Table ronde Pédiatrie humanitaire : créer des liens
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www.sciencedirect.com Mots clés : aide humanitaire, ONG
Centres hospitaliers et ONG : quelles relations ? Hospitals and Nongovernmental Organization: what are the relations ? J.-M. Dejode* Association Humanitaire Hôpital Marguerite-Marie, 15 rue de Jumiège, 44800 Saint-Herblain, France.
L
a coopération internationale entre les hôpitaux français et des hôpitaux de pays en voie de développement existe depuis de nombreuses années [1]. Ces relations internationales entre hôpitaux sont délicates à nouer, à construire ou à poursuivre, menant souvent à des partenariats sans lendemain. A ces binômes peut se joindre une ONG, impliquée elle aussi dans une coopération sur la même zone géographique [2]. Il existe à Nantes, une ONG dont les membres sont en grande majorité issus du CHU. Cette ONG établissait une action médicale minime mais très efficace sur le Cambodge. C’est sous l’influence de Monsieur Robert Reichert, à l’époque Directeur adjoint du CHU de Nantes, qu’une relation tri partite entre le CHU de Nantes, les hôpitaux du Cambodge, et cette ONG nantaise a pu être réalisée. Dans cette relation de coopération internationale, l’ONG occupe toujours un rôle de catalyseur, déclenchant et activant les actions. La présence régulière de l’ONG sur le terrain permet d’orienter et d’ajuster la relation hospitalouniversitaire. Nous relatons ici les modalités d’une telle relation.
Les relations Hôpital - ONG Les pays dans lesquels œuvrent les ONG médicales et chirurgicales ont des demandes spécifiques ou des besoins spécifiques, concernant certaines spécialités médicales et chirurgicales. Les ONG font donc souvent appel à des professionnels hospitaliers [1]. Au retour en France, grâce à la relation ONG/Hôpital, le recrutement de ces nouveaux missionnaires spécialistes s’effectue aisément dans le pool du personnel hospitalier. Il en est de même pour le matériel médical, l’ONG ayant parmi ses membres, un ou plusieurs techniciens biomédicaux issus du centre hospitalier. L’ONG, ayant la connaissance du terrain et des possibilités techniques du pays dans lequel s’effectuent ses missions, discernera ce qui est bien adapté ou pas. A titre d’exemple, dans de nombreux pays en voie de développement, un problème majeur est la logistique de l’oxygène, d’autant plus quand celui-ci doit être pressurisé. De nombreux appareils modernes d’assistance ventilatoire ont besoin pour leur fonctionnement des gaz pressurisés. Leur envoi sur les pays en voie de développement ne sert bien souvent à rien. Cela coûte de l’argent. Ces appareils encombrent les services. Les conditions climatiques et l’inaction altèrent leur * Auteur correspondant. e-mail :
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fonctionnement, et bien souvent ils finissent dans des décharges non recyclées. Ils polluent, c’est tout ce qu’ils font. Parmi les avantages de la relation ONG/Hôpital, un élément intéressant est l’affiliation avec des pharmaciens du centre hospitalier, également membres actifs de l’ONG. Ainsi, la récupération des échantillons lors des appels d’offre permet d’obtenir un potentiel pharmaceutique non négligeable. De même, beaucoup de laboratoires pharmaceutiques demandent un correspondant pharmacien hospitalier pour l’envoi de leurs dons. Ceci est surtout vrai pour l’envoi des stupéfiants qui ne peuvent cheminer que de cette manière. La relation ONG/Hôpital permet d’établir des contacts entre les directions des hôpitaux français et celles des hôpitaux des pays en voie de développement. L’ONG favorise ainsi cette coopération hospitalière en augmentant la fréquence et la régularité de ces contacts [1]. Une particularité nantaise de la relation ONG/Hôpital a été la mise à disposition gratuite pour l’ONG d’un local logistique de 500 m2 avec engins de manutention au sein même du CHU, facilitant ainsi grandement la préparation et l’envoi de containers humanitaires.
Les relations Université - ONG Il est important pour une ONG médicale et chirurgicale de s’intégrer à la vie universitaire du pays dans lequel l’ONG fait ses actions. Cette intégration peut se faire sous forme de conférences données à la faculté de médecine ou lors de congrès qui ont lieu dans le pays d’action. Une demande est souvent faite aux ONG pour la recherche de postes de Faisant Fonction d’Interne (FFI) en France intéressant différentes spécialités médicales ou chirurgicales. La bonne relation ONG - CHU peut permettre la création de postes de FFI « ciblés » pour des spécialités bien précises. Ceci évite que l’étudiant étranger se trouve affecté dans un service qui ne correspond absolument pas à sa spécialité [3]. L’ONG a souvent un rôle de réception pour ces FFI étrangers. Elle aide l’étudiant dès sa venue à l’aéroport Charles de Gaulle pour son transit vers son CHU d’accueil. L’ONG aide son protégé dans les démarches compliquées pour obtenir son titre de séjour, créer un compte bancaire où sera versé son salaire, faire son inscription à la faculté. Une particularité nantaise de cette coopération universitaire, en retour de ces postes d’internes « ciblés », est que la faculté de médecine demande à l’ONG d’encadrer les étudiants en médecine
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J. Gaudelus
de Nantes durant leur choix d’été à l’étranger. Ainsi durant l’été 2007, des étudiants en médecine de Nantes ont été encadrés par une ONG travaillant au Cambodge. Cet encadrement a correspondu à une enquête sur le suivi des grossesses, l’immunité antitétanique des femmes enceintes, et la mortalité infantile dans les campagnes reculées du Cambodge. Les étudiants sont retournés au Cambodge en novembre 2007 présenter leurs résultats lors du congrès national de pédiatrie. Sans les structures mises en place par l’ONG, ce travail de recherche fait en collaboration avec des étudiants de DCEM2 n’aurait pu avoir lieu. Outre le rôle médiateur entre les différentes universités, l’ONG peut effectuer un rôle initiateur dans la création de Diplômes Inter-Universitaires (DIU). Sa connaissance des uns et des autres au niveau de chaque université, accélère grandement la mise en place de ce ou ces DIU.
Avantages financiers Les congés humanitaires En réponse et en application de la circulaire numéro 8 du 1er février 1993 (G. Vincent, B. Kouchner) relative à la participation des praticiens et des fonctionnaires hospitaliers à des actions humanitaires de courte durée, et suite à l’arrêté du 14 janvier 2005 (P. DousteBlazy) fixant les modalités d’intervention des personnels des établissements publics de santé à des actions de coopération internationale humanitaire à titre individuel, les membres hospitaliers d’une ONG peuvent bénéficier d’un placement en position de mise à disposition pour mission temporaire, sollicité auprès de la direction de leur centre hospitalier [4]. Il est certain que la bonne relation de l’ONG avec son CHU, encourage la direction hospitalière aux avis favorables de ces congés spéciaux humanitaires.
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Autres avantages Une relation effective et concrète Hôpital/ONG/Université conforte un éventuel mécène du privé dans sa décision de partenariat. En effet ce mécénat privé est surtout attiré par le côté formation de l’humanitaire. Cet état d’esprit d’un placement sur l’avenir est une caractéristique des donateurs privés, le « Fond Perdu » ne les attire pas.
Conclusion Les bonnes relations entre centres hospitaliers et ONG permettent l’installation d’un microcosme associatif au sein même de l’hôpital, favorisant la communication, les échanges, le recrutement, et bien sûr la motivation.
Références 1. Mordelet P. Guide de la coopération hospitalière pour l’aide au développement. Rennes : Editions de l’École Nationale de la Santé Publique 1997 2. Colas D, Filleul M, Poux JB, et al. Protocoles des missions exploratoires des partenariats hospitaliers. Fédération Hospitalière de France. Rapport du 5 avril 2001 3. Raffarin JP. Décret n° 2002-1316 du 25 octobre 2002 relatif aux actions de coopération internationale des établissements publics de santé. Journal Officiel n° 256 du 1 novembre 2002 page 18144 texte n° 11 4. Douste-Blazy P. Arrêté du 14 janvier 2005 fixant les modalités d’intervention des personnels des établissements publics de santé à des actions de coopération internationale humanitaire à titre individuel. Journal Officiel n° 18 du 22 janvier 2005 page 1192 texte n° 16