Activité physique et maladie rénale chronique : quelles relations en 2013 ?

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NEPHRO-693; No. of Pages 8 Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2014) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Revue ge´ne´rale/Mise au point

Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Physical activity and chronic kidney disease: An update in 2013? Nicolas Rognant a,*,b, E´ric Pouliquen c, Sophie Fave d, Anne Jolivot c, Maurice Laville a,b,d a

De´partement de ne´phrologie, centre hospitalier Lyon-Sud, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Be´nite, France Universite´ Claude Bernard-Lyon 1, domaine Rockefeller, avenue Rockefeller, 69373 Lyon cedex 08, France De´partement de ne´phrologie, hoˆpital E´douard-Herriot, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France d Re´seau TIRCEL, hoˆpital E´douard-Herriot, 69437 Lyon cedex 03, France b c

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 23 mars 2013 Accepte´ le 10 septembre 2013 Disponible sur Internet le xxx

La pratique d’une activite´ physique (AP) fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulie`re en sante´ publique. En effet, les be´ne´fices attendus en termes de morbi-mortalite´ cardiovasculaire sugge`rent que l’ensemble des praticiens devrait en faire la promotion. Cependant, il existe encore peu de donne´es sur l’impact de l’activite´ physique sur la sante´ des patients insuffisants re´naux avant le stade de la dialyse. Cette revue s’inte´resse a` la relation existant entre maladie re´nale chronique et pratique d’une activite´ physique. Les diffe´rents outils d’e´valuation du niveau d’activite´ physique ont permis de mettre en e´vidence une nette de´gradation des capacite´s physiques des patients de`s les stades pre´coces de la maladie re´nale chronique. Bien qu’il n’existe pas actuellement de recommandations spe´cifiques concernant la pratique de l’activite´ physique chez les patients insuffisants re´naux, il semble licite d’encourager celle-ci de fac¸on adapte´e, en s’inspirant de ce qui est proˆne´ en matie`re de pre´vention cardiovasculaire dans la population ge´ne´rale. ß 2013 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Activite´ physique Maladie re´nale chronique Risque cardiovasculaire

A B S T R A C T

Keywords: Cardiovascular risk Chronic kidney disease Physical activity

The practice of physical activity is now a subject of special attention in public health. Indeed, the expected benefits in terms of cardiovascular morbidity and mortality suggest that all physicians should promote it. However, there are few data on the impact of physical activity on the health of patients with chronic kidney disease before the dialysis stage. This review focuses on the relationship between chronic kidney disease and the practice of physical activity. Different tools to assess the level of physical activity helped to highlight a marked deterioration in physical capacity of patients with chronic kidney disease, including during the earliest stages. Although there is currently no specific recommendations regarding the practice of physical activity in patients with renal impairment, it seems desirable to promote it in an appropriate way, based on what is currently advocated for cardiovascular prevention in the general population. ß 2013 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La pratique re´gulie`re de l’activite´ physique (AP) a un effet be´ne´fique sur de nombreuses pathologies, permettant de pre´venir leur apparition et/ou participant a` leur traitement. Cependant, les e´tudes a` grande e´chelle disponibles actuellement montrent qu’il existe une « e´pide´mie » d’inactivite´ physique a` travers le monde, * Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (N. Rognant).

favorisant la survenue de certaines pathologies chroniques et, par ce biais, responsable d’une mortalite´ pre´mature´e et d’une diminution de la qualite´ de vie des patients [1]. Les me´canismes a` l’origine des effets be´ne´fiques de l’AP sont de mieux en mieux connus, de telle sorte que certains pourraient eˆtre reproduits pharmacologiquement. Malgre´ cela, l’obtention de l’ensemble du be´ne´fice lie´ a` la pratique re´gulie`re de l’AP semble largement improbable [2]. Par conse´quent, la pratique de l’AP devrait eˆtre encourage´e et, dans ce but, elle fait l’objet de recommandations dans la prise en charge the´rapeutique de nombreuses pathologies chroniques telles que le diabe`te, l’obe´site´ ou les pathologies

1769-7255/$ – see front matter ß 2013 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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cardiovasculaires. Bien qu’il existe un certain nombre d’e´tudes concernant l’impact de l’AP sur la morbidite´ et le pronostic des patients dialyse´s, elles sont peu nombreuses (et majoritairement de nature observationnelle) chez les patients avec une maladie re´nale chronique (MRC) non dialyse´s. Les re´sultats sugge`rent que la relation entre MRC et AP pourrait eˆtre a` double sens, la MRC semblant eˆtre a` l’origine d’une diminution des capacite´s physiques des patients, alors que la pratique de l’AP pourrait permettre de ralentir l’e´volution de la MRC [3]. Il n’existe pas actuellement de recommandations pour guider la pratique de l’AP chez les patients insuffisants re´naux, mais des suggestions pourraient eˆtre formule´es afin de maintenir une AP re´gulie`re chez ces patients [4]. Le but de cet article est de de´crire les re´sultats des principales e´tudes ayant cherche´ a` e´valuer l’impact de la pratique re´gulie`re de l’AP sur le pronostic des patients pre´sentant une MRC non dialyse´s, qu’il s’agisse du pronostic re´nal ou de la mortalite´. Par ailleurs, dans une premie`re partie, seront succinctement de´crites les me´thodes de mesure permettant de quantifier l’AP. Enfin, nous e´voquerons e´galement la relation entre le niveau de fonction re´nale et les capacite´s physiques des patients pre´sentant une MRC non dialyse´s. 2. De´finition et outils de mesure 2.1. De´finition L’AP est un facteur favorisant la sante´ et la qualite´ de vie. Elle se de´finit comme « tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraıˆnant une augmentation de la de´pense d’e´nergie au-dessus de la de´pense de repos » [5]. On en distingue classiquement deux types :  l’exercice anae´robie mobilisant les fibres musculaires dites « rapides » pour les efforts d’intensite´ e´leve´e et de dure´e bre`ve ;  l’exercice ae´robie mettant en jeu les fibres « lentes », par le biais du cycle de Krebs, pour des efforts s’inscrivant dans la dure´e. En France, le Plan national nutrition sante´ (PNNS) [6] a de´veloppe´ des recommandations sur la limitation de la se´dentarite´ et la promotion de l’AP re´gulie`re en faveur d’un bon e´tat de sante´ ainsi que du maintien de la qualite´ de vie et de l’autonomie des individus. En effet, notre socie´te´ est actuellement confronte´e a` une modification des habitudes de vie aboutissant a` la diminution de nos activite´s (Fig. 1). De nombreuses mesures de sante´ publique ont ainsi vu le jour afin de lutter contre cette se´dentarisation. La seconde disposition du PNNS 3 est une mesure spe´cifique visant a` promouvoir la pratique d’une AP et sportive adapte´e chez les populations pre´sentant un aˆge avance´, un handicap ou une maladie chronique. Il s’agit actuellement de la seule recommandation officielle en France qui incite a` la pratique re´gulie`re de l’AP chez les patients atteints d’une MRC.

Fig. 1. E´valuation de la se´dentarite´ dans la population franc¸aise : e´tude nationale nutrition et sante´ de l’Institut national de veille sanitaire (InVS 2006–2007).

2.2. Outils de mesure L’e´valuation de l’AP s’effectue par la quantification de l’e´nergie consomme´e au cours de cette activite´. L’intensite´ de cette consommation d’e´nergie peut s’exprimer en kcal/kg/h, en mL/ kg/min d’oxyge`ne consomme´ (VO2) ou en Metabolic Equivalent Task (MET). Le MET est une unite´ de mesure arbitraire qui e´quivaut au me´tabolisme de repos d’une personne d’environ 70 kg (soit 3,5 mL/kg/min d’oxyge`ne consomme´). Ainsi, il est possible d’exprimer la quantite´ d’AP effectue´e en MET multiplie´ par le temps (MET/min). L’intensite´ de l’AP peut e´galement s’exprimer en pourcentage de la VO2max, cette valeur repre´sentant le volume maximal d’oxyge`ne qu’un sujet peut consommer au cours d’un exercice ae´robie. La mesure de la de´pense e´nerge´tique peut s’effectuer par calorime´trie directe ou indirecte, mais e´galement par la me´thode de l’eau doublement marque´e [7]. Il s’agit des me´thodes de mesures de re´fe´rence de la de´pense e´nerge´tique : elles ne´cessitent des e´quipements lourds et sont complexes a` mettre en œuvre en pratique courante. D’autres me´thodes sont donc utilise´es afin d’e´valuer l’AP de fac¸on plus courante. Les questionnaires sont des outils simples et fre´quemment utilise´s pour e´valuer l’AP des sujets. Ils interrogent sur le type, l’intensite´, la dure´e et la fre´quence des activite´s pratique´es. Parmi les plus utilise´s, citons l’auto-questionnaire de Baecke [8], l’International Physical Activity Questionnaire (IPAQ) [9], ou encore le Minnesota Leisure Time Physical Activity Questionnaire (MLTPAQ) [10]. Certains de ces questionnaires ont e´te´ valide´s par une mesure compare´e a` d’autres me´thodes de quantification de l’AP [11]. De plus, il existe un compendium des diffe´rents types d’AP qui fournit un e´quivalent MET pour chacune d’entre elles. Cette compilation regroupe un tre`s large e´ventail d’activite´s et fait l’objet d’une mise a` jour re´gulie`re. Elle permet de quantifier l’AP a` partir de questionnaires et/ou d’enqueˆtes effectue´es aupre`s des patients, si la dure´e des diffe´rentes activite´s est connue [12,13]. Les autres me´thodes d’e´valuation de l’AP sont notamment les podome`tres, simples d’utilisation, permettant de compter le nombre de pas effectue´s chaque jour, et ayant ainsi un inte´reˆt dans des programmes de promotion de l’AP chez les patients pre´sentant un risque cardiovasculaire e´leve´ et chez les patients diabe´tiques [14]. Cependant, l’une des limites de cette me´thode est qu’elle ne permet pas de quantifier l’intensite´ de l’activite´, le comptage du mouvement s’effectuant que le sujet soit en train de marcher ou de courir. Malgre´ cela, un seuil de 10 000 pas/jour semble associe´ a` un e´tat de sante´ satisfaisant et semble pouvoir eˆtre recommande´ [5]. Enfin, les acce´le´rome`tres comptabilisent le nombre et l’intensite´ des mouvements sur un temps donne´ (en ge´ne´ral plusieurs jours), et permettent ainsi de quantifier la de´pense e´nerge´tique [15]. Ils sont e´galement simples d’utilisaˆ teux que les podome`tres et n’ont pas e´te´ valide´s tion, mais plus cou par rapport a` une me´thode de re´fe´rence dans certaines populations [5]. La mesure de l’AP peut eˆtre comple´te´e par une estimation de la se´dentarite´ avec une quantification du temps passe´ avec une statique du repos (temps passe´ devant un e´cran, par exemple). Le Tableau 1 pre´sente l’e´quivalence entre les diffe´rentes unite´s de quantification de l’intensite´ de l’AP utilisables. Une e´quivalence est donne´e avec l’e´chelle de Borg : il s’agit d’une e´chelle subjective, tre`s utilise´e dans l’e´valuation de l’intensite´ de l’AP [16]. Le choix de l’outil de mesure de´pend de sa facilite´ d’utilisation, de la population e´tudie´e, mais e´galement des objectifs de l’e´valuation. Si la mesure de la VO2max semble eˆtre le gold standard pour e´valuer les capacite´s physiques dans leur ensemble (fonctions musculaire, me´tabolique et cardiorespiratoire), elle n’est re´alisable que chez des patients valides ou dont le handicap reste mode´re´. De plus, dans leur revue re´cente sur les outils

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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Tableau 1 E´quivalence estime´e entre les diffe´rents niveaux d’AP. E´chelle de Borg

Intensite´

Activite´

VO2max

MET

Kcal/min

Nombre de pas/jour

Faible

Marche, 4 km/h Me´nage Marche, 6 km/h Danse de salon Jardinage Course, 10 km/h Danse ae´robique Sport collectif

25–44

1–2

4

3000–6000

45–59

3–6

4–7

6000–10 000

11–12

60–84

>6

>7

> 12 000

13–16

Mode´re´e

Intense

9–10

MET : Metabolic Equivalent Task.

d’e´valuation des capacite´s physiques, Painter et al. [17] ont souligne´ les difficulte´s lie´es a` l’interpre´tation d’une e´preuve d’effort sous-maximale chez ces patients, le plus souvent sous traitement cardiotrope et dont les aptitudes physiques peuvent eˆtre variables d’un test a` l’autre. Ainsi, l’AP apparaıˆt comme une donne´e complexe, soumise a` de nombreuses variables, et dont l’e´valuation ne peut se re´sumer en un seul et unique outil de mesure. Sous l’influence des ge´riatres, une approche plus pragmatique base´e sur l’utilisation de tests standardise´s (comme le Gait Speed Test, le Walking Test, ou encore le Timed-up and Go Test) s’est conside´rablement de´veloppe´e. La facilite´ d’utilisation de ces tests en pratique clinique est un atout majeur. Cependant, leur validation chez les patients insuffisants re´naux chroniques n’est pas e´tablie (reproductibilite´, utilite´ diagnostique, fiabilite´).

les patients en MRC comparativement a` ceux indemnes de MRC, et cela apre`s ajustement sur plusieurs cofacteurs [24]. McClellan et al. avaient auparavant montre´ que la MRC e´tait associe´e a` une augmentation de l’inactivite´ physique chez des patients de plus de 45 ans inclus dans la cohorte REGARDS [25]. Dans cette e´tude, la pre´valence de l’inactivite´ physique (e´value´e par un questionnaire) e´tait augmente´e d’environ 50 % chez les patients ayant un de´bit de filtration glome´rulaire (DFG) entre 30 et 60 mL/min/1,73 m2 par rapport aux patients avec un DFG entre 60 et 90 mL/min/1,73 m2. De plus, cette e´tude montrait que la qualite´ de vie des patients avec une MRC e´tait alte´re´e, particulie`rement la composante physique du questionnaire d’e´valuation. Une enqueˆte re´cente, mene´e au sein du re´seau Traitement de l’insuffisance re´nale chronique en RhoˆneAlpes (TIRCEL) chez des patients insuffisants re´naux non dialyse´s, confirme cette tendance (Fig. 3).

3. Impact de l’AP au cours des pathologies chroniques La pratique re´gulie`re de l’AP, du fait de l’impact favorable qu’elle peut avoir dans diffe´rents contextes pathologiques [18], fait l’objet de recommandations dans de nombreuses maladies chroniques. Parmi ces pathologies, on peut citer, entre autres, l’hypertension arte´rielle [19], le diabe`te, les dyslipide´mies et, bien entendu, la pre´vention des maladies cardiovasculaires [20]. De fac¸on moins attendue, des recommandations existent e´galement dans la pre´vention du cancer [21], ou encore au cours de la grossesse [22]. 4. Activite´ physique chez les patients insuffisants re´naux chroniques

Fig. 2. Pre´valence estime´e des complications lie´es a` la maladie re´nale chronique selon le niveau de fonction re´nale e´value´ par le de´bit de filtration glome´rulaire (DFGe) : re´sultats de l’enqueˆte ame´ricaine NHANES (1988–1994). D’apre`s [22], reproduit avec la permission de la Massachussetts Medical Society.

35 % 30 %

66,7

71,6

72,9

25 % 20 % 15 % 10 % 5% 0% Stade 2

Stade 3

80 70 60 50 40 30 20 10 0

Age (années)

Si les donne´es e´pide´miologiques actuelles encouragent la pratique d’une AP re´gulie`re dans la population ge´ne´rale, il existe peu de donne´es concernant les patients atteints de MRC. Il semble cependant le´gitime d’envisager que les be´ne´fices attendus en termes de controˆle des facteurs de risque cardiovasculaire, de re´gulation de la pression arte´rielle (PA), d’ame´lioration de l’insulino-re´sistance, sont extrapolables a` cette population et ce, d’autant que les causes pre´ponde´rantes de MRC dans les pays de´veloppe´s sont le diabe`te et l’hypertension arte´rielle. Au-dela` de ces be´ne´fices cardiovasculaires pre´sume´s, l’AP s’inscrit au sein d’une prise en charge globale visant a` ame´liorer la qualite´ de vie des patients. De plus, elle figure parmi les garants du maintien de l’autonomie (notamment chez les personnes aˆge´es). L’impact de la MRC sur la qualite´ de vie des patients a fait l’objet de plusieurs e´tudes observationnelles sugge´rant son influence de´favorable sur l’ensemble du me´tabolisme, et notamment sur les capacite´s physiques, et ce, de`s les premiers stades de la maladie, comme en te´moignent Stevens et al. dans leur revue sur l’e´valuation de la fonction re´nale [23] (Fig. 2). Ainsi, ils rapportent l’augmentation de l’incapacite´ a` la marche de`s le stade III de la MRC. Une e´tude re´cente, re´alise´e par Agarwal et al., a mis en e´vidence une diminution de l’AP quotidienne en dure´e et en intensite´ chez

Stade 4/5

Stade d'IRC Fig. 3. Distribution des patients ne pratiquant pas d’AP en fonction du stade de la maladie re´nale chronique et l’aˆge moyen des patients dans chaque stade (n = 62 ; patients inclus dans le re´seau TIRCEL et ayant re´pondu a` un questionnaire sur l’AP au cours de l’anne´e 2011).

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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Lorsque l’on s’inte´resse aux items abordant les capacite´s physiques dans les questionnaires de qualite´ de vie utilise´s dans de larges cohortes de patients atteints de MRC, on remarque que les fonctions motrices sont alte´re´es par rapport a` la population ge´ne´rale de`s les stades pre´coces. Dans l’e´tude Lipid Lowering and Onset of Renal Disease (LORD), incluant 120 patients insuffisants re´naux de stade 2 a` 4, Fassett et al. rapportent une alte´ration des capacite´s physiques (mesure´es a` l’aide du Physical Functioning Scale, ou PFS) par rapport a` une population te´moin (scores : 80,7 vs 86,2 ; p < 0,01) [26]. Dans cette e´tude, les auteurs mettaient e´galement en e´vidence une diffe´rence de DFG (cependant non significative) entre les patients ayant une AP satisfaisante (> 600 MET/min/semaine) par rapport a` ceux ayant une AP moins intense et re´gulie`re. Ces donne´es concordent avec celles de l’e´tude AASK (African American Study of Kidney Disease and Hypertension) relatives a` l’impact de la MRC sur les capacite´s physiques. En effet, chez les 1094 patients afro-ame´ricains insuffisants re´naux chroniques inclus dans cet essai the´rapeutique (DFG moyen 45,7  13 mL/min), les scores de capacite´s physiques e´taient nettement diminue´s (PFS moyen = 69,8 ; Physical Component Summary Score = 43,4 vs 50) par rapport a` ce qui est observe´ dans la population ge´ne´rale [27]. Plus re´cemment, l’AP a e´galement e´te´ e´value´e dans la cohorte ame´ricaine National Health and Nutrition Examination Survey III (NHANES III), qui inclut plus de 15 000 patients, dont 5,9 % ont un DFG infe´rieur a` 60 mL/min/1,73 m2. L’analyse de ces donne´es observationnelles montre un taux d’inactivite´ supe´rieur chez les patients souffrant de MRC (28 % contre 13,5 % ; p < 0,05). Apre`s ajustement sur plusieurs comorbidite´s et caracte´ristiques, la MRC est associe´e a` une augmentation de 30 % de l’inactivite´ physique [28]. Plusieurs auteurs ont cherche´ a` s’affranchir du caracte`re subjectif des questionnaires d’auto-e´valuation en mesurant de manie`re concre`te les capacite´s physiques des patients porteurs d’une MRC. Dans ces travaux, la capacite´ physique a e´te´ e´value´e a` l’aide des mesures de consommation d’oxyge`ne durant l’exercice (VO2max ou VO2peak). Ces re´sultats inte´ressent des groupes de patients beaucoup moins importants du fait des techniques utilise´es plus difficiles a` mettre en œuvre. Ainsi, dans un groupe de 12 patients pre´sentant une MRC stade 3 ou 4, Leikis et al. ont mesure´ que le pic de consommation d’oxyge`ne (VO2peak) des patients correspondait a` 82 %  13 de la valeur the´orique [29]. Ces donne´es s’inscrivent dans des valeurs hautes par rapport aux autres e´tudes puisque Pechter et al. [30], Mustata et al. [31] et Padilla et al. [32] observent de leur coˆte´ des valeurs de VO2peak aux alentours de 60 % des valeurs de re´fe´rence (respectivement 63, 60 et 59 %). Ces donne´es sont re´sume´es dans le Tableau 2. Ces re´sultats sugge`rent donc qu’il existe une diminution des capacite´s physiques au cours de la MRC, bien avant le recours aux techniques de supple´ance. Cependant, l’inde´pendance de cette

alte´ration vis-a`-vis d’autres variables telles que l’aˆge ou l’existence de comorbidite´s n’est pas bien e´tablie. Il est possible d’estimer qu’il existe a` ce jour des arguments sugge´rant un lien direct entre la de´gradation de la fonction re´nale et l’alte´ration des capacite´s physiques. Les me´canismes incrimine´s sont nombreux :       

ane´mie ; troubles me´taboliques (acidose, dyscalce´mie) ; me´diateurs inflammatoires ; toxines ure´miques ; sarcope´nie ; myocardiopathies ; troubles fonctionnels (crampes). . .

Le roˆle e´ventuel de l’ane´mie a fait l’objet de plusieurs e´tudes. Dans leurs travaux portant sur 9 patients, Leikis et al. [29] ont suivi sur deux ans, d’une part l’e´volution de la VO2max sur une bicyclette ergome´trique et, d’autre part, les parame`tres biologiques incluant la fonction re´nale et le taux d’he´moglobine. Chez ces patients, la diminution des capacite´s physiques semble corre´le´e a` l’alte´ration du DFG (r = 0,613 ; p = 0,034), inde´pendamment du taux d’he´moglobine. A` plus grande e´chelle, les donne´es issues des grands essais the´rapeutiques de correction du taux d’he´moglobine chez les patients insuffisants re´naux chroniques non dialyse´s restent discordantes quant a` l’ame´lioration de la qualite´ de vie. De par son caracte`re controˆle´ et en aveugle, l’essai TREAT [33] est probablement le plus pertinent. Ainsi, si certains items des scores de qualite´ de vie ont e´te´ ame´liore´s par l’administration d’e´rythropoı¨e´tine, les items relatifs a` l’AP sont reste´s identiques dans les deux groupes (modification moyenne des scores de performance physique : 1,3  9,2 vs 1,1  8,8 ; p = 0,51). D’autres voies me´taboliques font l’objet de travaux visant a` mieux comprendre les me´canismes en jeu dans le de´clin des performances physiques au cours de la MRC. Le syndrome malnutrition-inflammation, fre´quemment observe´ chez les patients insuffisants re´naux, comporte des anomalies du me´tabolisme prote´ique qui pourraient eˆtre associe´es a` la re´duction des capacite´s physiques des patients. De fac¸on inte´ressante, Castaneda et al. ont montre´ que la pratique de l’AP re´gule la production de certains facteurs pro-inflammatoires et ame´liore l’e´tat nutritionnel [34]. Par ailleurs, une analyse comple´mentaire de Balakrishnan et al. s’est inte´resse´e au fonctionnement musculaire, et plus particulie`rement aux mitochondries via la production d’ADN mitochondrial [35]. Ce travail montre une augmentation du taux d’ADN mitochondrial chez les patients participant au programme d’entraıˆnement physique par rapport au groupe te´moin (1306 [13 306] contre 3747 [15 467] ; p = 0,01). Enfin, d’autres de´sordres me´taboliques sont suspecte´s d’alte´rer le fonctionnement neuromusculaire (troubles hydro-e´lectrolytiques, e´quilibre acido-basique, dyscalce´mies), mais peu d’e´tudes sont disponibles sur le sujet.

Tableau 2 Activite´ physique mesure´e chez des patients atteints de maladie re´nale chronique. E´tude, date [re´fe´rence] Leikis et al., 2006 [28] Pechter et al., 2003 [29] Mustata, 2010 [30] Padilla, 2008 [31] DFG : de´bit de filtration glome´rulaire.

n

DFG moyen (mL/min/1,73 m2)

VO2peak (mL/kg/min) : moyenne  ET

Pourcentage de la valeur de re´fe´rence (%)

12

31

22,2  4,3

82

20

62,9

18,8  0,9

63

20

27

15,8

60

32

29,9

17,8  6,7

59

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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5. Impact de l’AP sur la progression de l’insuffisance re´nale chronique Alors qu’il semble que la maladie re´nale chronique alte`re sensiblement les capacite´s physiques, peut-on espe´rer un be´ne´fice du maintien d’une AP re´gulie`re ? Certains auteurs ont cherche´ a` mettre en e´vidence un effet favorable de la pratique de l’AP sur la progression de la MRC. En d’autres termes, la promotion de l’AP doit-elle faire l’objet d’une attention particulie`re de la part du ne´phrologue, au-dela` de la simple pre´vention cardiovasculaire ? Sur le plan expe´rimental, des investigateurs de Taiwan ont travaille´ sur un mode`le d’insuffisance re´nale chronique induite par la doxorubicine chez le rat. Les animaux ont e´te´ soumis a` des se´ances de natation de 30 a` 60 minutes par jour pendant 11 semaines. A` l’issue de cette pe´riode, Peng et al. [36] se sont inte´resse´s aux donne´es histologiques re´nales et aux marqueurs de fibrose. Les rats ayant re´alise´ des se´ances de natation pre´sentaient moins de fibrose re´nale. Cette « protection » semble eˆtre en lien avec une re´gulation des cytokines pro-inflammatoires et des facteurs agissant sur la diffe´renciation des fibroblastes du me´sangium (PDGFR, me´tallo-prote´ases, CD34). Il n’y a eu dans ce travail, aucune modification des taux de cre´atinine plasmatique entre les groupes. Toutefois, la baisse de la prote´inurie (828 contre 258 mg/dL dans le groupe natation) e´tait significative. Il est important de signaler que la natation est un mode`le d’AP bien particulier qui entraıˆne des modifications he´modynamiques lie´es a` l’immersion, susceptibles d’influencer la fonction re´nale inde´pendamment de l’effort fourni. En pratique clinique, plusieurs travaux ont mis en e´vidence cet effet antiprote´inurique chez l’homme. Robinson et al. [37] ont e´tudie´ le rapport albuminurie sur cre´atininurie dans les deux cohortes d’infirmie`res aˆge´es de 25 a` 55 ans (Nurses Health Study I et II). Le mode`le de re´gression logistique applique´ aux 3587 femmes incluses dans cette e´tude mettait en e´vidence une association entre le degre´ d’AP (e´value´ en METs) et l’intensite´ de la prote´inurie. Compare´es aux femmes figurant dans le dernier quintile de pratique d’une AP, celles faisant partie du premier quintile avaient un risque plus faible d’avoir une prote´inurie importante (OR ajuste´ 0,65 ; Intervalle de confiance [IC] 95 % 0,43–0,93). Malgre´ ces donne´es encourageantes, il n’existe pas, a` ce jour, de grandes e´tudes prospectives interventionnelles montrant que la pratique re´gulie`re de l’AP ame´liore le pronostic re´nal. Seuls des essais randomise´s portant sur de petits e´chantillons se´lectionne´s sont disponibles. Parmi ces quelques essais figure celui de Pechter et al. [30], de´ja` cite´ pre´ce´demment. Sur les 20 malades inclus, les auteurs ont pu observer une re´duction significative de la prote´inurie dans le groupe ayant fait l’objet d’un entraıˆnement physique. La cystatine C e´tait e´galement abaisse´e dans ce groupe. Cependant, le DFG n’e´tait pas modifie´ de fac¸on significative. Mustata et al. [31] n’ont pas non plus rapporte´ de diffe´rence dans les deux groupes en termes de DFG. Enfin, apre`s 12 semaines d’exercice physique re´gulier (a` raison de trois se´ances par semaine chez 26 patients), Castaneda et al. [34] ont mis uniquement en e´vidence une re´duction des parame`tres inflammatoires. De par leur manque de puissance et le caracte`re tre`s se´lectif des malades inclus dans ces essais, il est difficile d’extrapoler ces donne´es a` l’ensemble des malades. Malgre´ leurs faiblesses, ces e´tudes rapportent de manie`re re´currente une ame´lioration des capacite´s physiques (exprime´es en termes de VO2max et/ou de mesure de la masse musculaire). Enfin, qu’en est-il de la tole´rance de l’AP chez les patients atteints de MRC et de son innocuite´ ? Nous ne disposons en fait que de peu de donne´es sur ce plan. Si aucun e´ve´nement cardiovasculaire grave n’est a` de´plorer, certains patients ont toutefois

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pre´sente´ des symptoˆmes lors des se´ances d’exercice physique. Padilla et al. [32] ont notamment rapporte´ chez trois patients des modifications e´lectriques du segment ST durant les se´ances. Les autres manifestations cliniques rapporte´es sont d’ordre tensionnel ou rythmique (extrasystoles). Il faut de plus tenir compte des nombreux crite`res d’exclusion de l’e´tude parmi lesquels figurent bon nombre d’e´ve´nements cardiovasculaires. Il semble donc e´galement ne´cessaire d’investiguer la tole´rance, notamment cardiovasculaire, des programmes d’AP chez les patients atteints de MRC, dont certains pre´sentent un risque cardiovasculaire e´leve´. En conclusion, il est impossible d’affirmer le caracte`re « ne´phroprotecteur » de la pratique re´gulie`re de l’AP en se basant sur les donne´es de la litte´rature disponibles actuellement. Cependant, la pratique de l’AP devrait eˆtre encourage´e chez ces patients en cas d’indications connexes, en pratique fre´quemment pre´sentes (diabe`te, obe´site´, cardiopathie ische´mique, etc.), et cela, bien que l’innocuite´ d’une telle mesure n’ait pas e´te´ spe´cifiquement de´montre´e dans cette population. En ce qui concerne la ne´phroprotection potentiellement associe´e a` la pratique re´gulie`re de l’AP, des essais randomise´s de puissance ade´quate devraient eˆtre mis en œuvre afin de re´pondre a` cette question. 6. Impact de l’AP sur la survie des patients pre´sentant une MRC La MRC, quel que soit son stade, favorise la survenue des maladies cardiovasculaires [38], qui constituent la premie`re cause de de´ce`s chez ces patients [39]. Comme cela a e´te´ de´crit pre´ce´demment, les patients atteints de MRC ont des capacite´s physiques diminue´es par rapport a` une population te´moin et ont une pratique moins fre´quente et/ou moins intense de l’AP. La pratique re´gulie`re de l’exercice physique permet de diminuer la survenue d’e´ve´nements cardiovasculaires dans la population ge´ne´rale et fait l’objet de recommandations [18]. Cependant, l’impact de cette pratique, notamment sur la mortalite´ toute cause et la morbi-mortalite´ cardiovasculaire, est actuellement peu ou pas connue chez les patients en MRC et il n’existe pas de recommandations spe´cifiques a` ces patients. Certains auteurs se sont inte´resse´s a` la relation entre AP et mortalite´ chez les patients en MRC, dont nous allons pre´senter les re´sultats. De plus, nous reporterons e´galement les effets de la pratique de l’AP, spe´cifiquement mis en e´vidence chez ces patients, sur certains parame`tres pouvant expliquer l’impact observe´ sur la survie. Les donne´es concernant le lien entre AP et mortalite´ chez les patients avec une MRC sont issues d’e´tudes observationnelles. Les re´sultats de ces e´tudes tendent a` montrer que la pratique de l’AP en quantite´ suffisante est associe´e a` une mortalite´ infe´rieure. En 2008, Chen et al. ont examine´ l’effet de la pratique d’une AP sur la mortalite´ toute cause des patients inclus dans l’e´tude MDRD et suivis jusqu’en 2000. Dans cette e´tude, l’AP a e´te´ e´value´e par un questionnaire chez 811 patients pre´sentant un DFGe moyen a` 32,5 mL/min/1,73 m2 et aˆge´s en moyenne de 52 ans. L’impact de l’AP a e´te´ examine´ sous 3 dimensions : activite´ d’inte´rieur, activite´ exte´rieure et exercice physique. L’analyse des donne´es de mortalite´ par le mode`le de Cox ne retrouvait pas d’impact de l’AP de l’une ou l’autre de ces dimensions sur la mortalite´ globale [40]. En 2009, Beddhu et al. ont e´galement e´tudie´ la relation entre niveau d’AP et mortalite´ chez les patients pre´sentant une MRC, et ont trouve´ des re´sultats oppose´s a` ceux de l’e´tude de Chen et al. Dans cette e´tude observationnelle base´e sur les donne´es de la cohorte NHANES et ayant inclus 907 patients avec un DFGe infe´rieur a` 60 mL/min/1,73 m2, l’inactivite´ physique e´tait de´finie comme l’absence d’AP au cours des loisirs alors qu’une AP satisfaisante e´tait de´finie comme la pratique d’une activite´

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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moyennement intense (3 a` 6 METs) au moins 5 fois par semaine ou d’une activite´ vigoureuse (> 6 METs) au moins 3 fois par semaine pendant les loisirs. Les patients se situant dans une situation interme´diaire e´taient conside´re´s comme insuffisamment actifs. Le niveau d’activite´ e´tait e´value´ par un questionnaire. En analyse multivarie´e et apre`s un suivi moyen de 7 ans, les patients re´gulie`rement actifs avaient un risque de de´ce`s diminue´ de 56 %, alors que ceux insuffisamment actifs avaient une diminution de 42 %, par rapport aux patients inactifs. Dans cette e´tude, un re´sultat similaire e´tait retrouve´ chez les patients normo-re´naux (respectivement –41 et –40 %), les baisses de mortalite´ n’e´tant pas diffe´rentes de celles observe´es chez les patients atteints de MRC [28]. Dans une e´tude re´cente de 2011, Zelle et al. ont e´value´ la mortalite´ toute cause et cardiovasculaire selon le niveau d’AP chez 540 patients porteurs d’un greffon re´nal fonctionnel et aˆge´s en moyenne de 51 ans. L’AP a e´te´ e´value´e par 2 questionnaires permettant de quantifier celle lie´e aux loisirs et celle en rapport avec l’activite´ professionnelle. De plus, les auteurs ont ensuite calcule´, graˆce aux re´sultats des questionnaires, l’AP en MET/min par jour, ce qui a permis d’obtenir une mesure tre`s pre´cise de l’AP au cours des 12 mois ayant pre´ce´de´ les re´ponses des patients. Concernant les recommandations en cours pour l’AP (2,5 h/ semaine d’activite´ de moyenne intensite´, soit environ 150 MET/ min par jour pendant 5 jours), 48 % des patients n’atteignaient pas cet objectif, 14,6 % e´tant, par ailleurs, conside´re´s comme totalement inactifs. De plus, apre`s re´partition de la population en tertiles d’AP, le niveau de celle-ci e´tait positivement associe´ au niveau de fonction re´nal et inversement associe´ aux ante´ce´dents cardiovasculaires et au niveau de prote´ine C re´active (CRP) et d’insuline´mie. Apre`s ajustement pour plusieurs comorbidite´s et facteurs de risque, la pratique d’une AP de bon niveau e´tait associe´e a` une baisse de la mortalite´ cardiovasculaire de 32 % et de la mortalite´ toute cause de 25 % apre`s un suivi me´dian de 5,3 ans [41]. Plus re´cemment, Roshanravan et al. [42] ont e´value´ de manie`re prospective le lien existant entre l’inaptitude physique et la mortalite´ toute cause au sein de trois cohortes de patients insuffisants re´naux chroniques allant du stade 2 au stade 4. Les performances physiques ont e´te´ e´value´es a` l’aide de trois test standardise´s pre´ce´demment cite´s (Gait Speed Test, Timed-up and Go Test, et Six Minute Walking Test). L’analyse des re´sultats confirme, apre`s ajustement, l’existence d’un sur-risque de mortalite´ toute cause chez les patients dont les performances physiques sont les plus alte´re´es. Ainsi, une vitesse de marche infe´rieure a` 0,8 m/s est associe´e a` un risque de de´ce`s 2,45 fois plus important. Plusieurs effets de l’AP mis en e´vidence chez les patients MRC peuvent potentiellement expliquer l’impact be´ne´fique sur la mortalite´. Dans une revue re´cente, Johansen et al. e´nume`rent certains me´diateurs dont la modification par l’AP est susceptible de diminuer le risque cardiovasculaire. Ainsi, dans un essai randomise´ et controˆle´ de petite taille (22 patients), Mustata et al. ont montre´ que la pratique de l’AP pendant un an permettait d’augmenter le pic de VO2 et de diminuer la rigidite´ arte´rielle [31]. Dans un autre essai randomise´ controˆle´ ayant inclus 26 patients MRC, Castaneda et al. ont e´galement montre´ que la pratique re´gulie`re de l’AP pendant 12 semaines permet de diminuer significativement l’inflammation, juge´e sur la mesure plasmatique de la CRP et de l’interleukine 6 [34]. Dans une e´tude interventionnelle non controˆle´e, Boyce et al. ont retrouve´ un impact be´ne´fique de l’AP pratique´e pendant 4 mois sur le pic de VO2, avec une diminution de la PA diastolique et de la PA systolique [43]. Dans une e´tude de conception proche, Pechter et al. ont retrouve´ un effet be´ne´fique de l’exercice physique aquatique pratique´ pendant 3 mois sur la PA, ainsi que sur certains marqueurs du stress oxydatif [44]. De fac¸on

inte´ressante, une e´tude ulte´rieure par Agarwal et al. a pre´cise´ les effets de l’AP sur la PA. En effet, ces auteurs ont montre´ l’impact du niveau d’AP sur la PA moyenne des 24 heures et sur ses variations chez les patients atteints de MRC. Dans cette e´tude, le niveau d’AP (partage´ en faible, moyen et haut) e´tait inversement proportionnel a` la PA moyenne des 24 heures et positivement corre´le´ avec l’amplitude des PA sur le nycthe´me`re (patients fortement dippers). De plus, les patients avec une AP moyenne ou e´leve´e avaient un recalage de leur acrophase tensionnelle (c’esta`-dire la pe´riode de temps ou` la PA est maximale) vers une partie de la journe´e moins propice a` la survenue d’un e´ve´nement cardiovasculaire [45]. En 2011, la revue syste´matique de Heiwe et al. (Cochrane) a recherche´ un effet de la pratique de l’AP sur diffe´rents parame`tres chez les patients pre´sentant une MRC [46]. Quarante-cinq e´tudes ont e´te´ incluses (1863 patients) dans cette revue avec des interventions qui e´taient tre`s variables dans leur forme (exercice de re´sistance, cardiotraining, etc.), leur intensite´ et leur dure´e. De plus, la dure´e de l’intervention variait de 2 a` 18 mois. Les re´sultats montraient cependant que la pratique d’une AP permettait de diminuer les pressions arte´rielles systolique et diastolique au repos, d’augmenter le taux d’albumine´mie et de pre´albumine´mie, et d’ame´liorer la qualite´ de vie des patients. De meˆme, l’AP permettait d’ame´liorer les capacite´s physiques. 7. Recommandations pour la pratique de l’AP chez les patients pre´sentant une MRC Il n’existe, actuellement, aucune recommandation spe´cifique aux patients atteints de MRC concernant la pratique optimale de l’AP. Cependant, certains auteurs spe´cialistes de cette question sont a` l’origine d’articles de revue dans lesquelles des indications peuvent eˆtre trouve´es sur le sujet [4]. Les recommandations de Pate et al. de 1995, publie´es dans le JAMA, avaient pour but de pre´venir de fac¸on tre`s ge´ne´rale les pathologies lie´es a` l’inactivite´ et se voulaient porteuses d’un message simple de sante´ publique. Ainsi, ce texte pre´conisait la pratique de 30 minutes d’AP d’intensite´ au moins mode´re´e, la plupart des jours de la semaine (tous si possible). Depuis, des recommandations plus complexes ont e´te´ e´labore´es, notamment pour les patients diabe´tiques [47] et pour les patients hypertendus [19]. Pour les patients diabe´tiques, il est recommande´ de pratiquer au moins 150 minutes d’AP ae´robie par semaine, d’intensite´ mode´re´e a` vigoureuse. De plus, il est e´galement recommande´ de ne pas rester sans AP plus de 48 heures afin de ne pas perdre l’effet insulino-sensibilisateur de l’exercice. Enfin, chez les patients diabe´tiques de type 2, il est conseille´ de pratiquer en plus des exercices de re´sistance, 2 a` 3 jours/semaine, car cette pratique apporterait un be´ne´fice additionnel sur le controˆle du diabe`te [48]. Dans ces recommandations, il est pre´cise´, avec cependant un niveau de preuve me´diocre, que la pratique d’AP permet d’ame´liorer la qualite´ de vie et les capacite´s physiques des patients diabe´tiques atteints de MRC, et que la pre´sence d’une albuminurie ne ne´cessite pas de restriction de cette pratique. Concernant les recommandations de pratique de l’AP dans le but de normaliser la PA, celles publie´es en 2004 sugge`rent la re´alisation d’une AP sur les meˆmes bases de temps que dans la population ge´ne´rale (c’est-a`dire 30 minutes ou plus, pre´fe´rentiellement chaque jour de la semaine), avec une intensite´ mode´re´e, c’est-a`-dire comprise entre 40 et 60 % de la re´serve de VO2 (qui est e´gale a` la diffe´rence entre la VO2max et la VO2 de repos). L’effet hypotenseur est plus important chez les hypertendus que chez les normotendus. Une re´cente me´ta-analyse a compare´ l’effet hypotenseur des diffe´rents types d’exercice [49]. Tous les types d’AP semblent ame´liorer le controˆle tensionnel.

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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Enfin, concernant la pre´vention des maladies cardiovasculaires, l’American Heart Association a publie´, en 2003, des recommandations de pratique de l’AP identiques a` celles publie´es en 1995 dans le JAMA [50]. Les recommandations europe´ennes sur le meˆme sujet, en 2007, sont e´galement tre`s proches, sugge´rant 30 minutes de pratique, si possible tous les jours. Concernant l’intensite´, elles sugge`rent de se baser sur la fre´quence cardiaque (60–75 % de la fre´quence maximale) ou sur la perception de l’effort par les patients selon l’e´chelle de Borg (la perception d’un effort mode´re´ e´tant recommande´e). Enfin, en 2005, Johansen a formule´ un certain nombre de conseils et suggestions au sujet de l’AP chez les patients insuffisants re´naux, constituant en quelque sorte des recommandations « pre´liminaires ». Dans cet article, l’auteur propose d’e´valuer sur une base re´gulie`re, le niveau d’AP des patients pre´sentant une MRC. De l’exercice ae´robie d’une intensite´ basse a` mode´re´e au moins 3 fois par semaine devrait eˆtre prescrit chez tous les patients capables de le faire (apre`s de´pistage d’e´ventuels symptoˆmes cardiovasculaires susceptibles de contre-indiquer cet exercice) concernant la pratique de l’AP chez les patients atteints de MRC [4]. L’entraıˆnement ae´robie devrait comprendre des activite´s comme la marche a` pied ou la pratique du ve´lo, en de´butant par une intensite´ mode´re´e (par exemple 50–60 % de la fre´quence cardiaque the´orique maximale [FMT] ou de la VO2max si celle-ci est connue) sur de courtes dure´es (10–20 minutes). Ide´alement, l’exercice doit ensuite augmenter progressivement en intensite´ et en dure´e pour atteindre 85 % de la FMT pour des dure´es de 30– 60 minutes, au moins 3 fois par semaine. En pratique, cet objectif est difficile a` atteindre chez les patients souffrant de MRC, mais toute progression dans l’intensite´ et la dure´e est probablement a` l’origine d’un be´ne´fice pour les patients et ceux-ci devraient eˆtre encourage´s a` augmenter leur pratique re´gulie`re de l’AP (jusqu’a` un niveau acceptable pour eux). Des exercices de re´sistance devraient eˆtre pratique´s, en de´butant par une intensite´ faible et en s’assurant que les techniques utilise´es sont maıˆtrise´es par les patients (poids libres, machines, etc.). Cela est particulie`rement conseille´ chez les patients pre´sentant une faiblesse musculaire et/ou une mauvaise performance physique. Une augmentation progressive de l’intensite´ de l’activite´ est e´galement conseille´e. Enfin, des temps d’e´chauffement et de re´cupe´ration apre`s les exercices ae´robie ou de re´sistance devraient eˆtre pratique´s pendant une dure´e de 5 a` 10 minutes, et les patients devraient recevoir des conseils au sujet des e´tirements afin d’e´viter des proble`mes lie´s a` un e´tirement excessif. Des programmes d’AP adapte´e (APA) sont indispensables pour permettre aux patients de reprendre progressivement une AP dans des conditions de se´curite´ et de confort. Bien qu’assez de´taille´es, l’impact the´orique de ces indications/recommandations spe´cifiques aux insuffisants re´naux chroniques sur leur pratique effective de l’AP est inconnu. Une me´ta-analyse de 2002 n’a pas pu conclure a` un effet be´ne´fique clinique des conseils sur la pratique de l’AP dispense´s a` des patients issus de la population ge´ne´rale par les me´decins de soins primaires [51]. Cette absence d’effet pourrait eˆtre en rapport avec l’impre´paration de certains cliniciens vis-a`-vis de la prescription ade´quate d’AP aux patients [52]. Par ailleurs, selon d’autres investigateurs, l’e´laboration de recommandations semble ne pas eˆtre suffisante pour atteindre une promotion efficace de l’AP par les me´decins, ceux-ci sugge´rant en plus l’utilisation de certaines approches spe´cifiques au cours et en dehors de la consultation [53]. Finalement, il est donc difficile de pre´voir l’impact de futures recommandations sur la pratique de l’AP chez les patients insuffisants re´naux, mais leur e´laboration constitue un pre´alable important dans l’ame´lioration de cette pratique.

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8. Conclusion La pratique re´gulie`re de l’AP a un impact favorable sur l’e´tat de sante´ des patients dans de nombreuses pathologies. Elle peut eˆtre facilement estime´e par plusieurs questionnaires dont l’utilite´ dans le domaine semble acquise. Elle fait actuellement l’objet d’une e´valuation plus pre´cise chez les patients atteints de MRC par l’interme´diaire notamment d’un programme hospitalier de recherche clinique, ou PHRC (PHYSALIS), mene´ sur la cohorte de patients du re´seau TIRCEL. L’effet be´ne´fique de la pratique re´gulie`re de l’AP chez les patients pre´sentant une MRC non dialyse´e n’est pas formellement e´tabli, mais des arguments existent en sa faveur. Cet impact be´ne´fique pourrait concerner aussi bien le pronostic cardiovasculaire que le pronostic re´nal. Quoi qu’il en soit, la pratique de l’AP ne semble pas associe´e a` la survenue de complications particulie`res chez les patients atteints de MRC, et sa pratique devrait eˆtre encourage´e dans cette population. De plus, de nombreux patients souffrant d’une MRC pre´sentent e´galement une indication reconnue de la pratique re´gulie`re d’une AP qui, dans ce cas, doit eˆtre de´bute´e. Des e´tudes interventionnelles sont ne´cessaires afin d’e´tablir l’effet (les effets) be´ne´fique(s) de l’AP re´gulie`re dans cette population spe´cifique, notamment concernant un e´ventuel effet ne´phroprotecteur. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Lee IM, Shiroma EJ, Lobelo F, Puska P, Blair SN, Katzmarzyk PT. Effect of physical inactivity on major non-communicable diseases worldwide: an analysis of burden of disease and life expectancy. Lancet 2012;380(9838):219–29. [2] Goodyear LJ. The exercise pill – too good to be true? N Engl J Med 2008;359(17):1842–4. [3] Johansen KL, Painter P. Exercise in individuals with CKD. Am J Kidney Dis 2012;59(1):126–34. [4] Johansen KL. Exercise and chronic kidney disease: current recommendations. Sports Med 2005;35(6):485–99. [5] Oppert JM. Me´thodes d’e´valuation de l’activite´ physique habituelle et obe´site´. Sci Sports 2006;21(2):80–4. [6] Hercberg S, Chat-Yung S, Chauliac M. The French National Nutrition and Health Program: 2001–2006–2010. Int J Public Health 2008;53(2):68–77. [7] Shephard RJ, Aoyagi Y. Measurement of human energy expenditure, with particular reference to field studies: an historical perspective. Eur J Appl Physiol 2012;112(8):2785–815. [8] Baecke JA, Burema J, Frijters JE. A short questionnaire for the measurement of habitual physical activity in epidemiological studies. Am J Clin Nutr 1982;36(5):936–42. [9] Bassett DR. International physical activity questionnaire: 12-country reliability and validity. Med Sci Sports Exerc 2003;35(8):1396. [10] Richardson MT, Leon AS, Jacobs DR, Ainsworth BE, Serfass R. Comprehensive evaluation of the Minnesota Leisure Time Physical Activity Questionnaire. J Clin Epidemiol 1994;47(3):271–81. [11] Conway JM, Irwin ML, Ainsworth BE. Estimating energy expenditure from the Minnesota Leisure Time Physical Activity and Tecumseh Occupational Activity questionnaires – a doubly labelled water validation. J Clin Epidemiol 2002;55(4):392–9. [12] Ainsworth BE, Haskell WL, Whitt MC, Irwin ML, Swartz AM, Strath SJ, et al. Compendium of physical activities: an update of activity codes and MET intensities. Med Sci Sports Exerc 2000;32(9 Suppl.):S498–504. [13] Ainsworth BE, Haskell WL, Herrmann SD, Meckes N, Bassett Jr DR, TudorLocke C, et al. 2011 Compendium of Physical Activities: a second update of codes and MET values. Med Sci Sports Exerc 2011;43(8):1575–81. [14] Araiza P, Hewes H, Gashetewa C, Vella CA, Burge MR. Efficacy of a pedometerbased physical activity program on parameters of diabetes control in type 2 diabetes mellitus. Metab Clin Exp 2006;55(10):1382–7. [15] St-Onge M, Mignault D, Allison DB, Rabasa-Lhoret R. Evaluation of a portable device to measure daily energy expenditure in free-living adults. Am J Clin Nutr 2007;85(3):742–9. [16] Borg G. Psychophysical scaling with applications in physical work and the perception of exertion. Scand J Work Environ Health 1990;16(Suppl. 1):55–8. [17] Painter P, Marcus RL. Assessing physical function and physical activity in patients with CKD. Clin J Am Soc Nephrol 2013;8(5):861–72. [18] Pate RR, Pratt M, Blair SN, Haskell WL, Macera CA, Bouchard C, et al. Physical activity and public health. A recommendation from the Centers for Disease

Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006

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Pour citer cet article : Rognant N, et al. Activite´ physique et maladie re´nale chronique : quelles relations en 2013 ? Ne´phrol ther (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.006