Surveillance après traitement des cancers thyroïdiens différenciés

Surveillance après traitement des cancers thyroïdiens différenciés

Article original Ann Chir 2000 ; 125 : 856-60 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394400000080/FLA Su...

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Article original

Ann Chir 2000 ; 125 : 856-60 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394400000080/FLA

Surveillance après traitement des cancers thyroïdiens différenciés D. Mellière1*, D. Berrahal1, E. Hindie2, C. Jeanguillaume2, J.P. Becquemin1, F. Lange3 1

Service de chirurgie vasculaire et endocrinienne, CHU Henri-Mondor, 94010 Créteil, France ; 2service de médecine nucléaire, CHU Henri-Mondor, 94010 Créteil, France ; 3service d’anatomie pathologique, CHU Henri-Mondor, 94010 Créteil, France

RE´SUME´ But de l’étude : Le pronostic des cancers thyroïdiens différenciés dépend principalement de la qualité du traitement initial, et ensuite de la précocité du dépistage et du traitement d’éventuelles récidives. Ce travail rétrospectif avait pour but d’étudier les modalités et la durée de la surveillance en tenant compte d’une classification originale reposant sur l’extension initiale du cancer. Patients et méthode : Les modalités de dépistage des récidives locales ou métastatiques et la date de survenue des récidives les plus tardives ont été étudiées dans une série de 509 patients opérés et suivis en moyenne pendant 8,2 ans (extrêmes : 1–25 ans). La plupart avaient eu une thyroïdectomie totale suivie d’une dose thérapeutique de radio-iode ; certains ayant un petit cancer unilatéral et sans métastase avaient eu une thyroïdectomie partielle sans radio-iode. La classification en quatre groupes a été établie au 7e mois après scintigraphie de contrôle et dosage de thyroglobuline en sevrage : groupe I : microcancers (n = 117), groupe II : cancers sans extension ganglionnaire ni métastase avec thyroglobuline normale (subdivisé en IIA, âge inférieur à 45 ans, [n = 100] et IIB, âge supérieur à 45 ans, [n = 94]), groupe III : cancers avec extension ganglionnaire et thyroglobuline normale (n = 102), groupe IV : cancers à haut risque, avec métastases ou extension régionale autre que ganglionnaire ou thyroglobuline supérieure à 3 µg/L (n = 96). Résultats : Les taux actuariels de survie cancer–dépendante pour les groupes I, IIA, IIB, III et IV à dix ans ont été respectivement de 100 %, 100 %, 96 %, 100 % et 73 %, et à 15 ans, de 100 %, 100 %, 92 %, 100 % et 68 %. Des récidives locales ou métastatiques ont pu être révélées par un des examens de surveillance suivants alors que les autres étaient négatifs : palpation cervicale, dosage de thyroglobuline, scintigraphie avec I* 5 mCi, radiographie pulmonaire. Les récidives les plus tardives ont été observées Reçu le 10 mai 2000 ; accepté le 19 juillet 2000. * Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (D. Mellière).

à 12 ans dans les groupes I et IIA et 16 ans dans les groupes IIB, III et IV à thyroglobuline normalisée. Conclusion : Ce travail confirme l’importance du dosage de thyroglobuline en sevrage et des scintigraphies, qui doivent être répétés tous les cinq ans chez les patients en rémission apparente, durant la période de surveillance ; de plus, la palpation cervicale, le dosage de thyroglobuline sans sevrage et la radiographie pulmonaire peuvent détecter des récidives. La durée de surveillance doit être adaptée à l’extension initiale et à l’évolution : 15 ans pour les groupes I et IIA, 20 ans pour les groupes IIB, III et IV à thyroglobuline normalisée, dix ans au moins après chaque récidive, à vie en cas d’évolution ou de thyroglobuline restant supérieure à 3 µg/L. Les patients doivent être informés de la durée de la surveillance au 7e mois quand une classification définitive peut être réalisée et la continuité de cette surveillance devrait être contrôlée dans un registre spécifique. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancers thyroïdiens différenciés traitement / surveillance

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évolution

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ABSTRACT Post-treatment follow-up of differentiated thyroid cancer. The prognosis of differentiated thyroid carcinoma mainly depends on the quality of the initial treatment and on early detection and management of any recurrences. Study aim: The aim of this retrospective study was to assess the modalities and duration of surveillance in these patients according to an original classification based on the initial extent of the tumour. Patients and method: The modalities of detection of local recurrences and metastases and the date of the latest recurrences were assessed in a series of 509 patients with a mean follow-up of 8.2 years (range: 1 to 25 years). Most patients were treated by total thyroidectomy, followed by a therapeutic dose of radioactive iodine. The other patients

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with a small localized carcinoma underwent partial thyroidectomy without radioactive iodine. Patients were divided into four groups on the 7th postoperative month after follow-up scintigraphy and thyroglobulin assay: group I: microcancers (n = 117), group II: cancer without lymph node involvement or metastasis and normal thyroglobulin divided into IIA, age < 45 years (n = 100) and IIB, age > 45 (n = 94), group III: cancer with lymph node involvement and normal thyroglobulin (n = 102), group IV: high-risk cancers with metastases or regional extension other than lymph node extension or thyroglobulin > 3 µg/L (n = 96). Results: Cancer-dependent actuarial survival rates for groups I, IIA, IIB, III, IV were 100%, 100%, 96%, 100%, and 73% at 10 years and 100%, 100%, 92%, 100%, and 86% at 15 years, respectively. Local or metastatic recurrences were sometimes detected by a single follow-up examination, while the other examinations were negative: cervical palpation, thyroglobulin assay, iodine scintigraphy, chest X-rays. The latest recurrences were observed at 12 years in groups I and IIA and at 16 years in groups IIB, III, and IV with normal thyroglobulin. Conclusion: This study confirms the importance of weaning thyroglobulin assays and scintigraphy which must be repeated every 5 years. Cervical palpation, thyroglobulin assay without weaning, chest X-rays may also detect recurrences. Duration of follow-up must be adapted to the initial extension and subsequent course: 15 years in groups I and IIA, 20 years in groups IIB, III, and IV with normal thyroglobulin, for at least 10 years after each recurrence, and life-long in the case of progression and thyroglobulin > 3 µg/L. Patients must be informed about the duration of follow-up at the 7th month when the definitive classification can be established and continuity of this follow-up must be documented in a special register. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS differentiated thyroid cancer / outcome / treatment / surveillance

Malgré plusieurs conférences de consensus [1, 2], il n’y a pas encore un accord total sur le traitement des cancers thyroïdiens différenciés opérés (CTDO) et notamment sur les modalités et la durée de la surveillance nécessaire. Comme d’autres, nous avons été impressionnés par la gravité des récidives détectées tardivement chez des patients opérés dans d’autres centres et insuffisamment surveillés [3]. Tantôt l’exérèse complète de ces récidives était impossible, tantôt on pouvait s’interroger sur leur

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survenue et se demander si un traitement initial différent et une meilleure surveillance auraient permis de les éviter ou de les détecter précocement. Dans une étude antérieure, nous avons exposé une classification originale reposant initialement sur l’extension du cancer et établie définitivement au 7e mois pour tenir compte des résultats de l’imagerie et du dosage de thyroglobuline en sevrage chez les patients ayant eu une thyroïdectomie totale complétée par une dose thérapeutique de radio-iode (100 mCi) [4]. Cette étude focalisée sur la surveillance au long cours avait deux objectifs : évaluer comment étaient découvertes les récidives afin de déterminer la nature des explorations nécessaires ; préciser la date de survenue des récidives les plus tardives dans chaque groupe afin de connaître la durée de surveillance nécessaire. PATIENTS ET MÉTHODES L’étude a porté sur 509 CTDO opérés initialement dans le même centre de 1969 à 1995. Les patients opérés plus récemment n’ont pas été inclus afin de disposer d’un recul suffisant. Les protocoles appliqués, les caractéristiques des patients et les résultats ont été décrits précédemment [4]. Ces cancers ont été classés en quatre groupes en deux temps : initialement en tenant compte des constatations opératoires et anatomopathologiques puis définitivement sept mois plus tard en tenant compte des résultats du contrôle isotopique (iode 5 mCi) en cas de thyroïdectomie totale et (à partir de 1981) des dosages de thyroglobuline (Tg) : – groupe I : microcancers (< 1 cm), unifocaux, sans extension ganglionnaire ni métastastique connue et avec Tg < seuil (n = 117) ; – groupe II : cancers > 1 cm sans extension ganglionnaire ni métastatique et avec Tg < seuil (50 µg/L sans sevrage de thyroxine après thyroïdectomie incomplète et 3 µg/L en période de sevrage six mois après thyroïdectomie totale et radio-iode 100 mCi). Ce groupe a été subdivisé en fonction de l’âge, en IIA (patients d’âge inférieur à 45 ans, n = 100) et IIB (patients âgés de 45 ans ou davantage, n = 94) ; – groupe III : cancers avec extension ganglionnaire, y compris lorsqu’il s’agissait d’un microcancer, sans extension tissulaire cervicale autre ou métastatique à distance et avec Tg < seuil, six mois après thyroïdectomie totale et radio-iode 100 mCi (n = 102) ;

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– groupe IV : « cancers à haut risque » définis par des métastases à distance et/ou une extension locale autre que ganglionnaire et/ou une Tg > seuil, six mois après thyroïdectomie totale et radio-iode 100 mCi (n = 96). Le protocole a comporté systématiquement une thyroïdectomie totale sauf pour le groupe I et le groupe IIA à cancer unilatéral qui n’ont eu qu’une thyroïdectomie partielle en l’absence de signes de gravité histologiques (taille de la tumeur > 2 cm, aspect mal différencié, multifocalité, effraction de la capsule thyroïdienne, emboles vasculaires) qui détectés pendant l’intervention conduisaient à totaliser la thyroïdectomie. Concernant les ganglions, chaque fois que le diagnostic de cancer a été affirmé pendant l’intervention, un curage central et jugulocarotidien inférieur (sans agrandissement de la cervicotomie) a été pratiqué ; ce dernier a été examiné en extemporané et en cas d’envahissement, un curage complet de la chaîne jugulocarotidienne a été réalisé ; ce curage a été étendu à la chaîne spinale en cas d’envahissement important. Une dose thérapeutique de radio-iode (100 mCi) a été donnée systématiquement un mois après toute thyroïdectomie totale et son effet a été contrôlé six mois plus tard avec une scintigraphie avec 5 mCi. Chez les patients ayant des fixations, quel que soit leur siège, des doses thérapeutiques ont été répétées tous les six mois dans le but d’obtenir une cartographie blanche. Une radiothérapie externe a précédé l’administration de radioiode lorsque l’exérèse paraissait carcinologiquement insuffisante afin de l’économiser pour l’avenir. L’exérèse chirurgicale des métastases osseuses ou pulmonaires extirpables a été faite systématiquement avec le même objectif. Tous les patients ont été suivis annuellement durant la première décennie puis tous les deux ans. Chez tous, la thyroxine a été prescrite à dose freinatrice. La survie actuarielle cancer– dépendante à cinq, dix et 15 ans est rapportée dans le tableau I. Tableau I. Survie cancer-dépendante de 509 cancers thyroïdiens différenciés opérés. Groupes

5 ans

10 ans

15 ans

I IIA IIB III IV

100 % 100 % 98 % 100 % 86 %

100 % 100 % 96 % 100 % 73 %

100 % 100 % 92 % 100 % 68 %

Dans cette étude, ont été évalués le délai maximum de survenue des récidives vraies c’est-à-dire découvertes chez les patients en rémission apparente et la nature des examens ayant contribué à leur découverte. RÉSULTATS Les récidives vraies et les métastases découvertes au-delà de dix ans ont été rarement observées mais il y en a eu dans tous les groupes. – Groupe I : une seule récidive certaine a été observée, 12 ans après une thyroïdectomie subtotale pour maladie de Basedow ; la pièce contenait un microcarcinome bien limité ; la Tg s’est élevée successivement à 95 puis 144 µg/L. Lors de la réintervention, le reliquat thyroïdien était indemne de malignité et la chaîne jugulocarotidienne gauche était envahie. Cette récidive fut traitée par totalisation chirurgicale de la thyroïdectomie et curage jugulocarotidien suivis de l’administration de trois doses de 100 mCi d’iode 131 jusqu’à obtention d’une cartographie blanche avec Tg inférieure à 3 µg/L. – Groupe IIA : des récidives locales ont été suspectées chez trois patients, dix et 11 ans après des thyroïdectomies totales suivies d’une dose thérapeutique, devant des fixations thyroïdiennes ou ganglionnaires détectées lors des contrôles avec 5 mCi. Elles ont disparu après administration d’une nouvelle dose thérapeutique (100 mCi) et en l’absence d’histologie on ne sait pas s’il s’agissait de récidives tumorales ou de repousses de tissu thyroïdien banal. Lors de leur découverte, la Tg était à 0 chez deux patients et à 8 µg/L chez le 3e. – Groupe IIB : chez une patiente, une fixation cervicale a été observée à 15 ans lors d’une scintigraphie systématique avec 5 mCi alors que la Tg était normale : elle a disparu après administration d’une dose thérapeutique et sa nature reste hypothétique en l’absence d’histologie. – Groupe III : chez un patient, une fixation modérée sus-sternale a été détectée lors d’un contrôle avec 5 mCi à 16 ans alors que la Tg était normale : elle a disparu après l’administration d’une dose thérapeutique. – Groupe IV : en se limitant aux patients en rémission apparente c’est-à-dire avec Tg normalisée après traitement, les récidives ont été rares. Deux patientes ont eu une récidive locale palpable non fixante à

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l’iode ; chez l’une, elle a été découverte deux ans après l’intervention, alors que la Tg était inférieure à 1 µg/L en sevrage, et cette récidive a été traitée par exérèse chirurgicale suivie de radiothérapie externe sans nouvelle récidive locale mais des métastases pulmonaires non fixantes ont été découvertes 12 ans plus tard sur une tomodensitométrie demandée devant la lente réascension de la Tg ; chez l’autre, elle a été découverte à six ans, la Tg étant à 8 µg/L et elle a été traitée de la même façon : des métastases pulmonaires furent détectées sept ans plus tard sur la radiographie pulmonaire sans qu’on sache si elles étaient fixantes, le radio-iode ayant été interrompu en raison de l’âge avancé ; elle en mourut l’année suivante. Chez une autre patiente, une fixation cervicale a été observée à 13 ans qui fut détruite par une dose thérapeutique de radio-iode. Chez une autre, l’ascension de la Tg à 17 puis 22 µg/L en l’absence de sevrage fit pratiquer à 15 ans successivement deux radio-iodes à 5 mCi puis 100 mCi : ce dernier révéla des métastases pulmonaires invisibles avec 5 mCi. Enfin une patiente a eu, au cours de la 14e année, une élévation de la Tg à 249 en sevrage sans fixation à l’iode ; la dose de 100 mCi proposée fut refusée. Au total, des récidives ont été observées dans cette série jusqu’à 12 ans dans les groupes I et IIA et 16 ans dans les groupes IIB, III et IV. Les examens ayant permis leur détection ont été très variables, tous les moyens employés ayant été tour à tour efficaces quand les autres ne l’étaient pas. DISCUSSION Fixer une durée de surveillance optimale est indispensable pour éviter d’encombrer inutilement les consultations ou d’abandonner trop tôt des patients ayant encore un risque de récidive. Nous n’avons pas trouvé de travail concernant spécifiquement ce sujet dans la littérature accessible, mais plusieurs points importants ont été relevés : – tous les auteurs sont actuellement d’accord sur le fait que le risque de récidive cervicale ultérieure est fortement réduit après thyroïdectomie totale alors qu’une thyroïdectomie partielle expose environ un patient sur quatre à une récidive [5-10] ; – l’extension initiale et ensuite le taux de thyroglobuline sont d’excellents indicateurs pronostiques. Le traitement et la surveillance doivent en tenir compte [8, 9] ;

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– si la majorité des récidives et des métastases sont décelées durant les dix premières années, d’autres le sont plus tardivement mais avec une fréquence qui diminue avec le temps. Dans la série de l’Institut Gustave-Roussy [10], des métastases ont été observées jusqu’à 41 ans après la première intervention et dans celle de la Mayo Clinic des récidives locales ont été découvertes 30 ans après le traitement initial, mais les auteurs n’indiquent pas si la Tg était préalablement normalisée [5, 6]. Or il est évident que la surveillance doit être poursuivie aussi longtemps que la Tg reste élevée ; – en cas de récidive ou de métastase, le pronostic est d’autant meilleur que leur traitement est plus précoce [10] ; – en cas d’élévation isolée de la Tg, des doses successives de radio-iode peuvent entraîner sa normalisation [10]. On peut reprocher à cette série d’être rétrospective, mais elle a plusieurs mérites : l’homogénéité des protocoles, les interventions ayant été faites par le premier auteur ou sous son contrôle, un très faible taux de patients perdus de vue, des résultats statistiquement significatifs jusqu’à 15 ans et une classification originale en deux temps reposant initialement sur l’extension et incorporant secondairement le résultat du contrôle isotopique et le taux de Tg, ce qui est essentiel pour les patients ayant eu une thyroïdectomie totale et une dose thérapeutique de radio-iode. Cette série montre plusieurs faits : – l’application d’un protocole maximaliste (thyroïdectomie totale dans la majorité des cas, curage ganglionnaire en cas d’envahissement à l’examen extemporané, utilisation large du radio-iode) aboutit à un très faible taux de récidive mais des récidives au-delà de dix ans sont survenues dans tous les groupes ; – l’affirmation d’une récidive locale n’est possible que par l’examen histologique ; ainsi pour les lésions fixantes apparues sur des contrôles scintigraphiques à cinq, dix ou 15 ans, dont la plupart s’accompagnaient d’une Tg < 1 µg/L, en l’absence d’histologie, on ne peut pas savoir s’il s’agissait d’une repousse de tissu normal ou d’une récidive tumorale ; – en cas de découverte d’un nodule controlatéral après thyroïdectomie partielle ou d’un ganglion > 1 cm, on a le choix entre une cytoponction dont on connaît les limites ou une réintervention

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souvent plus rassurante. Dans ces cas, l’histologie a conclu à la malignité environ une fois sur quatre ; – le délai de survenue des récidives les plus tardives dans cette série a varié selon le groupe auquel appartenaient les patients : 12 ans pour les groupes I et IIA, 16 ans pour les groupes II B, III et IV ; – les modalités de découverte des récidives ont été très variables et tous les éléments de surveillance étudiés, pris isolément, se sont révélés utiles : la palpation cervicale, les scintigraphies avec 5 mCi et le dosage de Tg. De plus, dans deux cas, des métastases pulmonaires ont été découvertes sur des radiographies standard chez des patients dont la surveillance par radio-iode avait été interrompue. Ces données sont en désaccord avec les conclusions du récent rapport sur le traitement du cancer du corps thyroïde qui préconise, même dans les formes à faible risque, une durée de surveillance illimitée [11]. Les délais de survenue des récidives dans notre série suggèrent qu’il n’est ni médicalement utile, ni économiquement légitime de poursuivre cette surveillance au-delà de 15 ans pour les patients des groupes I et IIA, et de 20 ans pour ceux des groupes IIB, III et IV en l’absence d’évolution durant les dix dernières années et/ou de Tg pathologique. En revanche, durant ces périodes, la surveillance ne doit pas être interrompue alors qu’actuellement elle l’est trop souvent. Cette surveillance doit comporter, annuellement durant la première décennie puis tous les deux ans par la suite, un examen clinique et un dosage de Tg sans sevrage et tous les cinq ans une scintigraphie avec 5 mCi avec un dosage de Tg en sevrage de thyroxine. La radiographie pulmonaire est probablement inutile chez les patients en rémission surveillés par scintigraphie périodique mais en son absence, elle peut révéler des métastases même lorsque la Tg est inférieure au seuil. En cas de récidive ou d’élévation de la Tg, la surveillance doit être prolongée tant que persiste l’évolution et au minimum dix ans en cas de rémission. CONCLUSION Le pronostic des cancers thyroïdiens différenciés opérés dépend surtout du protocole initial, mais aussi des modalités de surveillance en raison des possibilités de récidive tardive. Étant donné que les

patients risquent de se lasser d’une surveillance qui n’a rien détecté pendant plusieurs années, que certains médecins généralistes n’en comprennent pas toujours l’importance et que pour des raisons diverses, beaucoup de malades changent de médecins au terme de quelques années, il serait souhaitable que la durée de surveillance nécessaire soit précisée à chaque patient dès que le groupe de risque auquel il appartient est bien déterminé, c’est-à-dire sept mois après l’opération. Enfin pour éviter que les patients n’échappent trop tôt à cette surveillance, il serait souhaitable que tout cancer thyroïdien différencié opéré soit inclus dans un registre dont l’objet serait de contrôler la poursuite de la surveillance pendant tout le temps nécessaire. RE´ FE´ RENCES 1 International symposium on controversies in the management of differentiated thyroid cancer. 19 March 1987, Leiden, the Netherlands proceedings. Eur J Cancer Clin Oncol 1988 ; 24 : 285-350. 2 Singer PA, Cooper DS, Daniels GH, Ladenson PW, Greenspan FS, Levy EG, et al. Treatment guidelines for patients with thyroid nodules and well-differentiated thyroid cancer. Arch Intern Med 1996 ; 156 : 165-72. 3 Henry JF, Marchioni AM, Audiffret J, Hans D, Borserlli J. Cancers thyroïdiens différenciés : récidives thyroïdiennes après chirurgie limitée. Presse Méd 1984 ; 13 : 1671-4. 4 Mellière D, Berrahal D, Hindie E, Becquemin JP, Lange F. Cancers thyroïdiens différenciés. Résultats à 20 ans d’un protocole fondé sur des critères pronostiques simples. Presse Méd 1997 ; 26 : 1276-83. 5 Hay ID, Grant CS, Van Heerden JA, Goellner JR, Ebersold JR, Bergstralh EJ. Papillary thyroid microcarcinoma : A study of 535 cases observed in a 50-year period. Surgery 1992 ; 112 : 113947. 6 Hay ID, Grant CS, Bergstralh EJ, Thompson GB, Van Heerden JA, Goellner JR. Unilateral total lobectomy : Is it sufficient surgical treatment for patients with AMES low-risk papillary thyroid carcinoma ? Surgery 1998 ; 124 : 958-66. 7 Simon D, Goretzki PE, Witte J, Röher HD. Incidence of regional recurrence guiding radicality in differentiated thyroid carcinoma. World J Surg 1996 ; 20 : 860-6. 8 Samaan NA, Schultz PN, Hickey RC, Goepfert H, Haynie TP, Johnston DA, et al. The results of various modalities of treatment of well differentiated thyroid carcinoma : a retrospective review of 1 599 patients. J Clin Endocrinol Metab 1992 ; 75 : 714-20. 9 Schlumberger MJ. Papillary and follicular thyroid carcinoma. N Engl J Med 1998 ; 338 : 297-306. 10 Schlumberger M, Challeton C, Vathaire F de, Travagli JP, Gardet P, Lumbroso JD, et al. Radioactive iodine treatment and external radiotherapy for lung and bone metastases from thyroid carcinoma. J Nucl Med 1996 ; 37 : 598-605. 11 Visset J, Chigot JP. Surveillance des cancers différenciés. In : Visset J, Chigot JP, Eds. Le traitement du cancer du corps thyroïde. Paris : Arnette ; 1998. p. 115-8.