Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis

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MYCMED-694; No. of Pages 6 Journal de Mycologie Médicale (2017) xxx, xxx—xxx

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ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE

Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis Tinea capitis: Main mycosis child. Epidemiological study on 10 years A. Kallel a,*, A. Hdider a, N. Fakhfakh a, S. Belhadj a, N. Belhadj-Salah a, N. Bada a, A. Chouchen a, S. Ennigrou b, K. Kallel a a b

Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU la Rabta, 1082 Tunis, Tunisie ` ne et de protection de l’environnement, CHU la Rabta, Tunis, Tunisie Service de l’hygie

´e le 16 fe´vrier 2017; accepte´ le 16 fe´vrier 2017 Rec¸u le 8 janvier 2017 ; rec¸u sous la forme re´vise

MOTS CLÉS Teignes ; Dermatophytes ; Trichophyton violaceum ; Microsporum canis ; Enfant

Résumé Malgré l’amélioration du niveau d’hygiène de la population tunisienne, les teignes du cuir chevelu constituent encore un motif de consultation fréquent en dermatologie. Le but de notre travail était de dégager les caractéristiques épidémiologiques des teignes du cuir chevelu de l’enfant dans la région de Tunis. Il s’agit d’une étude rétrospective ayant porté sur 1600 prélèvements mycologiques du cuir chevelu réalisés au laboratoire de parasitologiemycologie du CHU la Rabta de Tunis chez des enfants âgés de 6 mois à 15 ans, durant une période de 10 ans (2005—2014). Un examen direct à la potasse à 30 % et une culture sur milieu Sabouraud ont été réalisés pour chaque prélèvement. Le diagnostic mycologique a été considéré positif lorsque l’examen direct et/ou la culture étaient positifs. Nous avons colligé 947 cas de teignes (59,18 %). Le sex-ratio était de 2,61 et l’âge moyen de 6,28 ans. L’aspect clinique le plus fréquent était la teigne tondante (87,65 %). L’examen direct était positif dans 884 cas (93,35 %), il avait montré un parasitisme pilaire ectothrix microsporique dans 63,25 % des cas et endothrix trichophytique dans 29,78 % des cas. La culture, positive dans 912 cas (96,30 %), a permis d’isoler six espèces de dermatophytes : Microsporum canis (67 %), Trichophyton violaceum (31,68 %), Trichophyton mentagrophytes (0,66 %), Microsporum audouinii, Trichophyton schoenleinii et Microsporum gypseum (0,22 % chacun). M. canis est actuellement l’espèce la plus incriminée

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Kallel). http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009 1156-5233/# 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009

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A. Kallel et al. dans les teignes du cuir chevelu dans notre pays. En effet, le chat, principal réservoir de M. canis cohabite de plus en plus avec les familles tunisiennes. # 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Tinea capitis; Dermatophytes; Trichophyton violaceum; Microsporum canis; Child

Summary Despite the changes in their epidemiology, and the improving level of hygiene of the population, tinea capitis is still considered a public health problem in our country, and is the most common type of dermatophytosis in our country. The aim of our study was to evaluate the epidemiological, clinical and mycological features of tinea capitis in children encountered in the Tunis region. A retrospective study concerned 1600 children aged 6 months to 15 years suspected to have tinea capitis was conducted in Parasitology-Mycology laboratory, Rabta hospital, over a 10-years period (2005—2014). Dermatophyte infections were confirmed using scalp scrapings examinated with direct microscopy using potash at 30% and/or culture on Sabouraud medium agar. Tinea capitis diagnosis was confirmed in 947 cases (59.18%). The sex ratio was 2.61 and the average age of 6.28 years with predominance in the age group of 4 to 8 years (52.27%). The most common clinical presentation was ringworm (87.65%). Ringworm large plaque was predominant (65.9%). Direct examination was positive in 884 cases (93.35%). Microsporic tinea was the most frequent (63.25%) followed by trichophytic tinea (29.78%). Positive cultures of dermatophytes were obtained in 912 cases (96.30%). The following dermatophyte species were isolated: Microsporum canis (67%), Trichophyton violaceum (31.68%), Trichophyton mentagrophytes (0.66%), Microsporum audouinii (0.22%), Trichophyton schoenleinii (0.22%) and Microsporum gypseum (0.22%). M. canis is currently the most frequently incriminated species in tinea capitis in Tunisia. This change is related to a change in behavior of our population, in fact the cat; main reservoir of M. canis cohabiting increasingly with Tunisian families. # 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les teignes du cuir chevelu (TCC) sont des infections fongiques causées par des dermatophytes, appartenant au genre Trichophyton et Microsporum [1]. La contamination peut être anthropophile, zoophile ou plus rarement géophile [2]. Elles représentent la mycose superficielle la plus fréquente chez l’enfant avant la puberté notamment dans notre pays [3—5]. Le profil épidémiologique et étiologique des TCC n’a cessé de subir des variations et ceci partout dans le monde [3,6—8]. Le diagnostic clinique des TCC n’est pas toujours évident rendant le diagnostic mycologique souvent indispensable. Nous nous proposons dans ce travail d’étudier le profil épidémiologique, clinique et mycologique des teignes du cuir chevelu diagnostiquées dans notre laboratoire.

Matériel et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective, réalisée au laboratoire de parasitologie-mycologie de l’hôpital la Rabta de Tunis, sur une période de 10 > (janvier 2005—décembre 2014) sur 1600 enfants âgés de 15 ans et moins, provenant des différents dispensaires de la région de Tunis, chez qui une teigne du cuir chevelu a été suspectée. Pour chaque enfant, l’âge, le sexe et la description de la lésion clinique du cuir chevelu (une ou plusieurs plaque[s] alopécique[s] de grande ou de petite taille, inflammatoire, godet favique ou squames sans cheveux cassés) ont été précisés. Pour chaque prélèvement de cheveux et/ou du cuir chevelu, un examen direct à la potasse 30 % déterminant le type

du parasitisme pilaire éventuel (ectothrix, endothrix trichophytique ou endothrix favique) et une culture sur deux milieux Sabouraud (un additionné de chloramphénicol [Biorad, référence 64 644] et un additionné de chloramphénicol et d’actidione [Biorad, référence 56 559]) ont été réalisés. Les cultures ont été incubées à 27 8C et examinées toutes les semaines pendant 4 semaines. L’identification des dermatophytes a reposé sur des critères macroscopiques et microscopiques. Lorsque le diagnostic était difficile, un repiquage d’un fragment de la colonie sur eau gélosée à 2 % a été réalisé pour stimuler la fructification. Le diagnostic mycologique a été considéré positif lorsque l’examen direct et/ou la culture étaient positifs. Toutes les données épidémiologiques et mycologiques ont été saisies sur Microsoft Office Excel 2007. L’analyse statistique des données a été faite au moyen du logiciel SPSS version 11.5. La mesure de l’accord entre deux caractères qualitatifs a été réalisée par l’indice de concordance Kappa.

Résultats Nous avons colligé 947 cas de teignes (59,18 %) dont la répartition selon les années a montré un minimum de 67 cas en 2006 et un maximum de 125 cas en 2009 (Fig. 1). L’âge moyen des enfants atteints de TCC était de 6,28 ans avec des extrêmes allant de 6 mois à 15 ans. Le maximum de fréquence était situé entre 4 et 8 ans (52,27 %) (Fig. 2). Les garçons étaient plus touchés par les TCC que les filles avec un sex-ratio de 2,61. Cette prédominance masculine était observée durant toutes les années d’étude et pour toutes les tranches d’âge (Fig. 3).

Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009

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3 Tableau 1

Résultats des examens microscopiques directs.

Examen direct

Effectif Pourcentage (%)

599 Ectothrix 282 Endothrix trichophytique Endothrix favique 1 Filaments mycéliens dans les squames 2 63 Négatif 947 Total Figure 1

63,25 29,78 0,11 0,22 6,64 100

Répartition des cas positifs des teignes en fonction des années. Tableau 2

Concernant l’aspect clinique, la teigne tondante était la plus fréquente, observée chez 830 enfants (87,65 %), et ceci durant toutes les années de l’étude. La teigne tondante à grande plaque était prédominante (65,9 %). La teigne inflammatoire a été retrouvée dans 7,81 % des cas (74 cas). Les états squameux sans chute de cheveux et le favus ont été observés dans 42 cas (4,4 %) et 1 cas (0,1 %) respectivement. L’examen mycologique direct, positif dans 884 cas (93,35 %), a montré quatre types de parasitisme pilaire (Tableau 1). Le parasitisme pilaire de type ectothrix était le plus fréquent, suivi par le type endothrix trichophytique. La concordance entre l’aspect clinique de la teigne et l’examen direct était moyenne (indice Kappa = 0,52). La culture, positive dans 912 cas (96,30 %), a permis l’isolement et l’identification de 6 espèces de dermatophytes (Tableau 2). Microsporum canis était l’espèce prédominante, suivie par Trichophyton violaceum. L’étude de l’isolement des dermatophytes durant les dix années du

Les dermatophytes isolés dans notre étude.

Dermatophytes

Nombre de cas

Pourcentage (%)

M. canis T. violaceum T. mentagrophytes T. schoeineilii M. gypseum M. audouinii Total

611 289 6 2 2 2 912

67 31,68 0,66 0,22 0,22 0,22 100

travail a montré que M. canis était de plus en plus isolé passant de 56,41 % en 2005 à 80,55 % en 2014. Par ailleurs, T. violaceum était de moins en moins isolé passant de 42,73 % en 2005 à 16,67 % en 2014 (Fig. 4). Par ailleurs, M. canis était plus isolé chez les garçons (492 cas) que chez les filles (119 cas). Cette prédominance masculine était beaucoup moins observée avec T. violaceum (Fig. 5). M. canis et T. violaceum étaient plus observés dans la tranche d’âge 4—8 ans par contre la tranche d’âge 12—16 ans a enregistré le minimum de fréquence pour les deux espèces dermatophytiques (Tableau 3). La concordance entre l’examen direct et la culture était bonne (indice Kappa = 0,68) et celle entre l’aspect clinique et la culture était moyenne (indice Kappa = 0,52).

Discussion Dans notre étude, 947 cas de TCC ont été diagnostiqués parmi 1600 prélèvements du cuir chevelu, soit une fréquence de positivité de 59,18 %. Figure 2

Répartition des cas selon l’âge.

Pourcentage 90% 80%

M.canis

70%

T.violaceum

60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 n=117 n=66 n=76 n=103 n=121 n=102 n=89 n=71 n=95 n=72

Figure 3 Répartition des cas des teignes confirmés selon l’âge et le sexe.

Figure 4 Évolution de l’isolement de M. canis et de T. violaceum en fonction des années.

Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009

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A. Kallel et al.

Pourcentage 90%

Sexe féminin

80%

Sexe masculin

70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Figure 5 sexe.

M . Canis

T.violaceum

Répartition de M. canis et de T. violaceum selon le

Les TCC touchent préférentiellement l’enfant d’âge scolaire et préscolaire [2,3]. Elles sont rares chez l’adulte [9], justifiant la population ciblée dans notre travail. La moyenne d’âge dans notre série était de 6,28 ans avec des extrêmes allant de 6 mois à 15 ans. Plus de la moitié des enfants atteints de teignes (52,27 %) étaient âgés entre 4 et 8 ans. La tranche d’âge pubertaire (12—15 ans) était la moins touchée par la teigne (4,33 %). Nos résultats sont comparables à d’autres séries tunisiennes. Ainsi dans une étude menée au service de dermatologie de l’hôpital Charles-Nicolle (2009—2012), l’âge moyen des patients atteints de teignes était de 7,6 ans avec un maximum de fréquence (66,66 %) entre 5 et 9 ans [10]. De même à Sousse et à Sfax, la tranche d’âge 5—10 ans était la plus touchée [11—13]. Cette prédominance des bas âges est retrouvée également dans d’autres pays, notamment les pays d’Afrique du nord [14—16], d’Afrique subsaharienne [17—21] et d’Europe [5,22—24]. Cependant, Ndiaye a trouvé une prédominance de l’atteinte chez des adultes de 20 à 29 ans au Sénégal (32,5 %) [25]. Cette prédominance infantile des teignes du cuir chevelu est due à une susceptibilité des enfants à la maladie, ces teignes guérissent spontanément à la puberté [2,3]. Ce facteur physiologique lié à l’âge est dû à la sécrétion sébacée qui devient avec l’âge plus riche en acides gras saturés

Tableau 3 selon l’âge.

Répartition des principales espèces isolées

Intervalles d’âge (ans)

M. canis, n (%)

T. violaceum, n (%)

[0—4[ [4—8[ [8—12[ [12—16[ Total

125 325 141 20 611

29 147 92 21 289

(20,46) (53,19) (23,08) (3,27) (100)

(10,03) (50,87) (31,83) (7,27) (100)

ayant un rôle fongistatique ainsi qu’au rôle des hormones sexuelles [26]. Dans notre étude, la teigne du cuir chevelu a touché plus fréquemment les garçons (72,33 %) que les filles (27,67 %), contrairement à l’étude antérieure de notre laboratoire qui a trouvé une large prédominance féminine [27]. Ceci rejoint les résultats de la plupart des études tunisiennes [10,28,29], magrébines [14—16,30], africaines [17,19,20,31,32], européennes [22—24] et américaines [8]. Dans d’autres études tunisiennes, les teignes se répartissent de façon égale entre les 2 sexes [13,33]. Enfin, une prédominance féminine a été retrouvée dans quelques études comme celle de Créteil [34], au Sénégal [25] et en Inde [35]. La prédominance des teignes chez les garçons peut être expliquée par une chevelure plus courte des garçons (contamination plus facile par les spores) et par les jeux plus fréquents avec les animaux domestiques ou errants qui sont souvent des porteurs asymptomatiques [15,20,36,37]. Par ailleurs, la prédominance féminine retrouvée dans quelques études serait due à la chevelure plus épaisse et mal coiffée, l’échange de foulards, de bonnets ou d’objets de toilettes [35,38]. Les teignes du cuir chevelu correspondent à l’envahissement du cheveu par le dermatophyte donnant une cassure du cheveu (teigne tondante), une réaction inflammatoire (teigne suppurée) ou un décollement du cheveu par la base entraînant une alopécie définitive (teigne favique) [39]. Dans notre série, la teigne tondante était l’aspect clinique le plus fréquemment observé (87,65 % des cas) et ceci durant toutes les années d’étude avec une prédominance de la teigne tondante microsporique à grandes plaques (65,9 %). Les teignes inflammatoires étaient retrouvées dans 7,81 % des cas. Enfin, le favus qui était fréquent dans les années 1950 et 1960 [40,41] est devenu exceptionnel, 1 seul cas a été retrouvé dans notre étude. L’examen mycologique représente le meilleur moyen pour le diagnostic de certitude car de nombreuses affections peuvent simuler cliniquement la teigne [26,29]. L’ED dans notre série était positif dans 93,35 % des cas de teignes. Cette fréquence est proche de celles retrouvées par Neffati (86,79 %) [42], Mebazaa (87,3 %) [13] et El Aoumari (84,3 %) [29]. Nous avons eu 63 cas de TCC (6,65 %) négatifs à l’ED. Ces faux négatifs seraient probablement dus à l’examen de cheveux ou de squames non parasitées ou à un pauciparasitisme. L’ED est indispensable et permet d’apporter une réponse rapide au clinicien en orientant vers le dermatophyte en cause permettant ainsi de démarrer un traitement approprié sans attendre les résultats des cultures [1,39]. Il permet de préciser directement le type de parasitaire en cause (ectothrix, endothrix ou favique) et le mode de contagion : humain pour le type endothrix et favique ou animal pour le type ectothrix [1]. Dans notre étude, le parasitisme pilaire de type ectothrix était le plus fréquent (63,25 %) suivi par le type endothrix trichophytique dans 29,78 % des cas de TCC. Le type favique a été retrouvé dans seulement un cas. Dans notre série, la culture était positive dans 96,30 % des cas de TCC, ce pourcentage était plus élevé comparativement avec d’autres études tunisiennes. En effet, Neffati, Kammoun, Mebazaa et Toujani ont trouvé respectivement des pourcentages de 74,5, 89,91, 93 et 77,7 % [11,13,42,43].

Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009

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Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant La culture a permis de rattraper le diagnostic de TCC dans 63 cas (ED négatif). La culture est un complément indispensable de l’ED. En effet, l’isolement en culture du dermatophyte et son identification sont importants puisque la prophylaxie et le traitement peuvent être différents en fonction de l’espèce isolée. Elle a permis l’isolement et l’identification de 6 espèces de dermatophytes. M. canis était de loin l’espèce dominante (67 %) suivie de T. violaceum (31,68 %). Trichophyton schoenleinii, Trichophyton mentagrophytes, Microsporum gypseum et Microsporum audouinii ont été isolées dans seulement 12 cas. En Tunisie, le spectre des dermatophytes responsables des TCC n’a cessé de se modifier au fil des années. Ainsi, les teignes microsporiques à M. canis, pratiquement inexistantes avant les années 1950, ont été rapportées pour la première fois en Tunisie chez deux enfants d’origine européenne en 1950 [40]. Depuis, leur fréquence a augmenté de façon progressive et remarquable pour atteindre 80,55 % en 2014 selon notre série. Cette recrudescence spectaculaire de M. canis peut être expliquée par un changement des habitudes de la population tunisienne. En effet, le chat cohabite de plus en plus fréquemment avec les familles tunisiennes [36,37,44]. Le contact avec les animaux favorise la survenue des teignes zoophiles [36,37,44]. Ainsi, la plupart des études tunisiennes comme celles faites par Kammoun, Neffati et Dridi avaient retrouvées la présence d’un animal (le chat en particulier) dans l’entourage des enfants atteints de teigne du cuir chevelu dans 7,42 à 57,95 % [10,11,42]. Malheureusement, la notion de contact des teigneux avec les animaux domestiques n’a pas été signalée dans notre étude. Les teignes trichophytiques à T. violaceum ont vu leur fréquence diminuer de 64,7 % en 1950 à 31,67 % en 2014 dans notre étude. Cette régression des teignes trichophytiques aux dépens des teignes microsporiques peut être expliquée par le dépistage scolaire et l’amélioration des conditions socio-économiques et hygiéniques. Dans notre étude, les teignes trichophytiques ont touché l’enfant d’âge scolaire, aussi bien le garçon (55,36 %) que la fille (44,64 %). La contamination peut être directe d’enfants à enfants ou d’enfants aux parents (mères surtout) qui sont souvent des porteurs sains [2] ou indirecte à travers des objets contaminés [19,35]. Cette notion de cas similaires concomitants dans la famille ou l’entourage manque dans notre étude. T. schoenleinii, autrefois fréquent dans notre pays représentant le tiers des isolats en 1950 [40], a vu sa fréquence diminuer pour devenir exceptionnel de nos jours. Cette espèce n’a été identifiée que dans deux cas dans notre série et ceci grâce aux campagnes de lutte antifavique organisées par les autorités sanitaires et à l’amélioration des conditions d’hygiène [11,28,29,42,43]. Elle reste exceptionnellement isolée chez des enfants issus de familles défavorisées originaires des zones rurales.

Conclusion Les TCC constituent encore un motif de consultation fréquent en dermatologie notamment chez les enfants.

5 M. canis est actuellement l’espèce la plus fréquemment incriminée dans les teignes du cuir chevelu en Tunisie. Ce changement serait en rapport avec une modification du comportement de notre population, en effet le chat ; principal réservoir de M. canis cohabite de plus en plus avec les familles tunisiennes.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009

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Pour citer cet article : Kallel A, et al. Teignes du cuir chevelu : principale mycose de l’enfant. Étude épidémiologique sur 10 ans à Tunis. Journal De Mycologie Médicale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2017.02.009