21e congrès de l’European Respiratory Society (ERS) Le 21e congrès de l’European Respiratory Society (ERS) s’est déroulé du 24 au 28 septembre dernier à Amsterdam (figure 1). Cet événement est un rassemblement majeur dans le monde de la pneumologie, qui rassemble plus de 20 000 spécialistes, médecins, chercheurs, paramédicaux. Durant ces cinq jours, 515 sessions de communications, soit 5 000 interventions et plus de 5 000 posters, ont été présentés. Kinésithérapie, la revue vous en présente un aperçu. Les abstracts sont consultables sur http://www.ersnet.org
trois sessions de communications orales, trois sessions de posters. Les hot topics qui concernaient les physiothérapeutes pour cette édition traitaient des tests d’endurance à l’exercice, de la réhabilitation, des exacerbations des BPCO, de la kinésithérapie respiratoire en unité d’urgence, de l’asthme, de l’évaluation et de l’entrainement des muscles périphériques et respiratoires. Thierry Troosters a rappelé que le nombre d’abstracts soumis « dicte » la proportion d’orateurs par groupe pour l’année suivante. Les propositions d’orateurs sont attendues et doivent suivre quelques principes : pouvoir drainer 300 à 400 personnes, aborder un sujet large et partagé par un nombre suffisant de praticiens, favoriser un panel international. La réunion s’achève sur la passation entre Thierry Troosters et le nouveau président, Fabio Pitta (Brésil, 37 publications depuis 2004) (figure 2). Jo Williams (Royaume-Uni) retrouve le poste de secrétaire.
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Stratégies d’exercice dans les maladies respiratoires chroniques Cette session a été très complète. Elle a tout d’abord traité des effets de l’âge sur les muscles périphériques et leurs répercussions sur la force. Figure 1. ERS 2011.
Réunion du groupe Physiotherapy Ce groupe, baptisé « 9-02 », rassemble les physiothérapeutes engagés dans le domaine respiratoire. Son président, Thierry Troosters, a présenté son dernier bilan annuel devant une centaine de personnes (dont une dizaine de physiothérapeutes et kinésithérapeutes francophones), alternant remarques humoristiques et compte rendu précis et argumenté. Nous rendons compte ici des principaux aspects de l’activité du groupe. Cette année, 250 membres issus du monde entier partagent des objectifs
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de valorisation de leur profession et s’engagent à des degrés divers pour une validation par la recherche de leur pratique. Les membres ont une moyenne d’âge de 30 ans et sont majoritairement féminins. La plupart sont actifs dans le domaine de la recherche. Leurs centres d’intérêt et d’activités sont par ordre décroissant : la réhabilitation, la physiothérapie respiratoire, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), les soins intensifs, la mucoviscidose, la pédiatrie. Pour ce congrès, 127 abstracts ont été retenus. Le groupe « 9-02 » a organisé
Figure 2. Fabio Pitta (président du groupe « 09-02 » à gauche), dans la continuité de Thierry Troosters, assurera une aide à la soumission d’abstracts : les abstracts même à l’état d’ébauche peuvent lui être envoyés, il vous aidera à rédiger avant de soumettre…
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P. Aagaard (Danemark) a montré que l’âge s’accompagne d’une diminution de masse, de force (perte de 1,5 % par an), et de puissance musculaire (perte de 3,5 % par an). Ces diminutions périphériques de la fonction musculaire étant réversibles par un entraînement à l’exercice. I. Vogiatzis (Grèce) a ensuite traité des stratégies d’entraînement à l’exercice en endurance. L’interval training serait mieux adapté aux patients dont les atteintes sont les plus sévères, bien que dans la littérature les protocoles utilisés soient très variés. M. Sillen (Pays-Bas) a fait le point sur les techniques volontaires et non volontaires d’entraînement en force, avec notamment l’électrostimulation neuromusculaire, dont les preuves de l’efficacité ne manquent pas [1-3]. Enfin, N. Hart (Royaume-Uni) a conclu cette session en montrant l’intérêt de maintenir la force musculaire des patients admis dans les unités de soins intensifs.
La kinésithérapie respiratoire manuelle au cours d’une exacerbation est-elle une valeur ajoutée ? J. Cross (Royaume-Uni) présente l’étude Matrex. En 2004, la revue systématique des guidelines de l’American College of Chest Physicians (ACCP) a répondu par la négative à cette question. En 2007, T. Garrod et T. Lasseron ont obtenu des résultats identiques, concluant que des études cliniques randomisées étaient nécessaires pour évaluer la qualité de vie, la fréquence des exacerbations, le nombre d’hospitalisations. Les résultats de l’étude Matrex à 6 mois, montrent que la kinésithérapie respiratoire manuelle n’apporte pas de bénéfice sur la qualité de vie (évaluée par le questionnaire de Saint George [SGRQ]) des BPCO en phase d’exacerbation. L’étude est consultable à l’adresse suivante : http://www.hta.ac.uk/project/1416.asp.
Accompagnement thérapeutique non pharmacologique des exacerbations des BPCO
Réhabilitation : le plus tôt est le mieux ? Étude par J. Seymour (RoyaumeUni). La réadaptation à l’effort des patients atteints de BPCO en phase d’exacerbation a été étudiée [5-7]. Plusieurs bénéfices ont été montrés sur : – la dyspnée [8], – la qualité de vie [9], – la distance de marche [10], – la force musculaire [11, 12], – les activités de la vie quotidienne (AVQ) [13, 14]. Dans une Review Cochrane en 2011, Puhan a montré les effets d’une prise
L’objectif de ce symposium était de comprendre la prise en charge non pharmacologique et les conséquences non respiratoires (dysfonction musculaire et comorbidités) – et leurs traitements. Évaluation des exacerbations Étude par N.K. Leidy (États-Unis). L’exacerbation telle qu’elle a été décrite par la GOLD en 2006 est une modification de la dyspnée, de la toux et de l’expectoration. Le questionnaire Patient-Reported Outcome (EXACT-PRO) permet de repérer des signes d’exacerbation ; il se remplit en dix minutes, tous les soirs [4]. N.K. Leidy résume l’accompagnement thérapeutique des exacerbations des BPCO en trois mots : évaluer – comprendre – traiter.
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en charge précoce en réhabilitation respiratoire sur la qualité de vie [15]. Si Seymour en 2010 [16] a mis en évidence une très forte diminution de la force maximale volontaire du quadriceps des patients atteints de BPCO en phase d’exacerbation, Ko en 2011 [17] n’a pas obtenu de résultats : le niveau d’intensité d’exercice était peut-être trop bas, le programme ne comprenait pas non plus d’auto-prise en charge et débutait seulement à trois semaines. Le niveau d’intensité de l’exercice, l’auto-prise en charge et la précocité du programme sont des notions importantes. J. Seymour conclut en mettant en avant l’importance de l’exercice et de l’éducation. Les patients en phase d’exacerbation ont un facteur d’adhésion plus élevé qu’en phase stable. Évaluation et traitement des comorbidités Étude par W. Janseen (Pays-Bas). L’exacerbation chez les patients atteints de BPCO a des conséquences systémiques, notamment une diminution de la force du quadriceps, décrites par M.A. Spruit [12], F. Pitta [13] et T. Troosters [18]. L’intervention sur le muscle périphérique lors de l’exacerbation a des résultats : amélioration de la force et du périmètre de marche [16]. L’évaluation des patients atteints de BPCO en exacerbation doit inclure un test de marche de 6 minutes et une évaluation de la force maximale volontaire du quadriceps. La réadaptation à l’effort agit sur le traitement des conséquences systémiques.
Un hommage appuyé a été rendu à Paul Sadoul (figure 3), qui a laissé son nom à l’échelle de dyspnée. Ses travaux et son engagement dans la pneumologie sont reconnus dans l’Europe entière, comme en témoigne cet hommage rendu dans ce texte paru dans l’European Respiratory Journal (http://erj.ersjournals. com/content/38/6/1245.extract).
Figure 3. Paul Sadoul.
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3. Sillen MJ, Speksnijder CM, Eterman RM, Janssen PP,Wagers SS,Wouters EF, Uszko-Lencer NH, Spruit MA. Effects of neuromuscular electrical stimulation of muscles of ambulation in patients with chronic heart failure or COPD: a systematic review of the English-language literature. Chest 2009; 136:44-61.
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Le congrès de l’ERS se déroulera de nouveau à Vienne (Autriche) du 1er au 5 septembre 2012 (http://www.erscongress2012.org) (figure 4). L’adhésion à l’ERS est gratuite pour les moins de 35 ans ; elle permet un accès aux publications de l’ERJ et de Breath, au e-learning, ainsi que des tarifs préférentiels pour le congrès et les cours de formation continue. Figure 4. ERS 2012.
Aperçu d’autres sessions M. Steiner (Royaume-Uni) a disserté sur les techniques novatrices qui s’adressent à une nouvelle population en réhabilitation respiratoire. Il désigne sous le terme « raffinage technologique » l’intégration des nouvelles techniques comme l’EMS et leur rationalisation. Il est nécessaire de développer des outils de mesure de la performance pour justifier les nouvelles technologies. Des outils « périphériques » existent déjà et mériteraient une attention accrue, tels les suppléments nutritionnels, l’oxygène, l’héliox, la VNI, les nouvelles molécules. Un principe fondamental est de se focaliser sur le long terme. Les difficultés sont connues et surtout se posent à tous les praticiens : l’accès à la réhabilitation, les barrières sociales, les déplacements (ambulatoire), les arrêts de travail, l’adhésion au programme, la motivation, les facteurs psychologiques, les répondeurs et les non-répondeurs, les exacerbations. Steiner propose trois pistes pour progresser tout en restant pragmatique. Il conviendrait donc de cibler les thérapeutiques, d'identifier les difficultés psychologiques, de prendre en compte les thérapeutiques psychologiques. Un travail fort intéressant, international (Grèce, Allemagne, Italie et États-Unis) et présenté au congrès par Z. Louvaris portait sur l’usage de l’héliox en réhabilitation respiratoire. Sous-utilisé malgré ses effets bénéfiques sur la dyspnée d’effort
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(diminuée), l’oxygénation artérielle (augmentée) et sur l’hyperinflation dynamique (diminuée), l’héliox devrait être ajouté à l’arsenal thérapeutique. Une session Meet the editors animée par les rédacteurs en chef du British Medical Journal (BMJ) et de l’European Respiratory Journal (ERJ) a porté sur les règles et difficultés de la relecture. Les règles sont propres à chaque journal et parfois même à chaque relecteur. Des « entraînements » sont parfois proposés afin d’établir des consensus propres à une ligne éditoriale. Les publications sur Internet permettent une rapidité de diffusion ainsi qu’une soumission directe à la critique des lecteurs qui ont la possibilité de soumettre leurs commentaires. ■ Estelle Villiot-Danger
[email protected] RÉFÉRENCES 1. Neder JA, Sword D, Ward SA, Mackay E, Cochrane LM, Clark CJ. Home based neuromuscular electrical stimulation as a new rehabilitative strategy for severely disabled patients with chronic obstructive pulmonary disease (COPD). Thorax 2002; 57:333-7. 2. Vivodtzev I, Debigaré R, Gagnon P, Mainguy V, Saey D, Dubé A, Paré ME, Bélanger M, Maltais F. Functional and muscular effects of neuromuscular electrical stimulation in patients with severe COPD: a randomized clinical trial. Chest 2011, doi: 10.1378/ chest.11-0839. Abstract sur Internet à l’adresse http://www.ncbi.nlm.nih. gov/pubmed/22116795 (accédé le 23 février 2012).
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4. Leidy NK, Wilcox TK, Jones PW, Roberts L, Powers JH, Sethi S; EXACT-PRO Study Group. Standardizing measurement of chronic obstructive pulmonary disease exacerbations: reliability and validity of a patient-reported diary. Am J Respir Crit Care Med 2011; 183:323-9. 5. Price LC, Lowe D, Hosker HS, Anstey K, Pearson MG, Roberts CM; British Thoracic Society and the Royal College of Physicians Clinical Effectiveness Evaluation Unit (CEEu). UK National COPD Audit 2003: Impact of hospital resources and organisation of care on patient outcome following admission for acute COPD exacerbation. Thorax 2006; 61:837-42. 6. Hurst JR, Wedzicha JA. Management and prevention of chronic obstructive pulmonary disease exacerbations: a state of the art review. BMC Med 2009; 7:40. 7. Griffiths TL, Burr ML, Campbell IA, Lewis-Jenkins V, Mullins J, Shiels K, Turner-Lawlor PJ, Payne N, Newcombe RG, Ionescu AA,Thomas J, Tunbridge J. Results at 1 year of outpatient multidisciplinary pulmonary rehabilitation: a randomised controlled trial. Lancet 2000; 355:362-8. 8. Seemungal TA, Donaldson GC, Bhowmik A, Jeffries DJ, Wedzicha JA. Time course and recovery of exacerbations in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2000; 161:1608-13. 9. Spencer A. A test of the QALY model when health varies over time. Soc Sci Med 2003; 57:1697-706. 10. Cote CG, Pinto-Plata V, Kasprzyk K, Dordelly LJ, Celli BR. The 6-min walk distance, peak oxygen uptake, and mortality in COPD. Chest 2007; 132:1778-85. 11. Kortebein P, Ferrando A, Lombeida J, Wolfe R, Evans WJ. Effect of 10 days of bed rest on skeletal muscle in healthy older adults. JAMA 2007; 297:1772-4.
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12. Spruit MA, Gosselink R, Troosters T, Kasran A, Gayan-Ramirez G, Bogaerts P, Bouillon R, Decramer M. Muscle force during an acute exacerbation in hospitalised patients with COPD and its relationship with CXCL8 and IGF-I. Thorax 2003; 58:752-6. 13. Pitta F, Troosters T, Probst VS, Spruit MA, Decramer M, Gosselink R. Physical activity and hospitalization for exacerbation of COPD. Chest 2006; 129:536-44. 14. Pitta F, Troosters T, Probst VS, Langer D, Decramer M, Gosselink R.
Are patients with COPD more active after pulmonary rehabilitation? Chest 2008; 134:273-80. 15. Puhan MA, Gimeno-Santos E, Scharplatz M, Troosters T, Walters EH, Steurer J. Pulmonary rehabilitation following exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2011;(10):CD005305. 16. Seymour JM, Moore L, Jolley CJ, Ward K, Creasey J, Steier JS, Yung B, Man WD, Hart N, Polkey MI, Moxham J. Outpatient pulmonary rehabilitation
following acute exacerbations of COPD. Thorax 2010; 65:423-8. 17. Ko FW, Hui DS. The lower the body weight for COPD patients, the more effective is pulmonary rehabilitation ? Respirology 2011; 16(2):187-9. 18. Troosters T, Probst VS, Crul T, Pitta F, Gayan-Ramirez G, Decramer M, Gosselink R. Resistance training prevents deterioration in quadriceps muscle function during acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2010; 181:1072-7.
Tuons les mythes L’hiver a passé, le printemps revient… Dans le monde, les dictateurs sont tombés ou tombent… Les mythes vont suivre… Le MK lutte contre la spasticité en neurologie, il ne faut pas masser les bébés, la kinésithérapie prévient l'apparition du lymphœdème après une amputation, le craquement articulaire est salvateur, il ne faut pas toucher la paume de la main de l’hémiplégique, il ne faut pas fatiguer les patients neurologiques pour ne pas augmenter la spasticité… Cette rubrique est destinée à en finir avec les idées toutes faites, les « y a qu’à », les « il faut qu’on », les « y faut pas », les ni-ni… Dans tous les domaines de la kinésithérapie circulent des mythes dont certains à la peau dure sont ancrés dans notre imaginaire, enracinés en nous et notre inconscient collectif. Cette rubrique est destinée à les faire tomber et, si on ne le peut pas, à les déstabiliser… en attendant leur chute future. Elle est ouverte à tous et toutes. Que vous soyez MK libéral ou salarié, enseignant en IFMK, directeur d’IFMK, chercheur ou toute autre fonction en lien avec la kinésithérapie, elle vous est destinée. Comme dans l’auberge espagnole, vous y trouverez ce que vous apporterez. Petit ou grand article, méta-analyse, courrier plus simple : la forme est délibérément ouverte. Un seul mot d’ordre : faire avancer la réflexion sur nos pratiques, remettre en cause, arguments à l’appui, lancer un débat qui pourra être repris sur la page Facebook de la revue : https://www.facebook.com/IFMKberck#!/profile.php?id=100003098892786 Alors, à vos plumes, à vos stylos, et au plaisir de vous lire sur :
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