I | l l l l R EC H E R C H E [ NEUROBIOLOGIE
Le prion franchit la barri en
bref
Greffes de coral| Les coraux sont depuis Iongtemps pressentis pour les greffes osseuses, car leur squelette calcaire et poreux convient bien aux cellules qui reconstruisent I'os. Une ~quipe de I'hOpital LariboisiP-re (Paris) a test~ sur le mouton une greffe de corail associ~-e des cellules souches de la moelle multipli~es in vitro. Les r~sultats sont encourageants : en 4 tools, le tissu composite a ~t~ remodelP- en os mature. Le cours du corail va s'envoler... (Nat. Biotechnol. 18, 959-963). De I~autre c6te du miroir Les enzymes sont st~rdospP.cifiques : leur site actif ne reconnaR qu'une seule g~om~trie dans I'espace et distingue ainsi une molecule de son image dans un miroir, de m~me formule brute. Des chercheurs nderlaedais ont r~ussi changer la st~r~osp~cificitd d'une oxydordductase en modifiant la position d'un unique acide amin8 dans son site actif.., el sont aiesi passes de I'autre cot6 du miroir. (PNAS 97, 94559460).
nquidtante nouvelle : l'6quipe de John Collinge, de l'Imperial College School of Medicine de Londres, suggdre que les prions, agents responsables des enc~phalopathies spongiformes, peuvent franchir la barri~re d'esp~ce et se r~pliquer chez un nouvel h6te, qui devient alors capable de transmettre la maladie sans &re luim&me atteint (1). Pour arriver fi cette conclusion, les scientifiques ont injectd des &hantillons de tissus nerveux de hamsters malades dans le cerveau de souris connues pour r~sister ~ la souche de prion utilisde. Toutes les souris inocul&s finissent par moufir de leur belle mort, sans jamais avoir ddveloppd les signes de la maladie. Toutefois, l'analyse attentive de leur cerveau r~v~le, dans 50 % des cas, la prdsence de prot~ine prion de souris anormale (PrP s~) associde fi des ldsions c&~brales. Les scientifiques britanniques ont ensuite &udi~ ~ l'infectiositd ,, des souris inocul~es, c'est-~-dire leur capacitd fi transmettre la maladie, en injectant des broyats de leur cerveau fi des hamsters et fi d'autres souris. Les rdsultats sont inqui& tants : t o u s l e s ~chantillons contaminent mortellement les hamsters, mSme ceux issus d'une souris dont le prion est ind&ectable. En outre, si l'inoculum provient d'une souris off la PrP sc est d~tectable, les souris receveuses, tout comme les hamsters, tombent malades.
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Le premier r~sultat pourrait s'interpr&er par la presence rdsiduelle du prion de hamster initialement inocu1~ dans le cerveau des souris : il aurait transit~ par [es souris sans les affecter, avant d'&re r~injectd, fortement dilud mais toujours contaminant, dans les hamsters receveurs. Des travaux publi& en 1998 suggdraient d6j~ un tel transport passif. Toutefois, l'infectiositd des inoculats de souris est bien sup&ieure fi ce qu'on attendrait dans cette hypothSse. ,, L'inoculat de dSpart ne se contente pas de persister chez les souris saines, mais il se r#plique activement, note Jeanne Brugdre-Picoux, de l'~cole v6t&inaire de Maisons-Alfort. C'est cela qui est vraiment nouveau, plus que l'existence d'animaux "porteurs sains ", que l'on peut d'ailleurs consid&er comme des animaux chez qui le temps d'incubation de la maladie a dSpass8 l'espSrance de vie. ,, Une ou plusieurs nouvelles souches de prion au spectre large se seraient donc d6velopp6es chez les souris apparemment saines, pour n'exprimer leur potentiel pathog~ne que dans de nouveaux h6tes, souris ou hamsters. Cela conduit fi relativiser la notion de barri~re d'esp&e, invoqu~e notamment pour expliquer l'absence de transmission de la vache au porc ou aux volailles : celle entre souris et hamster ne serait affaire que de temps d'incubation. Ces nouvelles donndes indiquentelles, comme le sugg~rent J. Collinge
ce...
et ses collaborateurs, que des bovins ou des ovins apparemment sains pourraient en fait ~tre contaminds ? ,~ Pas directement, estime Corinne Lasmezas, du Commissariat fi l'dnergie atomique (CEA) de Fontenay-aux-Roses. Dans le cas dtudi~, il y a un r~el franchissement de la barribre d'espbce : la souche de prion utilis& au d@art n'est a priori pas dangereuse pour les souris, et se propage d'abord "silencieusement ", sans les rendre malades. Cette situation ne peut donc #tre compar& avec le cas de bovins infect& par la souche de I'ESB, parfaitement adapt#e ~ son h6te. ,, Mais comme le temps d'incubation de la maladie peut &re tr~s long, mieux vaut rester prudent ! D'autant qu'une dtude pr61iminaire sugg~re une nouvelle vole de contamination : des chercheurs anglais ont testd le pouvoir infectieux du sang de moutons nourris de cerveaux de vache folle, mais non encore atteints par la maladie, et viennent d'annoncer que l'un des moutons transfusds est tomb~ malade (2}. Ce rdsultat, s'il est confirmS, risque de bouleverser l'@id~miologie des maladies fi prions (voiraussi les bioactualit& p. 6). Clotilde L~ger (1) A.E Hill etaL [2000] PNAS97 (18), 10248-10253. {2} E Houston etaL [2000] Lancet356, 999-1000,
................................"". ........et ......t. r o u v e u n e 'fonction ............................................... J usqu'fi prdsent, on ignorait tout ou presque du r61e physiologique de la PrP, dont une forme anormale, nommde prion (ou prpsc), serait l'origine des enc@halopathies spongiformes. Des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'h6pital Lariboisi~re (Paris) viennent de montrer qu'elle pourrait &re impliqu~e dans la r~gulation des fonctions neuronales. Ancrde dans la membrane plasmique des cellules nerveuses, la PrP &ait soup~onn6e d'&re une sorte de r&epteur susceptible de transmettre des signaux fi l'int&ieur de la cellule. Pour en avoir le cceur net, les scientifiques franqais ont cherch8 fi mimer in vitro, par la fixation d'anticorps sp~cifiques, les effets de la fixation d'un ~ventuel ligand sur la PrP. Afin d'Studier l'activitd de la protdine lors de la mise en place des fonctions neuronales, ils ont utilis~ une lign~e de cellules souches de souris capables de se diffdrencier en deux
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types de neurones. Bien que la PrP soit exprim6e fi des niveaux comparabies avant et apr~s diffdrenciation, la fixation des anticorps n'a d'effet que dans les prolongements des neurones pleinement diff6rencids : on observe alors la ddphosphorylation c'est-fi-dire ici l'activation - de la
Ldsions cdr~brales (en jaune) d'un patient atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
prot6ine intracellulaire Fyn, une tyrosine kinase impliqu& dans de nombreuses voies de signalisation cellulaires. Le signal est transmis de la PrP vers Fyn (situdes de part et d'autre de la membrane plasmique) via des prot6ines membranaires, la cavdoline-1 et peut-&re la clathrine. Si cette d&ouverte est une avanc6e sans pr~cddent vers la comprdhension du r61e exact de la PrP dans le cerveau, restent fi prdciser notamment les ligands de la PrP, les cibles en aval de la voie de signalisation qu'elle active, ainsi que les effets sur le rdglage fin des fonctions neuronales. Le syst~me in vitro pourrait de nouveau servir pour comprendre comment l'accumulation des prions pathog~nes interfere avec la fonction de transduction accomplie par la protdine normale et, au-del~, avec les fonctions vitales des neurones. (S. Mouillet-Richard et al. [2000] Science 289, 1925-1928) C.L