« Est-ce que les doudous vont au ciel ? » [1]

« Est-ce que les doudous vont au ciel ? » [1]

Table ronde Accompagner un enfant en fin de vie : à domicile ou à l’hôpital « Est-ce que les doudous vont au ciel ? » [1] A. Auvrignona,*, G. Vialleb,...

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Table ronde Accompagner un enfant en fin de vie : à domicile ou à l’hôpital

« Est-ce que les doudous vont au ciel ? » [1] A. Auvrignona,*, G. Vialleb, M.-C. Pouverouxa, N.-N. Nisenbaumb, J. Michonc, G. Levergera a

Service d’Onco-hématologie pédiatrique, AP-HP, Hôpital Armand-Trousseau, Paris Réseau Ile-de-France d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique RIFHOP-PALIPED, Paris c Service d’Oncologie Pédiatrique, Institut Curie, 75006 Paris b

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a mort de l’enfant est aujourd’hui un événement rare ; on dénombre en effet, sur l’année 2008, 5 331 décès d’enfants de moins de 19 ans des suites de maladie (données INSEE 2008) soit 1 % des décès en France. Les pédiatres ont été amenés dans les années 80-90, à s’interroger sur les particularités de l’accompagnement d’un enfant en situation palliative [2]. Les questionnements sont multiples et on retrouve souvent la problématique de l’information à l’enfant [3], à la fratrie… [4]. Une des questions qui doit aussi pouvoir être évoquée en équipe et avec la famille, est celle du lieu de fin de vie [5]. En 2007, en France, plus de 71 % des décès d’enfant ont eu lieu en milieu hospitalier, mais aucune donnée ne nous dit aujourd’hui, si le choix du lieu a été abordé avec les familles (données INSEE 2007). Certains services, comme les unités de réanimation, de néonatologie, d’oncologie ou hématologie seront confrontés à la mort d’un enfant plusieurs fois par an. Pour d’autres, les plus nombreux, cet événement dramatique sera unique dans une année, parfois encore moins. Alors comment réfléchir avec la famille, et qui contacter quand une famille déclare « il veut rentrer à la maison » ? Comment un service spécialisé peut-il transmettre et soutenir une autre équipe quand des parents demandent « nous voulons qu’il meure près de chez nous, dans notre hôpital de proximité ». Cette problématique varie bien évidemment selon la pathologie sous jacente de l’enfant, le caractère aigu ou chronique de celle-ci, les antécédents d’aggravation et d’amélioration… Pour envisager la question « À domicile ou à l’hôpital… » il faut évidemment qu’un certain nombre de facteurs médicaux, sociaux et familiaux soient réunis et ne pas oublier qu’ils peuvent être fluctuants au cours du temps. Pour les évaluer au mieux, il est nécessaire de se faire aider d’assistants sociaux, de psychologues et d’avoir recours si besoin à des réseaux qui peuvent préciser les possibilités au domicile, aider à appréhender le fonctionnement familial… Cela veut dire, pour l’équipe hospitalière, la nécessité de faire preuve d’anticipation, de souplesse, de disponibilité et de revoir régulièrement le projet avec la famille. Là encore, selon la pathologie, cette phase dite « palliative », celle où l’accompagnement prend le dessus sur la thérapeutique, pourra durer de quelques semaines à quelques années. La question du lieu de fin de vie reste cependant pour les équipes difficile à aborder, les soignants craignant de blesser les familles

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

242 © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2011;18:242-243

en l’évoquant, pensant qu’il est parfois trop tôt, parfois trop tard… Ne pas l’aborder, fait cependant courir le risque de ne plus pouvoir laisser le choix aux familles et à l’enfant. La mise en place de structures de type HAD (hospitalisation à domicile) ou réseau, nécessite une anticipation indispensable à une bonne prise en charge ultérieure au risque de laisser la famille en difficulté et pleine de regret si son désir (ou celui de l’enfant), n’a pu être entendu. Si la décision appartient aux membres de la famille, l’équipe doit pouvoir les accompagner dans leurs interrogations, les guider, répondre aux multiples questions que chacun peut se poser. Ce choix, s’il est évoqué avec la famille, reste bien évidemment indicatif et il doit être clair que l’équipe hospitalière reste disponible en permanence pour accueillir l’enfant pour des raisons médicales ou à la demande de la famille. Le RIFHOP, Réseau Ile de France d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique, créé en 2007, a organisé en février 2009 une journée autour du thème « Accompagner un enfant en fin de vie : à domicile ou à l’hôpital » [6]. Un des points marquants de cette journée et des plus enrichissants pour les soignants, est resté le témoignage de 2 mères. Afin de permettre au plus grand nombre de bénéficier de la richesse de tels témoignages nous avons souhaité réaliser un film documentaire (fig. 1), ceux-ci étant peu nombreux sur ce sujet [7]. Quatre familles ainsi que les équipes soignantes qui les avaient accompagnées, ont accepté de témoigner sur l’importance de la confiance réciproque et de la continuité dans la prise en charge. Ce film documentaire de 52 minutes, a été réalisé de juin 2010 à septembre 2010 autour des histoires de ces 4 familles, 2 vivants en Île-de-France, 2 en province, 2 enfants étant décédés à domicile, 2 à l’hôpital (un dans un centre spécialisé et l’autre en hôpital de proximité). Ces enfants étaient âgés de 6 mois, 18 mois, 6 ans 1/2 et 12 ans au moment du décès. Les familles ont témoigné 8 mois, 3 ans, 6 ans et 9 années après le décès de leur enfant. Autour de chaque parcours, parents, frères, sœurs, enseignant, camarades de classe et aussi soignants hospitaliers et de ville, ont pu exprimer leur questionnement et leur vécu. Le premier objectif de ce film est « d’aider les aidants », les équipes soignantes mais aussi probablement les associations de soutien, à oser parler d’un sujet si difficile, oser envisager et préparer la mort d’un enfant, y compris dans des détails qui pourraient être, à tort, qualifiés de matériels. Mais, au delà de la problématique du lieu de fin de vie, on découvre au fil du temps, l’importance des projets de vie, les « dits et nondits » de l’enfant sur la mort, l’intensité de la relation avec les

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aider à recentrer l’ensemble des intervenants autour de l’enfant et du temps qui lui est donné. Ce film doit ouvrir un débat autour de ces thèmes, servir de point d’appui pour aider les équipes à continuer d’aller plus avant dans la prise en charge humaniste en accord avec les dimensions médicales et techniques. Au-delà du lieu de fin de vie, à travers ces quatre parcours de vie, c’est bien d’accompagnement dont nous parle ce film. Nous souhaitons pouvoir diffuser ce film à tous les acteurs engagés autour de la prise en charge d’enfants gravement malades et à risque de décès. La rencontre avec des réseaux de soins palliatifs d’adulte, nous laisse penser que ce questionnement dépasse probablement le champ de la pédiatrie. Remerciements à Michèle et Bernard Dal Molin, réalisateurs et à la société Advita Productions, au RIFHOP co-producteur, à l’Association Locomotive de Grenoble, partenaire de ce projet et à la Fondation de France, la Fondation CNP, la fondation APRIL, l’association Les 111 des Arts et le CDRN pour leur soutien.

Références

Figure 1. Jaquette du film documentaire « Est-ce que les doudous vont au ciel ? »

frères et sœurs, la place de l’école… Il est aussi intéressant de voir comme au sein d’une même famille, chacun peut évoluer à son rythme, entendre différemment les informations et ce, jusqu’au dernier jour. Enfin il est indispensable que les parents puissent identifier des « aidants » qui leur permettront de vivre au mieux les derniers instants de leur enfant, informés mais non terrifiés par les symptômes possibles. Aborder et entendre le désir d’une famille et d’un enfant autour du lieu de fin de vie, semble pouvoir

[1] Est-ce que les doudous vont au ciel ? Dal Molin B & M ; Advita Productions, 2011, film documentaire 52 minutes. [2] Leverger G, Auvrignon A, Nomdedeu S, et al. État des lieux, besoins et ressources en soins palliatifs pédiatriques. Arch Pédiatr 2006;2006, 621-3. [3] Loëdec C. Falikou. Le Buveur d’Encre ed, Paris, 2006. [4] Auvrignon A, Fasola S, Loedec C, et al. Comment parler de la mort à un enfant en fin de vie : un conte peut-il être une aide ? Arch Pédiatr. 2006;13:488-500. [5] Les Soins Palliatifs pédiatriques. Nago Humbert eds. Hôpital Ste Justine, Collection Intervenir Montréal, 2004. [6] Auvrignon A, Choisnard H, Gioia M, et al. Accompagner un enfant en fin de vie : à domicile ou à l’hôpital. MTPédiatrie 2009 :3 :123-5. [7] Rabier G, Tavernier N. Autour de l’enfant en fin de vie. Paris, Littlebear ; Fondation de France ; Association François-XavierBagnoud, 2002, film documentaire 37 min.

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