Traitement néoadjuvant du cancer du rectum

Traitement néoadjuvant du cancer du rectum

© Masson, Paris, 2006. SÉMINAIRE Gastroenterol Clin Biol 2006;30:114-116 Traitement néoadjuvant du cancer du rectum Christophe PENNA Fédération des...

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© Masson, Paris, 2006.

SÉMINAIRE

Gastroenterol Clin Biol 2006;30:114-116

Traitement néoadjuvant du cancer du rectum Christophe PENNA Fédération des Spécialités Digestives, Hôpital Ambroise Paré,Boulogne.

Observation 1

Observation 2

Un homme de 55 ans sans antécédent personnel ou familial consulte pour des rectorragies. Au toucher rectal on palpe une tumeur bourgeonnante et ulcérée de la face postérieure du moyen rectum, mobile sur les plans profonds, d’environ 3 cm de diamètre et dont le pôle inférieur est situé 4 cm au-dessus du plancher des muscles releveurs de l’anus. La coloscopie confirme ces données, la tumeur est située à 8 cm de la marge anale, il n’y a pas d’autre lésion sur le cadre colique. En échoendoscopie la lésion est classée uT3N0. En IRM, la marge latérale prévisible est mesurée à 10 mm. La radiographie de thorax et l’échographie abdominale sont normales.

Un homme de 55 ans sans antécédent personnel ou familial consulte pour des rectorragies. Au toucher rectal on palpe une tumeur bourgeonnante et ulcérée de la face antérieure du bas rectum, mobile sur les plans profonds, d’environ 3 cm de diamètre et dont le pôle inférieur est situé en regard du bord supérieur des muscles releveurs de l’anus. En anuscopie le pôle inférieur de la lésion est situé 1 cm au-dessus de la ligne pectinée. La coloscopie ne met pas en évidence d’autre lésion sur le cadre colique. En échoendoscopie la lésion est classée uT3N0. En IRM la marge latérale prévisible est mesurée à 0 mm. La radiographie de thorax et l’échographie abdominale sont normales.

Question 1 : Proposez-vous un traitement avant l’intervention et si oui lequel ?

Question : Proposez-vous un traitement avant l’intervention et si oui lequel ?

1. Aucun 2. RT 25 Gy en 5 fractions sur 5 jours 3. RT 45 Gy sur 5 semaines 4. RCT, RT de 45 Gy, 5FU continu 5. RCT, RT de 45 Gy, 5FU continu, Oxaliplatine Réponse : 2 Il s’agit d’un adénocarcinome résecable du moyen rectum. Les objectifs du traitement préopératoire sont de diminuer les risques de récidive locale et d’améliorer la survie. En cas de cancer du moyen rectum de stade II ou III, la conférence de consensus de 1996 et sa révision actuellement en cours d’élaboration ainsi que les recommandations de la FFCD préconisent un traitement préopératoire par RT (grade A) ou RCT (grade B) en notant toutefois que pour les tumeurs postérieures avec envahissement limité du mésorectum (IRM++) la RT préopératoire est optionnelle si l’exérèse totale du mésorectum permet d’obtenir une marge latérale large (avis d’experts). Personnellement, je proposerais à ce malade une radiothérapie préopératoire courte de 25 Gy car c’est le schéma qui a été évalué et dont le bénéfice sur la prévention de la récidive locale est prouvé. Si pour des raisons fonctionnelles le malade était réticent à l’idée d’une RT je proposerais une intervention sans traitement préopératoire car pour cette tumeur (face postérieure du moyen rectum, marge latérale de 10 mm en IRM) le risque de récidive locale est faible, de l’ordre de 5 %. Si une récidive survient, elle pourra être traitée de façon curative dans plus de 50 % des cas par RT et chirurgie. La radiothérapie longue (45 Gy) sans ou avec CT sont des options possibles dans ce cas mais leur bénéfice n’est pas établi.

1. Aucun 2. RT 25 Gy en 5 fractions sur 5 jours 3. RT 45 Gy sur 5 semaines 4. RCT, RT de 45 Gy, 5FU continu 5. RCT, RT de 45 Gy, 5FU continu, Oxaliplatine Réponse : 5 Il s’agit d’un adénocarcinome du bas rectum pour lequel il existe d’emblée soit un fort risque de résection incomplète R1 ou R2 (marge latérale mesurée à 0 mm en IRM) soit une indication d’amputation abdominopérinéale. L’objectif du traitement préopératoire est donc dans ce cas d’obtenir une réduction tumorale permettant une exérèse complète préservant l’appareil sphinctérien avec une marge latérale supérieure à 2 mm. En l’absence d’étude spécifique et s’appuyant sur les résultats d’étude de phase II de RCT préopératoire, la FFCD et l’actualisation de la conférence de consensus recommandent dans ces cas une RCT et une réévaluation complète 5 semaines après la fin du traitement. Personnellement, je proposerais une radiochimiothérapie associant 45 Gy, du 5FU en perfusion continue (ou une prodrogue orale du 5FU et de l’oxaliplatine (schéma Folofor II, Aschele ou CORE)) ou du CPT 11.

Observation 3 Identique au cas n°1 mais l’échographie et le scanner mettent en évidence des métastases hépatiques accessibles à une résection chirurgicale complète par une hépatectomie classique de moins de 4 segments laissant plus de 40 % de parenchyme résiduel (résécabilité de type I). Le scanner thoracique est normal et le PET scan ne met pas en évidence d’autre métastase.

Tirés à part : C. PENNA, Fédération des Spécialités Digestives, Hôpital Ambroise Paré, 9 avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne.

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traitement chirurgical doit respecter les règles carcinologiques d’exérèse du mésorectum. La qualité de cette exérèse doit être vérifiée en salle d’intervention et lors de l’examen macro et microscopique de la pièce opératoire (1, 2, 3, accord d’experts).

Question : Quelle stratégie aurait votre préférence ?

La radiothérapie pré-opératoire est plus efficace et mieux tolérée que la radiothérapie post-opératoire [4].

1. Chirurgie synchrone (rectum + foie) 2. RT 25 Gy, chirurgie synchrone

La radiothérapie pré-opératoire délivrant 25 Gy en 5 fractions sur 5 jours suivie dans les 5 jours d’une résection rectale avec exérèse du mésorectum diminue significativement le risque de récidive locale dans les cancers du moyen et du bas rectum de stade II ou III [5], résultats confirmés uniquement pour les cancers du moyen rectum après un recul de 5 ans [6]. Avec ce schéma de RT aucun bénéfice sur la survie n’est observé à 2 ou 5 ans [5,6]. La radiothérapie pré-opératoire (5 x 5 Gy) augmente significativement les taux d’incontinence et de troubles fonctionnels post-opératoires et les complications sexuelles [7].

3. RT 25 Gy, chirurgie du rectum, CT, chirurgie hépatique 4. RCT puis chirurgie synchrone 5. RCT, chirurgie du rectum, CT chirurgie hépatique Réponse : 3 Il s’agit d’un cancer du moyen rectum avec métastases hépatiques synchrones. Une résection curative R0 est envisageable pour les deux localisations. L’objectif du traitement préopératoire est de traiter au mieux les 2 localisations en évitant que le traitement d’un site soit délétère à la prise en charge de l’autre site. En raison des nombreuses possibilités thérapeutiques, de l’absence d’étude spécifique et de consensus d’expert, la discussion en réunion pluridisciplinaire toujours souhaitable devient ici tout à fait indispensable. En effet, la stratégie décidée initialement ne pourra plus être modifiée par la suite.

La radiothérapie la plus utilisée en France (45 Gy étalés sur 5 semaines avec intervention 6 semaines plus tard) serait mieux tolérée et permet d’observer une réduction tumorale dans près de 20 % des cas [8]. Il n’y a pas de données disponibles concernant ce schéma d’administration de radiothérapie avant chirurgie avec TME sur le risque de récidive locale ou la survie

Presque toutes les options sont possibles. Les plus souvent discutées sont les 5 propositions suivantes :

L’association d’une chimiothérapie à la radiothérapie augmente le taux de réponse locale au prix d’une augmentation de la toxicité [9]. La RT pré-opératoire étalée sur 5 semaines peut être associée au 5FU, aux précurseurs oraux de 5FU, à l’oxaliplatine ou au CPT-11. Les taux de réponses observés avec les associations 5FU oxaliplatine ou 5FU CPT-11 semblent, dans des études de phase II, supérieurs à ceux observés avec le 5FU seul. La RCT pré-opératoire peut permettre la résection de tumeur initialement non résécables [10].

1. Chirurgie synchrone (rectum + foie) puis surveillance ou CT 2. RT 25 Gy , chirurgie synchrone puis surveillance ou CT 3. RT 25 Gy, chirurgie du rectum, CT, chirurgie du foie, surveillance ou CT 4. RCT (avec oxaliplatine ou CPT-11) puis chirurgie synchrone puis surveillance ou CT 5. RCT puis chirurgie du rectum puis CT puis chirurgie hépatique puis surveillance ou CT

Dans le seul essai randomisé (publié sous forme de résumé) comparant radiothérapie (45 Gy) ou RT + FUFOL avant chirurgie (sans exérèse du mésorectum) la survie globale était identique dans les 2 bras, le taux de récidive locale était inférieur dans le bras radiochimiothérapie (8 vs 16,5 %) [11]. On peut noter que dans l’essai hollandais avec TME le taux de récidive locale à 5 ans dans le groupe radiothérapie n’était que de 5,8 %.

L’état général du malade (âge, comorbidités) et le type de résection hépatique envisagé (tumorectomie dans un segment facilement accessible ou hépatectomie majeure) vont largement influencer la décision. Personnellement, si la métastase hépatique est unique et facilement accessible, je proposerais l’option 2. Le cancer du rectum sera traité comme dans le cas n°1. La résection hépatique synchrone modifiera peu la voie d’abord, n’augmentera probablement pas la morbidité et réglera le problème hépatique. Bien qu’il n’existe pas d’argument formel dans la littérature je proposerais une CT adjuvante. Les résultats de l’essai de l’EORTC (inter groupes FFCD) attendus pour 2006 répondront à la question du bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante en cas de métastases hépatiques réséquées en totalité.

La marge latérale est un facteur pronostique indépendant du risque de récidive locale. En cas d’exérèse complète du mésorectum avec une marge latérale non envahie le risque de récidive locale à 2 ans est de 5,5 % sans traitement préopératoire [12]. RÉFÉRENCES

1. MacFarlane JK, Ryall RD, Heald RJ. Mesorectal excision for rectal cancer. Lancet 1993;341:457-60.

S’il s’agit d’une résection hépatique plus conséquente (hépatectomie réglée ou segmentectomies multiples modifiant la voie d’abord) ma préférence irait à l’option 3. En effet, une résection différée pourrait diminuer la morbidité péri-opératoire et surtout permettrait l’évaluation de la réponse à la CT des métastases hépatiques. La CT serait poursuivie en post-opératoire si son efficacité était établie. Les options 4 ou 5 me paraissent plutôt indiquées si la marge latérale prévisible sur la tumeur rectale est petite.

2. Zaheer S, Pemberton JH, Farouk R, Dozois RR, Wolff BG, Ilstrup D. Surgical treatment of adenocarcinoma of the rectum. Ann Surg 1998; 227:800-11.

3. Martling AL, Holm T, Rutqvist LE, Moran BJ, Heald RJ, Cedemark B. Effect of a surgical training programme on outcome of rectal cancer in the County of Stockholm. Stockholm Colorectal Cancer Study Group, Basingstoke Bowel Cancer Research Project. Lancet 2000; 356:93-6.

4. Pahlman L, Glimelius B. Pre- or postoperative radiotherapy in rectal and rectosigmoid carcinoma. Report from a randomized multicenter trial. Ann Surg 1990;211:187-95.

Données factuelles concernant le traitement pré-opératoire des cancers du rectum

5. Kapiteijn E, Marijnen CA, Nagtegaal ID, Putter H, Steup WH, Wiggers T, et al. Preoperative radiotherapy combined with total mesorectal excision for resectable rectal cancer. N Engl J Med 2001; 345:638-46.

Les malades doivent être examinés par un chirurgien avant tout traitement pré-opératoire. En cas de doute sur les possibilités de conservation sphinctérienne l’avis d’un chirurgien expert est souhaitable (avis d’expert, recommandations FFCD 2005). Le

6. Marijnen CA, Peeters K, Putter H, Lein Kranenbarg E, Stiggelbout A, Leer JW, et al. Long term results, toxicity and quality of life in the TME trial (abstract). Gastrointestinal Cancers Symposium. ASCO. Hollywood, January 27-29, 2005:A166.

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C. Penna

7. Marijnen CA, Kapiteijn E, van de Velde CJ, Martijn H, Steup WH,

10. Frykholm GJ, Pahlman L, Glimelius B. Combined chemo- and radio-

Wiggers T, et al. Acute side effects and complications after short-term preoperative radiotherapy combined with total mesorectal excision in primary rectal cancer: report of a multicenter randomized trial. J Clin Oncol 2002;20:817-25.

therapy vs. radiotherapy alone in the treatment of primary, nonresectable adenocarcinoma of the rectum. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001;50:427-34.

11. Bouche O, Conroy T, Bonnetain F, Chapet O, Closon-Desjardin MT,

8. Bosset JF, Horiot JC. Adjuvant treatment in the curative management

Untereiner M, et al. FFCD. Radiothérapie pré-opératoire avec ou sans chimiothérapie par 5 fluoro-uracile et acide folinique dans les cancers du rectum T3-T4 : résultats préliminaires de l’essai randomisé phase III FFCD 9203 (abstract). Gastroenterol Clin Biol 2005,29:A87.

of rectal cancer: a critical review of the results of clinical randomised trials. Eur J Cancer 1993;29A:770-4.

9. Bosset JF, Calais G, Daban A, Berger C, Radosevic-Jelic L, Maingon P,

12. Nagtegaal ID, van de Velde CJ, van der WE, Kapiteijn E, Quirke P,

et al. Preoperative chemoradiotherapy versus preoperative radiotherapy in rectal cancer patients: assessment of acute toxicity and treatment compliance. Report of the 22921 randomised trial conducted by the EORTC Radiotherapy Group. Eur J Cancer 2004;40:219-24.

van Krieken JH. Macroscopic evaluation of rectal cancer resection specimen: clinical significance of the pathologist in quality control. J Clin Oncol 2002;20:1729-34.

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