Un petit cancer du rectum

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ARTICLE IN PRESS

Journal de Chirurgie Viscérale (2015) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

STAFF PUBLIC

Un petit cancer du rectum Early stage rectal cancer M. Anyla , A. Brouquet , S. Benoist ∗ Service de chirurgie digestive et oncologique, CHU de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France

Je vous présente le cas clinique d’une patiente prise en charge à l’hôpital Bicêtre. Il s’agit d’une patiente de 50 ans ayant pour principaux antécédents une hypertension artérielle, et un antécédent familial de cancer du côlon chez son grand-père. La patiente a eu un test hémocult de dépistage qui s’est avéré positif. Son examen clinique était normal, il n’y avait pas d’adénopathie et en particulier pas de ganglions de Troisier, et au toucher rectal on sentait une lésion mobile de 3 cm postéro-latérale droite, la lésion occupait moins de la moitié de la circonférence rectale et son pôle inférieur était situé à 3 cm du sphincter. La patiente a donc eu une coloscopie (Fig. 1) qui ne visualisait pas d’autre lésion sur le colon, la lésion rectale était une petite lésion sessile de 2,5 cm de diamètre, végétante, non ulcérée avec une base d’implantation jugée un peu indurée par l’endoscopiste. Des biopsies ont été réalisées concluant en un adénocarcinome bien différencié intra-muqueux dans les limites de la biopsie. Le bilan a été complété par une écho-endoscopie (Fig. 2) retrouvant une tumeur développée dans la sous muqueuse, sans franchissement de la musculeuse. Il n’y avait pas d’adénopathie adjacente et la lésion a été classée usT1N0. Il n’y a pas eu d’IRM réalisée pour cette petite tumeur et un scanner thoraco-abdominal a permis d’éliminer la présence de lésions secondaires à distance. En résumé, nous sommes face à une femme de 50 ans qui a un petit cancer du bas du rectum, il s’agit d’une petite lésion de 2—3 cm dont le pôle inférieur est situé à 3 cm du sphincter, la lésion est mobile au toucher rectal, classée usT1N0 et le bilan d’extension est négatif. À ce stade quelle est votre prise en charge ? Docteur X : En premier lieu une discussion RCP qui me paraît obligatoire et je peux supposer que la RCP proposera une chirurgie première. Docteur Mabrut : Alors une chirurgie première mais quel type de chirurgie ? Docteur Panis : Je propose une exérèse locale selon la technique de la TEM car elle est à 3 cm au-dessus du sphincter donc ce sera mieux qu’une exérèse trans-anale dans le cas présent. Docteur Goere : Une autre proposition ? Docteur X : Après ce qu’on a entendu ce matin sur les petites tumeurs avec 13 % de ganglions qui passeraient inaperc ¸us lors d’un traitement local, à 50 ans je pense que c’est logique de faire une chirurgie avec une exérèse totale du mésorectum. Docteur Mabrut : Donc soit exérèse locale, soit exérèse totale du mésorectum et si exérèse locale, soit TEM soit autre chose. Qui est pour l’exérèse complète ?



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Benoist).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2015.08.001 1878-786X/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

JCHIRV-554; No. of Pages 7

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Figure 1. Coloscopie. Lésion rectum sessile 2,5 cm de diamètre, 3 cm du sphincter (TR), végétante non ulcérée, base d’implantation un peu indurée. Pas de lésion sur le côlon.

Figure 2. Echoendoscopie. Tumeur développée dans la sousmuqueuse, pas de franchissement de la musculeuse, absence d’adénopathie.

Docteur X : Est-ce que le caractère induré de la lésion nous embête ou pas ? Est-ce que vous vous fiez plus à l’échoendoscopie ? Docteur Dousset : Sous l’influence des endoscopistes avec qui je travaille, on ferait une écho-endoscopie avant d’envisager l’exérèse locale, et on ferait un décollement par injection par voie endoscopique parce que si la lésion ne se décolle pas, elle a de très bonnes chances d’être sousmuqueuse profonde et de ce point de vue-là, il y a un risque ganglionnaire qui pourrait faire renoncer à l’exérèse locale. Docteur Panis : Je ne suis pas d’accord avec ce que dit le Docteur Dousset, parce que le décollement c’est pour faire des mucosectomies et on est en train de discuter d’une exérèse full thickness de la paroi et donc on ne fait jamais de décollement, on s’en tient aux recommandations et la recommandation est si on est usT1N0, l’IRM est très mauvaise dans ce cadre-là, on fait une exérèse locale. C’est la recommandation et après on verra, je suppose que le dossier n’est pas fini.

M. Anyla et al. Docteur Nordlinger : On peut rappeler la taille et la différenciation ? Docteur X : La question est de savoir quel est l’état de la sous-muqueuse : soit c’est SM 1, 2 ou 3, par mini sonde en écho-endoscopie ; soit on peut pas savoir et le moyen est de faire une exérèse locale full thickness pour avoir toute l’épaisseur de la paroi puis à ce moment-là on voit s’il faut compléter ou pas. Docteur Goere : Donc on a passé à ce moment-là outre le risque ganglionnaire. Personne ne fait d’IRM pour compléter le bilan ? Docteur X : On s’est posé cette question et on en fait assez souvent quand il s’agit d’une lésion du haut rectum afin de mieux la localiser et vérifier si elle est accessible à une exérèse locale par TEM mais pour les T1 dans la littérature c’est très clair que très rapidement on va vous dire T2 et vous allez faire des TME qui ne seront pas justifiées. Docteur X : Est-ce que l’on se dit puisque c’est à 3 cm du sphincter on peut peut-être faire une trans-anale sans faire la TEM qui demande plus d’expérience ? Docteur Penna : Pour répondre à la question, dans la littérature, les résultats de l’exérèse trans-anale en termes de marge latérale et un peu de marge profonde sont moins bons que les résultats de la TEM. On a plus souvent des marges latérales envahies, on a plus souvent des plus petites marges donc si on peut faire bénéficier la patiente des deux techniques, il faut donner la préférence à la TEM. Docteur Anyla : Donc effectivement, nous avons discuté ce dossier en RCP, et décidé de réaliser une exérèse locale et pourquoi, comme le disait Monsieur Panis, parce que les critères établis par les recommandations pour la pratique clinique de 2016 de l’exérèse locale, étaient ici respectés. En effet, nous avions une tumeur de moins de 3 cm qui était bien différenciée sur les biopsies, qui était classée usT1N0 et dont l’exérèse monobloc paraissait possible. Comme le disait Monsieur Penna, nous avons opté pour l’exérèse par TEM plutôt que par voie trans-anale classique car d’une part la lésion était située bien au-dessus du sphincter (donc pas de problème d’étanchéité lors de la TEM), et en plus, toutes les études non contrôlées réalisées comparant les deux techniques ont conclu que la TEM permettait d’obtenir de meilleures marges de résection et donc moins de résection R1 et moins de récidive in situ. Nous avons donc réalisé cette exérèse par TEM. L’exérèse a été monobloc et le plan de section passait par les premières fibres de la musculeuse sur quasiment toute la circonférence, sauf au niveau de la marge droite ou la graisse péri-rectale a été visible sur 2 cm. Les suites opératoires ont été marquées par une hémorragie ayant nécessité une reprise par TEM. Au cours de cette réintervention nous avons réalisé un décaillotage de l’ampoule rectale et il n’y avait plus de saignement actif visible. Suite à cette réintervention il n’y a pas eu de récidive hémorragique. L’examen anatomopathologique a conclu en une tumeur de 3 × 1,5 cm qui était un adénocarcinome moyennement différencié. Il y avait du budding sur le front d’invasion carcinomateux et des emboles lymphatiques. Il n’y avait pas d’engainement péri-nerveux, ni de contingent mucineux. Par contre, il y avait un envahissement de la musculaire interne de la musculeuse et finalement la lésion était classée pT2N0, la résection était complète R0 avec des marges latérales et profondes qui étaient saines. Quelle est votre attitude thérapeutique ? Docteur Goere : Donc finalement ce n’est pas un usT1 c’est un pT2.

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Figure 3. Synthèse recommandations pratique clinique 2006 (RPC 2005, Gastroenterol Clin Biol 2006). Décision en fonction examen histologique définitif RCP 2006.

Docteur Panis : Si on suit ce qui est écrit, il faut faire une TME secondaire, la littérature dit une semaine et la logistique dit plutôt un mois mais il faut faire une TME. Et vous avez eu l’anatomopathologie au bout de combien de temps ? Docteur Anyla : Rapidement sous 5—6 jours. Docteur Panis : Donc c’est une demande spécifique qu’on fait dans ces cas-là ? Docteur Anyla : Effectivement on a fait une exérèse par TEM et on a prévenu les anatomopathologistes. Docteur Mabrut : Donc vous avez demandé un résultat rapide pour pouvoir rectifier l’indication si besoin rapidement. Docteur X : Devant l’envahissement T2, je demande une IRM. Docteur Goere : On est d’accord de dire qu’il faut faire une chirurgie complémentaire, peut-être un examen avant, peut-être une IRM, et quel type de chirurgie on va faire ? Docteur Anyla : Encore une fois nous nous sommes basés sur la RCP de 2006 (Fig. 3) qui disait que la prise en charge dépend de l’examen histologique définitif. Donc après une exérèse locale, s’il y a un critère défavorable, il faut réaliser une exérèse rectale complémentaire. Là, il y en avait 3. Nous avions une tumeur finalement qui était T2, il y avait des emboles et du budding. On a donc décidé de réaliser une proctectomie complémentaire avec exérèse totale du mésorectum par voie cœlioscopique, nous avons discuté ce dossier en RCP et avons décidé de ne pas réaliser de traitement en néoadjuvant car il s’agissait d’une tumeur pT2N0 et dont l’exérèse avait été complète R0. Le délai recommandé comme dit Monsieur Panis c’est le plus rapidement possible sous 8 à 10 jours car l’exérèse est plus simple techniquement et dans ce cas précis, la patiente était un peu fatiguée après sa reprise pour hémorragie, on était en période de fêtes et elle voulait préparer les fêtes en famille. Docteur Mabrut : Donc là, il est décidé de la reprendre chirurgicalement, de faire une exérèse complète du mésorectum. Est-ce que certains auraient privilégié la voie par laparotomie parce qu’il s’agissait d’une reprise, que la patiente avait déjà eu une exérèse trans-anale ? Est-ce que pour vous c’est un argument de faire une cœlioscopie ou plutôt une laparotomie ? Docteur Peschaud : Non je pense que ¸ ca ne change rien, qu’il faut maintenir la voie cœlioscopique même si la dissection sera plus difficile en bas.

Docteur Panis : Le fait que la lésion soit T2, qu’il y a une effraction de la paroi complète, est-ce que ¸ ca doit modifier la stratégie ? Chirurgicale oui, mais sur le plan néoadjuvant ? Personne n’aurait fait un traitement néoadjuvant puisqu’il y a une effraction de la paroi rectale ? Dans la mesure où c’est une exérèse R0 ce n’est pas justifié. Docteur Elias : Moi je voulais discuter de ¸ ca justement puisque le rationnel de la réopérer est parce qu’elle est T2 donc il y a un risque d’envahissement ganglionnaire qui n’est pas négligeable, et normalement pour une tumeur N+ on discute la radio chimiothérapie préopératoire. Est-ce que dans ce cas-là c’est indiqué, pas indiqué, est-ce qu’une IRM montrant des ganglions pourrait faire changer l’attitude ? Docteur Schmidt : Je ne ferai pas d’IRM parce que les ganglions seraient emportés, par contre la difficulté c’est qu’en bas on risque d’ouvrir le mésorectum en regard de la zone de tumorectomie donc je pense que ¸ ca plaide vraiment pour un abord périnéal premier en remontant le plus haut possible pour que toute la zone de résection soit traitée avant et ensuite de faire la cœlioscopie. Docteur Anyla : Alors pour répondre à l’IRM effectivement il n’y avait pas vraiment d’intérêt à la réaliser ici, on aurait peut-être des ganglions, maintenant à savoir si ¸ca serait des ganglions inflammatoires ou cancéreux ce serait trop difficile à savoir, maintenant pour l’abord par laparotomie, ou par cœlioscopie, effectivement nous avons opté pour un abord par cœlioscopie, la dissection au niveau du bas rectum a été difficile au niveau de la zone de résection tumorale nécessitant une conversion en Pfannenstiel, maintenant pour l’instant il n’est pas recommandé de réaliser d’emblée un abord par laparotomie. Docteur Perniceni : Moi je ne trouve pas que la discussion soit laparotomie ou cœlioscopie, c’est la cœlioscopie mais la question est « est-ce qu’on ne commence pas par en bas » chez une dame qui a donc une effraction rectale et qui a saigné, le temps de la cœlioscopie, à cet endroit-là n’est pas forcément le plus facile donc il serait peut-être astucieux de commencer par en bas et de pouvoir faire cette dissection qui surement avec le délai que vous indiquez et la complication postopératoire, ne sera pas simple et vous aurez quand même une meilleure exposition pour peut-être mieux faire cette partie basse de la dissection. Docteur Anyla : Effectivement ¸ca aurait pu être une option tout à fait envisageable.

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Figure 4.

M. Anyla et al.

PET Scan. Une fixation suspecte pulmonaire, hépatique, pelvienne.

Docteur X : Moi ce qui m’inquiète un peu c’est une étude ancienne mais qui avait analysé le sang aspiré dans l’aspirateur de l’intervention pour de toutes petites tumeurs et il était retrouvé dans ce sang des cellules tumorales chez 80 % des patients. Tout ¸ ca pour vous dire qu’il y a quand même à mon avis un risque de récidive locale dû à l’exérèse et que du coup la radio chimiothérapie préopératoire doit se discuter parce que je pense qu’il y a un risque. Docteur Anyla : Nous en discuterons dans quelques instants. Nous avons réalisé cette proctectomie complémentaire à 5 semaines chez la patiente. Nous avons converti (programmé) pour la dissection du bas rectum au niveau de la zone de résection tumorale, la reconstruction a été faite par une anastomose colo-anale manuelle au niveau de la ligne pectinée avec un réservoir colique en J et une iléostomie de protection. Les suites de cette intervention ont été simples. L’examen anatomopathologique de la pièce a conclu en l’absence de tumeur résiduelle sur la cicatrice de résection trans-anale, il n’y avait aucun ganglion envahi sur les 33 analysés, pas d’embole, pas d’engainement péri-nerveux, mais au niveau du mésorectum il y avait une brèche de 2 × 3 cm au niveau de la zone de résection transanale donc au total pT0N0. Docteur X : On peut avoir plus de renseignements sur cette histoire de brèche sur le mésorectum ? Docteur Anyla : Au niveau de la pièce de proctectomie, l’anatomopathologie a décrit qu’il y avait une solution de continuité au niveau du mésorectum qui était déchiré à cet endroit. Docteur X : Est-ce que ¸ ca veut dire qu’à cet endroit il y avait un équivalent de perforation ? Docteur Anyla : La tumeur n’avait pas été perforée puisque l’exérèse avait été complète, elle était passée au large pour les marges latérales et profondes. Maintenant comme je l’avais dit, au niveau de la marge droite, on avait vu de la graisse péri-rectale, mais le mur du mésorectum était bien présent, simplement au moment de la dissection en tractant effectivement sur le rectum sa dissection qui a été difficile, en tirant il y a eu une déchirure du mésorectum. Docteur X : D’accord, lors de la deuxième intervention ? Docteur Anyla : En tirant effectivement sur le rectum au cours de la dissection. Docteur X : Mais est-ce qu’on peut dire qu’il y a un équivalent de perforation de la tumeur dans le mésorectum ? Localement en tout cas ? Docteur Anyla : Moi je ne parlerai pas de perforation dans ce cas précis. Docteur X : Non mais ¸ ca plaide peut-être pour l’attitude de Thierry Perniceni de commencer par le bas compte tenu potentiellement des difficultés pour avoir une exérèse non seulement complète mais avoir un mésorectum complet et

intact d’effraction, c’est peut-être la réponse à l’argument qu’il y avait tout à l’heure. Docteur Anyla : Donc suite à cela nous avons discuté en RCP du dossier, décidé d’une surveillance seule, sans traitement adjuvant, l’iléostomie a été fermée à six semaines avec des suites simples, à un an l’examen clinique et la coloscopie étaient parfaitement normaux, mais à deux ans, on a noté une augmentation de l’ACE qui est passé de 3,8 à 6,9 pour une normale inférieure à 5 ng/mL et surtout sur le scanner thoracique, on a découvert un nodule pulmonaire de 8 mm. Nous avons donc décidé de réaliser un petscanner pour caractériser ce nodule. Au Petscanner (Fig. 4) le nodule pulmonaire fixe mais surtout à notre grande surprise, on découvre une fixation hépatique, et une fixation pelvienne. Le bilan a été complété par un scanner thoraco-abdomino pelvien (Fig. 5) et une IRM hépatique (Fig. 5). Sur les coupes thoraciques du scanner, on retrouvait un nodule pulmonaire unique au niveau du lobe inférieur gauche, l’IRM hépatique mettait en évidence une lésion hépatique unique de 18 mm sous-capsulaire à la jonction des segments VII et VIII et sur les coupes pelviennes du scanner (Fig. 6) on visualisait une récidive locorégionale postéro-latérale droite avec une attraction du cul de sac vaginal postérieur droit. D’ailleurs, la récidive était mieux perc¸ue au toucher vaginal que rectal. Sur ces coupes, on visualise un liseré graisseux entre le réservoir et la récidive et la rectoscopie était normale donc cette récidive était située en dehors du réservoir et du côlon abaissé, et était située au niveau du muscle pubo-rectal droit. En résumé nous avions une tumeur pT2N0 du rectum traitée par TEM puis proctectomie comme recommandé et qui récidive à 24 mois sur 3 sites : hépatique, pulmonaire, et locorégional. Quelle est votre stratégie thérapeutique ? Docteur Panis : Juste un commentaire parce qu’on pourrait très vite glisser et dire que c’est la démonstration qu’il ne faut pas faire une exérèse locale dans un T1N0 et on pourrait glisser sur un deuxième niveau, en se disant que c’est bien la preuve qu’il ne fallait pas faire qu’une TME. Je crois que la littérature existe et que quand on reprend immédiatement un T1 qui est un T2 sur une pièce trans-anale, la survie à 5 ans est équivalente à une TME d’emblée et il y a de nombreuses publications sur ce sujet. Je dis juste que là, on a envie de dire que c’est la démonstration qu’il ne faut pas faire votre stratégie alors que votre stratégie est validée dans la littérature. La deuxième chose est que s’il n’y a rien sur la pièce de TME, ¸ ca veut dire qu’on n’a pas laissé de cellule tumorale au moment où on a fait cette TME c’est-à-dire qu’il y a peut-être un problème technique de greffe cellulaire au moment où on a fait cette exérèse TEM parce qu’on est en extra digestif et que sur votre TME et votre mésorectum il n’y a pas de tumeur donc c’est vrai que la greffe cellulaire est un problème technique de la TEM.

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Figure 5. TDM TAP : 1 nodule pulmonaire unique du lobe inférieur gauche. IRM hépatique : 1 lésion hépatique unique de 18 mm souscapsulaire du foie droit.

Figure 6.

TDM pelvien : récidive locorégionale latéro-postérieure droite.

Je crois qu’il ne faut pas glisser en se disant qu’elle nous a convaincu qu’on opère plus les T1N0 par exérèse locale, on ne fait plus de TME après un T2. Docteur X : Il faut souligner qu’il y a eu une complication hémorragique et un délai de reprise peut-être tardif, et attirer l’attention sur ces deux facteurs pour ne remettre en cause cette attitude validée d’un point de vue bibliographique. Docteur Fourquier : Je pense que le Docteur Dousset avait raison : on commence en endoscopie par soulever la muqueuse parce que si la muqueuse ne se soulève pas, c’est qu’on a pas affaire à un T1sm1 et si on est sûr que ce n’est pas un T1sm1, on a un pourcentage d’envahissement ganglionnaire qui est non négligeable ; et chez une patiente de 50 ans, c’est faire prendre des risques importants. Donc la littérature c’est bien mais en pratique il faut rester simple. Docteur X : Moi je pense que les recommandations ont été bien respectées sauf que dans les conditions actuelles j’aurais fait une surveillance beaucoup plus rapprochée. J’aurais fait un scanner juste après la résection qui me servirait de référence et je n’aurais pas attendu deux ans pour faire un autre scanner. Docteur Anyla : On n’a pas attendu deux ans. On vous donne le fait marquant de l’évolution mais on n’a pas attendu deux ans pour faire un scanner. La patiente a été surveillée selon les recommandations et elle avait eu six mois plus tôt une imagerie et un scanner qui datait de 7 mois et une échographie hépatique de 4 mois. Docteur Dousset : Je veux quand même abonder dans le sens de ce qu’a dit Yves Panis à savoir qu’on est resté dans le cadre des recommandations. Mais on a une triple récidive métastatique pulmonaire résécable, hépatique résécable et une récidive pelvienne. Donc on a une maladie systémique. Il faut proposer une chimiothérapie systémique parce qu’il faut contrôler la phase de progression de développement de la maladie. L’élément limitant et majeur chez cette femme

de 50 ans, c’est son pronostic fonctionnel de sa récidive pelvienne dont on peut dire qu’elles sont toujours beaucoup moins bien limitées, et beaucoup plus étendues que ne laisse supposer l’imagerie. La double question est celle du respect du réservoir ou d’une anastomose colo-anale itérative, car il faut préserver la fonction sphinctérienne car je pense que personne n’aura envie de lui proposer une amputation. On peut faire une échographie endo-vaginale pour préciser l’extension locorégionale de la récidive pelvienne. En pratique, je commencerai par une chimiothérapie, je voudrais discuter une radio chimiothérapie qui va avoir des conséquences très mauvaises sur la colo-anale et je pense que l’enjeu majeur c’est radio chimiothérapie ou pas, et quelle chirurgie pour la récidive pelvienne. Docteur X : je suis d’accord avec le Docteur Dousset, la question est actuellement la patiente est symptomatique ou pas en bas ? Parce que cela va conditionner la radiothérapie. Docteur Anyla : Elle est asymptomatique, elle décrit quelques douleurs lors de la vidange du réservoir mais rien de plus. Docteur X : La lésion n’est pas fistulisée dans le vagin ? Docteur Anyla : Pas du tout. Docteur X : Comme elle est asymptomatique je proposerai une chimiothérapie. Docteur Perniceni : Alors qu’il faille faire un peu de chimiothérapie « multidisciplinaire », je ne suis pas contre mais je crains que malheureusement, puisque cette patiente doit pouvoir être blanchie de ses lésions au niveau du foie et du thorax, je crains que précédée ou non d’une chimiothérapie, qu’il faille envisager une exérèse éventuellement pelvienne postérieure, qui sera une amputation abdomino-périnéale du rectum. On peut la blanchir d’un point de vue thoracique, pulmonaire, mais il faut empêcher que ¸ ca échappe au niveau pelvien. Ce serait irrattrapable. Alors peut-être que je lui ferais une radio chimiothérapie avant mais je lui ferais une pelvectomie postérieure.

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Figure 7.

M. Anyla et al.

TDM de réévaluation après 4 cycles : foie : réponse objective ; poumon : stabilité ; pelvis : stabilité.

Docteur Elias : Le problème est immédiat et ce n’est pas ses métastases pulmonaire ou hépatique, c’est la récidive locale. Son pronostic est à la récidive dans le pelvis. Moi j’aurais tendance à dire on démarre par un FOLFIRINOX. On s’en fiche si les deux petites métastases disparaissent, elles réapparaîtront ou pas, le problème c’est de connaître la progression de la maladie et d’avoir un peu plus de recul sous une chimiothérapie très efficace, et d’essayer de faire diminuer uniquement par chimiothérapie la volumineuse masse tumorale en bas. Après pour moi la radio chimiothérapie est indispensable avant d’aller dans le pelvis si on décide de l’opérer, attendre ensuite un minimum de deux mois après les rayons. Et on fait une chirurgie large d’emblée, pour avoir des marges R0 ce qui est sa seule chance. Et je me demande s’il ne faut pas commencer comme un Kraske c’està-dire couper à la jonction entre sacrum et coccyx pour avoir une très bonne dissection en bas avant de la remettre sur le ventre. À mon avis, tout le pronostic de cette dame est dans le pelvis. Docteur Paye : Dans cette situation on a donc une récidive pelvienne qui est grave, qui envahit les releveurs, et une maladie métastatique assez simple car il y a juste une métastase hépatique et une métastase pulmonaire donc je pense qu’on aurait tendance à faire une chimiothérapie première un FOLFIRINOX, peut-être 4 cures, et ensuite de traiter les sites qui sont faciles à traiter car on sait que l’on va avoir énormément de mal à traiter cette maladie pelvienne avec des complications et des suites qui barreront toute possibilité de chimiothérapie dans les deux à trois mois qui suivent. Donc moi j’aurais fait un FOLFIRINOX ensuite exérèse rapide, peut-être même dans le même temps de la métastase hépatique et pulmonaire puis ensuite une radio chimiothérapie et ensuite un geste pelvien qui risque d’être très large et de type amputation car il y a envahissement des releveurs, on n’aura pas tellement d’autre solution. Docteur Anyla : Donc effectivement, comme vous l’avez dit, ce ne sont pas vraiment les métastases hépatique et pulmonaire qui allaient poser problème ici car elles sont facilement résécables. Le problème est posé par la récidive locorégionale. La stratégie thérapeutique devait donc commencer par traiter de fac¸on optimale le site le plus évolué c’est-à-dire la récidive locorégionale en essayant d’éviter une progression des autres sites. Donc ce dossier a fait débat lors des discussions RCP, et nous avons opté pour une radio chimiothérapie première, la patiente a eu deux cures de FOLFOX en systémique puis une irradiation de 50 Gy avec une chimiothérapie à base d’OXALIPLATINE puis trois cures de FOLFOX en systémique. Le but de l’OXALIPLATINE chez cette patiente était de contrôler la maladie métastatique, pulmonaire et hépatique, en ayant peut être comme vous l’avez dit, un effet sur la récidive locorégionale. Sur le scanner de réévaluation à la fin du traitement (Fig. 7), il y avait une réponse objective de la lésion

hépatique qui n’était quasiment plus visible et une stabilité des lésions pulmonaires et de la récidive locorégionale. La patiente a été opérée ensuite et nous avons réalisé une amputation abdomino périnéale par laparotomie, associée à une exérèse complète de la paroi postérieure du vagin, et cette exérèse s’étendait latéralement au contact de l’échancrure sciatique pour essayer d’emporter toute la lésion. La paroi périnéale postérieure a été reconstruite par une épiplooplastie car l’épiploon de la patiente était satisfaisant et le défect cutané peu important. Les suites de cette intervention ont été simples, l’examen anatomopathologique a conclu en une récidive d’adénocarcinome bien différencié sans métastase ganglionnaire ; par contre la recoupe latérale au contact de l’échancrure sciatique était positive et donc la résection était R1. La patiente a eu en postopératoire trois cures d’OXALIPLATINE, pour ce qui est des lésions pulmonaires et hépatiques, nous avions décidé d’une destruction par radio fréquence compte tenu de la résection R1 au niveau de la récidive, la patiente a déjà eu sa radio fréquence pour la lésion pulmonaire mais elle est actuellement en attente d’une résection hépatique car cette lésion n’est plus visible en échographie et elle ne peut donc pas bénéficier d’une destruction par radio fréquence percutanée. En conclusion si on analyse ce dossier avec un peu de recul, si la patiente avait eu d’emblée une proctectomie pour sa tumeur pT2N0, les résultats à 10 ans de cette intervention comme le rapporte l’essai hollandais, aurait été excellent avec un taux de récidive locale de l’ordre de 3 % donc très faible (Fig. 8). On peut donc penser qu’ici, la stratégie associant une exérèse locale avec proctectommie de rattrapage a probablement péjoré le pronostic de cette malade. Maintenant, reste à savoir pourquoi. Nous pouvons penser qu’il y a eu très probablement un essaimage des cellules tumorales lors de la TEM dans le mésorectum et dans le tissu adjacent, et ce, même si l’exérèse locale n’est pas passée dans la tumeur. Pour expliquer cela nous avanc¸ons deux hypothèses : soit c’est la stratégie exérèse locale et la proctectomie de rattrapage qui n’est pas bonne, soit la dissémination a été favorisée par l’insufflation au cours de la TEM. Pour étayer notre première hypothèse, il y a des données dans la littérature qui semblent montrer que la proctectomie de rattrapage a tendance à avoir de moins bons résultats oncologiques que la proctectomie d’emblée. Dans une première étude un peu ancienne comparant proctectomie de rattrapage et proctectomie d’emblée pour de petites tumeurs ayant des critères histologiques péjoratifs, la proctectomie de rattrapage avait de moins bons résultats oncologiques que la proctectomie d’emblée mais les résultats n’étaient alors pas significatifs. En revanche, dans une étude plus récente portant sur un plus grand nombre de malades, il apparaît clairement que la proctectomie de

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Figure 8.

Résultats à 10 ans l’essai hollandais (Van Gijn W, Lancet Oncol 2011).

Figure 9.

Protectomie rattrapage après exérèse locale (Hahnloser, Dis Colon rectum 2005; Van Gijn EJSO 2013).

rattrapage fait moins bien que la proctectomie d’emblée avec un taux de récidive locale qui est le double (Fig. 9). Maintenant, comment éviter cette situation dans le futur ? Car, il s’agit d’une situation particulièrement dramatique, probablement en réalisant une meilleure sélection des malades pour l’exérèse locale et peut-être en tenant plus compte de l’endoscopie, de la base d’induration qui était d’ailleurs jugée indurée par l’endoscopiste chez cette patiente, et aussi, du soulèvement de la tumeur apprécié par l’endoscopiste. Autre piste, c’est peut-être de limiter l’insufflation dans cette indication et ce d’autant que Hompes et al. ont rapporté que la TEM était un facteur de risque indépendant de récidive après proctectomie de rattrapage [1]. Finalement, troisième possibilité, c’est de réaliser un traitement systématique par radio chimiothérapie en préopératoire en cas

de proctectomie de rattrapage, et ce d’autant que Gagliardi et al. rapportaient un taux de 35 à 40 % de tumeur résiduelle sur les pièces de proctectomie et ce malgré une exérèse locale initialement complète [2].

Références [1] Hompes 1 R, McDonald R, Buskens C, et al. Completion surgery following transanal endoscopic microsurgery: assessment of quality and short- and long-term outcome. Colorectal Dis 2013;15:e576—81. [2] Gagliardi G, Newton TR, Bailey HR. Local excision of rectal cancer followed by radical surgery because of poor prognostic features does not compromise the long term oncologic outcome. Colorectal Dis 2013;15:e659—64.