Répression des pleurs comme traumatismes relationnels précoces

Répression des pleurs comme traumatismes relationnels précoces

Journal Pre-proof ´ ´ Repression des pleurs comme traumatismes relationnels precoces Eric Binet PII: S2468-7499(20)30001-6 DOI: https://doi.org/do...

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Journal Pre-proof ´ ´ Repression des pleurs comme traumatismes relationnels precoces Eric Binet

PII:

S2468-7499(20)30001-6

DOI:

https://doi.org/doi:10.1016/j.ejtd.2020.100139

Reference:

EJTD 100139

To appear in:

European Journal of Trauma & Dissociation

Received Date:

11 September 2019

Revised Date:

16 December 2019

Accepted Date:

16 December 2019

´ Please cite this article as: Binet E, Repression des pleurs comme traumatismes relationnels ´ precoces, European Journal of Trauma and Dissociation (2020), doi: https://doi.org/10.1016/j.ejtd.2020.100139

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RÉPRESSION DES PLEURS COMME TRAUMATISMES RELATIONNELS PRÉCOCES. ERIC BINET 92100 BOULOGNE-BILLANCOURT [email protected] REPRESSION DES PLEURS COMME TRAUMATISMES RELATIONNELS PRECOCES

Mots clefs :

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Résumé : Les pleurs des tout-petits restent un domaine méconnu, le plus souvent négligé pendant la formation initiale des professionnels de la petite enfance et de santé. Reliant cet oubli à une forme d’amnésie infantile, nous partons de l’hypothèse que la dissociation est une stratégie d’adaptation primitive chez le tout-petit en accordage avec un état dissociatif parental. Ces états dissociatifs précoces apparaissent dans le cerveau du tout-petit en pleine maturation quand, pendant des périodes critiques répétées - avec des pleurs - où son système d’attachement est sollicité, l’adulte ne répond pas à ses besoins affectifs. La réaction des adultes réprimant les pleurs d’un tout-petit est de ce point de vue une situation traumatique chronique et prototypique où l’on peut constater l’absence répétée d’une capacité à réguler l’intensité et la durée de la détresse d’un tout-petit. Nous verrons comment d’un point de vue phénoménologique la genèse de ces traumatismes relationnels précoces peut alors réinterroger la notion de dissociation. En ne la considérant plus seulement comme un système d’action défensif, une hypothèse alternative serait de considérer les phénomènes dissociatifs comme l’expression d’une répétition d’une expérience relationnelle précoce pathologique. Cette réflexion phénoménologique nécessite d’ouvrir un débat épistémologique mettant en perspective de façon dialectique différents champs théoriques faisant référence aux phénomènes dissociatifs. Enfin, l’importance d’explorer les pleurs de la petite enfance avec des patients adultes souffrant de troubles dissociatifs sera aussi discutée.

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Attachement - dissociation - petite enfance – phénoménologie - pleurs - traumatismes relationnels précoces HOW REPRESSING CRYING IN VERY YOUNG CHILDREN CAN LEAD TO EARLY RELATIONAL TRAUMA Abstract : What to make of very young children’s crying remains largely misunderstood and this topic is often neglected during the training of early childhood professionals. Linking this omission to a form of infantile amnesia, we start with the hypothesis that for the very young, dissociation is a primitive adaptation strategy related to attunement with a dissociative state in the parent. These early dissociative states appear in infants’ maturing brains when the adult care-giver does not respond to the infants’ emotional needs during repeated critical periods of crying while the child’s attachment system is activated. Thusly, when the adult’s reaction to the very young child’s crying is to repress it, a chronic traumatic prototypic situation occurs in which we can witness in the infant, a repeated absence of the ability to regulate the intensity and duration of distress. We shall see how the genesis of these early traumas can, from a phenomenological point of view, put the notion of dissociation into question. While no longer considering it as only a defensive action system, an alternative hypothesis would be to consider the dissociative phenomena as an expression of repetition of early experiences in pathological relationships. This phenomenological reflection invites an epistemological debate in order to put into dialectical perspective different theoretical fields referring to dissociative

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phenomena. In closing, we shall discuss the importance of exploring infantile crying with adults who suffer from dissociative disorders. Attachment - dissociation - infancy – phenomenology - crying - early relational trauma L’auteur déclare n’avoir pas de conflit d’intérêt.

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Il est frappant de constater en 2019 qu’une mère puisse s’entendre dire à la maternité face à son nourrisson en pleurs « ne le prenez pas dans vos bras sinon vous allez le regretter». Quand des professionnels s’expriment ainsi sur quels éléments objectifs, scientifiques, se basent-ils ? En réalité aucun. En effet, la quasi-totalité des 7000 professionnels (depuis la fonction d’auxiliaire de puériculture aux médecins et sages-femmes) - ayant suivi des interventions en formation continue sur cette thématique ces dix dernières années - confirment n’avoir reçu aucun apport pédagogique sur les pleurs pendant leur formation initiale (Binet, 2013, 2014). Ainsi, sans s’en rendre compte, une majorité de professionnels rejouent un phénomène de répression des pleurs de génération en génération. Cette répétition se base sur des mécanismes qu’eux-mêmes ont eu à subir, qu’ils ont intériorisés, sans forcément en être conscients. Malheureusement, ce type d’approche dysharmonieuse de la régulation des affects - essentielle à prendre en compte dans l’étiologie en psychotraumatologie (Shilson, 2019) - n’intervient pas uniquement en maternité. Qu’elle soit intra ou extra-familiale, la répression des pleurs est un phénomène sociétal qui s’est banalisé et qui intervient généralement tout au long de la petite enfance. Elle ne se résume pas à l’utilisation d’une tétine pour faire taire des pleurs, elle apparaît aussi dans toutes les formes de négligences, de violences psychologiques et physiques allant jusqu’au Syndrome du Bébé Secoué (Mian, 2015). La littérature indique que les négligences - essentiellement émotionnelles - demeurent la forme de mauvais traitement la plus répandue (74,4%) comparé aux violences physiques (17,2%) et aux agressions sexuelles (8,4%) chez les victimes de maltraitance dans la population américaine (Department of Health and Human Services, 2015). Et pour étonnant que cela soit, nous n’en sommes qu’au tout début des recherches sur les conséquences neurodéveloppementales de ces négligences pendant la petite enfance. Or, pour revenir aux mécanismes de contrôle des pleurs, leurs conséquences ne se limitent pas à nos premières années de vie si l’on en juge par les excuses de nos patients adultes lorsqu’ils pleurent pour la première fois dans nos consultations… L’actualité de ce phénomène, par son ampleur (Junier, 2018), ne peut s’expliquer selon nous que par un recours massif à des processus dissociatifs aux tout débuts de notre vie psychique. Le silence sur les pleurs qui entoure encore à l’heure actuelle la formation des professionnels est pour ainsi dire le révélateur d’un schéma développemental psychoaffectif pathogénique généralisé. Pour autant, cette organisation façonnée précocement est-elle forcément indélébile ? N’y-a-t-il pas moyen de changer ce modèle, de développer un autre niveau de relation interpersonnelle et intrapsychique vis-à-vis des pleurs d’un tout-petit ? Mais cela ne risque-t-il pas de nous amener à réexaminer les lignes théoriques explicatives habituelles de la dissociation centrées sur l’adulte, de Janet par exemple (Saillot, 2012) ? En traitant des pleurs du tout-petit, nous souhaitons ouvrir un débat épistémologique sur la dissociation en l’introduisant comme nous l’avons déjà fait (Binet, 2018) dans le champ de la phénoménologie psychopathologique. En deçà de l’objectivation scientifique, des protocoles, la phénoménologie nous invite à observer au cœur du vécu de la conscience de l’autre et de son monde, à intervenir afin de restaurer son « pouvoir-être » existentiel (Maldiney, 1997). Cet article s’inscrit donc dans la perspective d’une phénoménologie descriptive des conditions 2 Page 2 of 25

d’émergence de la dissociation comme des traumas complexes. Ne cherchant pas à s’opposer à d’autres modèles explicatifs de la dissociation où à les hiérarchiser, l’approche phénoménologique n’a pas se prononcer sur le bienfondé de telle ou telle théorie. Les pleurs du tout-petit peuvent alors s’envisager comme un problème commun auquel différentes théories doivent se confronter. Ils sont une rare occasion de pouvoir juxtaposer des savoirs dans un nouveau positionnement épistémologique et une démarche transdisciplinaire permettant d’avoir un nouveau regard sur l’épigenèse de la dissociation.

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Cet article a donc pour objectif de comprendre comment les processus d’autorégulation émotionnelle ont pu être entravés chez les patients de tout âge pendant leur petite enfance et comment il est possible de les réorganiser, voire de les aider à adopter une attitude bienveillante face à leurs pleurs. Notre propos a aussi pour objet de mieux faire connaître les origines comme les fonctions des pleurs afin d’aider les professionnels de santé à améliorer l’alliance thérapeutique. Car faute de pouvoir considérer les pleurs positivement, que l’on travaille avec des tout-petits, leurs parents ou avec des adultes en souffrance, ces expériences précoces forment le lit d’une psychopathologie développementale et d’une forme de dissociation malheureusement encore trop mal connues.

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1. Rappels historiques sur notre intolérance aux pleurs

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Des ouvrages de référence sur le post-partum récents (Barlow, 2016 ; Cyrulnik, 2019) n’abordent dans aucun chapitre les pleurs des tout-petits, leurs origines, leur raison d’être comme les façons de les accompagner sans les réprimer. Cet oubli de taille aurait-il un lien avec l’unique ouvrage de puériculture de nos aïeux écrit par Lereboullet (1945), édité dès 1921, qui affirmait en seulement quelques lignes un unique commentaire : « les cris sont parfois le résultat d’une mauvaise éducation, l’expression d’un caprice, l’enfant ayant été habitué à être pris sur les bras dès qu’il crie » ? Certes, nous savons que Rousseau (1761, 1762) fut probablement le premier pédagogue à promouvoir quelques recommandations sur le sujet, estimant que « l’éducation des manières de pleurer concerne l’apprentissage des lois du langage ». Effectivement, pour le philosophe, les pleurs d’un enfant relevaient soit d’ « ordres », soit de « prières », il jugeait donc nécessaire de lui apprendre à pleurer « à bon escient ». Malheureusement, ces représentations adultomorphiques (Covington, 1991) continuent de nos jours d’être exploitées dans l’ouvrage récent de Dunstan (2016) « Il pleure que ditil ? Décoder enfin le langage caché des pleurs ». Sans le savoir, nous continuons à suivre ces préceptes rousseauistes en voyant dans les pleurs de la petite enfance un langage alors que la linguistique s’y refuse (Cron, 2007) ; un langage impliquant une action volontaire plus qu’une manifestation sonore, nécessitant un signe linguistique plus qu’une tonalité émotionnelle. L’idée du langage s’avère inconcevable pour le rire et pour les pleurs comme étudié plus loin sur le plan neurophysiologique. Sans compter que rire et pleurer ont aussi la spécificité de nous empêcher de parler… Mais, depuis le XIXè siècle, cette façon si particulière de dénigrer les épanchements lacrymaux ne s’est pas arrêtée là. D’autres ont associé la pudibonderie aux pleurs, la souffrance rédemptrice ou encore en y voyant une manipulation que Charcot (1889) avait tôt fait de diagnostiquer lors de la « crise de sanglots (…) comme quatrième période de la grande attaque hystérique ». Cette lente dérive vers une pathologisation des pleurs a été fort bien mise en évidence par l’étude de Vincent-Buffault (1986) sur l’évolution des larmes dans la littérature française depuis la fin du XVIIème siècle. En effet, on ne peut plus guère parler aujourd’hui du « plaisir de pleurer », encore moins en public, encore moins pour un homme… 3 Page 3 of 25

Historiquement, selon Vincent-Buffaut, il ne fait donc plus de doute que les pleurs ont été considérés avec une certaine méfiance ces deux derniers siècles. D’autant que la littérature psychologique de ces dernières décennies sur le sujet (Bedouret, 2010 ; Pleux, 2012 ; Rufo, 2005) fait assez rarement le distinguo entre pleurs et colères avec les nombreuses confusions que cela peut entraîner. Si l’on considère comme possible aujourd’hui que nous ayons un rapport plus positif à leur égard, comment transformer notre rapport aux pleurs de manière à les considérer avec bienveillance, en particulier avec un tout-petit ? Fort heureusement, différents chercheurs depuis quelques années envisagent les pleurs sous un nouvel angle comme Nelson (2005), Solter (2015) ou Trimble, professeur émérite à l’Institut de Neurologie de Londres, avec son livre « Pourquoi les humains aiment pleurer » (2012).

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2. Neurophysiologie des pleurs : de la régulation du cycle stress-détente au renforcement d’un attachement sécure

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Contrairement aux visions simplificatrices qui voudraient qu’un tout-petit puisse pleurer à volonté dès qu’il est contrarié, quitte à en faire un enjeu de morale en éducation, nous avons maintenant la confirmation qu’il n’en est rien. Des chercheurs étudient de plus en plus les circuits neurophysiologiques impliqués dans les pleurs, lesquels interviennent bien en-dessous du seuil de conscience, de notre volonté. Par exemple, nous savons maintenant que les bébés pleurent déjà in utero à partir de la 28è semaine (Gingras, 2005). Cette existence prénatale des pleurs a probablement pour fonction d’activer une fonction vitale et nécessaire à la survie de l’espèce humaine : celle de l’attachement. Les pleurs permettent de triompher de la dépendance sur le plan psychomoteur en attirant la mère nourricière à défaut de pouvoir aller la retrouver. Ce faisant, le pouvoir des larmes semble modeler, favoriser l’émergence de la fonction d’attachement que Bowlby (1969, 1973) y a associé. Depuis la nuit des temps, seuls les humains en capacité d’envoyer des signaux de détresse semblent avoir une meilleure espérance de vie. Le psychiatre et anthropologue de Vries (1984) l’a démontré lors des famines dans les années 80 en Ethiopie : les bébés qui pleuraient le plus avaient les meilleures chances de survie. En dehors de toute situation de famine, on observe le même phénomène dans les modes de garde en collectivités. Les bébés qui pleurent le plus fort sont bien souvent ceux qui sont nourris les premiers, même s’ils sont arrivés plus tard que les autres… Des travaux de dissection génétique (Ahsbrook, 2018), pour le moment sur la souris, semblent confirmer également que l’amplitude des pleurs dépendrait plus du génotype de la mère. Au-delà de ces hypothèses sur les origines génétiques des pleurs liées à la survie de notre espèce et des raisons objectives de pleurer (douleur, faim, sommeil…), d’autres fonctions essentielles méritent d’être mieux connues, en particulier quand un bébé pleure sans raison apparente. La figure n°1 représente les différents niveaux de besoins reliés à l’émergence des pleurs que nous allons ensuite expliciter. Sous forme pyramidale, la reconnaissance de ces différents niveaux nous permet d’esquisser les principes d’une théorie des pleurs dans la prime enfance participant à une double régulation émergente, à la fois interne (au tout-petit lui-même) et externe (sous l’influence d’une figure d’attachement par exemple), pour s’adapter à notre environnement en terme de besoin de régulation : - du cycle stress-détente, - du système d’attachement, 4 Page 4 of 25

EMPLACEMENT FIGURE 1 Figure n°1 – Différents besoins reliés à l’émergence des pleurs

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Un adulte confronté au stress peut activement trouver des moyens de le réguler grâce à certains comportements (échanger avec un proche, faire de l’exercice physique, écouter une musique qui le détend, pratiquer une activité qui lui permet de s’échapper, etc.). Autant de comportements auxquels un tout-petit n’a pas accès pendant ses deux premières années… Or, c’est à cette période que l’humain a sans doute le moins de contrôle sur son environnement, son corps, ses ressentis. Face aux innombrables sources de stress (prénatal, périnatal) un bébé n’a effectivement pas d’autres ressources internes que sa capacité innée à pleurer. Puis, avec l’accès au langage, il pourra progressivement développer une nouvelle autonomie dans ses capacités à réguler son stress. Il y a donc chez le toutpetit une synchronicité intrinsèquement psychobiologique entre son stress et l’apparition de ses pleurs. Cette régulation interne n’a rien de corticale, ni de volontaire, mais elle est bien liée à des structures d’autorégulation psychoneurobiologiques décrites dans différentes recherches sur lesquelles nous allons maintenant revenir.

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Comme l’étude par imagerie de Wojtecki (2007) l’a mis en évidence, les zones d’activations des pleurs sont d’origine sous-corticale (au niveau du cerveau mammalien et reptilien). L’observation de ces zones semble indiquer également des connexions intégrant l’état interne de l’organisme. Ces localisations sont toutes éloignées de celles nous permettant un langage sémiotisé et rendent donc impossible toute relation entre pleurs et langage. Enfin, les zones d’impulsions nerveuses des glandes lacrymales sont majoritairement parasympathiques mettant encore davantage en évidence la relation centrale qui existe entre la régulation du stress et les pleurs. A cela s’ajoutent les découvertes du neurobiologiste Frey (1985) confirmées par Messmer (2009) sur la composition de nos larmes, laquelle varie suivant notre état émotionnel. On sait par ailleurs que la composition de nos larmes est très proche de celle du liquide céphalo rachidien qui enveloppe notre cerveau… Les larmes de stress sont particulièrement reconnaissables à la présence d’hormones du stress amenant à considérer que pleurer est un moyen comme un autre pour notre organisme d’éliminer des toxines. Comme les autres organes excréteurs de notre corps (reins, poumons, intestins…), nos glandes lacrymales sont nourries de notre sang… De ce point de vue, suivant nos observations cliniques partagées par de nombreux professionnels de la petite enfance, il semblerait que des tout-petits ayant réprimé très tôt leur capacité de pleurer, vomissent ou régurgitent plus que d’autres. Ne seraitce d’ailleurs pas le même phénomène auquel nous assistons avec des femmes atteintes d’hyperémèse gravidique (vomissements incoercibles) pendant leur grossesse ? Les travaux de Seng (2014) suggèrent en tous les cas que ces femmes présentent un niveau élevé de symptômes dissociatifs… Etonnamment, les femmes atteintes de vomissements gravidiques ne pleurent pas ou peu pendant leur grossesse à l’image de ces enfants souffrant du Syndrome d’Allgrove avec une atrophie des glandes lacrymales et une alacrymie (absence complète de larmes), mais qui vomissent beaucoup plus que les autres (Sellami, 2006)… Si l’on considère que le cortisol est en forte quantité dans la salive on pourrait envisager que, à défaut de pleurer, certains vomissements (ou certaines régurgitations) soient une autre modalité de libération d’hormones du stress. Ainsi, loin de juger les femmes qui pleurent facilement pendant leur grossesse (ou leur période d’allaitement) comme fragiles ou déprimées, on peut envisager que leurs pleurs sont un moyen d’épargner leur bébé in utero ou de préserver leur lait maternel d’hormones du stress. En somme, comme l’étude de Sharman (2019) l’a souligné chez l’adulte, on peut affirmer que pleurer aide à maintenir 5 Page 5 of 25

l’homéostasie biologique en régulant également le rythme cardiaque et en favorisant la libération d’antalgiques naturels comme la leucine encéphalique et des endorphines.

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Enfin, pleurer pendant la prime enfance présente l’extrême avantage de renforcer rapidement les processus d’attachement au cœur de notre neurobiologie. Les pleurs ont un rôle social et génèrent des rapprochements de la figure d’attachement pour les réguler. Comme nous le savons, la qualité d’un lien d’attachement ne se traduit pas simplement sur un plan comportemental mais au niveau du taux d’ocytocine sanguin (Carter, 2017). Un taux insuffisant d’ocytocine peut être corrélé avec le niveau de protection parentale en favorisant des négligences émotionnelles (Müller, 2019). Une autre fonction essentielle des pleurs serait donc, pour reprendre l’hypothèse initiale de Bowlby (1969, 1973) les considérant comme des comportements de signalisation, de favoriser au plus vite un rapprochement des figures d’attachement et, par la proximité provoquée par le portage au moment de la consolation et l’activation du bulbe olfactif, d’augmenter la libération d’ocytocine. D’après les études de Pardo (1993) et Andreason (1994) le câblage du système limbique semble de ce point de vue particulièrement important dans l’hémisphère droit ; plus encore chez les femmes, ce qui pourrait expliquer leur plus grande capacité à supporter les pleurs d’un tout-petit. Or, il semblerait que la maturation neurobiologique des petits garçons soit plus lente, les rendant de fait plus vulnérables car plus sensibles à leur environnement (Schore, 2017), ce qui expliquerait qu’ils puissent souffrir d’une psychopathogénèse plus précoce.

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On peut donc légitimement supposer que l’instinct lié à l’attachement explique directement ou indirectement certains pleurs en raison d’un manque physiologique d’ocytocine. Cette hypothèse expliquerait pourquoi les tout-petits souffrant d’un environnement affectif distal pleurent plus que ceux bénéficiant d’un contact plus proximal (Lee, 1994).

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En somme, pendant la petite enfance, l’enfance ou à l’âge adulte, se contenter de pleurer n’a rien de positif en soi. C’est sans doute d’ailleurs un risque d’embourbement caractéristique de la dépression. Les pleurs participent à un rééquilibrage global pour autant que nous ne soyons pas seuls pour retrouver cet état d’équilibre. Les pleurs vécus dans la solitude entraînent un sentiment d’abandon et de désespoir. Pleurer permet de retrouver notre point de restauration seulement si nos pleurs sont accompagnés dans le cadre d’un échange affectif, source de disponibilité émotionnelle adaptée et protectrice.

3. Nos réactions face aux pleurs des tout-petits Ecouter un bébé pleurer fait sans doute partie des situations les plus anxiogènes, les plus stressantes qui soient. Le niveau de perturbations ressenties amène rapidement des personnes à perdre patience, à s’énerver, à considérer la situation comme « épouvantable, intolérable », à la vivre comme un « véritable cauchemar »… Tandis que d’autres personnes ne prêtent aucune attention à ces signaux de détresse. Mais comment expliquer que des adultes puissent aussi rapidement perdre pied, vivre cet appel à l’aide de façon quasiment persécutive à leur égard, ou pire, dans l’indifférence. Pour quelles raisons sommes-nous alors traversés tout autant par des sensations physiques désagréables, des émotions et des sentiments négatifs ?

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Si nous nous référons au modèle proposé par Rilling (2013), son analyse de la littérature sur la perception des pleurs des nourrissons propose une liste comptant cinq sous-circuits neuronaux observés chez une personne à leur écoute : - Un premier traitement des informations auditives intervient au niveau du cortex auditif, davantage observé dans l’hémisphère droit, -

Un deuxième traitement du « signal d’alarme » apparait à la suite dans la voie thalamocingulaire (y compris cingulaire postérieur),

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Puis un troisième traitement aboutit à un comportement d’approche malgré l’aversion au cri impliquant la région tegmentale ventrale et la substance grise, Un quatrième traitement du cortex fronto insulaire active l’empathie,

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Enfin un cinquième traitement impliquant le cortex préfrontal dorsomedial (dmPFC) renforcerait les aspects cognitifs liés à l’empathie.

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En 2019, Witteman et ses collègues ont proposé une méta-analyse permettant d’affiner ce modèle en raison des nombreuses recherches sur le sujet. Il en ressort un agencement quelque peu différent comprenant bien le système auditif, le circuit thalamo-cingulaire, l’insula antérieure dorsale, le cortex préfrontal dorsomédial et le gyrus frontal inférieur (voie de la récompense). Cependant, les auteurs insistent sur les différentes variables comme le genre de la population étudiée. Par exemple, il semblerait que les femmes (plus que les hommes) et les parents (plus que les non-parents) activent davantage leur réseau d’intégration sensorimoteur cortico-limbique. Mais, globalement, il ne semble pas que ces systèmes neuronaux mis en évidence nous en apprennent réellement plus sur la complexité de nos réactions face aux pleurs, ni sur les différences interindividuelles. Pour mieux comprendre la complexité des résultats obtenus, on observe que les conclusions de ces recherches ne sont déjà pas les mêmes si l’on isole la perception des pleurs seulement auditivement et/ou visuellement.

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En 2008, Kringelbach avait démontré dans son étude par magnétoencéphalographie chez l’adulte que des visages en pleurs de bébés stimulaient le cortex orbitofrontal de façon rapide, une fois le cortex visuel postérieur et les voies visuelles ventrales et dorsales activées. Comparant les réactions face à des adultes en pleurs, il mit aussi en évidence que les visages de nourrissons en pleurs impliquaient des régions cérébrales spécifiques que les visages d’adultes en pleurs ne requièrent pas. Son étude a ainsi suggéré que, visuellement, les visages de bébés en pleurs sollicitent différentes localisations du cortex préfrontal ainsi que les cortex préfrontaux latéraux, l’insula, l’amygdale et des régions impliquées dans l’attention visuelle comme le gyrus fusiforme. Mais cette chorégraphie sophistiquée des différentes régions cérébrales interagissant les unes avec les autres ne s’arrête pas là. L’étude plus récente par imagerie de Mutschler (2016) a conclu que les régions sous-corticales sont impliquées dans l’écoute des pleurs d’un bébé, en particulier l’amygdale et l’insula. Certaines personnes hypersensibles aux pleurs présentent une activation plus forte de l’amygdale et du cortex cingulaire antérieur subgénual (sgACC). Cela, beaucoup plus dans l’hémisphère droit sans que Mutschler y apporte une explication. Or, les travaux de Schore (2008, 2014, 2017) ont mis en évidence que l’activité de cet hémisphère est essentielle pour faire face au stress, faire preuve d’empathie ou encore percevoir les émotions d’autrui. Autant de capacités qui se développent ou sont freinées pendant la toute petite enfance suivant le type d’attachement (sécure ou insécure) encodé et la façon dont a été assurée la régulation des affects (Liotti, 2017, 2006). On peut ainsi se demander si les difficultés des adultes face aux pleurs d’un bébé n’auraient pas pour origine un passé 7 Page 7 of 25

traumatique de leur petite enfance lorsque, en pleurs, ils n’ont pas eu tout le réconfort nécessaire. Ces expériences affectives non régulées semblent avoir perturbé le système orbitofrontal que Goleman (1995) avait appelé « la partie pensante du cerveau émotionnel ». A propos de l’activation du cortex cingulaire antérieur subgénual, il est intéressant de rapprocher l’observation de Muschler de l’étude de Nili (2010) ayant souligné pour la première fois que cette même zone serait dédiée aux circuits cérébraux du courage (et à la reconnaissance du danger). Dans une même perspective, Bortolini et ses collègues (2017) envisagent que les mécanismes neurobiologiques à l’origine des décisions altruistes, mais aussi des comportements d’attachement et d’affiliation, engageraient aussi une connectivité accrue du même cortex cingulaire subgénual. En résumé, écouter un bébé pleurer peut amener notre cerveau à interpréter la situation comme s’il fallait sauver une personne en danger. Ainsi la maîtrise de la peur associée à une motivation altruiste serait sans doute variable d’une personne à l’autre, comme le courage pour y faire face...

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Enfin, d’après les travaux récents de Riem (2017) par IRMf sur les zones d’activation cérébrales, lors de pleurs de nourrissons, les régions associées à la douleur somatosensorielle seraient aussi sollicitées chez celui ou celle qui y est exposés. Pleurer pour un bébé serait donc un moyen efficace pour faire en sorte que les personnes l’entourant prennent encore davantage soin de lui. Néanmoins, Riem ne le précise pas, cette sensibilité est hélas certainement très variable d’un individu à l’autre.

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Plus récemment, une étude par IRMf de Léon (2019) avec la participation d’un groupe de mères négligentes face aux pleurs de leur bébé comparé à un groupe témoin a mis également en évidence des différences significatives quant aux zones cérébrales activées. En observant les réactions des mères négligentes face à des pleurs d’adultes ou de bébés leurs réponses étaient comparativement plus réduites dans les régions du cervelet, l’amygdale, l’hippocampe, le parahippocampe et le gyrus frontal inférieur. Tandis que dans le groupe contrôle l’activation de la zone frontale était plus importante. Pour les pleurs des tout-petits spécifiquement, le groupe de mères négligentes présentait aussi une réduction de l’activation de leur cortex cingulaire antérieur (par rapport à leur réactivité aux pleurs des adultes) amenant Léon à émettre l’hypothèse d’un déficit d’activité du circuit limbico-visuel chez ces mères. Cette altération expliquerait d’une certaine manière leur incapacité à bien identifier l’état de détresse de leur bébé et à lui répondre de façon adéquate. Cette étude vient en quelque sorte corroborer les résultats des précédentes études sur l’importance du cortex cingulaire antérieur qui serait associée à la disponibilité ou l’indisponibilité de la figure d’attachement. Enfin, sur un autre plan, suivant l’hypothèse et les nombreux travaux auxquels Vingerhoets (2016) a participé, il est possible que nos pleurs servent de signal manifeste sur notre état de vulnérabilité. Nos larmes seraient normalement interprétées comme un biomarqueur favorisant en réaction la protection d’autrui. Cette hypothèse déjà formulée par Gelstein (2011) et vérifiée par Sobel (2017) aurait même une autre influence entre adultes : une diminution de la libido masculine ayant été observée lorsqu’une femme pleure. Un signal chimique volatil provoquerait ainsi une diminution de l’excitation sexuelle chez l’homme et une baisse de la production de testostérone. Même si cela n’a pas été encore l’objet de recherches on peut se demander si les larmes des tout-petits ne possèderaient pas également un signal chimique volatil. Pour revenir à nos réactions face aux pleurs des tout-petits, tant internes qu’externes, les observations communes que l’on peut en faire semblent illustrer ce que Schore (2003) appelait « un 8 Page 8 of 25

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Soi dysrégulé en interaction avec un autre, désaccordé ». Autrement dit, nos réactions négatives aux pleurs d’un tout-petit sont bien souvent un indicateur de l’absence de régulation sécurisante à laquelle nous avons dû faire face enfant. L’hypersensibilité et le désarroi (voire la colère) des adultes reflètent l’inflexibilité à laquelle nous avons dû faire face, soit par des comportements cherchant à réprimer nos pleurs, soit par des comportements abandonniques ne s’en souciant pas. En somme, le stress et les émotions dont nous aurions dû normalement été libérés, ne l’ayant pas été, ressurgissent d’autant plus fortement sous la forme de ressentis désagréables aussi bien physiques que psychiques. Ces retombées s’observent de la même manière entre deux tout-petits face à face quand l’un pleure et que l’autre semble se mettre automatiquement à pleurer. Cette situation a malheureusement été interprétée à tort depuis longtemps comme une preuve de la nondifférenciation psychique d’un bébé. En réalité, un bébé qui a pleuré à satiété dans les bras réconfortants d’un adulte ne pleurera pas face à un autre bébé en pleurs. Par contre, celui qui voit habituellement ses pleurs réprimés verra automatiquement son besoin de pleurs réprimés réactivé. Peut-être parce que ces pleurs entendus sont compris comme une autorisation de pleurer ?

4. Répression des pleurs du tout-petit : des « douces violences » aux maltraitances habituelles

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Face à ces ressentis débordants provoqués par les pleurs des tout-petits, une majorité d’adultes préfèrent le plus rapidement possible stopper cette effervescence douloureuse qui est la leur. Un livre au titre évocateur comme « Ne pleure plus bébé ! » existe précisément sur ce sujet, son auteur Didierjean-Jouveau (2008) partant du principe qu’ « un bébé n’a pas besoin de pleurer » ; mais sans jamais vraiment chercher à comprendre le pourquoi de l’existence des pleurs… Finalement, ce n’est donc pas tant les pleurs qui gênent les adultes que leurs propres ressentis. Leur degré d’engagement, en réalité de désengagement, sur un plan interrelationnel s’en ressent très vite, parfois quasi immédiatement, par les tentatives de faire taire aussi vite que possible ces pleurs. A ce stade, l’imagination humaine est sans limite, depuis le rituel des comptines, des bercements, l’usage de la nourriture, d’une tablette… En somme, chaque fois que l’utilisation d’un objet ou d’un comportement est détournée de sa fonction initiale pour devenir un objet consolateur. Ceux qui prônent un contrôle des pleurs le justifient bien souvent en considérant qu’il s’agit de simples caprices, d’une mauvaise habitude. Ces représentations héritées du XIXème siècle sont celles qui peuvent aboutir aux violences psychologiques comme aux violences physiques les plus brutales. Ces personnes expriment assez facilement une réelle colère, quitte à humilier ou frapper un toutpetit de quelques mois ou à l’abandonner seul face à ses pleurs. Ce point de vue est le plus communément associé à la volonté de l’adulte de ne pas céder ou de laisser le bébé se consoler tout seul. Encore récemment plusieurs études emblématiques (Gradisar, 2016), en particulier celle parue dans Pediatrics en 2012 (Price), sont venues bien curieusement valider une des formes de négligences les plus répandue, à savoir laisser pleurer un bébé la nuit sans intervenir jusqu’à l’arrêt des pleurs. Une méthode que les anglo-saxons nomment « Cry It Out » ou « CIO », à comprendre « Laissez Le Pleurer », le out s’entendant jusqu’à épuisement... Les résultats obtenus omettent totalement de décrire le vécu de détresse prolongée de ces bébés. De surcroît, si les résultats de ces études se veulent rassurants sur le devenir de ces enfants, les biais méthodologiques et les fautes déontologiques à leur lecture sont nombreuses. Par exemple, comme s’interrogent Narvaez (2013, 2014) ou Blunden (2016), comment est-il possible éthiquement de pousser des parents à adopter les choix des chercheurs plutôt que de les former à reconnaître les besoins de leur bébé ? On comprend

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mieux la vague montante d’universitaires et de spécialistes indignés face à ces recherches (Winder, 2019).

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5. Impacts traumatiques relationnels précoces

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Dans ce schéma de répression des pleurs, un tout-petit perçoit immédiatement combien ses pleurs peuvent désorganiser son entourage, de jour comme de nuit. Effectivement, ces réveils nocturnes en pleurs sont un facteur de risque majeur de dépression maternelle à ne pas sous-estimer (Esposito, 2017). Mais, ce modèle comportementaliste de gestion des pleurs du nourrisson risque de s’en ressentir dans le temps en forgeant progressivement des ruptures dans la qualité du lien d’attachement. En outre, nous avons pu remarquer qu’une majorité des pleurs pendant la nuit correspondent en réalité à des pleurs en journée n’ayant pu être libérés en raison des mécanismes de contrôle ou d’autocontrôle qui les stoppent (Binet, 2013, 2014). A l’inverse, plus un tout-petit a la possibilité d’avoir un accompagnement bienveillant de ses pleurs en journée, avec une réponse adaptée à son instinct de refuge avec un portage inconditionnel, moins il pleurera la nuit. Plus globalement, on s’aperçoit que dans l’incapacité de pleurer en journée, les tout-petits vont donc avoir tendance à souffrir d’un sommeil amoindri par leur stress, entrecoupé de pleurs, avec donc un besoin supplémentaire de sommeil en journée (Solter, 2015). Tandis que les tout-petits pleurant à satiété profitent de cycles de sommeil plus complets avec des temps de siestes en journée beaucoup moins fréquents.

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Comme l’a indiqué Tursz (2010) dans son étude sur les cas de morts non accidentelles avant l’âge d’un an, les bébés sont les victimes de maltraitances les plus gravement atteintes et les plus nombreuses avant l’âge de 18 ans. Tandis qu’on ne constate pas plus de 0,0 à 0 ,1 /00 000 décès par homicide, ce chiffre peut être multiplié par 3 à 7 pour les moins d’un an. Là aussi, le facteur déclenchant de ces violences, les pleurs, semble passer au second plan en étant totalement ignoré ; comme dans les campagnes actuelles de prévention du syndrome du bébé secoué en France (HAS, 2017). Pourtant, nous savons en matière de santé publique que cette population est la plus fragile… Comment expliquer alors que les professionnels de santé continuent de ne pas être formés à ce sujet ? Comment comprendre un tel déni de la réalité ? L’immaturité cérébrale des tout-petits, en particulier sur le plan de leur régulation émotionnelle, les rend vulnérables corticalement et sous-corticalement face à leurs figures d’attachement. Chaque adulte prenant soin régulièrement d’eux leur sert d’auxiliaire cérébral. Les conséquences structurales de cette dépendance sur le système nerveux sont considérables sur le plan du développement infantile mois après mois, en particulier dans les domaines du développement affectif et social. Trevarthen (1993) a même vu l’émergence du Soi dans cette communication intersubjective pendant les premiers mois. Seulement si, serions-nous tentés de rajouter, les adultes arrivent à s’ajuster en réalisant combien la qualité des relations affectives, sécurisantes, sont importantes lorsque, en détresse, un tout-petit active son système d’attachement par ses pleurs. Dans le cas où, quand il pleure, un tout-petit intègre de façon répétée cette absence d’ajustement, il se trouve face à l’effet le plus important des traumatismes précoces et de la négligence émotionnelle. Celle que van der Kolk (1994) a décrit sous le terme de « perte de la capacité à réguler l’intensité des affects ». Ces impacts traumatiques, tels que nous les avons résumés dans le tableau ci-dessous, correspondent à une forme de quinté perdant. Car, sans pouvoir pleurer dans une 10 Page 10 of 25

relation d’attachement empathique, un tout-petit vit un surcroît de stress et d’anxiété et risque ensuite de traverser des états internes maillant culpabilité, honte, embarras pour, in fine, constituer un modèle d’interactions qu’il ne pourra pas de lui-même inverser à la génération suivante. EMPLACEMENT FIGURE 2 Figure n°2 – Conséquences psychologiques des mécanismes de répression des pleurs

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Pour le dire autrement, dans un contexte interpersonnel et intrapersonnel où un tout-petit se retrouve seul face à ses pleurs, les conséquences de cette situation entraînent une série d’engrammes négatifs (Veldman, 1989 ; Revardel, 2007). Cette notion ne renvoie pas spécifiquement à une mémoire ou à un souvenir. Dans la perspective phénoménologique de l’haptonomie, science de l’affectivité, l’engramme dépasse en intensité la sensation ou l’impression, elle est une empreinte ayant une valeur et une portée existentielle. Plus grave, si elles se répètent régulièrement comme c’est généralement le cas, ces formes anxiogènes de répression des pleurs génèrent une anticipation itérative qui amène les tout-petits à développer leur propres mécanismes d’auto-contrôle (ou de contrôle sur les pleurs des autres tout-petits) et à les mettre en scène. On peut ainsi voir en crèches des bébés de quelques mois se déplaçant encore uniquement à quatre pattes pour mettre une tétine dans la bouche d’un de leur pair en pleurs… Les différentes formes de répression des pleurs sont un parfait exemple où l’on peut percevoir que le traitement de l’information (pleurs) chez un tout-petit va aboutir très précocement à une attitude en résonnance avec celle observée chez des figures d’attachement (parent ou professionnel de la petite enfance). Malheureusement, plus l’attitude de l’adulte sera dysrégulée plus celle du bébé le sera aussi. On peut voir également ce processus d’incorporation pathologique avec d’autres bébés venant taper celui qui pleure…

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En somme, par sa répétitivité, l’absence de réponses adaptées aux divers états émotionnels, corporels et affectifs associés aux pleurs, crée une zone de convergence aboutissant à une fragilisation des premières représentations de Soi. Cette impossibilité de trouver une réponse qui puisse moduler l’intensité et la durée des affects risque d’augmenter des états indifférenciés et chaotiques mêlant honte, rage, dégoût, culpabilité et désespoir. Ces transactions émotionnelles préverbales sans réponses adaptées induisent nécessairement une désorganisation précoce d’une fonction psychique importante, l’empathie. A la place, l’effroi traumatique de voir une figure d’attachement se détourner de soi, l’angoisse de se retrouver seul face à sa détresse, consécutifs à ces formes de répression des pleurs font visiblement plonger le tout-petit dans une passivité anéantissante qui le submerge. Cette apparente passivité n’est pas sans rappeler la rétroactivation négative de type figement théorisée par Porges (1995), décrite dans sa théorie polyvagale sous le terme d’activation du système vagal parasympathique-dorsal. Mis dans l’incapacité de réguler de façon adéquate ses états internes dès le début de la vie, des séquelles persistent toute la vie dont on peut souligner les retentissements comme la gravité. Comme le dit le titre du dernier livre de Van der Kolk (2014) traduit en français par « le corps n’oublie rien »… Cette spirale interactive pathogène est résumée dans le schéma ci-dessous détaillant le système de réponse parentale dissociante face aux pleurs d’un tout-petit :

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EMPLACEMENT FIGURE 3 Figure n°3 – Système de réponse parentale dissociante lors de la répression des pleurs

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Poussant plus loin cette réflexion, on peut émettre l’hypothèse que l’accompagnement des pleurs proximal et affectivement investis - a contrario l’absence d’empathie ou d’accompagnement des adultes - a un impact sur le système cérébral, psychique et corporel en particulier pendant l’ontogénie cérébrale qui caractérise la petite enfance. Ces accompagnements bienveillants - ou défensifs - des pleurs renforcent - ou pas - le sentiment d’existence, celui d’être accepté et aimé de façon inconditionnelle.

6. Psychopathogénèse de la dissociation et alliance thérapeutique

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D’après Malatesta-Magai (1991), suite à une expérience négative, qu’un tout-petit puisse vivre une expérience positive (consolation sans répression) lui apprend progressivement que « la négativité peut être supportée et surmontée » en étant entouré. De façon répétée, l’enfant apprend par la même occasion qu’en situation de détresse il pourra toujours compter sur ses proches. Ces représentations semblent conservées dans l’hémisphère droit en pleine maturation (survenant avant celle de l’hémisphère gauche) qui devient après la petite enfance, notamment à l’âge adulte, dominant pour le traitement de l’information émotionnelle (Gainotti, 2019). Mais ce scenario idéal ne correspond pas aux impacts traumatiques des mécanismes de répression, de contrôle ou d’autocontrôle, des pleurs qui ont plutôt tendance à désorganiser le Soi du tout-petit en plein développement. Cette thèse nous amène, du moins au niveau phénoménologique, à relier des phénomènes pathologiques précoces à la lumière de phénomènes pathologiques à l’âge adulte, et vice-versa. S’intéressant aux vécus des nourrissons, cette thèse soulève également des questionnements sur les différentes théories explicatives permettant d’accéder à la psychopathologie du tout-petit en particulier quand il s’agit d’y trouver une continuité à l’âge adulte. Mr N, la soixantaine, reprend un travail de psychothérapie après déjà deux tranches de psychanalyse sur une quinzaine d’années. Une expérience particulièrement traumatisante caractérise l’interruption de sa première analyse. Manifestement en pleine névrose de transfert, il découvre - après une période dite de vacances de son analyste - un avis de décès sur la porte de ce dernier. Il décrit combien à ce moment-là, dans l’incapacité de pleurer (depuis sa plus tendre enfance), il se replie sur lui et déclenche en moins de 24 heures un zona ophtalmique. Ainsi, dans le cas où un tout-petit reste dans un état de stress important sans pouvoir trouver un réel réconfort avec son entourage, le tout-petit tend à anticiper cette absence de régulation surtout lorsqu’elle recommence souvent. Seul face à lui-même dans sa détresse, par exemple la nuit en pleurs sans que l’on vienne prendre soin de lui, cette puissance désorganisatrice traumatique semble jouer un rôle essentiel à prendre en compte dans le développement de mécanismes de défense, en particulier les tendances à la compulsion de répétition. Comme l’a conceptualisée S.Freud (1920), cette forme d’envahissement psychique est significativement corrélée à une origine traumatique. Dans le cas présent, les tout-petits ont une tendance à revivre en continu les souffrances antérieures en les répétant à l’infini, avec l’usage d’une tétine par exemple. Cette perspective nous interroge 12 Page 12 of 25

quant à une modalité explicative possible de l’usage de conduites auto-calmantes, le plus souvent matérielles (cigarette, drogue, etc.), à l’adolescence et à l’âge adulte. Mme S., au cours de sa thérapie, décide à un moment de grand progrès de se sevrer de son traitement antidépresseur et d’arrêter de fumer. Cet arrêt du tabac se traduit par plusieurs semaines de pleurs quotidiens sans qu’elle trouve des raisons rationnelles. Le moindre stress, la moindre contrariété la font pleurer. Elle semble alors découvrir une réactivité aux stimuli de son environnement qui lui échappait jusque-là. A travers ces vignettes brièvement exposées, on peut se demander si une influence pathologique héritée de la petite enfance se retrouve lorsqu’un adulte perpétue inlassablement une douloureuse répétition (Fréjaville, 2012) : celle de ne pouvoir être soulagé, aidé par un autre humain.

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Les effets iatrogènes des différentes formes de contrôle des pleurs nécessitent donc l’apparition de stratégies d’autorégulation émotionnelle pour contrôler, limiter, minimiser des affects encore plus difficiles à tolérer que Cole (1994) a décrit chez le tout-petit comme caractéristiques d’une forme de dissociation. En effet, si les mécanismes de répression se reproduisent, le risque est grand que les états dissociatifs se structurent progressivement sous des formes de retrait, cela sur des durées de plus en plus importantes. Si la dissociation devient une stratégie de régulation préférentielle c’est avant tout parce qu’elle permet d’inhiber quasiment instantanément douleur physique et émotionnelle. Selon Siegel (1996), une telle rupture de communication émotionnelle avec des figures d’attachement est conservée dans la mémoire implicite, procédurale et risque d’augmenter le recours ultérieur à la dissociation.

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Mais cette description nous semble en réalité une vision adultomorphique du trouble dissociatif. Pendant la petite enfance, nous émettons l’hypothèse alternative que la dissociation peut d’abord se comprendre comme une forme d’absorption externe et pas seulement comme une réaction interne adaptative. Ces deux phénomènes n’étant pas exclusifs l’un de l’autre, nous émettons l’hypothèse de la primauté de l’expérience interactive précoce dans les processus de développement de la dissociation. Putman (1997) affirmait que « la dissociation est la fuite quand il n’y a pas de fuite ». Nous partons plutôt de l’hypothèse que plus un tout-petit est dans une demande intense et frénétique de régulation et plus l’adulte s’y soustrait - comme si de rien n’était -, plus le tout-petit va réagir par mimétisme : si l’autre se coupe de moi - l’autre étant déjà coupé de lui-même - je me coupe de moimême. Autrement dit, si un adulte n’a pas la capacité de tolérer ce niveau de stress autrement qu’en se dissociant, le tout-petit s’accorde dans l’interaction car il n’a pas d’autre solution psychobiologiquement que de se mettre à la merci de l’adulte. Il serait intéressant dans des études ultérieures d’envisager comment les neurones fuseaux (et les neurones miroirs) facilitent cette forme de contamination psychique. Cette hypothèse d’incorporation dissociative rejoint le point de vue de Robins (1994) considérant que les tout-petits encodent comme expériences traumatiques précoces le fait d’avoir été utilisés en tant « qu’écran de projection pour des parties répudiées de l’identité parentale, plutôt que d’avoir eu un parent qui puisse agir en tant que miroir pour l’intégration et la différenciation des aspects naissants du Soi ». En somme, notre proposition change le paradigme le plus répandu qui considère la dissociation comme un mécanisme intrapsychique, un mécanisme de défense, en indiquant clairement le processus bidirectionnel et interactif que nous décrivons dans la composante interpersonnelle dyadique fréquente dans les cas de répression des pleurs d’un toutpetit. Cette influence dissociante dyadique héritée de la petite enfance peut, dans le sens où l’expose également Nijenhuis (2015, 2017), continuer à émerger tout au long de notre développement, même à l’âge adulte, et naturellement se transmettre de génération en génération. C’est la raison pour 13 Page 13 of 25

laquelle une régulation empathique d’un thérapeute face aux pleurs d’un patient peut tout autant contribuer à limiter la dysrégulation initiale comme le recours à la dissociation. Mais, dans certains cas, cette prise en compte n’est pas automatique et ne se réalise pas sans difficulté sur un plan transférentiel et contre-transférentiel. En psychothérapie, la place des pleurs mérite d’être réévaluée en raison de leurs impacts dans les relations transférentio-contre-transférentielles. En effet, ces stratégies de régulation semblent fortement sollicitées sur un plan clinique (Schore, 2014). Pour le dire autrement, la prise en compte ou non - des pleurs est une composante primordiale de l’alliance thérapeutique. De nombreux patients pris dans des mécanismes de répression des pleurs dans leur prime enfance s’attendent (plus ou moins inconsciemment) à ce que leur thérapeute enraye pareillement leurs pleurs sur un mode défensif, plutôt qu’il les contiennent empathiquement.

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En pleine séance, Mme R en pleurs s’arrête brutalement, comme agacée, « Pourquoi je pleure ? ». Cette forme de rationalisation nous semble corroborée à un mécanisme de répression bien connu pendant la petite enfance quand un tout-petit en âge de parler s’entend dire, « Maintenant tu sais parler, alors arrête de pleurer et dis-moi pourquoi tu pleures ? ». Dans la suite de ses associations, Mme R fera le lien avec une tristesse enfantine qui l’ « étouffe encore » et avec ses premières crises d’asthme la nuit lorsqu’elle s’empêchait de pleurer pour ne pas alerter sa mère trop fragile à cette époque. La perpétuation d’un mécanisme de contrôle devenu un auto-contrôle peut s’observer avec un toutpetit en pleurs qui tend ses bras pour être dans ceux d’un adulte. Sauf qu’en réalité, nous partons du postulat que le bébé rejoue dans la plupart des cas un schéma de répression des pleurs, devenue autorépression. C’est un parfait exemple de compulsion de répétition car il se tait généralement quasi immédiatement une fois dans les bras. Effectivement, la tendance première d’un adulte sera de vouloir le calmer avec force chut. En se taisant immédiatement, il répond à l’attente de l’adulte déjà maintes fois éprouvée en anticipant une consolation qui cherche à stopper ses pleurs. Evidemment, en étant reposé au sol, il se remet à pleurer de plus belle… Par contre, prendre un bébé ainsi habitué à se taire dans le bras d’un adulte en lui signifiant clairement qu’il a le droit de pleurer dans nos bras se traduit, en apparence, par une expression explosive en cherchant à se dégager de nos bras. Ce phénomène va s’observer pareillement en psychothérapie, cette fois-ci avec l’alternative que le patient rompt cette relation thérapeutique. Là aussi, le genre du thérapeute rentre aussi en ligne de compte, les parents du patient ayant pu adopter des styles très différents de gestion des pleurs… Nous soutenons que l’effet synergique entre ces deux situations est identique, dans les deux cas bébé et patient interprètent l’empathie dans l’interaction comme une manœuvre allant à l’encontre du modèle sur lequel ils se sont développés. Ces effets non thérapeutiques peuvent instantanément déborder l’un comme l’autre et les sortir de force de cette hypoactivité qui caractérise généralement un semblant de consolation derrière un recours à la dissociation. Cette foisci l’hypoactivité peut laisser place à une hyperactivation ayant conservé toutes les tensions et émotions non résolues jusque-là. La résonnance empathique des pleurs d’un patient adulte sur un thérapeute, a priori adaptée, peut donc paradoxalement entraîner une destabilisation supplémentaire du patient n’étant pas habitué à une telle attention ou acceptation de l’autre face à sa détresse. Il n’est pas impossible que ce décalage soit à l’origine de rupture du lien thérapeutique dès les premières rencontres. Cet état de réceptivité du thérapeute peut à la fois réveiller le manque correspondant pendant l’enfance (avec la colère, la peur ou la tristesse supplémentaires) comme des sentiments plus complexes d’ambivalence, de conflit de loyauté ; en particulier pour des personnes ayant idéalisé leur enfance et 14 Page 14 of 25

leurs parents malgré leur détresse évidente. En somme, la présence bienveillante du thérapeute peut menacer le schéma pathologique d’isolement dans la souffrance intégré au cours de la petite enfance.

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Paradoxalement, ce n’est donc pas nécessairement la fonction contenante du thérapeute qui s’avère en soi primordiale, mais celle requise qu’il a de s’assurer de la capacité du patient à supporter cette contenance bienveillante. Sans ce passage par une auto-observation on peut assister à l’intensification d’une dysrégulation interactive sans que le thérapeute (et le patient également) comprennent ce qui se passe. L’expression d’une détresse en pleurant va ainsi souvent être ressentie a minima avec de la culpabilité. Ce patient peut alors s’attendre à un comportement non-verbal du thérapeute associé à une gêne, à une rationalisation renouvelant des propos entendus pendant leur petite enfance sur le modèle évoqué plus haut : « Vous savez maintenant parler, arrêtez de pleurer et dites ce qui ne va pas » ou « Pourquoi pleurez-vous ? ». L’un des exemples les plus courants étant l’évitement du regard lorsque la personne pleure ; évitement qui peut se retrouver involontairement chez le thérapeute sous la forme d’une cécité défensive... Malheureusement ce type de réponse ne permet pas au patient d’obtenir une clé de son auto-régulation, ni d’accéder à un état affectif positif ; elle s’apparente plus à une forme de dissociation mise en acte de façon contre-transférentielle. Or il ne fait aucun doute, suivant l’avis de Bowlby repris par Knapp (1992) que « La régulation optimale est le but de la maturation incluant la maturation thérapeutique. La dysrégulation est la cible thérapeutique ». A la place d’un réel réconfort vécu, cette relation patient-thérapeute fait plus figure de continuité dans le désaccordage interactif parent-enfant.

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Mais là se pose aussi la délicate question de la capacité du soignant à supporter les pleurs et à ne pas rompre le contact quand il se sent menacé par l’état d’un patient comme cela nous est fréquemment rapporté lors de supervisions de collègues thérapeutes. Car si des expériences affectives désorganisatrices ont pu fragiliser des patients, c’est aussi le cas des thérapeutes qui ne sont pas immunisés par leurs formations, ni nécessairement par une psychothérapie personnelle qui aurait laissé leur petite enfance dans une zone aveugle. Or ne négligeons pas qu’un patient qui pleure face à nous va, que nous le voulions ou non, réactiver nos expériences d’attachement précoces. De là l’importance d’explorer l’impact que les pleurs de nos patients produisent sur nous en le distinguant de la demande réelle du patient en face de nous. A défaut de se faire, la reviviscence de notre passé dans le présent peut s’organiser et se confondre dans un transfert et un contre-transfert pathogènes. Les principes précédemment esquissés pendant la petite enfance s’appliquent donc aux adultes, en particulier dans la perspective d’une alliance thérapeutique optimale. Le plus souvent, une approche psychopédagogique sur les bénéfices des pleurs et l’importance de pouvoir pleurer en étant accompagné s’avère indispensable. Elle permet alors à des personnes de réfléchir à leurs états émotionnels internes (comme ceux des autres). Et, à la lumière des informations que nous apportent maintenant les neurosciences affectives (DelVecchio Good, 2013 ; Gueguen, 2014), cette psychopédagogie nous aide alors à poser un nouveau regard sur leurs émotions, sur les moyens de les réguler sans retourner dans des schémas dysfonctionnels. Nous partons même de l’hypothèse que dans les cas de troubles dissociatifs sévères l’une des modalités thérapeutiques d’un traitement réussi passe par un nouvel apprentissage émotionnel interpersonnel où la thérapeute va garantir au patient l’expérience de pleurer en toute sécurité et toute bienveillance. Non plus en étant submergé et évitant, mais en assurant cette fonction parentale régulatrice qui a tant manqué pendant la petite enfance.

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7. Synthèse et conclusion Nos représentations sur les pleurs des tout-petits n’ont quasiment pas changé depuis près de deux siècles. Combien de professionnels savent accompagner les parents face aux pleurs du soir des 3 premiers mois touchant presque un tiers des nouveau-nés ? Aujourd’hui guère mieux qu’il y a 30 ou 40 ans. En effet, les soignants continuent de les appeler des coliques du nouveau-né alors même qu’aucun lien n’a été médicalement prouvé avec une inflammation du colon dans plus de 90% des cas (Binet, 2007). De même, face aux spasmes du sanglot, comment est-il encore possible que des soignants disent à des parents de les ignorer ou de jeter un verre d’eau à la tête de l’enfant alors que la corrélation psychopathologique sous-jacente ne fait aucun doute (Binet, 2013).

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Il est maintenant possible de sortir de cette ignorance, de ces failles empathiques et de contribuer à de nouveaux modèles bienveillants de compréhension et d’accompagnement des pleurs. Ces nouvelles réflexions par essence interdisciplinaires sur la nature comme la fonction des pleurs nous en apprennent chaque jour davantage sur les traumatisations relationnelles au cours de la petite enfance. Encore jamais envisagées aussi précocement, elles ouvrent des perspectives prophylactiques de la régulation émotionnelle et du renforcement du lien d’attachement comme du développement psychoneurobiologique global. Cependant, ces postulats restent non empiriques et demeurent associés à un modèle heuristique, une approche phénoménologique, portant à la fois sur la petite enfance et la continuité de ces phénomènes psychologiques tout au long de la vie. La diversité des perspectives épistémologiques s’avère alors indispensable pour mieux comprendre, tour à tour, l’évolution de phénomènes et d’expériences vécues à un âge de la prime enfance - où il est particulièrement difficile d’accéder de façon empirique - jusqu’à une psychopathologie intervenant à l’âge adulte (Speranza, 2010). C’est particulièrement le cas de l’utilisation qui peut être faite des différentes terminologies employées au sujet des phénomènes dissociatifs, lesquels demeurent encore un champ à investiguer au cours de la petite enfance.

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Ce faisant, la compréhension approfondie des mécanismes de répression des pleurs pendant la petite enfance nécessite encore d’autres recherches pour enrichir notre connaissance de la genèse des troubles dissociatifs. En effet, il ne fait plus aucun doute que les expériences précoces de non prise en compte des états de détresse influencent le fonctionnement psychologique émergeant, quitte à organiser une traumatisation complexe plus structurale pendant la suite de l’enfance (Solomon et Heide, 1999). Mais ce n’est pas tant l’impuissance et le désespoir qui forgent une forme de dissociation précoce ou une compulsion à la répétition ; Même si, selon Ogawa (1997), les traumatismes précoces ont un impact plus important sur le développement des comportements dissociatifs que les traumatismes plus tardifs. Nous partons plutôt du postulat que cette émergence dissociative chez l’infans est surtout le résultat d’un phénomène d’imprégnation dissociante de l’adulte beaucoup plus vaste. Dans ce cas, la dissociation précoce n’est pas à proprement parler un évitement ; elle illustre plus une forme d’assimilation de l’évitement de l’adulte face à l’état de stress que représente le toutpetit. Evitement que Rusconi-Serpa et son équipe (2015) ont été particulièrement bien mis en évidence avec des phénomènes bidirectionnels chez des mères atteintes d’ESPT. Cette relation expliquerait aussi pourquoi les sujets exposés à des traumatisations précoces - a priori avec des adultes particulièrement dissociés - auront plus tendance à un âge plus avancé d’avoir recours à la dissociation en cas de stress (Siegel, 1996). En somme, ce serait la perspective d’une dysrégulation imminente répétée, elle-même dissociante, qui aboutirait à

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l’émergence de processus dissociatifs plus structurés tels que nous pouvons les observer chez l’adulte

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Naturellement, tout travail psychothérapique sur des mécanismes dissociatifs tend à réactualiser ces traumatismes relationnels précoces avec tous les enjeux transférentiels et contre-transférentiels dépendants d’interactions liées à cet attachement insécure. Face à ce stress interactif, il appartient au monde interne du thérapeute de ne pas renforcer cette puissance gravitationnelle mais d’offrir ce que Tronick (2011) appelait une « réparation interactive » en transformant une émotion négative en émotion positive. Il convient alors que le thérapeute arrive à contenir les attentes défensives engrammées chez son patient, sans entrer en résonance avec elles, en étant capable de les tolérer comme on peut le faire face aux pleurs. Les pleurs sont l’occasion d’un apprentissage vicariant unique de les accueillir de façon empathique et pour un patient de développer en retour sa capacité à tolérer et à réagir de façon appropriée à sa propre détresse en n’étant plus seul. L’accueil bienveillant des pleurs, acceptés de part et d’autre, devient alors dans la dyade thérapeutique un levier essentiel à l’alliance thérapeutique.

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Figure n°1 – Différents besoins reliés à l’émergence des pleurs

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CONSEQUENCES PSYCHOLOGIQUES DES MECANISMES DE REPRESSION DES PLEURS

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TRAUMATISME RELATIONNEL PRECOCE : (Perte de la capacité à réguler l’intensité et la durée des affects)

1. Refoulement de l’anxiété et accroissement du stress 2. Première forme de Culpabilité (préverbale) : déclenchée par le sentiment de transgresser sociale concernant autrui. 3. Honte : déclenchée par la transgression d’une aspiration ou d’un idéal (= fuite du regard +++) « Les attentes déçues ont été associées aux expériences de honte » Wurmser L. (1981) “The mask of shame”, Johns Hopkins University Press 4. Embarras : déclenchée par la transgression d’une convention (ne pas extérioriser bruyamment ses émotions) = effets néfastes sur les relations sociales = « Il FAUT faire bonne figure » -

5. Répétition transgénérationnelle par la reproduction de schémas pathogéniques de

une norme

dysrégulation

Figure n°2 – Conséquences psychologiques des mécanismes de répression des pleurs

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Figure n°3 – Système de réponse parentale dissociante lors de la répression des pleurs

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