oropharyngées N0 moins fréquentes et leur potentiel drainage lymphatique rétropharyngé (peu accessible chirurgicalement) en limitent les indications. Enfin, un nombre important d'équipes privilégie la radiothérapie à la chirurgie comme traitement de première intention, limitant l'intérêt de la recherche des ganglions sentinelles. Des travaux sont actuellement en cours sur la faisabilité de cette technique dans d'autres localisations comme les sinus, le larynx supra-glottique ou l'hypopharynx.
Indications en onco-dermatologie Mélanome La réalisation de la procédure du ganglion sentinelle est recommandée lorsqu'un traitement adjuvant est envisagé pour les mélanomes cutanés cN0 de plus d'un millimètre de Breslow ou ulcéré (Grade A). Cette technique peut être également proposée dans les mélanomes avec indice de Breslow 0,8 à un millimètre (grade B) [6]. Carcinome de Merkel Le statut N est un des plus importants facteurs pronostiques. La recherche du ganglion sentinelle est ainsi recommandée chez tous les patients N0 quelle que soit la taille de la tumeur primitive. En cas d'atteinte ganglionnaire (y compris micrométastatique), un évidement complémentaire doit être réalisé [22,23].
4
Carcinome épidermoïde à haut risque Non réalisée en pratique courante, la recherche d'un ganglion sentinelle peut être proposée dans les carcinomes épidermoïdes cutanés cN0 considérés à haut risque métastatique. Les caractéristiques en sont : zone péri-orificielle (lèvre, oreille. . .), récidive, immunodépression, antécédent d'irradiation, taille supérieure à trois centimètres, évolution rapide, symptômes
neurologiques associés, emboles lymphatiques et engainements périnerveux, tumeur peu différenciée, niveau de Clark IV [23]. Bien que le protocole soit similaire à celui utilisé en cancérologie ORL « classique », la recherche du ganglion sentinelle en oncodermatologie présente des particularités notamment en termes de territoire de drainage. Ainsi les lésions péri-auriculaires, fronto-temporales ou du scalp auront volontiers un drainage lymphatique « atypique » en zone V (aire spinale située en arrière du muscle sterno-cléido-mastoïdien) et/ou en intraparotidien posant ainsi des problèmes techniques particuliers d'abord chirurgicaux. En cas de positivité du ganglion sentinelle, un évidement cervico-parotidien emportant le lobe superficiel de la parotide sera réalisé. Les indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou sont ainsi résumées dans le tableau II.
TABLEAU II Indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou Indications Cancers des VADS
Carcinome épidermoïde T1-T2cN0 de la cavité orale Carcinome épidermoïde T1-T2cN0 de l'oropharynx En cours de validation : T1-T2 cN0 larynx supraglottique ; T1-T2 cN0 hypopharynx
Cancers cutanés
Mélanome cN0 : ulcéré et/ou Breslow > 1 mm ; Breslow entre 0,8 et 1 mm (à discuter) Carcinome de Merkel cN0 Carcinome épidermoïde à haut risque cN0
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Pour citer cet article : Moya-Plana A, et al. Place et modalités des indications de recherche du ganglion sentinelle dans les tumeurs de la tête et du cou. Bull Cancer (2019), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.06.014
Carcinomes épidermoïdes T1-T2 de la cavité orale Ces dernières années, plusieurs études prospectives multicentriques ont démontré la faisabilité et la sécurité carcinologique de la technique du ganglion sentinelle appliquée aux carcinomes épidermoïdes T1-T2cN0 de la cavité orale [8,24–26]. Le taux de détection du (des) ganglion(s) sentinelle(s) est généralement supérieur à 93 % [8]. Cette technique permet, de plus, une analyse précise des voies de drainage lymphatique de la cavité orale avec la mise en évidence de potentiels drainages lymphatiques « aberrants » (strictement controlatéral à la tumeur par exemple), non exceptionnels dans cette localisation [23]. Deux études réalisées aux États-Unis, concernant respectivement 140 et 101 patients, ont rapporté une valeur prédictive négative comprise entre 96 et 98 % [23,24]. L'essai multicentrique européen SENT (Sentinel European Node Trial) a regroupé 415 patients en observant, avec trois ans de suivi, une valeur prédictive négative de 95 % et une survie spécifique de 94 % [17]. Par ailleurs, une méta-analyse portant sur 21 études (entre 2001 et 2012) et 847 patients a confirmé une sensibilité de la technique de 93 % [95 % CI 90-95 %] [20]. Concernant les résultats carcinologiques à long terme, une récente étude prospective a comparé deux populations : un groupe de patients ayant eu la recherche du ganglion sentinelle suivie d'un curage cervical systématique (50 patients) et un groupe dont le curage cervical complémentaire était réalisé seulement en cas de ganglion sentinelle positif ou indétectable (199 patients). Avec un suivi moyen de 5,6 ans, il n'a pas été observé de différence en termes de résultats carcinologiques que ce soient les taux de récidive tumorale ou de survie globale [8]. Enfin, plusieurs études ont montré, pour les patients ayant eu la technique du ganglion sentinelle sans curage systématique, une diminution significative de la morbidité périopératoire (infection et/ou hématome, mobilité de l'épaule, paralysie faciale, cicatrice. . .) [8,27,28]. Concernant l'évaluation médicoéconomique de la technique du ganglion sentinelle dans cette indication, plusieurs études non françaises ont montré un rapport coût-efficacité favorable [29–31]. De plus, la réalisation d'un examen extemporané des ganglions sentinelles permet d'éviter, éventuellement, un deuxième séjour hospitalier pour un curage cervical de rattrapage [8]. Une étude appliquée au système de santé français doit cependant être menée.
Onco-dermatologie La procédure du ganglion sentinelle fait aujourd'hui partie du bilan pré-thérapeutique du mélanome cutané (cf. supra). La réalisation d'un évidement complémentaire en cas de ganglion sentinelle positif n'est plus systématique car il n'a été observé de bénéfice que sur le contrôle locorégional de la maladie sans amélioration de la survie globale [2,7]. Néanmoins, l'apport pronostique du ganglion sentinelle et le développement des
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thérapeutiques adjuvantes (notamment l'immunothérapie) justifient sa réalisation [3]. La localisation cervico-faciale représente 20 % des mélanomes cutanés et est associée à un pronostic plus défavorable [32]. Plusieurs études ont démontré la faisabilité et la fiabilité de la technique dans cette indication avec un taux de détection du ganglion sentinelle supérieur à 95 % dans les études portant sur plus de 50 patients [33] et un taux de faux négatifs compris entre 3,3 et 7,5 %, ce qui est comparable aux autres localisations [32–34]. Par ailleurs, malgré la proximité de structures anatomiques complexes (comme le nerf facial), cette procédure chirurgicale ne semble pas associée à une morbidité significative [34,35]. Concernant l'application de la technique du ganglion sentinelle aux autres tumeurs malignes cutanées en chirurgie cervicofaciale, la littérature scientifique est moins abondante. Pour le carcinome de Merkel, la prévalence de l'envahissement ganglionnaire est estimée à 50 % (au diagnostic initial ou en rechute) et constitue un facteur pronostique péjoratif [5]. De manière surprenante, le taux d'échec de détection semble supérieur pour cette histologie comparativement au mélanome et au carcinome épidermoïde [23,36]. Cette technique reste néanmoins un standard dans la prise en charge du carcinome de Merkel. Dans les carcinomes épidermoïdes cutanés, le risque ganglionnaire est estimé entre un et dix pour cent, constituant un facteur péjoratif d'évolution [23]. Ainsi les facteurs de risque d'atteinte ganglionnaire (cf. supra) doivent être recherchés systématiquement. Bien que la technique du ganglion sentinelle ne soit pas un standard dans cette indication, quelques équipes rapportent des résultats très encourageants avec des taux de détection du ganglion sentinelle supérieur à 94 % [23,37,38]. La positivité du ganglion sentinelle est alors un facteur pronostique majeur en termes de survie globale et sans récidive [37].
Perspectives La pratique de la technique du ganglion sentinelle en chirurgie cervico-faciale a mis en évidence un problème récurrent dans l'analyse précise du drainage lymphatique pour certaines localisations. En effet, la proximité entre la tumeur et le premier relais ganglionnaire peut, dans certains cas, masquer des ganglions lymphatiques atteints. Cette situation, appelée effet « shine-through », s'observe particulièrement pour les tumeurs du plancher buccal antérieur dont les premiers relais sont situés en sous-mental (zone IA) et/ou sous-mandibulaire (zone IB) [8]. Ainsi, il existe un risque que le ganglion sentinelle identifié soit un ganglion « en aval » du véritable ganglion sentinelle (masqué par l'hypersignal tumoral). Il apparaît donc souhaitable, au bloc opératoire, que l'exérèse de ces tumeurs antérieures précède la recherche du ganglion sentinelle afin de diminuer le risque de faux négatifs [8,24]. Le même raisonnement peut s'appliquer en onco-dermatologie pour les tumeurs jugales et péri-auriculaires dont l'hypersignal, après injection du
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Taux de détection du ganglion sentinelleet morbidité
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nanocolloïde, peut masquer un ganglion intra-parotidien sousjacent [23]. L'apparition de nouveaux nanocolloïdes pourrait également améliorer la précision de la détection du ganglion sentinelle. Ainsi le 99mTc-Tilmanocept, un nouveau marqueur ayant une affinité élevée pour les récepteurs CD206 situés à la surface des macrophages et des cellules dendritiques, permettrait une meilleure détection du ganglion sentinelle en quittant rapidement le site d'injection pour s'accumuler dans les ganglions. Une étude sur 20 patients avec une tumeur du plancher antérieur a montré un taux de détection de 100 % [25]. Ces résultats encourageants doivent cependant être confirmés sur une cohorte plus importante. La recherche du ganglion sentinelle, encore en développement en cancérologie cervico-faciale, nécessite une standardisation de la procédure (choix du colloïde, dose, technique de repérage, principes de dissection. . .) et une courbe d'apprentissage pour les différents intervenants afin de limiter la variabilité interopérateur et d'obtenir des résultats satisfaisants en termes de sensibilité de détection [8]. Pour les centres qui ne disposent pas de service de médecine nucléaire, des alternatives comme le vert d'indocyanine peuvent être discutées [39]. Par ailleurs, la combinaison du vert d'indocyanine (injecté en intraveineux) à un nanocolloïde marqué (injecté en péri-tumoral) pourrait permettre une amélioration de la sensibilité de détection des ganglions sentinelles [40].
De nouvelles indications sont également en cours d'évaluation en France en termes de faisabilité et de sécurité carcinologique pour les carcinomes épidermoïdes T1-T2 cN0 du larynx supraglottique et de l'oropharynx bas, localisations pour lesquelles l'injection péri-tumorale de nanocolloïde marqué n'est pas réalisable sous anesthésie locale du fait d'un défaut d'exposition. Des procédures d'injection et de détection dynamique au bloc opératoire sont alors requises [voir l'essai NCT03010553].
Conclusion La technique du ganglion sentinelle est désormais une procédure validée en cancérologie cervico-faciale. Elle s'applique ainsi aux carcinomes épidermoïdes T1-T2 cN0 de la cavité orale et de l'oropharynx en permettant une réduction significative de la morbidité thérapeutique tout en conservant une sécurité carcinologique. De même, son application en onco-dermatologie permet une analyse pronostique précise pour la prise en charge des mélanomes, des carcinomes de Merkel et des carcinomes épidermoïdes à haut risque. Le développement de nouvelles procédures (peropératoire, nouveau traceur. . .) devrait permettre d'améliorer encore la sensibilité de détection et d'en élargir les indications. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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Synthèse
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