Radiographie des scolioses : dosimétrie comparée entre la technique conventionnelle et la fluorographie numérique

Radiographie des scolioses : dosimétrie comparée entre la technique conventionnelle et la fluorographie numérique

J Radiol 2007;88:361-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original ostéo-a...

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J Radiol 2007;88:361-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

ostéo-articulaire

Radiographie des scolioses : dosimétrie comparée entre la technique conventionnelle et la fluorographie numérique G Gorincour (1), K Barrau (2), S Waultier (3), E Viehweger (4), M Paris (1), JL Jouve (4), M Bourrelly (3), A Aschero (1), B Bourliere (1), O Mundler (3), G Bollini (4), P Auquier (2), P Devred (1) et P Petit (1)

Abstract

Résumé

Radiography of scoliosis: comparative dosimetry between conventional technique and digital fluorography J Radiol 2007;88:361-6

Objectif. Comparer l’irradiation délivrée en radiographie conventionnelle et en radiographie numérique par amplificateur de brillance lors du bilan d’une scoliose. Patients et Méthodes. Notre étude prospective randomisée comporte 105 patients. Des paramètres socio-démographiques ainsi que des critères permettant de juger de la qualité du cliché du rachis en totalité de face en incidence postéro-antérieure ont été consignés pour tous ces patients. La mesure de la dose d’entrée à l’omoplate et de la dose de sortie en projection inter-orbitaire, thyroïdien, mammaire et hypogastrique a été effectuée par dosimètres thermoluminescents. Résultats. Les résultats de 71 filles et 28 garçons âgés en moyenne de 13,8 ans et de poids moyen 47 kg ont pu être analysés. À qualité égale d’image, la dose d’entrée est non significativement différente entre les deux techniques; la réduction de dose moyenne en sortie est de 64 % lors de l’acquisition numérique. Cette réduction intéresse les régions, interorbitaire (162 %), mammaires (43 %) et thyroïdienne (309 %). Par contre ce système est plus irradiant au niveau hypogastrique (34 %). Conclusion. L’évaluation dosimétrique des différentes techniques d’imagerie permettant l’exploration du rachis en totalité doit faire partie du contrat qualité du radiologue pour justifier de leurs réalisations et de leur choix.

Objective. Compare the irradiation delivered in conventional radiography and digital radiography by image intensifier during a scoliosis workup. Patients and Methods. Our prospective randomized study included 105 patients, all of whom were identified according to sociodemographic parameters as well as criteria evaluating the quality of the full front spinal x-ray at PA incidence. The entry dose at the scapula and the exit dose in interorbital, thyroid, mammary, and hypogastric projection was measured by thermoluminescent dosimeters. Results. The results of 71 girls and 28 boys, aged a mean 13.8 years with a mean weight of 47 kg were analyzed. At equal image quality, the entry dose was not significantly different between the two techniques; the mean exit dose reduction was 64% during digital acquisition. This reduction involved the interorbital (162%), mammary (43%), and thyroid (309%) regions. However, this system is more irradiating in the hypogastric region (34%). Conclusion. The dosimetric evaluation of the different imaging techniques used to explore the entirety of the spine should be part of radiologists’ quality standard used to document their work and their choices. Key words: Dosimetry. Radioprotection. Child. Adolescent. Spine. Scoliosis.

a radiographie numérique est maintenant largement utilisée et remplace progressivement la radiographie conventionnelle. Un des avantages théoriques du numérique concerne la réduction de dose. Pour les radiologues en général et en particulier les radiopédiatres cette technique peut donc avoir un impact significatif sur l’optimisation de leur pratique quotidienne. La radiographie du rachis en totalité représente le cliché stan-

L

(1) Service de Radiologie Pédiatrique, Hôpital TimoneEnfants, 264 Rue Saint Pierre, 13385 Marseille Cedex 05. (2) Service de Santé Publique, Faculté de Médecine de Marseille, France. (3) Service de Médecine Nucléaire, Hôpital Timone-Enfants, Marseille, France. (4) Service de Chirurgie Orthopédique, Hôpital Timone-Enfants, Marseille, France. Correspondance : P Petit E-mail : [email protected]

Mots-clés : Dosimétrie. Radioprotection. Enfant. Adolescent. Rachis. Scoliose.

dard le plus irradiant. Durant cet examen, les gonades, les seins, la thyroïde ainsi que 85 % de la moelle osseuse active sont dans le faisceau primaire du rayonnement ionisant. Le risque radique potentiel secondaire à ce cliché est d’autant plus marqué qu’il est effectué sur une population en croissance et qu’il sera répété de nombreuses fois au cours de la surveillance de la scoliose. Différentes techniques numériques sont disponibles (amplificateur de brillance, écran phospholuminescent, capteur plan, système EOS). Il est difficile, en particulier en raison de l’évolution très rapide des technologies, de connaître le bénéfice potentiel de gain radique obtenu par ces acquisitions numériques en regard des organes sensibles. Peu de travaux ont analysé l’intérêt de

l’exploration du rachis en totalité en amplificateur de brillance (1-5). Leurs résultats sont contradictoires. Les paramètres qui influencent la dose délivrée sont multiples. Les valeurs mesurées, l’incidence (antéro-postérieure ou postéro-antérieure), les régions anatomiques et le modèle utilisés pour la mesure (fantôme, enfant) sont différents d’un travail à l’autre. Dans notre service de radiologie pédiatrique les deux systèmes radiographiques, conventionnel et numérique sur amplificateur de brillance, sont disponibles. Dans le but de comparer les doses délivrées par ces deux techniques en projection de différents sites anatomiques sensibles lors de l’exploration du rachis en totalité nous avons mis en place l’étude prospective suivante.

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Matériel et Méthode Cette étude a été conduite au sein d’un établissement hospitalo-universitaire, mettant en collaboration deux services pédiatriques, respectivement d’orthopédie et de radiologie. Cette étude prospective randomisée a été validée par le Comité de Protection des Personnes Participant à la Recherche Biomédicale ; elle a été retenue et subventionnée au titre de projet hospitalier de recherche clinique en 2002. Tous les patients présentant une scoliose idiopathique non opérée suivis dans le service d’orthopédie pédiatrique ont été inclus après recueil de leur consentement éclairé et celui de leurs parents ou représentants légaux. Tous ces patients ont bénéficiés d’une radiographie du rachis en totalité de face, en incidence postéro-antérieure. L’acquisition de l’examen, conventionnel ou numérique, a été définie par randomisation.

Acquisition de l’image conventionnelle Utilisation d’un générateur Siemens Polydoros 80 F, d’une filtration additionnelle composée de 2,5 mm d’aluminium, distance foyer-film de 2 mètres, utilisation d’une grille anti-diffusion en fer, et d’un couple film-écran de classe sensibilité 400 (Curix MR Gradual RP2, AGFA), cassette de 30 × 90 cm. Les constantes retenues étaient celles classiquement utilisées dans le service. Durant notre étude les constantes moyennes ont été respectivement de 68,2 kV (min 65,3 ; max 69,3) et de 148 mAs (min 56 ; max 160) ; Les diaphragmes ont été réglés au centreur lumineux latéralement au contact du bord externe des ailes iliaques, et en hauteur de l’occiput en haut et le pli fessier en bas.

Acquisition de l’image numérique par amplificateur de brillance Utilisation d’une table télécommandée Omnidiagnost-Philips utilisant un générateur de 80 kW, un amplificateur de 38 cm de diamètre avec une distance focale de 1,1 mètres et une filtration additionnelle de 2 mm d’aluminium. Il existe sur ce système une grille anti-diffusion en aluminium. Après optimisation de la technique d’acquisition par l’ingénieur d’application Philips les paramètres suivants ont été utilisés : les diaphragmes étaient

ouverts sur 10 cm de hauteur. Réalisation après centrage scopique sur le bassin, inclus dans la mesure de dose, d’une acquisition dynamique balayant de C1 à la symphyse pubienne. La vitesse de déplacement du tube était constante de 7,5 cm/ seconde pour une cadence image fixe de 3 images/seconde. Le nombre d’acquisition moyenne était de 23 images (min 15 ; max 30). Les constantes étaient en moyenne de 65 kV (min 55, max 90 kV) et de 400 mA ; le contrôle de la durée d’exposition était réglé par une cellule unique centrale qui regarde 40 % du champ en diamètre. La reconstruction du cliché de rachis était effectuée sur une console de traitement d’images Easyvision-Philips puis imprimée sur un film 36 × 43. Pour chaque patient, six dosimètres constitués de poudre de Lithium GR 200 ont été placés pour estimer la dose d’irradiation localement délivrée, respectivement au niveau inter-orbitaire, mammaire droit et gauche, scapulaire, thyroïdien et en un point équidistant entre la symphyse pubienne et l’ombilic. Le patient étant dos au rayonnement, il s’agissait donc d’une mesure de la dose à la sortie sauf pour la mesure faite au niveau de l’omoplate qui est une dose d’entrée. Les mesures de la dose d’entrée et de sortie après correction en énergie ont étés faites grâce à un lecteur de thermoluminescence PCL3 et exprimées en μGy. Cinquante sept pour cent des patients (28/49) inclus dans le bras conventionnel ont pu bénéficier d’une mesure complémentaire de dose par diamentor permettant un calcul du produit dose surface (PDS). L’ensemble des paramètres suivants a été consigné dans un cahier d’observation par un assistant de recherche clinique.

Paramètres sociodémographiques et cliniques L’âge, les signes de puberté, le sexe, le poids, la taille assise et debout, la masse corporelle (poids/taille debout2), le diamètre thoracique et la surface cutanée (poids × 4 + 7/poids + 90) ont été notés.

Paramètre radiographique qualitatif Indépendamment un radiologue et un chirurgien ont estimé corrects (visualisation nette des plateaux des corps vertébraux et

G Gorincour et al.

des épineuses, calcul de l’angle de Cobb et mesure du Risser), médiocres mais donnant les informations nécessaires à la surveillance de la scoliose (angle de Cobb mesurable, Risser quantifiable) ou insuffisants, nécessitant d’être refaits (angle de Cobb non mesurable) les clichés effectués.

Paramètres biophysiques La mesure de la dose d’entrée ou de sortie, estimée en microGray (μGy), a été calculée sur chacun des dosimètres utilisés.

Analyse statistique Dans un premier temps, une analyse descriptive portant sur l’ensemble de l’échantillon a été conduite permettant de disposer des caractéristiques de l’échantillon étudié. Dans un second temps, une analyse comparative univariée a été effectuée entre les deux groupes étudiés : conventionnel versus numérisé, sur l’ensemble des variables recueillies, socio-démographiques, cliniques, et physiques (tests de student ou non paramétriques pour les variables quantitatives, tests de chi2 ou exacts de Fisher pour les variables qualitatives). Des analyses multivariées ont été menées afin de prendre en compte les variables de confusion comme les variables biométriques (diamètre antéro-postérieur du thorax ou indice de masse corporelle). Le calcul de réduction de dose a été effectué site par site en utilisant le ratio moyenne des doses conventionnelles — moyenne des doses numériques/moyenne des doses numériques.

Résultats Cent cinq patients ont été inclus dans notre étude de décembre 2002 à février 2004. Quatre-vingt dix neuf patients présentaient un cahier d’observation permettant une analyse satisfaisante des différentes variables. Notre population était composée de 71 filles et 28 garçons âgés en moyenne de 13,8 ans (min 8,4 ans, max 20,6 ans). Le poids moyen des enfants était de 47 kg (min 21, max 85). Il n’existait pas de différence significative entre le groupe conventionnel et numérique en ce qui concerne les variables sociodémographiques, cliniques et qualitative radiographique (tableau I). Aucun cliché conventionnel n’a nécessité d’être refait. Cependant, deux clichés numériques ont dû être refaits, dans un cas en raison d’une sous exposition franche du J Radiol 2007;88

G Gorincour et al.

Tableau I Comparaison des caractéristiques des deux groupes étudiés (les variables continues sont présentées à l’aide de la moyenne et de l’écart-type).

Sexe

Groupe Imagerie conventionnelle

Groupe Imagerie numérisée

N = 49

N = 50

p

Filles

36

35

Garçons

13

15

26

29

NS

Correct

36

33

NS

Moyen

11

13

NS

0

2

NS

13,9 +/– 2,0

13,6 +/– 2,2

NS

Puberté Interprétation du cliché

Incorrect Âge en années

NS

46,7 +/– 11,3

47,1 +/– 10,6

NS

Taille debout en cm

158,7 +/– 11,6

155,8 +/– 10,9

NS

82,3 +/– 7,5

Tableau III Pourcentages de réduction d’irradiation de la technique conventionnelle vs numérique (Moyenne Conventionnelle — Moyenne Numérique)/Moyenne Numérique). N = 99

Poids en kg

Taille assis en cm

80,6 +/– 6,0

NS

64 %

Moyenne de tous les sites

64 %

Frontal inter-orbitaire

162 %

Sein Gauche

44 %

Sein Droit

43 % 309 % – 34 %

DAP*

18,0 +/– 2,7

17,9 +/– 2,7

NS

IMC**

18,2 +/– 2,7

19,3 +/– 3,3

NS

Ombilic Symphyse

NS

Omoplate

1,4 +/– 0,2

1,4 +/– 0,2

Réduction

Somme de tous les sites

Thyroïde

SC***

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NS

*DAP = diamètre thoracique antéro-postérieur ; ** IMC = index de masse corporelle ; *** SC = surface cutanée ; NS : non significatif.

Discussion

Tableau II Variable dose en microGy (μGy) ; Dose in μGy. Groupe imagerie conventionnelle

Groupe imagerie numérisée

N = 49

N = 50

10,1 +/– 7,3

3,8 +/– 7,1

Thyroïde

110,0 +/– 40,5

26,9 +/– 26,0

10–3

Sein gauche

84,9 +/– 33,2

58,9 +/– 41,9

0,05

Sein droit

85,7 +/– 34,7

59,7 +/– 33,7

0,04

Ombilic — Symphyse

30,3 +/– 14,2

45,9 +/– 22,4

10–3

1 030,0 +/– 373,3

1 054,5 +/– 792,7

NS

Frontal inter-orbitaire

Omoplate

Ajustement IMC** et DAP* et interprétabilité 10–3

*DAP = diamètre thoracique antéro-postérieur ; ** IMC = index de masse corporelle.

cliché dans l’autre en raison d’un problème de reconstruction du logiciel. La dose nécessaire à la réalisation de ces deux nouveaux clichés n’a pas été incluse dans l’étude. Durant la réalisation de ce travail, l’inclusion des patients a dû être interrompue à 5 reprises en raison de pannes du système numérique. Les doses d’irradiation en sortie sont significativement différentes dans les deux groupes. (tableau II). Les doses d’irradiation recueillies individuellement à chaque site sont toutes statistiquement plus basses dans le groupe imagerie numérisée sauf au niveau ombilic-symphyse. La réduction globale de dose en sortie obtenue grâce à l’utilisation de l’amplificateur de brillance est de 64 % avec une réduction respective de 162 % en inter orbitaire, de 309 % au niveau de la thyroïde, et de 44 % au niveau mammaire. Par contre, la dose J Radiol 2007;88

d’irradiation au niveau hypogastrique (équidistance symphyse pubienne — ombilic) est plus importante de 34 % en numérique (tableau III). Après ajustement sur les critères biométriques ainsi que sur le critère « interprétabilité du cliché » les résultats sont toujours en faveur d’une irradiation globale moindre de l’acquisition numérique. Par contre, la différence entre les deux systèmes est non significative en analyse multivariée en ce qui concerne la dose d’entrée mesurée à l’omoplate (tableaux II et III). La mesure du produit dose surface sur un peu plus de 50 % de l’échantillon radiographie conventionnelle donne une valeur moyenne de 234 +/– 79 cGy × cm2. Ce sous-groupe présente des paramètres sociodémographiques et qualitatifs radiographiques non différents de l’ensemble de la population étudiée.

En 1988, le Comité Scientifique des Nations Unies pour l’étude des Effets des Rayonnements Ionisants (6) réaffirmait le risque accru des radiations chez les enfants compte tenu de leur espérance de vie plus importante que celle des adultes, et démontrait que ce risque était directement lié à l’âge auquel l’exposition s’est produite ; Ce risque concerne l’accumulation de la dose, responsable de leucémies mais aussi de cancer du sein chez les patients explorés pour scoliose (7). Les gonades, la moelle osseuse, les glandes mammaires et la thyroïde sont les organes exposés les plus sensibles aux rayonnements ionisants. De nombreux travaux ont eu pour but d’estimer le risque de cancer lié à l’utilisation de l’imagerie photonique. À partir d’extrapolations fondées sur la connaissance du taux de cancer induit par les retombées radioactives de Hiroshima de nombreux auteurs ont tenté de chiffrer le risque potentiel de ce type d’imagerie. En 1996, Levy et al. estimaient le risque de cancer de 0,04 % à 0,24 % supérieur à celui de la population générale chez des enfants et adolescents suivis par des clichés du rachis en totalité dans le cadre de scoliose (8). En 2004 Herzog et Rieger (9) rappelaient en fait l’ignorance dans laquelle nous sommes sur le risque réel des faibles doses en radiodiagnostic. C’est dans cet esprit d’incertitude et de précaution maximale que la Directive Européenne 97-43 sur la protection des

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personnes contre les dangers de rayonnements lors d’expositions à des fins médicales a redéfini, entre autres, le principe d’optimisation. Ce dernier traduit la nécessité de réduire l’exposition au rayonnement ionisant le plus bas possible tout en permettant d’obtenir l’information recherchée, nécessité récemment analysée dans le Journal de Radiologie (10, 11). Cette volonté de contrôle de l’irradiation s’inscrit de plus dans une tentative d’harmonisation des doses délivrées pour un même examen. En effet, que ce soit à l’échelon national ou international, les variations de doses pour un même examen peuvent aller du simple au quadruple. Par exemple, la dose d’entrée délivrée chez un adulte pour une radiographie du rachis lombaire de face, en incidence antéropostérieure en Suède était en 1991 de 16 mGy alors qu’elle était à la même époque de 57 mGy en Espagne (12) ; en pratique pédiatrique il n’y a pas actuellement de dose d’entrée recommandée. Il en est de même pour l’exploration du rachis en totalité qui est un examen particulièrement irradiant (13). Aucune notion sur les doses de sorties en projection des organes sensibles n’est non plus disponible. La dose de sortie en regard de ces différentes structures anatomiques, n’est qu’un reflet purement indicatif, facile à mesurer de l’irradiation différente de la dose à l’organe. Cette dernière correspond à la dose moyenne absorbée rapportée à l’ensemble du volume de l’organe considéré pondérée par un facteur propre à chaque tissu irradié. Notre dose d’entrée omoplate sur l’acquisition conventionnelle est d’environ 1 mGy ne peut pas être strictement comparée à la dose entrée réelle qui doit être estimée au milieu du faisceau. Elle est cependant du même ordre, compte tenue de la variabilité de la mesure, à celle décrite dans une population de même âge moyen par Hansen et coll. (14) (2,8 à 3,1 mGy), à celle de Geijer et coll. effectuée sur fantôme (1) (0,9 mGy) et celles de Kalifa et coll. (15) réalisée sur une population pédiatrique (0,92 mGy). Cette mesure atteste du réglage correct de notre installation conventionnelle. Dans notre série cette dose d’entrée est non significativement différente en analyse mulitvariée entre la technique conventionnelle et l’acquisition numérique en amplificateur de brillance. Seules quelques communications et publications ont comparé spécifiquement cette technique numérique à une acquisi-

tion conventionnelle. Lors de la réunion de la Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique à Reims en 2000 P Clapuyt (3), rapportait sur une série de 22 enfants explorés en incidence antéro-postérieure un différentiel d’irradiation de 300 % en défaveur du numérique. En février 2001, Geijer et coll. confirmaient cette tendance en publiant à partir d’un test sur fantôme un accroissement de dose de 100 % du numérique (1). Lors des JRF 2001, deux présentations inversaient la tendance : Kanj et coll. rapportaient sur une série de 70 patients un gain d’irradiation de la technique numérique, variable en fonction de classes de poids, de 36 % à 53 % (4). JP Montagne et coll. sur une série de 22 patients donnaient des variations allant de 48 % à 68 % (5). En 2003 Geijer et coll., alors que notre étude était en cours, affinaient leur technique sur fantôme grâce à une augmentation de la cadence image de 2 à 3 images par seconde, de la vitesse de déplacement de l’amplificateur de 3,5 à 7,5 cm par seconde, et de kV fixes, de 70 à 81, sans perte de qualité image (2). La réduction de dose obtenue par rapport à leur référentiel conventionnel était de 42 %. Si notre acquisition numérique présente les mêmes caractéristiques de vitesse de déplacement de l’amplificateur et de cadence image elle diffère sur le réglage des kV de la dernière étude de Geijer. Ce dernier en utilisant des kV fixes relativement élevés assure une réduction de dose en réduisant le temps de pose et sans réduire la qualité de l’image. Notre résultat de dose d’entrée est moins flatteur que ceux récemment publiés ou présentés (2, 4, 5). Ces résultats variables, initialement très divergents, témoignent de la difficulté à maîtriser tous les facteurs de confusion statistique mais aussi d’un meilleur contrôle de la technique numérique au fil du temps. En particulier l’élément qui semble prépondérant dans cette réduction de dose concerne les possibilités de moduler les paramètres de balayage (vitesse de déplacement du tube et cadence d’acquisition des images) plus que la sensibilité propre de l’amplificateur de brillance. Le but de notre travail n’était pas d’établir uniquement une nouvelle confrontation en la dose d’entrée des deux systèmes mais d’analyser en projection de différents organes radio-sensibles, les variations de doses induites par l’utilisation respective de ces deux techniques. En sortie, la réduction de dose du numérique apparaît très significative, de 64 % en

G Gorincour et al.

moyenne. Notre choix de l’omoplate à la place d’un point cutané située au centre du faisceau ionisant était délibéré car de repère plus facilement reproductible et situé dans le même axe horizontal que le sein. La réduction de dose entre ces deux points est d’un facteur 12 en conventionnel à 17 en numérique, réaffirmant l’importance de la réalisation de ces incidences en position postéro-antérieure et non antéro-postérieure pour protéger les glandes mammaires. Dans nos deux populations présentant des variables socio-démographiques et qualitatives radiographiques comparables, ce gain d’irradiation était encore plus significatif sur les doses de sortie mammaires lors de l’utilisation du numérique (60 %.) Il n’y avait pas de différence de résultats entre le sein droit et le sein gauche validant le caractère reproductible du résultat. Cette réduction de dose du numérique se confirmait à hauteur du cristallin (région inter-orbitaire) et de la thyroïde, 162 % et 309 % respectivement. Ces variations très favorables au numérique se situaient dans des régions de faible épaisseur et de faible densité ou la cellule arrête le rayonnement dès une très brève exposition. Il en est tout autrement au niveau pelvien, mais l’explication ne nous apparaît pas univoque. Les structures osseuses et le volume de tissu traversé sont beaucoup plus importants. Les kV du numérique ne montaient pas suffisamment à ce niveau (90 kV au maximum) nécessitant des temps de pose plus longs mais en fait la dose de sortie hypogastrique est moindre que celle mammaire (59 μGy mammaire vs 46 μGy hypogastre). Au final l’augmentation de 34 % de l’irradiation par rapport au conventionnel apparaissait surtout secondaire à la baisse de la dose conventionnelle qui chutait considérablement à ce niveau, absorbée de façon plus marquée par le rachis, le bassin et le volume abdominal (85 μGy mammaire vs 30 μGy hypogastre). Ce différentiel d’irradiation entre les deux techniques n’est pas perceptible dans les autres travaux publiés. Cette dose de sortie n’est cependant pas le reflet de la dose à l’organe et en ce qui concerne le numérique, mais principalement celui de la sensibilité intrinsèque de l’amplificateur de brillance et du réglage de la cellule. Malgré le contrôle de multiples paramètres de confusion, socio-démographiques et de la qualité de l’image, les biais de notre comparaison sont multiples. J Radiol 2007;88

G Gorincour et al.

• L’utilisation d’un même couple générateur — tube, aurait permis de comparer ces deux techniques en s’affranchissant en grande partie d’une différence de profil de rayonnement, encore plus marquée au niveau de la dose de sortie. Cette situation reflète cependant la réalité clinique quotidienne d’un service pour lequel deux installations séparées sont nécessaires pour répondre au flux de patients. • La filtration additionnelle est différente dans les deux techniques de 2,5 mm d’aluminium en conventionnel pour 2 mm d’aluminium en numérique ; À filtration égale la dose serait donc plus faible en numérique. • La distance foyer-film est presque le double en conventionnel vs numérique. Une augmentation de la distance foyerfilm diminue la dose d’entrée. À distance égale, la dose serait plus faible en numérique mais ceci n’est pas techniquement réalisable. L’utilisation du produit dose surface comme unité de mesure d’irradiation sur toute la population aurait permis de supprimer ce biais. • Les moyens utilisables pour réduire la dose d’un cliché de rachis en totalité obtenu en mode conventionnel sont nombreux et intéressent toute la chaîne d’acquisition de l’image : utilisation de la haute tension, réduction de la charge, collimation du faisceau, filtration additionnelle (aluminium et cuivre), absence de grille antidiffusion, protège thyroïde et protège gonades pour le garçon, utilisation de couple écran-film de haute performance (600-800). La tension que nous utilisons en routine est dans la tranche de celle préconisée sur le site de la SFR (60 à 80 kV) et par la commission de la communauté européenne (65 à 90 kV) (15) par contre la charge que nous utilisons (148 mAs en moyenne) est plus haute que celle recommandée (80-110 mAs) et majore l’irradiation. La valeur du PDS disponible dans notre sous-groupe conventionnel de 234 +/– 79 cGy × cm2 dans notre population confirme cet excès de dose. L’acquisition numérique peut de même être optimisée en particulier en retirant le grille, en utilisant une filtration additionnelle plus importante en aluminium et en cuivre et en fixant les kV à des valeurs supérieures permettant ainsi de baisser encore les temps de pose et de durcir le faisceau mais au risque de réduire le contraste, en augmentant la cadence image et la vitesse de déplacement du tube. Dans notre étude, il n’y a pas de différence quaJ Radiol 2007;88

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litative entre les deux techniques d’imagerie ; une modification de n’importe laquelle de ces variables peut être responsable d’une dégradation de l’image la rendant inutilisable en pratique clinique. • L’utilisation des dosimètres thermoluminescents : ces systèmes sont sensibles à l’énergie photonique et ont une réponse variable en fonction des kV utilisés ; si dans notre série conventionnelle les kV sont fixes ce n’est pas le cas de notre série numérique. Cette variation de dose ne peut cependant pas excéder environ10 % dans la tranche de kV utilisés (55 à 90 kV). D’autres techniques numérisées (écran radio-luminescent à mémoire, fluoroscopie numérique, capteur plan) dans l’exploration du rachis de l’enfant ont montré leur bénéfice radique par rapport à la technique conventionnelle ; Hansen et coll. (14) décrivaient une réduction de dose de leur chaîne numérique, qui remplace la grille anti-diffusion par un espace vide de 30 cm entre le patient et la plaque phosphore, de prés de 93 % ; Geijer et coll (1) grâce à la fluoroscopie numérique obtenaient un gain radique de 73 % mais au détriment d’une perte d’information. Plus récemment, en mars 2005 lors d’une communication orale à l’ECR, Heuga O et coll. (16) présentaient leurs résultats comparant la graphie numérique et les capteurs plans sur une série de 120 patients scoliotiques. Une réduction de dose de 72 % était obtenue grâce aux capteurs plans avec une qualité d’image significativement en faveur de cette technologie. Ces techniques numériques ne doivent pas faire oublier, les résultats prometteurs de Kalifa et coll. (15) qui utilisant la chambre de Charpak ont obtenu lors de l’exploration de scolioses pédiatriques une réduction de dose de 93 % par rapport à une exploration en technique conventionnelle. Tout en conservant ces doses mineures, ce système en pleine évolution, dénommé EOS, permet actuellement par ces acquisitions 2D des reconstructions 3D d’une qualité remarquable (17). Un des inconvénients de la technique numérique concerne une résolution spatiale inférieure à celle d’un cliché conventionnel mais dont le retentissement en pratique clinique est le plus souvent inexistant. Dans notre série d’exploration d’enfants scoliotiques il n’y avait pas de différence qualitative radiographique bien que deux clichés numériques aient nécessité d’être refaits. La durée du post traitement

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d’image est un autre handicap du numérique mais qui tend à se réduire de plus en plus. Notre système numérique reste fragile ; durant l’année qu’a duré ce travail cinq pannes se sont produites. Par contre certains avantages du numérique sont évidents : possibilités de modifications de contraste, de calcul facile d’angles, de diffusion des images et d’archivage simplifiés.

Conclusion Notre travail avait pour but d’apporter un éclairage supplémentaire sur le bénéfice potentiel de la technique numérique par amplificateur de brillance dans l’exploration du rachis en totalité de face de l’enfant venté par les constructeurs. À l’heure ou d’autres technologies numériques apparaissent et deviennent concurrentielles par rapport à celle que nous avons analysée, il nous apparaît important de valider le bien fondé de ces assertions commerciales. Les possibilités de réduction de dose grâce à cette technique numérique par amplificateur sont réelles et nécessitent d’être optimisées. Toute précipitation dans l’évaluation de ces technologies peut devenir une porte ouverte à des expositions aux rayonnements ionisants préjudiciables à nos jeunes patients. Nous devons rester les garants de cette légitimé d’irradiation en prenant le temps nécessaire à une évaluation du coût radique et de la qualité du rendu diagnostique en sachant nous satisfaire pour une dose minorée de l’image utile.

Références 1.

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