EMC-Médecine 2 (2005) 291–299
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SANTÉ PUBLIQUE/PUBLIC HEALTH
Accidents d’exposition au sang : conduite à tenir Accidents due to blood exposure: guiding principles L. Raffenne *, L. Bodard, A. Meudec Département de médecine interne, institut mutualiste Montsouris ,42 boulevard Jourdan, 75014 Paris, France
MOTS CLÉS Virus de l’immunodéficience humaine ; Virus de l’hépatite B ; Virus de l’hépatite C ; Prévention ; Chimioprophylaxie
Résumé Le risque de transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), virus de l’hépatite C (VHC) et virus de l’hépatite B (VHB) par contamination professionnelle dépend des circonstances de l’exposition. Les recommandations de prise en charge ont été diffusées par circulaires ministérielles. Aucune séroconversion VIH n’a été rapportée depuis 1997 (risque évalué à partir de 1995 à 0,32 %). En revanche, huit nouveaux cas répertoriés d’infection par le VHC ont été documentés depuis 1998 (risque évalué à 2,1 %). L’obligation de vaccination du personnel de santé contre le VHB a théoriquement fait disparaître tout risque en milieu hospitalier. L’institution postexposition de chimioprophylaxie anti-VIH, prenant en compte différents facteurs (sévérité de l’exposition, délai de prise en charge, statut sérologique de la personne source), a été généralisée. Depuis 1997, il ne semble pas exister d’échec de cette chimioprophylaxie. L’existence de non- ou de mauvais-répondeurs (environ 10 %) à la vaccination contre le VHB nécessite d’évaluer le risque systématiquement et de pratiquer une sérovaccination dès que possible. Pour le VHC, le statut sérologique du patient-source détermine l’attitude du suivi à la recherche d’une primo-infestation asymptomatique afin d’envisager une thérapeutique par interféron-ribavirine en milieu spécialisé. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Human immunodeficience virus; Virus B hepatitis; Virus C hepatitis; Prevention; Chemoprophylaxis
Abstract The risk of transmitting HIV, HCV and HVB by occupational contamination depends upon the exposition circumstances. Recommendations concerning decision making in such situation have been distributed by ministerial documentation. No case of HIV seroconversion has been reported since 1997 (the risk since 1995 is evaluated at 0.32%). On the other hand, 8 new cases of HCV infection have been reported and documented since 1998 (risk evaluated at 2.1%). The mandatory vaccination of all health care personal (HCP) against HBV has theoretically eliminated all risk in the medical field. Establishing post-exposure of anti-HIV chemoprophylaxis, taking into account different factors (the exposure severity, treatment delay, serological status of the source patient), have been generalized. No failures of such chemoprophylaxis have been reported since 1997. The existence of non-responders or of poor responders (about 10%) to HBV vaccination requires systematic evaluation of the risk and the realisation of serovaccinations as early as possible. Regarding HCV, the serological status of the source patient determines
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Raffenne). 1762-4193/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmed.2004.12.001
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L. Raffenne et al. decision making when seeking for asymptotic primo-infection, in order to consider treatment by Interferon-Ribavirine in a specialized environment. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction Le risque de transmission d’agents infectieux par le sang et les liquides biologiques est un risque permanent pour les personnels soignants (exposition professionnelle) mais aussi pour les patients (par un instrument contaminé ou de soignant à soigné). Parmi tous les agents infectieux susceptibles d’être véhiculés (bactéries, virus, parasites et levures), le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus de l’hépatite B (VHB) et le virus de l’hépatite C (VHC) représentent un risque infectieux particulier du fait de la possibilité de l’existence d’une virémie prolongée et de la gravité des infections qui en découlent.
Épidémiologie Plusieurs études ont permis d’estimer un risque moyen de transmission soignant-soigné après accidents avec exposition au sang (AES) : • pour le VIH, il est estimé, depuis une étude, de 1995 à 0,32 % ;1 • pour le VHC, il est de 2,1 % ;2 • pour le VHB, le risque est beaucoup plus élevé, de l’ordre de 2 à 40 % du fait de la forte quantité de virus présente dans le sang.2 Le risque de contamination professionnelle dépend des circonstances de l’exposition. Les piqûres profondes avec aiguilles creuses souillées sont le plus souvent mises en cause pour la transmission du VIH chez les soignants (exposant en priorité les infirmiers et les anesthésistes). De fait, ce sont les infirmiers qui comptent le plus de séroconversions après AES. La transmission au patient peut se faire par l’intermédiaire d’instruments contaminés du fait du non-respect des règles d’hygiène, entraînant des épidémies nosocomiales. Plus rarement, la transmission peut se faire du soignant porteur de maladie virale au soigné, dans des spécialités à risque élevé d’AES (chirurgien, dentiste). F. Lot a analysé l’incidence des séroconversions VIH-VHC parmi le personnel de santé en France au 30 juin 2001.3
Séroconversions professionnelles virus de l’immunodéficience humaine3 Jusqu’en décembre 1997, 13 séroconversions professionnelles VIH ont été documentées pour 29 présumées. Depuis 1997, aucune séroconversion n’a été rapportée vis-à-vis du VIH. Parmi les 13 documentées, il s’agissait de 12 infirmières et d’un interne de médecine. Les services où se sont produits les accidents responsables de ces séroconversions sont les suivants : • maladies infectieuses : cinq cas ; • médecine : trois cas ; • réanimation : deux cas ; • urgences : deux cas ; • hospitalisation à domicile (HAD) : un cas. Six séroconversions VIH sur 13 concernent des personnels de santé travaillant en Île-de-France. Toutes ces séroconversions ont fait suite à une blessure par piqûre : • prélèvements veineux : 10 cas ; • prélèvement artériel : un cas ; • aiguille pompeuse lors de l’élimination de déchets : un cas ; • aide à ponction pleurale : un cas. L’étude des circonstances de l’accident montre qu’il était évitable sept fois sur 13. La séropositivité VIH du patient-source était connue dans les 13 cas dont neuf syndromes d’immunodéficience humaine acquise (sida).
Séroconversions professionnelles virus de l’hépatite C3 Concernant le VHC, 35 séroconversions ont été documentées depuis la disponibilité des tests et huit nouveaux cas répertoriés de1998 à 2001, portant à 43 le nombre total de séroconversions. Elles concernent 31 infirmières (72 %), quatre agents hospitaliers, quatre médecins dont un biologiste, deux techniciens de laboratoire, un aidesoignant et une sage-femme. Plus du tiers des séroconversions VHC concernent des personnels de santé travaillant en Île-deFrance. Ces séroconversions ont fait suite à une blessure par : • piqûres (tous les modes de prélèvements sont concernés, veineux, artériel, sous-cutané, in-
Accidents d’exposition au sang : conduite à tenir tramusculaire, ponction d’ascite, manipulation de déchets) : 40 cas ; • coupures : deux cas ; • contact cutané de sang sur peau lésée en comprimant une plaie d’autolyse sans port de gants : un cas. L’accident était évitable dans 49 % des cas par le respect des précautions de base d’hygiène.
À propos du virus de l’hépatite B4 Depuis le 18 janvier 1991, date obligatoire de la vaccination contre l’hépatite B chez le personnel de santé, ce risque est en nette régression. Il persiste toutefois, notamment pour certaines catégories professionnelles (médecins) pour lesquelles la couverture vaccinale reste insuffisante.
Fonctionnement du système de surveillance L’Institut national de veille sanitaire (INVS) et le Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux (GERES) participent à la surveillance des séroconversions professionnelles pour le VIH et le VHC dans le dessein d’identifier les situations à risque et d’aider à l’amélioration de la prise en charge après AES. Des guides et des recommandations ont été édités. Dans le cadre de ses missions de lutte contre les infections nosocomiales, le CCLIN Paris-Nord a mis en place un réseau de surveillance des AES chez le personnel depuis 1995. Les sources d’information proviennent de tous les établissements de soins, des déclarations obligatoires de sida chez les personnels de santé dont le mode de contamination était inconnu, et de diverses autres sources. La multiplicité de celles-ci permet d’obtenir une probable exhaustivité des contaminations par le VIH mais sous-estime probablement celles liées au VHC.
Recommandations sur les modalités de prise en charge1 En 1998 et 1999, des recommandations sur les modalités de prise en charge des AES ont été diffusées : • DGS/DH/DRT/DSS n° 98/228 du 9 avril 1998 relative aux recommandations de mise en œuvre d’un traitement antirétroviral après un risque de transmission du VIH ; • DGS/DH n° 98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infec-
293 tieux véhiculés par le sang et les liquides biologiques ; • DGS/DH/DRT n° 99/680 du 8 décembre 1999 relative aux recommandations à mettre en œuvre devant un risque de transmission du VHB et du VHC. Ces circulaires sont toujours en vigueur. Elles rappellent les précautions générales d’hygiène, les conseils pour un nettoyage efficace des plaies, les modalités de déclaration d’accident de travail, de surveillance sérologique et la prescription éventuelle d’une chimioprophylaxie : • le rappel des mesures générales de prévention : C utilisation d’un matériel adapté ; C port de gants, blouses, lunettes selon les situations ; C la formation des personnels, qui est le rôle de l’employeur ; • la conduite à tenir en cas d’accident : C en cas de plaie cutanée : – faire saigner 30 minutes sous l’eau courante ; – nettoyer à l’eau et au savon ; – faire un nettoyage antiseptique par de l’eau de Javel diluée au 1/10e ou avec de la Bétadine® ;5 C en cas de projection sur les muqueuses : rincer abondamment au sérum physiologique pendant 5 minutes ; • l’appréciation du risque tient compte : C du délai entre l’AES et la consultation ; C de la sévérité de l’exposition (profondeur de la blessure, aiguille creuse) ; C de la nature du liquide biologique responsable (les urines, les selles et la salive ne sont pas contaminants) ; C du statut sérologique de la personne source. Dans tous les cas, un bilan biologique initial doit être réalisé, avant le 8e jour suivant l’accident, chez la personne exposée comprenant les sérologies VIH, VHB, VHC ainsi qu’un bilan biologique (numération-formule sanguine [NFS], bilan hépatique complet [BHC], test de grossesse éventuel).1 Il permet de faire valoir à la personne accidentée ses droits. Cette dernière peut demander l’anonymisation des prélèvements si elle le souhaite. Un suivi sérologique est réalisé au 3e mois et avant le 6e mois.
Risque de transmission du virus de l’immunodéficience humaine : décision de chimioprophylaxie1 Seuls le sang et les liquides biologiques contenant du sang ont été à l’origine de cas prouvés de contamination professionnelle par le VIH.
294 La mise à disposition, dans les structures d’accueil, de tests rapides de dépistage du VIH est susceptible d’éviter la mise sous traitement et de permettre rapidement un arrêt de la chimioprophylaxie.
Indications du traitement Elles dépendent du statut sérologique de la personne source. Si la personne-source est connue comme infectée par le virus de l’immunodéficience humaine La décision de prophylaxie repose sur les critères de sévérité de la blessure : • en cas d’exposition massive à haut risque (piqûre profonde, aiguille creuse à intraveineuse [i.v.] ou intra-artérielle) un traitement est recommandé ; • en cas d’exposition à risque intermédiaire (coupure par bistouri à travers des gants, piqûre superficielle), le traitement est recommandé selon l’état du patient-source (charge virale élevée, infection opportuniste évolutive). Si le patient-source est asymptomatique, le traitement est discuté en fonction des facteurs liés à l’intéressé ; • en cas d’exposition minime (érosion dermique par aiguille pleine à suture), le traitement est discuté en tenant compte de la nature exacte de l’exposition, du statut du patient-source et des facteurs liés à l’intéressé. Si le statut du patient-source est inconnu lors de l’accident Il est important de proposer au patient un dépistage qui permet, en cas de négativité, d’interrompre un traitement qui a été débuté. Le traitement éventuel s’appuie sur les risques éventuels d’infection chez le patient (symptômes de primo-infection, facteurs de risque chez le patient-source) et sur la nature de l’exposition. En cas de seringues abandonnées, le traitement se discute selon la profondeur de la piqûre en sachant que le risque est faible en raison de la coagulation du sang dans l’aiguille. Si le statut sérologique VIH du patient-source est négatif, un traitement et un suivi ne sont pas nécessaires.
Modalités du traitement La mise en place du traitement doit intervenir le plus tôt possible dans l’heure ou les 2 heures suivant l’exposition.
L. Raffenne et al. L’intervalle de 48 heures semble raisonnable pour une efficacité maximale. Des études chez l’animal ont démontré l’efficacité des traitements en cas d’exposition muqueuse. Une étude cas-témoins publiée par le Center for Diseases Control (CDC) en 1995 a montré une réduction du risque de séroconversion de 80 % après exposition percutanée chez les soignants ayant pris de la zidovudine.6–8 Cette efficacité avait déjà été montrée dans la prévention de la transmission maternofœtale en 1994.9,10 Le médecin prescripteur doit prévenir la personne exposée : • du risque d’échec de ce traitement ;3 • du risque d’effets secondaires ;11 • de l’importance de l’observance ; • de la durée du traitement : 4 semaines ;1 • de la nécessité d’un suivi en consultation spécialisée ; • de la nécessité de protéger le partenaire (préservatifs). Quatre cas d’échec de prophylaxie antirétrovirale postexposition ont été décrits chez le personnel de santé en France. Deux d’entre eux avaient reçu de l’AZT seul en 1990 et en 1994, le 3e une bithérapie par AZT + DDI en 1996, un dernier une trithérapie par AZT + 3TC + IDV à la 48e heure puis D4T + 3TC + IDV en 1997.3 L’acceptation du traitement relève d’un choix éclairé et concerté. Les choix thérapeutiques sont faits au cas par cas en tenant compte des critères de gravité et du traitement reçu par le patient-source s’il est connu. On recommande l’association de 2 INTI (inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse) et d’un IP (inhibiteur de la protéase), l’AZT n’étant plus prescrit seul en raison de l’importance des résistances, en évitant les molécules susceptibles d’entraîner des effets secondaires :11 • abacavir (hypersensibilité) ; • névirapine (hépatite et toxidermie) ; • efavirenz (troubles psychiques) ; • indinavir (coliques néphrétiques) ; • association d4T-DDI (acidose lactique). Il est souhaitable que la pharmacie mette à disposition une trousse d’urgence permettant de débuter rapidement une trithérapie prophylactique standardisée pour une durée de 3 à 4 jours.11 Le traitement est ensuite réévalué par un médecin référent, qui juge de l’opportunité de la poursuite du traitement. Il s’assure de la tolérance et de l’organisation du suivi. Le diagnostic d’une infection VIH développée malgré le traitement se fait après l’arrêt de celui-ci
Accidents d’exposition au sang : conduite à tenir
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Tableau 1 Accidents d’Exposition au Sang : conduite à tenir. SEVERITE EXPOSITION VICTIME/PATIENT-SOURCE
MASSIVE
VIH POSITIF CONNU
Charge virale élevée ou pathologie évolutive opportuniste Traitement recommandé
Asymptomatique et/ou charge virale faible Traitement recommandé
par exemple : – Blessure profonde – aiguille creuse souillée sang et/ou liquides biologiques
INTERMEDIAIRE par exemple : – Coupure bistouri avec gants – piqûre superficielle MINIME par exemple :
– Erosion superficielle avec aiguille creuse
– Aiguille pleine – Aiguille creuse petit calibre (IM/SC) – Contact cutanéomuqueux sans blessure
VIH INCONNU
Traitement à discuter en tenant compte : – de la nature précise des lésions – prévalence de l’infection VIH dans le service au moment de l’accident – de facteurs liés à l’accidenté : * motivation à poursuivre un traitement * facteurs psychologiques * existence d’une grossesse en cours
Traitement recommandé Traitement à discuter en tenant compte – de la nature précise des lésions Traitement à discuter en fonc- – prévalence de l’infection VIH dans le service au moment de l’accident ; tion – Caractère prolongé et impor- – de facteurs liés à l’accidenté : tant d’une projection sur muqueuse ou peau lésée – Facteurs liés à l’intéressé * motivation à poursuivre un traitement (facteurs psychologiques, motivation, grossesse en cours...) * facteurs psychologiques * existence d’une grossesse en cours
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; i.m. : intramusculaire ; s.c. : sous-cutané.
par la surveillance des marqueurs (ag P24, sérologies) à M2 (soit 4 semaines après l’arrêt du traitement), M3, M6. Si le soignant reçoit un traitement antirétroviral après AES, il est en effet nécessaire de décaler l’ensemble de la surveillance du temps du traitement.10 Toute séroconversion est à notifier au Réseau national de santé publique (RNSP) 14, rue du Vald’Osne, 94415 Saint-Maurice cedex. Le Tableau 1 présente les recommandations de mise en œuvre d’un traitement antirétroviral après exposition au risque de contamination du VIH.
Risque de transmission par le virus de l’hépatite B Rendue obligatoire par la loi du 18 janvier 1991 (article L.10 du Code de santé publique et arrêté du 26 avril 1999), la vaccination contre l’hépatite B de
toute personne exerçant une activité l’exposant au sang et aux liquides biologiques indirectement ou directement dans un établissement de soins ou de prévention doit être proposée, l’évaluation du risque d’exposition reposant sur l’employeur et le médecin du travail. La suppression des rappels mentionnés dans l’AMM du vaccin a été proposée remplacée par une stratégie de contrôle des taux d’anticorps anti-HBs en fonction de l’âge de primo-vaccination. Il existe environ 10 % de non- ou de mauvaisrépondeurs. Leur connaissance étant capitale pour les décisions prophylactiques en cas d’AES, ces résultats sérologiques du VHB réalisés au cours d’un contrôle postvaccinal doivent être remis au soignant. La conduite initiale n’est pas modifiée pour le nettoyage de la plaie ou la projection muqueuse. En revanche, les liquides biologiques (liquide céphalorachidien [LCR], synovial, pleural, périto-
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Tableau 2 Tableau en fonction du statut virus de l’hépatite B du sujet source.4 Statut VHB du sujet exposé a Antécédents d’hépatite B suivis de guérison prouvée Ac anti-HBs présents Vacciné et répondeur, Ac anti-HBs > ou = 10 UI l–1 Vacciné et non-répondeur b Ac anti-HBs < 10 UI l–1 Antécédents d’hépatite B ou de vaccination mal documentés Non vacciné, pas d’antécédent d’hépatite B Porteur chronique de l’Ag HBs
Sujet source Ag HBs négatif Risque de transmission nul
Sujet source Ag HBs présent ou inconnu Risque de contamination nul
Risque de transmission nul
Risque de contamination nul
Risque de transmission nul
Contamination possible
Risque de transmission nul
Contamination possible
Risque de transmission nul Contamination possible Cas particulier à prendre en charge en service spécialisé
a
En l’absence de réponse postvaccinale, il est nécessaire de pouvoir disposer le plus rapidement possible, en moins de 48 heures, des résultats d’Ac anti-HBs et d’Ac anti-HBc afin de classer le sujet exposé dans une des catégories pour lesquelles le risque peut être apprécié. b L’âge au moment de la vaccination et la connaissance d’éventuels facteurs de risque de non-réponse au vaccin sont utiles dans l’appréciation du risque. En milieu de soins, la gestion du risque d’exposition au VHB devrait être une situation exceptionnelle, compte tenu de l’obligation vaccinale. Ac : anticorps ; UI : unité internationale.
néal, péricardique, amniotiques) et la salive contiennent une charge virale potentielle plus élevée. L’évaluation du risque et les modalités de surveillance sont déterminées par la connaissance du statut sérologique de la personne exposée.4
Vacciné avec réponse documentée (anticorps anti-HBs supérieurs ou égaux à 10 UI l–1) Le risque est nul et la surveillance n’est pas nécessaire.
Non vacciné ou vacciné mais non-répondeur ou réponse vaccinale non documentée (si le sujet a été vacciné avant l’âge de 25 ans, la vaccination protège) Le risque dépend du statut du sujet source : • Ag HBS négatif et non-appartenance à une population ayant des comportements à risque : C vaccination du sujet exposé si absence ; C pas de surveillance sérologique ; • Ag HBs positif ou statut inconnu : prélèvement Ag HBS, Ac anti-HBs et Ac anti-HBc du sujet exposé. Sérovaccination sans attendre le résultat (1 dose de vaccin et 500 unités internationales [UI] d’Ig anti-HBs le même jour en deux sites) ; C si résultat Ac anti-HBs > ou = 10 UI l–1 : clôture du dossier ; C si résultat Ag HBs positif : recontrôler sur un second prélèvement ; C si résultat Ag HBs négatif et Ac anti-HBs < 10 UI l–1 : surveillance des marqueurs à M1, M3, M6 ;
• si sur 2e contrôle Ag HBs négatif : poursuite de la sérovaccination (2e injection d’Ig anti-HBs à 1 mois et rappel du vaccin) ; • si sur 2e contrôle Ag HBs positif avec Ac Anti HBc de type immunoglobuline M (IgM) : prise en charge dans service spécialisé. Le Tableau 2 présente les risques de transmission en fonction du statut VHB du sujet source.
Risque d’infection par le virus de l’hépatite C À partir d’un sérum de sujet source présentant un acide ribonucléique (ARN) viral C détectable, le risque est compris entre 0 et 7 % (moyenne de 1,8 %). Il est 10 fois supérieur au risque d’infection par le VIH. Cependant, en rassemblant les différentes études publiées de 1992 à 1994 avec des rapports plus récents représentant plus de 11 000 expositions, le taux moyen de transmission est évalué à 0,5 %.12,13 En France, l’évolution entre 1991 et 2001, montre, sur un total de 43 séroconversions, une nette régression depuis 1996 avec une incidence de deux séroconversions par an.4 Elles font suite essentiellement à une piqûre (40/43). Le virus n’est présent qu’à de très faibles concentrations dans la salive, le sperme et les sécrétions vaginales, de même que dans les liquides biologiques non contaminés par le sang. Le statut sérologique du patient-source est toujours nécessaire pour pouvoir adapter la conduite médicale.4
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Les Ac antivirus de l’hépatite C ne sont pas détectables
Les Ac antivirus de l’hépatite C sont détectés ou la recherche est impossible
Si le patient-source est : • immunodéprimé, notamment chez les dialysés chroniques ou les transplantés ; • usager de drogue par voie i.v.
Quelle que soit la connaissance de l’acide ribonucléique (ARN) VHC, la personne exposée est surveillée. La recherche d’une primo-infection asymptomatique est effectuée dans les premières semaines suivant le contage par la détection d’ARN viral confirmée par deux tests successifs. Cinquante-trois pour cent des sujets séroconvertis après AES ont présenté des symptômes d’hépatite aiguë entre le 1e et le 3e mois. Le diagnostic a été réalisé par la détection des Ac anti-VHC à une médiane de 95 jours ou par la détection de l’ARN VHC, à 28 jours après l’exposition.
Un ARN viral circulant est demandé pour préciser le risque d’infection qui est considéré comme nul si la sérologie et la polymerase chain reaction (PCR) sont négatives. La surveillance n’est pas nécessaire. Soit le patient-source n’a pas de facteur de risque : la surveillance n’est pas nécessaire.
Figure 1 Traitement. ALAT : alanine aminotransférase ; VHC : virus de l’hépatite C ; Ac : anticorps ; ARN : acide ribonucléique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
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La survenue d’une primo-infection avec ou sans hépatite aiguë doit faire discuter, en milieu spécialisé, l’indication à un traitement par interféronribavirine.14–17 Son institution permettrait d’éviter un passage à la chronicité. Le moment optimal de cette thérapeutique (avant ou après élévation des transaminases) n’a pu être évalué par le jury de la conférence de consensus du traitement du VHC.18 En cas d’ARN viral C négatif : le risque apparaît extrêmement faible, voire nul. Un dosage d’alanine aminotransférase (ALAT)/ d’Ac anti-VHC entre J0 et J1 et aux 1e, 3e et 6e mois est prescrit. Le risque de contamination par sérum d’une rechute après traitement par interféron-ribavirine n’est pas connu. Il ne semble pas exister de différence de transmission en fonction du génotype viral. L’introduction du dépistage génomique viral C sur tous les dons lors du dernier trimestre 2001 a permis de réduire de 66 à 59 jours la fenêtre sérologique évitant une contamination supplémentaire sur 400 000 dons. Les risques de transmission
lors d’un AES après transfusion du patient-source sont donc très faibles. Il est cependant impossible de garantir le dépistage de tout don infectieux (virémie inférieure au seuil de détection, échappement de certains variants.19 L’arbre décisionnel est présenté sur la Figure 1.
En cas de co-infection virus de l’immunodéficience humaine-virus de l’hépatite C (Tableau 3) Le suivi sérologique du sujet exposé doit être prévu sur une année en raison du retard possible de l’apparition des Ac. Un cas clinique de séroconversion VHC tardive à l’occasion d’une co-infection VIH post-AES a été décrit.20 Les séroconversions VHC secondaires à des accidents d’apparence mineure peuvent donner l’occasion de sensibiliser les soignants sur l’importance des déclarations d’accident du travail qui peuvent apparaître fastidieuses en raison des lourdeurs administratives.
Tableau 3 Tableau récapitulatif de la surveillance biologique après accident d’exposition au sang (AES) (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C [VHC]) le sujet-source est considéré comme contagieux. Suivi biologique Entre j0 et j1
À 1 mois
À 3 mois
À 6 mois
VIHa Anticorps anti-VIH Si anticorps anti-VIH présents, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents, continuer la surveillance Anticorps anti-VIH Ag P 24 ou ARN VIH Si apparition des Ac anti-VIH ou Ag P24, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents, continuer la surveillance Anticorps anti-VIH Si apparition des Ac anti-VIH, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents, continuer la surveillance
VHB Antigène HBs, anticorps anti-HBc, anti-HBs Si antigène HBs présent, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absent, continuer la surveillance
VHC Anticorps anti-VHC, ALAT Si marqueurs présents, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents, continuer la surveillance
Antigène HBs, anticorps anti-HBc, anti-HBs Si apparition d’Ag HBs ou anti-HBcb adresser le sujet dans un service spécialisé Si marqueurs absents, continuer la surveillance Antigène HBs, anticorps anti-HBc, anti-HBs Si apparition d’Ag HBs ou anti-HBc, adresser le sujet dans un service spécialisé Si marqueurs absents, continuer la surveillance Anticorps anti-VIH Antigène HBs, anticorps anti-HBc, Si apparition des Ac anti-VIH, anti-HBs adresser le sujet dans un service Si anticorps anti-HBc ou Ag HBs spécialisé positif : adresser le sujet dans un Si marqueurs absents : clôture service spécialisé Si marqueurs absents : clôture
Anticorps anti-VHC, ALAT Si apparition d’anticorps anti-VHC ou si augmentation des ALAT, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents ou normaux, continuer la surveillance Anticorps anti-VHC, ALAT Si apparition d’anticorps anti-VHC ou si augmentation des ALAT, adresser le sujet dans un service spécialisé Si absents ou normaux, continuer la surveillance Anticorps anti-VHC, ALAT Si augmentation des ALAT ou apparition d’anticorps anti-VHC, adresser le sujet dans un service spécialisé Si marqueurs absents : clôture
a Si le soignant reçoit un traitement antirétroviral après accident d’exposition au sang (AES), il faut décaler l’ensemble de la surveillance du temps du traitement (réf. rapport Delfraissy 1999). b L’apparition des anticorps anti-HBc, avec ou sans anticorps anti-HBs, témoigne d’une infection récente. Le sujet doit faire alors l’objet d’un suivi spécialisé. ALAT : alanine aminotransférase.
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Conclusion Depuis 1997, le nombre de séroconversions professionnelles VIH, VHB, VHC est donc en diminution : • la nette diminution des séroconversions VIH peut s’expliquer par la baisse du nombre d’AES, par les faibles niveaux de charge virale plasmatique chez les patients traités, par la diminution actuelle du nombre de patients hospitalisés et par l’effet des prophylaxies postexposition ; • les deux premières hypothèses peuvent s’appliquer à la diminution de la transmission du VHC après AES. Pour le VHB, la vaccination généralisée est un facteur supplémentaire de cette régression. Une étude épidémiologique nationale du suivi des AES permettrait d’évaluer : • le nombre d’AES déclarés avec patients-sources positifs pour le VIH ou le VHC et leur descriptif ; • l’impact des recommandations sur la prévention des AES ; • l’impact d’une éventuelle chimioprophylaxie sur le risque de transmission du VIH ; • le risque actuel de contamination après AES.21 La Direction générale de la santé (DGS) a confié à un groupe de travail piloté par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé [AFSSAPS]) une mission d’expertise destinée à l’optimisation de la prise en charge des AES au VIH. La future circulaire insistera sur : • la nécessité d’une coopération étroite entre médecins urgentistes, Centre d’information et de soins d’immunodéficience humaine (CISIH), Centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), médecine du travail ; • la création d’éventuelles astreintes par des médecins référents pour le VIH pour aide à la décision thérapeutique ; • l’amélioration de l’accueil, du suivi, du soutien, de l’information sur les effets indésirables, ainsi que le rappel de l’importance d’une bonne prévention des AES.11 Avec tous nos remerciements à Mme Nina Lindstorff pour sa traduction.
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