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Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 6,420-424 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Quelle est la cause de cette occlusion intestinale ? S. Semlali, T. Amil, A. Hanine, M. Benameur, J. El Fenni Service d’imagerie médicale, hôpital militaire Mohammed V, Rabat, Maroc. Correspondance : S. Semlali, 4, rue Zeryab, Appt. 9, Les Orangers, Rabat, Maroc. Email :
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Observation Un patient âgé de 50 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, était admis aux urgences pour un arrêt brutal des matières et des gaz, des douleurs abdominales intenses et diffuses, et des vomissements, sans fièvre. L’examen clinique trouvait un patient apyrétique, avec une distension et une sensibilité diffuse à la palpation abdominale. Le toucher rectal trouvait une ampoule rectale vide. Le bilan biologique était sans anomalie. Une radiographie d’abdomen sans prépara-
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tion est réalisée debout, montrait des niveaux hydro-aériques centraux de type grêlique. Une occlusion digestive haute grêlique de type mécanique était évoquée devant la symptomatologie clinique et l’abdomen sans préparation. Pour un bilan étiologique, une tomodensitométrie abdominale était réalisée avant et après injection intraveineuse de produit de contraste iodé (fig. 1 et 2). Quel est votre diagnostic ? Réponse page 422
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A
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Figure 1. Tomodensitométrie abdominale en coupe axiale (A) et reconstruction coronale (B) après injection de produit de contraste qui montre une distension des anses grêliques avec obstacle endoluminal hétérogène (flèche) avec zone de transition en aval.
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Figure 2. Tomodensitométrie abdominale en coupe axiale avec injection de contraste avec une coupe passant par la bifurcation hilaire (A), et à hauteur de la vésicule biliaire (B) montrant la pneumobilie en faveur d’une fistule biliodigestive.
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Diagnostic Le diagnostic retenu est un iléus biliaire. La tomodensitométrie montrait une distension des anses grêliques en amont d’un obstacle iléal intraluminal, arrondie, hétérogène dense, comportant des densités graisseuses centrales, ne se modifiant pas après injection intraveineuse de produit de contraste (fig. 1). Les anses iléales en aval et le colon étaient plats. La tomodensitométrie mettait en évidence aussi une pneumobilie, sans dilatation concomitante des voies biliaires. La vésicule biliaire était siège d’une bulle avec un aspect dense de la graisse périvésiculaire (fig. 2). Un iléus biliaire est évoqué en premier lieu devant ces signes tomodensitométriques et le patient fut opéré en urgence avec la découverte peropératoire d’une lithiase de 3 cm de diamètre enclavée dans l’iléon terminal ainsi qu’une fistule biliodigestive haute. Une cholécystéctomie est réalisée avec une extraction du calcul par entérotomie.
Discussion L’iléus biliaire est une occlusion intestinale mécanique en rapport avec l’impaction d’un ou de plusieurs calculs dans la lumière intestinale après migration à travers une fistule cholécytodigestive. C’est une complication exceptionnelle de la lithiase biliaire représentant 0,4 à 0,6 % des complications, et une cause rare de l’occlusion du grêle 1,7 à 3 % [1, 2]. Cette complication est plus fréquente chez la femme et l’incidence augmente avec l’âge entre 60 et 70 ans [3]. La taille du calcul (supérieur à 3 cm) est déterminante dans la survenue de l’obstruction digestive. Cette obstruction est favorisée par une sténose digestive pathologique ou des adhérences postopératoires. En effet, l’iléon terminal et le jéjunum sont les principaux sites de l’obstruction. L’occlusion du duodénum est plus rare représente 5 % des iléus biliaires, elle est dite syndrome de Bouveret. Au niveau du colon, elle ne se produit qu’en cas de sténose pathologique [1]. L’histoire clinique retrouve souvent des antécédents biliaires et une cholécystéctomie ne doit pas faire écarter le diagnostic d’un iléus biliaire. Le mécanisme de formation des fistules est en rapport avec des épisodes répétés de cholécystites lithiasiques. Il se produit une inflammation chronique. La séreuse de la vésicule biliaire devient adhérente à la séreuse du viscère en regard, pour aboutir à une érosion et une migration du calcul. Les zones les plus proches de la vésicule biliaire,
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comme le duodénum et l’angle colique droit, sont les plus souvent intéressées par le processus fistuleux [3, 4]. La symptomatologie clinique est réalisée par des vomissements bilieux avec des douleurs abdominales. Chez les patients présentant une sub-occlusion les symptômes sont intermittents d’intensité variable [3]. L’examen clinique montre une distension abdominale avec déshydratation [3]. Le bilan biologique ne montre rien de particulier, sauf en cas de complication liée à l’occlusion à type de déshydratation extracellulaire [1-4]. Le diagnostic étiologique reste difficile, comme dans notre cas, et le plus souvent le diagnostic se fait tardivement et en peropératoire. Le diagnostic classique par l’imagerie repose sur la triade de Riegler décrite en 1941 sur les clichés d’abdomen sans préparation : images d’occlusion intestinale, pneumobilie et calcul(s) biliaire(s) ectopique(s) mais aucun de ces éléments n’est constant et le diagnostic formel d’iléus biliaire n’est fait que dans 30 à 39 % des cas sur l’ASP [5]. La radiographie de l’abdomen sans préparation montre les signes d’occlusion à savoir les niveaux hydro-aériques, et parfois les signes en faveur de l’origine lithiasique de l’occlusion, à savoir l’aérobilie parfois même des calculs de siège ectopique [1, 3, 4]. L’échographie a peu d’intérêt pour le diagnostic à cause de la distension gazeuse. Alors que la tomodensitométrie est l’examen de choix pour le diagnostic des occlusions par iléus biliaire. Elle met en évidence la pneumobilie signe d’une fistule biliodigestive. Elle peut intéresser les voies biliaires intrahépatiques et doit être différenciée d’une aéroportie. En effet, les images gazeuses des voies biliaires ont un calibre décroissant régulièrement à partir du hile. Un pneumocholédoque peut accompagner l’aérobilie [4, 5]. Le pneumocholécyste quand à lui est de diagnostic facile quand la morphologie de la vésicule biliaire permet son identification, parfois il peut être isolé [5]. De plus, grâce à sa grande sensibilité, le scanner permet de mettre en évidence les calculs intestinaux, sous forme d’un noyau plus ou moins dense avec des strates régulièrement circonférentielle de densité variable [5]. Parfois, les calculs sont de nature cholestérolique et deviennent alors difficilement discernables du liquide intestinal accumulé dans l’anse d’amont [5, 6]. Dans notre observation, la mise en évidence du calcul était difficile compte tenu de son aspect peu dense. Il faut insister sur le fait de vérifier l’ensemble des anses intestinales à la recherche de calculs multiples, pour éviter la récidive du syndrome occlusif [5]. Le syndrome occlusif survient après une suite d’épisodes subocclusifs cédant lors de la progression du calcul. L’obstruction survient suite à l’enclavement du calcul dans un segment
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digestif rétrécit (iléus terminal). On retrouve une distension gazeuse et/ou liquidienne en amont d’un obstacle lithiasique [5-7].
Après la cure de l’occlusion, le traitement intéressera le temps biliaire et consistera en une cholécystectomie avec une cure de la fistule biliodigestive [1].
Les méthodes de diagnostic endoscopiques ont un intérêt dans les occlusions coliques et duodénales.
Références
Le traitement de l’occlusion par iléus biliaire repose sur l’entérotomie au niveau du bord antémésentérique en amont du calcul avec suture transversale, est la méthode de choix [1-3]. Le caractère multiple des calculs impose la palpation de tout l’intestin y compris en aval de l’obstruction et leur éventuelle extraction par la même entérotomie. La résection du grêle est rarement nécessaire, n’est indiquée qu’en cas de nécrose, de perforation ou de volumineux calcul difficile à extérioriser [1]. Les méthodes non chirurgicaux avec fragmentation et extraction endoscopique du calcul dans les occlusions duodénales ou coliques, mais elles nécessitent un diagnostic préopératoire. La cœlioscopie est aussi une méthode intéressante.
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1. 2.
3. 4. 5.
6. 7.
Sfairi A, Patel JC. L’iléus biliaire : plaidoyer pour le traitement simultané de l’occlusion et de la maladie biliaire. J Chir 1997 ; 134 : 59-64. Mates IN, Dinu D, Barla R, Cherciu B, Constantinoiu S. Intestinal obstruction by biliary ileus; clinical experience and literature review. Chirurgia (Bucur) 2002; 97: 263-75. O’Donoghue GT, Winter D, Deasy J. Cholecystocolic fistula and largebowel obstruction due to gallstone ileus. Arch Surg 2003; 138: 1391-2. Bornet G, Chiavassa H, Galy-Fourcade D, et al. L’iléus biliaire colique : une cause rare d’occlusion colique. J Radiol 1998 ; 79 : 1499-502. Barbary C, Orlandini F, Tissier S, Laurent V, Régent D. L’iléus biliaire : point clés et pièges du diagnostic par l’imagerie en coupes. J Radiol 2004 ; 85 : 83-90. Keeling-Roberts CS. Gallstone ileus: CT finding. Clin Radiol 1998; 53: 934-5. Kurtz RJ, Heiman TM, Kurtz AB. Gallstone ileus: a diagnostic problem. Am J Surg 1983; 146: 314-7.
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Quelle est la cause de cette occlusion intestinale ?
2test de formation médicale continue
Qu’avez-vous retenu de cet article ? Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM. 1. L’iléus biliaire est une occlusion intestinale secondaire à: A : Une lithiase ; B : Une masse ; C : Une adhérence ; D : Un volvulus.
3. La fistule biliodigestive est secondaire à mécanisme : A : Traumatique ; B : Inflammatoire ; C : Idiopathique ; D : Iatrogène. 4. La triade de Riegler comporte :
2. L’obstruction au cours de l’iléus biliaire est favorisé par : A : Les rétrécissements intestinaux physiologiques ; B : Les sténoses digestives pathologiques ; C : Une lithiase de petit calibre ; D : Les adhérences postopératoires.
A : Une pneumobilie ; B : Un ou des calculs ectopiques ; C : Un pneumopéritoine ; D : Des niveaux hydro-aériques. 5. L’aspect tomodensitométrique du calcul dépend : A : De sa localisation ; B : De sa composition ; C : De son retentissement ; D : De l’âge du patient.
Réponses : p. 433
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