Syndrome de Brown

Syndrome de Brown

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ARTICLE IN PRESS

JFO-2183; No. of Pages 9

Journal français d’ophtalmologie (2018) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Syndrome de Brown夽 Brown’s syndrome D. Denis a,∗, P. Lebranchu b, M. Beylerian a a

Service d’ophtalmologie, CHU Secteur Nord Marseille, chemin des Bourrély, 13015 Marseille, France b Service d’ophtalmologie, Hôtel Dieu, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44000 Nantes, France evrier 2018 ; accepté le 12 juin 2018 Rec ¸u le 27 f´

MOTS CLÉS Syndrome de Brown ; Limitation élévation adduction ; Congénital ; Acquis ; Imagerie cérébro-orbitaire

Résumé Le syndrome de Brown est lié à une anomalie du muscle oblique supérieur : il se manifeste par un trouble oculomoteur à type de limitation active et passive de l’élévation en adduction, champ d’action du muscle oblique inférieur. L’origine est congénitale ou acquise secondaire à des causes multiples, inflammatoire-infectieuse, traumatique, iatrogène. Les signes cliniques et paracliniques sont évocateurs. L’imagerie cérébrale et orbitaire incluant le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont indispensables pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome de Brown congénital ou acquis. L’évolution peut se faire vers l’amélioration (spontanée ou après traitement étiologique) ou vers un état stationnaire. Le traitement est rarement chirurgical. L’indication chirurgicale doit être posée devant des signes fonctionnels et cliniques précis : torticolis, hypotropie en position primaire, strabisme associé et altération de la vision binoculaire ; les résultats à long terme des différentes techniques chirurgicales sont variables. © 2018 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC-Ophtalmologie : Denis D. Syndrome de Brown. EMC - Ophtalmologie 2015;12(4):1—15 [Article 21-550-A-13]. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Denis).

https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012 0181-5512/© 2018 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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KEYWORDS Brown’s syndrome; Limitation of elevation in adduction; Anomalous head position; Congenital; Acquired; Cerebral and orbital imaging

Summary Brown’s syndrome is related to an abnormality of the superior oblique muscle: it is manifested by an oculomotor disorder with active and passive limitation of elevation in adduction, the field of action of the inferior oblique muscle. The origin is congenital or acquired secondary to multiple causes - inflammatory-infectious, traumatic or iatrogenic. The clinical and paraclinical signs are suggestive. Cerebral and orbital imaging including CT and magnetic resonance imaging (MRI) is essential for the diagnosis and management of congenital or acquired Brown’s syndrome. The course may yield improvement (spontaneous or after etiological treatment) or a steady state. Treatment is rarely surgical. The indication for surgery requires specific functional and clinical signs: torticollis, hypotropia in primary position, associated strabismus and impaired binocular vision; the long-term results of the various surgical techniques are variable. © 2018 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction Le syndrome de Brown est l’expression clinique d’un ensemble hétérogène de troubles oculomoteurs secondaires à un dysfonctionnement du muscle oblique supérieur. Sa principale caractéristique clinique est une limitation de l’élévation du globe en adduction, dans le champ d’action du muscle oblique inférieur. La restriction du test de duction forcée dans ce champ d’action confirme le diagnostic. Son origine peut être congénitale ou secondaire à de multiples causes acquises : inflammatoire-infectieuse, traumatique, iatrogène.

Épidémiologie Il s’agit d’un trouble oculomoteur rare, sa fréquence étant estimée à 1 strabisme sur 430—450, soit environ 1/20 000 naissances [1]. Les formes inflammatoires représentent 12 cas sur 100 000 sujets [2]. Il est unilatéral dans la majorité des cas, seulement 10 % des cas congénitaux étant bilatéraux [3]. La découverte de cette affection se fait le plus souvent dans l’enfance : les formes congénitales sont diagnostiquées vers l’âge médian de 5 ans (4—21 ans) [4] à 6 ans (1—13 ans) [5] ; le diagnostic des formes inflammatoires est plus tardif, avec un âge médian de 43 ans ± 18 ans [2]. Ce syndrome présente une prépondérance féminine modérée dans les formes congénitales (52,6 % [6] à 59,1 % [4]) mais plus marquée (86 %) des cas des formes inflammatoires [2].

Formes étiologiques L’étiologie de la plupart du syndrome de Brown congénital initialement décrit par Brown en 1950 [7] reste inconnue (Tableau 1). Deux principales hypothèses co-existent actuellement pour expliquer la limitation de l’élévation dans l’adduction :

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• hypothèse anatomique : des anomalies touchant une partie ou plusieurs composantes du muscle oblique supérieur (tendon, trochlée, muscle) empêchent le muscle de coulisser normalement dans sa poulie [8—10] ; • hypothèse innervationnelle : un défaut fœtal d’innervation de l’oblique supérieur (absence du IV) conduisant à une innervation paradoxale de ce muscle par une branche du III avec co-contraction des deux muscles obliques lors de l’élévation dans l’adduction.

Examen clinique Les circonstances de découverte dépendent de son importance : découverte fortuite (surtout si discret), strabisme vertical intermittent remarqué par les parents (dans ce cas, il est fréquent qu’ils pensent que l’anomalie est sur l’œil controlatéral en raison de l’hyperaction dans l’élévation), torticolis de fixation en cas de syndrome important. Dans les formes inflammatoires, les sujets rapportent une diplopie dans 12 % des cas, ainsi que des douleurs continues (66 %), à la palpation (8 %) ou lors des mouvements oculaires d’élévation en adduction (25 %) [2].

Interrogatoire Au niveau du syndrome Les questions à poser au niveau du syndrome sont : • date d’apparition du syndrome (souvent hypertropie de l’œil sain remarquée par les parents) permettant de distinguer les syndromes congénitaux (présents à la naissance) des syndromes acquis ; • circonstances déclenchantes (traumatisme, acte chirurgical. . .) ; • caractère constant ou intermittent avec la présence ou non d’un « click » ; • aspects douloureux ou non dans le regard en haut et en adduction ; • existence d’une diplopie dans une position du regard.

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Étiologies des syndromes de Brown acquis.

Inflammatoire Locale : après piqure d’insecte [11] Loco-régionale sinusite pansinusite [12] infection dentaire cellulite périorbitaire ethmoïdite et mucocèle ethmoïdal [13] Générale polyarthrite rhumatoïde, arthrite entéropathique, arthrite juvénile syndrome de Sjögren [14] lupus érythémateux disséminé maladie de Marfan (maladie du collagène) sclérodermie [15] lichen scléreux et atrophique associée à une sclérodermie en plaque Infectieuse Locale : idiopathique [16] Locorégionale Tumorale Primitive du muscle oblique supérieur (rhabdomyosarcome) Secondaire de l’orbite (métastase) [17] Périorbitaire : ostéome du sinus frontal [18] Vasculaire Malformations vasculaires compressives localisées [19] varices orbitaires au niveau du quadrant supéronasal de l’orbite hémangiome de la paroi orbitaire médiale Métabolique Dysthyroïdie : ophtalmopathie associée aux maladies thyroïdiennes (myopathie de l’oblique supérieur) [20] Mucopolysaccharidose : imprégnation du tendon dans le cadre de la maladie de Hurler et de Scheié [21] Grossesse : avec rétention liquidienne et imprégnation hormonale du tendon créant une ténosynovite secondaire Traumatique Choc direct orbito-facial [22] hématome fracture fronto-orbitaire [23] avec implication du toit de l’orbite et destruction de la trochlée Plaie avec incarcération corps étranger métallique ou végétal morsure Iatrogène postopératoire Chirurgie oculomotrice muscle oblique supérieur : plicature en nasal, résection, myopexie postérieure au niveau du droit supérieur muscle droit supérieur : fil de Cüppers muscle droit latéral : plissement oblique inférieur : recul Chirurgie rétinienne : avec mise en place de matériau à proximité de l’oblique supérieur [24] : mise en place de sangle ou de rail de silicone Chirurgie des glaucomes : avec interposition de valves pouvant entraîner des adhésions fibro-aponévrotiques au niveau du muscle oblique supérieur [25] Chirurgie région orbitaire chirurgie des sinus frontaux et ethmoïdaux : à proximité du complexe trochlée-poulie soit lors d’une chirurgie des sinus frontaux ou ethmoïdaux [26] chirurgie paupières supérieures (blépharoplastie) anesthésie péribulbaire

Inspection

Signes d’accompagnement Les signes d’accompagnements sont le syndrome grippal, l’infection ORL, les signes d’inflammation orbitaire, la maladie de système, la maladie auto-immune. . .

Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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L’inspection peut mettre en évidence : un torticolis : présent dans 30 % [7] à 66,6 % [5] des cas pour compenser la déviation verticale en position primaire ; la tête est

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Figure 1.

inclinée du côté atteint avec ou sans élévation du menton. La sévérité du torticolis dépend de celle de l’inextensibilité du tendon (élément indispensable du syndrome de Brown sévère). Lorsque le syndrome de Brown est bilatéral, le torticolis devient plus évident, tête fléchie (11,1 % [27]) et menton levé en permanence (33,3 % des cas [27]).

Examen Signes sensoriels Les syndromes sensoriels sont : • réfraction : la cycloplégie retrouve une distribution des erreurs réfractives identiques à celles des enfants du même âge ; • acuité visuelle : la présence d’une amblyopie incite à rechercher une cause associée : amétropie non corrigée, déviation verticale en position primaire (dans les formes sévères), ésotropie congénitale associée. L’amblyopie varie selon les études (5 % [6] à 15,9 % [4]) (Fig. 1) ; • vision binoculaire : la vision binoculaire est le plus souvent préservée (55,6 % des cas de syndrome de Brown bilatéral ont une excellente stéréoscopie [27]), parfois au prix d’un torticolis de fixation. Aucune déviation en position primaire et dans le regard en bas n’est observée dans 52,3 % [4] à 76 % des syndromes congénitaux et non traumatiques [6]. Les syndromes traumatiques présentent en général une hypotropie plus importante [6].

• orthophorie ou hypotropie du globe atteint ; • déviation horizontale associée.

Étude des ductions Concernant l’étude des ductions du côté atteint : • déficit ou absence d’élévation en adduction (champ d’action du muscle oblique inférieur), c’est le signe le plus caractéristique, évoquant une pseudo-paralysie de l’oblique inférieur ; • élargissement de la fente palpébrale pendant la tentative d’élévation en adduction ; • hypotropie en adduction est inconstante, et témoigne de la sévérité du syndrome, classé comme léger (Fig. 2) (pas d’hypotropie en position primaire ou en adduction), modéré (hypotropie en position d’adduction, le torticolis est léger) ou sévère (hypotropie en position primaire avec torticolis sévère) (Fig. 3) ; • léger déficit en abduction ou élévation normale (retrouvé dans 69 %) ; • légère ou pas d’hyperaction du muscle oblique supérieur. L’étude des ductions du côté non atteint se fera avec hyperaction légère du synergique opposé, le droit supérieur controlatéral.

Syndrome alphabétique de type V Avec divergence dans le regard en haut, il est dû à l’intégrité du muscle oblique inférieur qui maintient son action en abduction : la gaine ne permet pas au globe de s’élever en

Signes moteurs Les signes moteurs en position primaire sont :

Figure 2.

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adduction, mais celui-ci peut effectuer un mouvement en abduction.

Imagerie cérébrale et orbitaire

Il met en évidence l’impossibilité d’élévation passive en adduction du globe (test positif).

Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont indispensables au diagnostic étiologique et au traitement du syndrome de Brown congénital [7,10] et acquis [32] de par l’analyse du muscle dans sa globalité, ainsi que du nerf trochléaire [23,33].

Fond d’œil

Bilan complémentaire

Il est en règle générale normal et permet d’évaluer la torsion.

Il sera prescrit dans le cadre d’un syndrome acquis lors de la recherche étiologique et pour la surveillance et comprendra : un bilan biologique (syndrome inflammatoire, bilan thyroïdien. . .), un bilan locorégional, une imagerie des sinus de la face, un panoramique dentaire, et un bilan général (avec consultations dermatologiques, endocrinologiques et rhumatologiques en fonction du contexte clinique).

Test de duction forcée

Examens paracliniques Coordimétrie Forme congénitale Les champs d’action inférieurs sont souvent normaux, expliquant le développement de la vision binoculaire. L’anomalie principale du côté atteint est une hypoaction dans le champ d’action de l’oblique inférieur (OI), sans hyperaction dans le champ de l’oblique supérieur avec hyperaction plus ou moins marquée dans le champ d’action du droit supérieur controlatéral. L’évolution peut se faire spontanément vers l’amélioration de la coordimétrie (réduction de l’hyperaction du muscle droit supérieur controlatéral, diminution du déficit dans le champ d’action de l’OI).

Formes acquises (en particulier dans les formes traumatiques) L’impotence dans le champ d’action du muscle OI de l’œil atteint peut s’associer à une hypoaction de l’oblique supérieur donnant un aspect d’une pyramide tronquée opposée par les sommets (syndrome de Brown + paralysie de l’oblique supérieur) (Fig. 4). Il s’y associe une hyperaction des droits inférieurs, oblique supérieur, droit supérieur et OI controlatéraux. Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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Évolution Amélioration, disparition spontanée Nous pouvons lister les améliorations : • syndrome de Brown congénital : ce syndrome est exceptionnel à l’âge adulte, peut-être de par la croissance orbitaire [5] et le fait que le regard vers le haut est moins sollicité à l’âge adulte. L’amélioration, voire la disparition spontanée, a été décrite jusqu’à 75 % des cas [31] : amélioration de la limitation oculomotrice, du click syndrome [28], des douleurs [28] et de la diplopie [28] ; • syndrome de Brown acquis : c’est dans cette forme que l’amélioration a été décrite principalement (forme inflammatoire) ; elle est décrite comme complète et spontanée dans 16 % des cas de syndrome de Brown acquis non traumatique [6]. Cette évolution vers l’amélioration peut être obtenue après plusieurs années s’étalant de 7 mois [29] à plus de 10 ans [30] spontanément ou après des efforts répétés de fixation d’élévation en adduction. Dans le syndrome Syndrome

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bilatéral, cette amélioration peut être unilatérale et être remplacée par une hypertropie du côté amélioré [31].

Amélioration après traitement étiologique Dans le syndrome acquis, l’évolution dépend de l’étiologie ; la régression dans les causes infectieuses locorégionales après institution d’un traitement adapté général ou local (injection de corticoïdes) n’est pas rare [32]. Il en est de même dans les causes de certaines maladies générales comme par exemple les rhumatismes (instillation de corticoïdes locaux).

Association Le plus souvent le syndrome de Brown est une anomalie isolée, cependant il peut être associé à : • une paralysie de l’oblique supérieur [33] confirmée par les résultats de l’IRM ; • un syndrome de Duane controlatéral [34] ; • une déviation verticale dissociée et une hyperaction de l’oblique inférieur controlatéral ; • un ptosis congénital ; • au syndrome vélococardiofacial (VCFS) avec des anomalies cardiaques (valve aortique bicuspide, insuffisance septale atriale, sténose pulmonaire périphérique) craniofaciales, pharyngées, endocrines et musculosquelettiques [35].

Pas d’amélioration Concernant le syndrome de Brown congénital, l’absence de régression témoigne d’une anomalie sévère anatomique et innervationnelle. Pour le syndrome de Brown acquis, dans les formes cicatricielles notamment post-traumatiques (inclusion de corps étranger, plaie dans la région de la poulie), post-tumorales ou iatrogènes (intervention filtrante de glaucome. . .) il n’y a pas de régression. Il en est ainsi : • dans certaines atteintes traumatiques de la poulie après disjonction crânio-faciale ou de plaie palpébro-orbitaire, où le tableau clinique initial d’une paralysie de l’oblique supérieur se transforme progressivement par cicatrisation rétractile des structures anatomiques lésées en syndrome de Brown (Fig. 4) ; • dans certaines formes iatrogènes, notamment après plicature trop importante de l’oblique supérieur, où on devra soit retourner sur le foyer chirurgical soit affaiblir les synergiques controlatéraux hyperactifs. Au total, l’évolution vers des régressions ou améliorations spontanées à long terme doit être prise en considération lors de la conduite thérapeutique notamment avant de poser une indication chirurgicale (Tableau 2). Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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Diagnostics différentiels Les diagnostics différentiels du syndrome de Brown se trouvent dans le Tableau 2.

Traitement Médical Pour le traitement de la maladie sous-jacente, les traitements généraux des maladies auto-immunes, arthrosiques, inflammatoires peuvent améliorer et éliminer certains syndromes de Brown acquis. Les AINS représentent dans 85 % des cas la première option de traitement dans les formes inflammatoires, associé à un traitement par corticoïdes par voie générale ; les symptômes sont complétement résolus dans 80 % des cas. Les corticoïdes injectés au niveau de la trochlée améliorent particulièrement les formes inflammatoires (dans 62 % des cas) ; mais ces améliorations sont temporaires et incomplètes. Dans une récente étude [32], la première injection de stéroïdes, réalisée en moyenne 8 jours après Syndrome

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Diagnostics différentiels du syndrome de Brown.

Affection

Clinique

Test de duction forcée

Paralysie du muscle oblique inférieur

Hyperfonction du muscle oblique supérieur homolatéral Hyperfonction du droit supérieur opposé Syndrome A Enophtalmie en adduction Torticolis important Adhérence oblique inférieur droit externe après chirurgie : de recul oblique inférieur ou ; de plicature, de recul du droit externe ; de ténectomie ou ténotomie du petit oblique (techniques actuellement abandonnées) Syndrome de rétraction Déficit en adduction avec down shoot

Négatif

Syndrome d’adhérence du muscle oblique inférieur

Syndrome de Stilling-Türk-Duane de type II Paralysie unilatérale des deux élévateurs

Fracture du plancher de l’orbite « Blow-out »

Positif champ d’action du muscle oblique supérieur

Positif champ d’action de plusieurs muscles Négatif

Affection congénitale Orthotropie en position primaire Limitation élévation identique en adduction et en abduction Limitation de l’élévation du globe identique en adduction et en abduction. Incarcération du muscle droit muscle inférieur

le diagnostic (7,84 ± 5,40 jours [32]) a permis l’obtention d’une rémission complète des symptômes et des signes après un nombre médian de 1,30 injections par patient et un délai de 23 jours dans 84,6 % des patients.

Chirurgical

L’amélioration peut survenir jusqu’à une année après la chirurgie. Les interventions sur la trochlée ont été totalement abandonnées à cause des résultats imprévisibles et délabrants.

Indications

Devant tout syndrome de Brown, l’articulation des gestes à effectuer est la suivante : • test de duction : l’intervention commence par le test de duction forcée qui témoigne de l’obstacle mécanique ; • test d’exploration de l’oblique supérieur : l’exploration du tendon réfléchi au niveau de son insertion sclérale.

Techniques L’intervention sur la gaine du muscle oblique supérieur associée ou non à des exercices tractionnels d’élévation du globe est une technique abandonnée de par des résultats trop aléatoires. L’intervention sur le tendon du muscle oblique supérieur pour diminuer la traction sur le muscle lui-même : • les ténotomies et les ténectomies sont des techniques d’efficacité très inégale avec à long terme, une forte proportion de paralysies de l’oblique supérieur (de 44 à 82 % après ténotomie ; et de 66 % après ténectomies) ; • l’allongement tendineux de l’oblique supérieur par interposition : d’une bande de silicone [36] (efficacité immédiate mais restrictions dans le regard vers le bas), ou d’une autogreffe de tendon : tendon palmaire [37], tendon d’Achille [38] ; • le recul simple ou avec anse de l’oblique supérieur a donné de bons résultats sans paralysie postopératoire de l’oblique supérieur et est réversible au début [39]. Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

Positif dans le champ d’action du muscle droit inférieur

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La décision d’un traitement chirurgical repose sur 3 critères : la présence ou non d’un torticolis et/ou d’une déviation verticale et/ou d’une altération de la vision binoculaire en position primaire et dans le regard vers le bas. Dans les formes congénitales, une intervention chirurgicale sera envisagée si le torticolis est important avec modifications irréversibles de la musculature du cou et du rachis cervical, si l’hypotropie est importante en position primaire et dans le regard en bas, et enfin si la vision binoculaire s’altère en position primaire et dans le regard vers le bas (lecture) (amblyopie). Dans les syndromes de Brown acquis, un geste chirurgical sur le muscle oblique supérieur n’est pas indiqué en première intention, un traitement médical doit être entrepris dans un premier temps (injections de corticoïdes dans la région de la poulie, anti-inflammatoires par voie générale et exercices de mouvements oculaires) ; une chirurgie sera envisagée dans un second temps pour traiter la limitation d’élévation en adduction et le torticolis induit. Que le syndrome de Brown soit congénital ou acquis, la présence d’un torticolis et/ou d’une hypotropie sévère sont des arguments décisionnels dans l’indication chirurgicale. La plupart des syndromes de Brown de l’enfant sont peu symptomatiques, et la gêne va diminuer avec la croissance. Le traitement est rarement chirurgical. Les résultats des nombreuses techniques chirurgicales citées dans le chapitre de l’EMC sont variables, les indications doivent rester Syndrome

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exceptionnelles au risque d’aggraver l’état oculomoteur initial du sujet.

Complications Hypercorrection : paralysie de l’oblique supérieur La complication la plus fréquente après chirurgie dans le syndrome de Brown est iatrogénique. En effet, les interventions d’affaiblissement de l’oblique supérieur à type de ténotomie et de ténectomie entraînent, dans la majorité des cas, une paralysie de l’oblique supérieur qui nécessite un traitement secondaire. La paralysie s’installe progressivement et se caractérise par une diplopie dans le regard en bas, une hyperaction de l’oblique inférieur, une hypoaction de l’oblique supérieur affaibli avec excyclotropie de l’œil atteint. Le torticolis de fixation d’inverse. Les résultats chirurgicaux sur la paralysie sont décevants et difficilement réversibles. Cette complication est plus invalidante que la situation de départ représentée par le syndrome de Brown, le regard vers le bas étant plus utilisé que le regard vers le haut.

Encadré 1 : Points forts • étiologie : atteinte du complexe muscle-tendontrochlée de l’oblique supérieur : ◦ syndrome de Brown congénital : origine primitive anatomique et/ou innervationnelle, ◦ syndrome de Brown acquis : origine secondaire inflammatoire-infectieuse, traumatique, iatrogène ; • paraclinique : place essentielle de l’imagerie cérébrale et orbitaire ; • clinique : trois formes légère, modérée et sévère fonction de l’hypotropie, du torticolis et de la limitation de l’élévation en adduction ; • évolution : régression spontanée, régression postthérapeutique, pas de régression, aggravation ; • traitement chirurgical : ◦ variété des techniques avec variabilité des résultats, ◦ indications chirurgicales : hypotropie en position primaire, torticolis sévère et altération de la vision binoculaire.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Hypocorrection Elle est asymptomatique et ne s’accompagne pas de diplopie ni de trouble torsionnel. Elle peut survenir après toute technique d’affaiblissement de ce muscle et peut s’améliorer avec le temps.

Autres complications Elles sont rares et spécifiques de chaque technique : ptosis, dilacération du droit supérieur, adhérences dans le quadrant supéronasal, expulsion du segment de silicone qu’on essaiera d’éviter en ne dépassant pas 8 mm de longueur et en fermant soigneusement la capsule de Tenon et la conjonctive de fac ¸on indépendante.

Conclusion L’étiologie du syndrome de Brown congénital reste encore discutée, ce syndrome résulte d’une anomalie complexe de l’oblique supérieur empêchant le mouvement d’élévation actif et passif en adduction (Encadré 1). Le syndrome de Brown acquis peut être dû à de multiples étiologies. L’imagerie (scanner et/ou IRM) est devenue indispensable quelle que soit la forme du syndrome par son aide physiopathogénique, diagnostique et thérapeutique. Sur le plan thérapeutique, devant la possibilité de régression spontanée et face à la variabilité des résultats chirurgicaux quelle que soit la technique, seuls les syndromes avec hypotropie en position primaire, torticolis et altération de la vision binoculaire seront à opérer en adaptant que la technique chirurgicale à chaque cas [40]. Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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Pour citer cet article : Denis D, https://doi.org/10.1016/j.jfo.2018.06.012

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