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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2014) xxx, xxx—xxx
MISE AU POINT / Cardiovasculaire
Vascularisation artérielle hépatique pratique en radiologie interventionnelle夽 S. Favelier a,∗, T. Germain a, P.-Y. Genson a, J.-P. Cercueil a,b, A. Denys c, D. Krausé a, B. Guiu a,b,c a
Département de radiologie diagnostique et interventionnelle, unité digestif, thoracique et oncologique, CHU de Dijon, 14, rue Paul-Gaffarel, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France b Unité Inserm U866, faculté de médecine, 7, boulevard Jeanne-d’Arc, BP 27877, 21078 Dijon cedex, France c Département de radiologie interventionnelle, CHU Vaudois, rue du Bugnon 21, 1011 Lausanne, Vaud, Suisse
MOTS CLÉS Anatomie ; Vascularisation ; Foie ; Angiographie ; Radiologie interventionnelle
Résumé La diffusion des thérapeutiques intra-artérielles hépatiques (radio- et chimioembolisation, chimiothérapie intra-artérielle hépatique) a incité les radiologues à parfaire leurs connaissances de l’anatomie artérielle hépatique. Ces procédures parfois complexes nécessitent le plus souvent un cathétérisme artériel sélectif. La connaissance des différentes artères du foie et des organes périphériques est donc primordiale pour optimiser le geste et éviter les complications. L’objectif de ce travail est de décrire l’anatomie utile de la vascularisation artérielle hépatique et de ses variantes, de l’appliquer aux images d’angiographie, et de comprendre l’implication de telles variations sur les procédures de radiologie interventionnelle. © 2014 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les avancées récentes dans le traitement endovasculaire des tumeurs hépatiques donnent à la radiologie interventionnelle (RI) hépatique une place prépondérante dans l’arsenal thérapeutique. L’administration de drogues et/ou d’agents embolisants nécessite le plus souvent un cathétérisme supra-sélectif du ou des pédicules artériels nourriciers de la tumeur afin d’optimiser le traitement et d’épargner le foie non tumoral [1]. Ces procédures (radioembolisation, chimioembolisations, chimiothérapie intraartérielle hépatique) nécessitent une parfaite connaissance de l’anatomie artérielle modale et de ses variantes pour planifier et réaliser la meilleure approche possible et ainsi
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.12.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Favelier). 夽
2211-5706/$ — see front matter © 2014 Éditions franc ¸aises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.09.008 JRDIA-393; No. of Pages 11
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2 minimiser les risques de complication per- et postinterventionnelles. Ainsi, l’embolisation de la mauvaise branche artérielle peut conduire au traitement incomplet de la lésion cible ou à l’exposition toxique de parenchyme hépatique ou d’organes sains. Cet article didactique est avant tout destiné aux internes de radiologie souhaitant se former à la radiologie interventionnelle hépatique. L’objectif de ce travail est de décrire l’anatomie utile de la vascularisation artérielle hépatique et de ses variantes, de l’appliquer aux images d’angiographie, et de comprendre l’implication de telles variations sur les procédures de radiologie interventionnelle.
Tronc cœliaque et branches artérielles à destiné hépatique Anatomie modale du tronc cœliaque L’irrigation artérielle sus-mésocolique naît du tronc cœliaque, issue de la face antérieure de l’aorte à hauteur de la 12e vertèbre thoracique (repère pour le cathéterisme) (Fig. 1). Il donne généralement trois branches majeures : artère gastrique gauche (anciennement appelée artère coronaire stomachique), artère splénique et artère hépatique commune.
Artère hépatique commune Elle naît du tronc cœliaque, a un trajet oblique en avant et vers la droite, décrivant depuis l’aorte une courbure à concavité supérieure. L’artère hépatique commune chemine vers la droite, le long du bord supérieur du pancréas jusqu’au flanc gauche de la veine porte. Puis elle se divise à hauteur du foramen épiploïque en artère gastroduodénale et artère hépatique propre.
Artère hépatique propre Branche terminale de l’artère hépatique commune, elle monte vers le foie dans le ligament hépato-duodénal, se dirigeant vers le haut et la droite, le long du bord antérieur du foramen épiploïque. L’artère hépatique propre se divise en branche droite et branche gauche de l’artère hépatique.
S. Favelier et al. Ainsi, les appellations « artère hépatique droite » et « artère hépatique gauche » seront réservées à la description des variantes anatomiques de l’artère hépatique.
Artère splénique L’artère splénique rejoint le bord supérieur du corps pancréatique, puis se dirige vers la gauche soit en arrière soit au-dessus du pancréas pour rejoindre le hile splénique. Une de ses branches terminales donne l’artère gastro-épiploïque gauche destinée à la vascularisation de la grande courbure gastrique. Cette dernière forme le cercle artériel de la grande courbure gastrique par l’anastomose avec l’artère gastro-épiploïque droite issue de l’artère gastroduodénale.
Artère gastrique gauche (ou coronaire stomachique) [2] Naît à la face supérieure du tronc cœliaque, elle décrit une arche à concavité inférieure jusqu’au bord droit du cardia. Cette anatomie particulière nécessite l’utilisation de cathéters susceptibles de se déboucler vers le haut (par exemple, sondes de type Simmons, SOS. . .) pour réussir à cathétériser cette artère. L’artère gastrique gauche se divise ensuite en deux branches terminales (antérieure et postérieure) à destinée de la petite courbure gastrique. La branche postérieure s’anastomose avec son homologue issu de l’artère gastrique droite pour former le cercle artériel de la petite courbure gastrique. Il est donc possible de cathétériser l’artère gastrique droite via la branche postérieure de l’artère gastrique gauche. L’absence de visualisation de l’artère gastrique gauche résulte souvent d’une position trop distale du cathéter au sein du tronc cœliaque, au-delà de son orifice. En cas de débit d’injection faible lors de l’artériographie, le reflux de contraste est insuffisant, ne permettant pas l’opacification de l’artère gastrique gauche.
Variations anatomiques du tronc cœliaque Une trifurcation cœliaque est retrouvé dans 89 % des cas dans la série de Michels (Fig. 2a—f) [3]. Selon cette étude, 15 types de variations sont décrits dont trois majeures [4] : un tronc hépatosplénique (4,5 %), un tronc hépato-mésentérique et gastrosplénique (2,5 %), un tronc cœlio-mésentérique (1 %).
Variation de l’artère hépatique Artère hépatique droite Une artère hépatique droite est présente chez 10 à 30 % de la population (Fig. 3). Elle naît de l’artère mésentérique supérieure (96 % des cas) ou du tronc pancréatico-duodénal (4 %). Elle a un trajet au sein de la pince inter-mésentérico-cave (Fig. 4). L’artère hépatique droite est la première grosse artère qui émerge de l’artère mésentérique supérieure. Lorsqu’elle est présente, elle donne quasiment toujours l’origine de l’artère cystique principale ou accessoire. Figure 1. Anatomie artérielle modale du tronc cœliaque : artère gastrique gauche (AGG), artère splénique (ASP), artère hépatique commune (AHC), artère hépatique propre (AHP) et artère gastroduodénale (AGD).
Artère hépatique gauche Elle est présente chez 12 à 21 % de la population (Fig. 5). Elle naît de l’artère gastrique gauche et chemine au sein du sillon
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Figure 2. Variations anatomiques du tronc cœliaque. a : anatomie modale du tronc cœliaque (89 %) avec une trifurcation artère hépatique commune (AHC), artère splénique (ASP) et artère gastrique gauche (AGG) ; b : tronc hépatosplénique (4,5 %) ; c : tronc hépato-mésentérique et tronc gastrosplénique (2,5 %) ; d : tronc cœlio-mésentérique (1 %) ; e : tronc hépato-spléno-mésentérique (0,7 %) ; f : tronc hépatomésentérique (0,2 %).
d’Arantius. Lorsqu’une structure vasculaire est présente au sein de ce sillon en scanner ou en IRM (Fig. 6), cela signe une vascularisation artérielle hépatique non modale avec la présence d’au moins une artère hépatique gauche. L’artère hépatique gauche donne des petites branches à destiné de l’estomac et de l’œsophage. Elle est accompagnée dans 70 % des cas par une autre variation artérielle : artère hépatique droite (AHD), artère hépatique moyenne à destinée du segment IV.
Figure 3. Artère hépatique droite (flèche pleine), naissant de l’artère mésentérique supérieure (tête de flèche).
Variation de l’anatomie artérielle hépatique L’anatomie artérielle hépatique et ses variantes ont beaucoup été décrites dans la littérature, donnant naissance à plusieurs classifications différentes. Nous utiliserons dans cet exposé la classification de Michels [3] puisqu’elle est la plus utilisée, permettant une approche la plus anatomique.
Figure 4. Trajet de l’artère hépatique droite (tête de flèche) au sein de la pince inter-mésentérico-cave (angioscanner artériel).
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Figure 5. Artère hépatique gauche (AHG), naissant de l’artère gastrique gauche (AGG).
Michels a décrit, dès 1955, 10 types de variations artérielles hépatiques, du type I pour l’anatomie modale, et de II à X pour les variantes (Fig. 7a—j). L’anatomie modale (ou type I) (Fig. 7a) est la conformation la plus fréquente avec une artère hépatique commune naissant du tronc cœliaque, suivi d’une artère hépatique propre se divisant en branche droite et branche gauche de l’artère hépatique. Nous utilisons sciemment les termes « branches droite ou branche gauche de l’artère hépatique » et non artère « hépatique droite » ou artère « hépatique gauche ». Ces dernières sont réservées à la description des variantes de la normale. Cette anatomie définie comme modale est présente selon les études chez 55 à 76 % des patients. La variante de type II selon Michels est la présence d’une artère hépatique gauche naissant de l’artère gastrique gauche vascularisant le foie gauche, et une artère
S. Favelier et al. hépatique moyenne vascularisant le foie droit (Fig. 7b). Cette variante est retrouvée chez 10 % des patients. Dans la variante de type III, on retrouve une artère hépatique droite naissant de l’artère mésentérique supérieure vascularisant le foie droit et une artère hépatique moyenne pour le foie gauche (11 % des patients) (Fig. 7c). La variante de type IV correspond à l’association des variantes II et III, avec donc la présence d’une artère hépatique droite pour le foie droit et une artère hépatique gauche vascularisant le foie gauche. (Fig. 7d). Le tronc cœliaque ne donne pas d’artère hépatique commune, mais directement l’artère gastroduodénale (variation rare, 1 % des cas). Dans la variante de type V, Michels décrit la présence d’une artère hépatique gauche naissant de l’artère gastrique gauche en plus de la branche gauche de l’artère hépatique (Fig. 7e) (8 % des cas). La variante de type VI associe artère hépatique droite naissant de l’artère mésentérique supérieure et branche droite de l’artère hépatique (Fig. 7f) (incidence 7 %). Dans la variante de type VII de Michels (Fig. 7g), on retrouve l’association des variantes V et VI, c’est-à-dire l’association artère hépatique propre avec branche droite et branche gauche + artère hépatique droite naissant de l’artère mésentérique supérieure + artère hépatique gauche naissant de l’artère gastrique gauche. Dans la variante de type VIII (Fig. 7h), le foie droit est vascularisé uniquement par l’artère hépatique droite, alors qu’il existe une double vascularisation du foie gauche via l’artère hépatique moyenne et l’artère hépatique gauche. Dans la variante de type IX, l’artère hépatique commune naît de l’artère mésentérique supérieure (1 %) (Fig. 7i) et dans la variante de type X, elle naît de l’artère gastrique gauche (0,2 %) (Fig. 7j).
Vascularisation artérielle hépatique segmentaire Rappel sur la segmentation
Figure 6. Trajet caractéristique de l’artère hépatique gauche (tête de flèche) au sein du sillon d’Arantius, naissant de l’artère gastrique gauche (flèche pleine).
La segmentation hépatique correspond à l’organisation interne du foie en plusieurs unités fonctionnelles (Fig. 8). L’anatomie fonctionnelle divise le foie en foie droit et foie gauche par l’intermédiaire de la division portale. La segmentation hépatique la plus utilisée est celle décrite par Couinaud [5], qui sépare le foie en 8 unités fonctionnelles. Chaque unité rec ¸oit une artère et une veine porte (apportant respectivement un flux sanguin de 30 et 70 %), et est drainé par une veine sus-hépatique. La segmentation hépatique est définie à partir de plans empruntés par les veines sus-hépatiques et les bifurcations portes. Les veines hépatiques délimitent le foie en secteurs et les divisions de la veine porte délimitent les secteurs en segments. Verticalement les secteurs sont séparés par le plan des veines sus-hépatiques et horizontalement par le plan passant par la bifurcation portale. Il faut noter que la veine hépatique gauche ne définit pas un plan de séparation fiable des segments II et III. Le plan qui les sépare est complexe (oblique dans tous les
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Figure 7. Variations de l’apport artériel hépatique, classification de Michels modifiée. a : type I ; b : type II ; c : type III ; d : type IV ; e : type V ; f : type VI ; g : type VII ; e : type VIII ; i : type IX ; j : type X.
plans). En pratique, il faut retenir que le segment II est postéro-supérieur et le segment III antéro-inférieur (ceci suffit pour reconnaître les branches sectorielles sur une artériographie). La veine sus-hépatique médiane sépare le foie droit du foie gauche et la veine sus-hépatique droite sépare le secteur postérieur du secteur antérieur droit. Le plan de la veine porte permet de délimiter les segments supérieurs et inférieurs des différents secteurs (ce plan est correct pour les segments du foie droit, mais faux pour les segments II et III, comme évoqué précédemment [6]. Le segment I est situé en avant de la veine cave. Les segments II et III correspondent au secteur latéral gauche [7].
Le segment IV correspond au secteur paramédian gauche, subdivisé en IVa supérieur et IVb inférieur. Les segments V et VIII correspondent respectivement à la partie inférieure et supérieure du secteur antérieur droit. Le segment VI correspond à la partie inférieure et le segment VII à la partie supérieure du secteur postérieur droit.
Vascularisation hépatique gauche La vascularisation du foie gauche est issue de la branche gauche de l’artère hépatique ou de l’artère hépatique gauche variante de la normale si elle est présente. En cas de vascularisation modale, la branche gauche de l’artère hépatique parcoure le hile hépatique jusqu’à la portion
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Figure 8.
S. Favelier et al.
Segmentation hépatique selon Couinaud.
ombilicale de la veine portale gauche. Elle forme une arche caractéristique en artériographie lorsqu’elle enjambe la branche portale gauche (portion ombilicale), puis se divise en artères à destiné des segments hépatiques gauches (Fig. 9). La branche artérielle A2 vascularisant le segment II hépatique naît de la portion terminale de l’arche et se dirige vers la partie supérieure gauche du foie. On retrouve la même origine pour la branche artérielle A3 à destinée du segment III, et se dirige vers la partie inférieure gauche (et ventrale) du foie (Fig. 10). Il existe deux schémas principaux concernant la vascularisation artérielle du segment IV : naissance de la branche artérielle A4 issue la branche gauche de l’artère hépatique, à droite de la portion ombilicale (Fig. 11) ; ou parfois directement via l’artère hépatique propre, qui prend dans ce cas le nom d’artère du segment IV.
Figure 9. Artériographie sélective de l’artère hépatique commune opacifiant l’artère hépatique propre (AHP) et la branche gauche de l’artère hépatique (têtes de flèches blanches). À noter l’aspect caractéristique d’arche en artériographie (tête de flèche rouge) de la terminaison de la branche gauche de l’artère hépatique lorsqu’elle enjambe la portion ombilicale de la branche portale gauche.
Figure 10. Branches artérielles A2 et A3, issues de la terminaison de la branche gauche de l’artère hépatique (arche, tête de flèche rouge).
Vascularisation hépatique droite Est issue de la branche droite de l’artère hépatique, ou de l’artère hépatique droite, variante de la normale, si elle est présente (Fig. 12). Cette artère va se diviser en deux branches : une branche sectorielle antérieure se dirigeant vers le haut et la droite ; et une branche sectorielle postérieure (plutôt) vers le bas et la droite. Chaque branche artérielle sectorielle (antérieure et postérieure) va se diviser en deux pour vasculariser un segment hépatique. Ainsi, la branche sectorielle postérieure donne (Fig. 13) : un rameau inférieur (A6) et un rameau supérieur (A7) à destiné respectivement des segments hépatiques VI et VII. Le rameau A6 a un trajet inféro-latéral, jusqu’à la partie inférieure du foie. Il est généralement aisément reconnaissable en artériographie puisqu’il est souvent le vaisseau le plus proéminent et descendant le plus bas. Le rameau A7 a quant à lui un trajet parallèle aux rayons X sur une vue artériographique standard de face. La branche sectorielle antérieure (Fig. 14) va se diviser en rameau inférieur (A5) et supérieur (A8). Le rameau
Figure 11. Branche artérielle A4 à destinée du segment IV hépatique, issue de la branche gauche de l’artère hépatique (flèches blanches).
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Figure 12. Vascularisation hépatique droite modale via la branche droite de l’artère hépatique.
A5 prend souvent la forme d’un groupement de vaisseaux, se dirige vers le bas et la droite. A5 est généralement supérieur à A6 sur une vue artériographique de face. Le rameau supérieur A8 donne une branche dorsale se dirigeant vers le diaphragme et une branche ventrale. Il existe plusieurs astuces pour reconnaître en artériographie les branches sectorielles antérieure et postérieure : • la branche sectorielle postérieure forme parfois une crosse en passant d’avant en arrière au-dessus de la branche sectorielle antérieure (Fig. 15a) ; • sauf dysmorphie hépatique majeure, l’artère du segment VI descend plus bas que celle du V, on peut donc en étudiant la ramification d’amont différencier branche sectorielle antérieure ou postérieure (Fig. 15b, c et d) ; • l’artère du segment VIII est généralement dans l’axe de l’artère hépatique propre. Ainsi lors du cathétérisme, le microcathéter a tendance à spontanément se loger dans la branche sectorielle antérieure droite et le segment VIII. Ceci est facilement compréhensible car il est plus difficile pour le microcathéter de franchir la crosse de la branche sectorielle postérieure.
Figure 14. Artériographie sélective de la branche sectorielle antérieure, avec son rameau supérieur (A8) et inférieur (A5).
Cependant, il faut noter que la vascularisation segmentaire droite est sujette à de nombreuses variations, et que dans de nombreux cas, seul un cathétérisme sélectif et/ou l’utilisation de reconstructions scanner (dans les salles d’angiographie de dernière génération) permettent de reconnaître formellement les branches segmentaires.
Segment I La vascularisation du segment I est extrêmement variable. Il est vascularisé par de multiples petites branches provenant : de la branche droite de l’artère hépatique (35 % des cas), de la branche gauche de l’artère hépatique (12 %), et par un double apport artériel droit et gauche (53 % des cas). Il n’y a pas d’astuce particulière pour reconnaître les vaisseaux du segment I. Lorsqu’on injecte en hyper-sélectif ces vaisseaux, on peut reconnaître en phase tardive une parenchymographie à bord « arrondi » (correspondant à la forme du segment I). En dehors de ce signe, l’apport des nouvelles salles d’angiographie avec acquisition 3D rotationnelle peut s’avérer indispensable.
Artères non hépatiques à reconnaître Artère cystique [8]
Figure 13. Artériographie sélective de la branche sectorielle postérieure, avec son rameau supérieur (A7) et inférieur (A6).
L’artère cystique naît le plus communément de la branche droite de l’artère hépatique (72 % des cas), plus rarement de l’artère hépatique droite (18 %), ou hépatique gauche (7 %) variantes de la normale (Fig. 16). L’artère cystique est typiquement la première artère naissant de la branche droite de l’artère hépatique. Elle possède généralement deux branches : une branche superficielle péritonéale et une profonde non péritonéale. Une (chimio)embolisation de cette artère peut exposer au risque de cholécystite (chimique ou ischémique). Pour éviter ce type de complication, idéalement il faut positionner le cathéter en aval de son
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Figure 15. Astuces en artériographie concernant la vascularisation segmentaire hépatique droite. a : aspect de crosse de la branche sectorielle postérieure ; b, c, d : l’artère destinée au segment VI (têtes de flèches rouges) descend plus bas que celle du segment V (têtes de flèches bleues) sur une vue artériographie de face.
le plus fréquemment de l’artère hépatique propre (51 % des cas), mais aussi de la branche gauche de l’artère hépatique (23 %), de l’artère hépatique commune (9 %) ou de l’artère gastroduodénale (3 %). L’artère gastrique droite a un trajet initial vertical médial et vers le bas en direction du pylore puis est horizontale, en forme de tringle à rideau (d’où naissent les artères gastriques de la petite courbure). Elle possède deux branches terminales à la face antérieure et postérieure de la petite courbure gastrique. La branche postérieure s’anastomose avec son homologue issu de l’artère gastrique gauche pour former le cercle artériel de la petite courbure gastrique. Elle présente parfois un angle assez aigu, rendant difficile son cathétérisme. Plusieurs méthodes permettent de dépasser cette difficulté : l’utilisation de microcathéter angulés, l’accès rétrograde via l’artère gastrique gauche, le coilling de l’artère gastrique gauche pour augmenter artificiellement le flux et le calibre de l’artère gastrique droite, ou l’utilisation de sondes avec fenêtre latérale.
Artère falciforme [10] Figure 16. Artère cystique avec sa branche superficielle (péritonéale, tête de flèche blanche) et profonde (non péritonéale, tête de flèche noire).
origine. L’embolisation prophylactique de l’artère cystique n’a, sauf cas particulier, aucun intérêt.
Artère gastrique droite Yamagami et al. [9] ont montré une très grande variation de l’origine de l’artère gastrique droite (Fig. 17a et b). Elle naît
L’artère falciforme naît de l’artère hépatique moyenne lorsqu’elle est présente, ou de la branche gauche de l’artère hépatique. Elle a une direction oblique en avant vers la ligne médiane, parallèle au ligament falciforme. Elle communique avec les branches supérieure et inférieure de l’artère épigastrique. L’artère falciforme suit un trajet caractéristique depuis son origine via l’artère hépatique moyenne ou la branche gauche de l’artère hépatique, et ne doit pas être confondue avec l’artère cystique. En cas de doute, le radiologue doit réaliser une série angiographique avec injection via le tronc cœliaque avec
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Figure 17. a : artériographie du tronc cœliaque, avec opacification de l’artère gastrique droite (têtes de flèches blanches) pour la petite courbure gastrique et de l’artère gastro-épiploïque (têtes de flèches noires), issue de l’artère gastroduodénale. À noter la vascularisation hépatique non modale chez ce patient avec la présence d’une artère hépatique droite ; b : artériographie sélective de l’artère gastrique droite (têtes de flèches blanches) naissant de l’artère hépatique propre. Elle s’anastomose avec l’artère gastrique gauche (tête de flèche noire) pour former le cercle artériel de la petite courbure gastrique.
une incidence oblique postérieure droite, qui confirme son cheminement antérieur. L’artère falciforme est inconstante et n’est retrouvée que dans 67 % des cas lors de dissection post-mortem. Compte tenu de flux compétitif avec l’artère mammaire interne ou l’artère épigastrique supérieure, l’artère falciforme n’est visible en artériographie que dans 15 % des cas. La reconnaissance de cette artère lors des radioembolisations ou chimioembolisations est importante compte tenu du risque de nécrose cutanée dans la région ombilicale. L’embolisation prophylactique de l’artère falciforme est toutefois controversée.
Artères intercostales Prenant origine au niveau de l’aorte, elles vascularisent la paroi thoracique, dont les trois derniers rameaux peuvent entrer en jeu dans l’apport artériel tumoral hépatique. Une embolisation d’artère intercostale « saine » est souvent bien tolérée. Des cas de nécrose cutanée ont toutefois été décrits.
Artère phrénique inférieure Naît de l’aorte ou du tronc cœliaque dans la majorité des cas, plus rarement de l’artère gastrique gauche ou de l’artère rénale droite (Fig. 18). Les artères phréniques inférieures doivent être explorées impérativement lors des procédures de chimioembolisations intra-artérielle pour des tumeurs hépatiques sous la coupole diaphragmatique, en particulier dans les segments I, II ou VII.
Artère gastroduodénale Elle naît de l’artère hépatique commune, passe entre la tête du pancréas et la portion supérieure du duodénum. L’artère gastroduodénale donne : l’artère gastro-omentale droite et l’artère pancréatico-duodénale. L’arcade pancréaticoduodénale (ou arcade de Rio-Branco) est formée de l’anastomose de l’artère pancréatico-duodénale supérieure
Figure 18. Artères phréniques inférieures (têtes de flèches noires), naissant du tronc cœliaque (flèche noire).
née de la gastroduodénale et de la pancréatico-duodénale inférieure née de la mésentérique supérieure. Cette arcade décrit une courbe à concavité gauche, passe en avant du cholédoque puis reste en arrière du pancréas. En cas de sténose du tronc cœliaque, il est intéressant de rechercher un flux inverse au sein de l’artère gastroduodénale, vascularisé par l’artère mésentérique supérieure via cette arcade de Rio-Branco.
Applications pratiques Radiologie interventionnelle Cathéter de chimiothérapie intra-artérielle Le principe de la chimiothérapie intra-artérielle hépatique (CIAH) est de délivrer une dose toxique de drogue, avec des cures de perfusion lentes et répétées, ayant pour conséquence une concentration locale de chimiothérapie plus
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10 élevée que lors d’injection par voie systémique. L’indication actuelle majeure de CIAH est le traitement des métastases hépatiques multiples et non résécables de cancers colorectaux. La mise en place d’un cathéter intra-artériel hépatique était initialement une technique chirurgicale associant cholécystectomie, ligature de l’artère gastroduodénale, dissection de l’artère hépatique commune et insertion du cathéter dans le tronc de l’artère gastroduodénale avec l’orifice de perfusion au niveau de la bifurcation gastroduodénale/artère hépatique propre. Cette technique était donc assez complexe, et malgré une dissection méticuleuse et un positionnement adéquate de l’orifice de perfusion on observait dans près de 45 % des procédures une perfusion hépatique incomplète ou une perfusion extra-hépatique de la chimiothérapie. Ce taux élevé s’expliquait parfois par une certaine inexpérience du chirurgien et la méconnaissance des variantes anatomiques artérielles hépatiques. La technique de pose chirurgicale a été la méthode référence pendant 20 ans, désormais la pose percutanée en RI avec taux de réussite de 90 % tend à prendre sa place. La prise en charge en RI est moins lourde, ne nécessitant qu’une simple anesthésie locale, plus rapide (en moyenne 2—3 h) avec une durée d’hospitalisation courte (24 h). Le positionnement de l’orifice de perfusion et la fixation du cathéter sont les points cruciaux pour la réussite du traitement. La procédure est subdivisée en trois temps : une mono-pédiculisation hépatique (pour que le foie ne soit vascularisé que par une seule artère), l’embolisation des artères extra-hépatiques (gastrique droite, pylorique et gastroduodénale), et la mise en place du cathéter et de la chambre sous-cutanée en fosse iliaque ou à la racine de la cuisse. La chimiothérapie intra-artérielle et la mise en place du cathéter intra-artérielle sont souvent bien tolérées par les patients. Mais les variantes anatomiques artérielles peuvent compliquer la procédure en aboutissant à une perfusion incomplète du parenchyme hépatique, ou à la perfusion de chimiothérapie dans des territoires extrahépatiques. La plupart de ces complications peuvent être évitées en connaissant parfaitement l’anatomie vasculaire du patient afin de placer correctement l’orifice du cathéter de chimiothérapie et d’emboliser les branches à destinée extra-hépatique.
Radio-/chimioembolisation artérielle hépatique Le principe de la chimioembolisation est fondé sur le fait que la vascularisation tumorale est surtout d’origine artérielle hépatique tandis que le foie sain est vascularisé à 30 % par l’apport artériel et 70 % par voie portale. Le but de la chimioembolisation est double : délivrer une concentration élevée de drogue au contact des cellules tumorale tout en réduisant la toxicité systémique, et de provoquer une hypoxie des cellules tumorale par obstruction de l’artère nourricière. Les difficultés techniques sont liées à la grande variabilité de la vascularisation artérielle hépatique et de la présence fréquente d’artère nourricière tumorale extra-hépatique. Le carcinome hépatocellulaire a fréquemment une vascularisation ectopique, provenant d’artères extra-hépatiques [11]. En fonction de la localisation de la tumeur, il faut
S. Favelier et al. chercher ces artères afin d’optimiser le traitement. Ce sont principalement [12] : • les segments I, II et VII : artères phréniques inférieures ; • les segments V et VI : artère rénale ou surrénalienne ; • la portion antéro-supérieure du foie : artère mammaire interne ; • les régions externes et postéro-externes : artère intercostale ; • les segments II et III : artère gastrique gauche ; • la région périvésiculaire : artère cystique.
La transplantation hépatique La transplantation hépatique est une option thérapeutique très efficace, avec une augmentation significative de l’espérance de vie chez les patients insuffisants hépatiques ou porteurs d’hépatopathies chroniques. Compte tenu de la pénurie de greffon disponible, la transplantation de greffon d’un donneur vivant est devenue une alternative de choix. Ainsi, le temps d’attente de greffe a été considérablement diminué avec l’augmentation de greffon disponible. Chez l’adulte, la transplantation hépatique droite est la règle. La cartographie et une parfaite connaissance de la vascularisation hépatique est primordiale pour le chirurgien, notamment concernant l’apport artériel du segment IV hépatique (plan de section chirurgical). Comme nous l’avons vu précédemment, il existe de nombreuse variante de l’apport artériel du segment IV (via la branche gauche de l’artère hépatique, de la branche droite ou plus précocement via l’artère hépatique propre.) Dans le cas d’un apport exclusif via la branche droite (environ 7 % des cas), les artères à destiné du segment IV croisent le plan de section chirurgical usuel. La méconnaissance de cette vascularisation exclusive par le chirurgien exposerait le donneur à l’ischémie de son segment IV hépatique. En cas de vascularisation double (droite et gauche), le chirurgien sacrifie donc l’apport artériel issu de la branche droite lors de l’hépatectomie droite.
Conclusion La vascularisation hépatique est complexe et les variations anatomiques très fréquentes. Toutefois, il est indispensable de savoir la reconnaître tant sur l’imagerie en coupe (planification du geste) que sur les images angiographiques pour tout geste hépatique par voie endovasculaire. Cette parfaite connaissance permet d’optimiser le traitement et d’éviter les artères « non cibles », sources de complications parfois sévères.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Vascularisation artérielle hépatique pratique en radiologie interventionnelle
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