Archives de pédiatrie 15 (2008) 1507–1512
ARTICLE ORIGINAL
Actualité sur la prise en charge du paludisme de l’enfant en France Management of malaria for children in France in 2008 L. de Gentile Laboratoire de parasitologie–mycologie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France Disponible sur Internet le 9 août 2008
Résumé Hors des zones d’endémie, la France métropolitaine reste le pays où l’on observe le plus grand nombre de cas de paludisme. Les données épidémiologiques établies par le Centre national de référence du paludisme montre que les cas d’importation pédiatrique concernent principalement les enfants issus de familles migrantes ayant séjourné en Afrique intertropicale durant la période estivale. Les recommandations de prévention et de traitement sont émises au plan national et régulièrement actualisées. Le présent article a pour objet d’en faire le point. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract France is the most important country out for imported malaria. Malaria epidemiological data managed by the malaria national reference center shows that the malaria of children concerns migrant who travel in Africa during summer to visit family. Preventing and treatment recommendations are formerly published by ‘‘Haut conseil de la santé publique’’. Revision 2007 of the 1999 consensus conference about management and prevention of imported Plasmodium falciparum malaria were published in February 2008. This article presents the actuality of these recommendations for clinical pratice. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Paludisme ; Enfant
1. INTRODUCTION Le paludisme est une maladie parasitaire due à un protozoaire du genre Plasmodium et transmise par la piqûre d’un moustique du genre Anopheles. On reconnaît quatre espèces parasites chez l’homme : Plasmodium falciparum, P. vivax, P. ovale et P. malariae. La population en zone d’endémie palustre est évaluée à environ 3,2 milliards d’individus vivant dans 107 pays [1]. P. falciparum et P. vivax sont les deux espèces les plus souvent impliquées dans la maladie humaine. Près de 60 % des accès dans le monde sont dus à P. falsiparum, qui est responsable de la létalité liée au paludisme. Elle est estimée à plus d’un million de
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personnes par an, majoritairement des enfants de moins de cinq ans et vivant en Afrique intertropicale. En France, deux zones sont endémiques pour le paludisme : le département de la Guyane française où la population est répartie principalement sur la bande côtière, considérée comme indemne de paludisme [2], et la collectivité départementale de Mayotte où la transmission est permanente avec un renforcement saisonnier de décembre à avril. Le foyer le plus important est situé dans la commune de Bandraboua, au Nord de l’île [3]. Les accès palustres observés en métropole sont donc des paludismes d’importation ; ils concernent les voyageurs, les touristes ou les migrants. De façon exceptionnelle, on observe des paludismes congénitaux [4], des paludismes d’aéroports [5] ou accidentels improprement appelés « autochtones ». Pour l’année 2006, le rapport du Centre national de référence pour le paludisme [6] fait état de 2773 cas de
0929-693X/$ see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.arcped.2008.06.019
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paludisme déclarés par le réseau de surveillance, permettant alors d’estimer le nombre total de cas observés en France métropolitaine à 5267. L’origine de la contamination est la zone intertropicale africaine dans 84,5 % des cas. L’étude épidémiologique sur plusieurs années montre une diminution globale des cas de paludisme d’importation en parallèle d’une augmentation des accès parmi la population de migrants résidant en France et séjournant en zone impaludée pour une visite familiale, souvent de plusieurs semaines. Cette population représente actuellement 60 % des accès palustres ; on retrouve parmi elle la majorité des accès observés concernant l’enfant (388 accès chez l’enfant, dont 93 % sont d’origine africaine). En 1998, à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Fond des nations unies pour l’enfance (Unicef) et du Programme des nations unies pour le développement (PNUD), le partenariat pour faire reculer le paludisme (roll back malaria) a été formalisé au niveau mondial [1]. La stratégie de contrôle a été définie selon la situation épidémiologique du paludisme (Tableau 1). Pour ce qui concerne la France métropolitaine, elle repose sur trois piliers : la lutte antivectorielle individuelle ; la prévention médicamenteuse ; et le recours rapide au diagnostic et au traitement. Pour la France, cette stratégie a été mise en œuvre au cours de la douzième conférence de consensus en thérapeutique antiinfectieuse de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) [7], traitant de la prise en charge et de la prévention du paludisme d’importation à P. falciparum. En raison de la mise à disposition de nouvelles molécules antipaludiques, une révision de cette conférence a été conduite
en 2007, sous l’égide de la SPILF. Cette révision a abouti à des recommandations pour la pratique clinique [8]. 2. RAPPEL PARASITOLOGIQUE [9] Le cycle biologique des Plasmodium humains se déroule entre l’anophèle femelle et l’homme. Chez le moustique, après l’ingestion des gamétocytes, a lieu la phase sexuée du cycle aboutissant à la formation d’un ookinète. La phase non sexuée débute rapidement dans la cavité générale pour aboutir à la formation des sporozoïtes qui, migrant au niveau des glandes salivaires, acquièrent alors leur pouvoir infectant. La durée de ce cycle chez l’anophèle est dépendante de l’espèce et de la température externe. Chez l’homme, lors du repas sanguin, l’anophèle injecte les formes sporozoïtes. Celles-ci gagnent rapidement les hépatocytes où se déroule une multiplication non sexuée (schizogonie hépatique), totalement asymptomatique. Pour P. falciparum, cette schizogonie hépatique se déroule au minimum en sept jours. Toujours pour cette espèce, le schizonte hépatique, ou corps bleu, peut survivre environ trois mois ; cette période correspondant ainsi au laps de temps pendant lequel peut survenir un accès palustre au retour d’une zone d’endémie. Pour P. vivax et P. ovale, il a été décrit une forme quiescente, dite hypnozoïte, capable de survivre plusieurs années au niveau de l’hépatocyte et à l’origine des accès palustres récidivants. Lors de l’éclatement du corps bleu, pour P. falciparum, l’ensemble des trophozoïtes est libéré dans la circulation sanguine. Ils pénètrent alors dans les hématies et débutent rapidement un nouveau cycle de multiplication non sexuée (schizogonie érythrocytaire). Cette schizogonie érythrocytaire se déroule en environ 40 h. À partir d’un trophozoïte, elle
Tableau 1 Stratégie de contrôle du paludisme selon la situation épidémiologique [1] Situation épidémiologique
Stratégie proposée
Paludisme endémique stable
Prévention Moustiquaire imprégnée pour l’enfant de moins de cinq ans, la femme enceinte et les personnes VIH+/sida Imprégnation intradomicilaire d’insecticides Traitement intermittent pendant la grossesse Traitement Prise en charge précoce des accès palustres Développement de la prise en charge à domicile avec traitement présomptif des accès possibles
Paludisme instable
Prévention Imprégnation intradomicilaire ; lutte larvicide Aménagements environnementaux Moustiquaire imprégnée Traitement Prise en charge précoce des accès palustres Développement des moyens du diagnostic de certitude avant traitement
Zones indemnes de paludisme
Prévention Pour les voyageurs se rendant en zone impaludée Chimioprophylaxie Développement des mesures de protection personnelle Traitement Prise en charge précoce des accès palustres Développement des moyens du diagnostic de certitude avant traitement
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aboutit à la formation d’une rosace, hématie abritant 32 parasites, dont l’éclatement est à l’origine de l’accès palustre. Les trophozoïtes libérés gagnent de nouvelles hématies où se déroule une nouvelle schizogonie érythrocytaire. Ce cycle érythrocytaire est limité par la pression médicamenteuse ou immunitaire. Le parasite engage alors un cycle sexué, évoluant vers un stade gamétocytaire mâle et femelle, non pathogène chez l’homme, assurant, chez le moustique, la continuité du cycle biologique. Chez l’homme, les gamétocytes ont une durée de vie d’environ trois semaines. 3. ÉLÉMENTS CLINIQUES ET DIAGNOSTIQUES Sur le plan clinique, le signe cardinal du paludisme est la fièvre. Celle-ci peut être importante, isolée ou associée à d’autres signes, notamment des céphalées ou des signes digestifs, voire pulmonaires, qui peuvent faire errer le diagnostic. L’examen s’attache à rechercher les signes de gravité, notamment ceux témoins d’une atteinte neurologique ou d’une hémolyse, voire d’une défaillance viscérale. Le grand polymorphisme clinique du paludisme et la fréquence élevée des troubles digestifs, notamment chez l’enfant [10], imposent de considérer comme un paludisme toute fièvre survenant dans les trois mois suivant le retour d’une zone d’endémie palustre jusqu’à preuve du contraire et de se donner les moyens d’un diagnostic en urgence, y compris dans les situations où une chimioprophylaxie adaptée a été mise en œuvre. Le diagnostic de certitude repose toujours sur la mise en évidence du parasite au niveau d’un frottis sanguin et d’une goutte épaisse. Ces deux techniques anciennes restent les techniques de référence du diagnostic et sont accessibles dans
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tous les laboratoires d’analyses médicales. La prise en compte de l’urgence peut être largement améliorée par un contact direct entre le prescripteur et le biologiste. La détection immunochromatographique d’antigènes spécifiques du stade trophozoïte — protéine riche en histidine (HRP2) spécifique de P. falciparum ou la lactate déshydrogénase (LDH) parasitaire pour un diagnostic de genre — à l’aide des tests rapides apporte un complément intéressant au diagnostic, mais ne peut, en aucun cas, se substituer à la recherche directe sur le frottis sanguin et la goutte épaisse. La recherche du génome parasitaire par les techniques de biologie moléculaire n’est pas adaptée à l’urgence du diagnostic. La thrombopénie reste un élément important du diagnostic de présomption ; chez l’enfant, elle apparaîtrait comme un élément de gravité à prendre en compte [11]. 4. ÉLÉMENTS THÉRAPEUTIQUES De façon générale, les médicaments antipaludiques ne sont actifs que sur le stade érythrocytaire. La chimiorésistance de P. falciparum à la chloroquine est apparue dans les années 1960. Elle s’est étendue progressivement à partir du Sud-Est asiatique et de l’Amérique du Sud, touchant de façon dramatique l’Afrique de l’Ouest dans les années 1980. Le développement des résistances est le résultat d’une pression de sélection. À l’instar des stratégies développées dans le cadre d’autres maladies infectieuses (tuberculose, sida. . .), la stratégie actuelle repose sur les associations d’antimalariques [12]. Le Tableau 2 présente les molécules actuellement disponibles et leur usage thérapeutique chez l’enfant.
Tableau 2 Les spécialités disponibles et leur utilisation thérapeutiques chez l’enfant [8] DCI
Galénique W
Posologie
Remarques
Méfloquine
Lariam Comprimés de 250 mg
25 mg/kg sur 24 h
Atovaquone–proguanil
MalaroneW Comprimés enfants de 62,5 mg/25 mg Comprimés adultes de 250 mg/100 mg
[5–9 kg] = 2 cps [9–11 kg] = 3 cps [11–21 kg] = 1 cp adulte [21–31 kg] = 2 cps adulte [31–40 kg] = 3 cps adulte 40 kg = 4 cps adulte
Une prise journalière, à heure fixe, trois j de suite Doit impérativement être pris avec un corps gras
Artéméther–luméfantrine
En Europe : RiametW En Afrique : CoartemW Comprimés de 120 mg/20 mg
Six prises orales à h0, h8–12, h24, h36, h48 et h60 [5–15 kg] = 1 cp par prise [15–25 kg] = 2 cps par prise [25–35 kg] = 3 cps par prise 35 kg = 4 cps par prise
En France, disponible uniquement en milieu hospitalier depuis novembre 2007 Doit impérativement être pris avec un corps gras Ne pas associer à un autre antipaludique
Halofantrine
HalfanW Suspension de 100 mg/5 ml Comprimés de 250 mg
8 mg/kg à h0, h6, h12
Respect strict des contre-indications impose une surveillance électrocardiographique rigoureuse. Une deuxième cure est parfois nécessaire, avec des doses réduites.
Quinine orale
QuinimaxW Comprimés de 500 et 125 mg SurquinaW Comprimé de 250 mg
8 mg/kg de quinine base trois fois par j pendant sept j
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En raison de l’importance plus élevée des signes digestifs chez l’enfant, la recommandation du groupe d’experts participant à la révision de la conférence de consensus est, en France, une prise en charge hospitalière au moins pour l’initiation du traitement antipaludique [8]. La quinine injectable reste l’antipaludique de référence dans les formes graves. Elle s’utilise en perfusion lente d’au moins quatre h ou en continu, à la dose de 24 mg/kg par j de quinine base diluée, de préférence dans du sérum glucosé à 5 %. La dose thérapeutique étant proche de la dose toxique, il convient d’être vigilant sur la prescription selon la spécialité utilisée (QuinimaxW ou SurquinaW en France). Les experts de la conférence de consensus n’ont pas recommandé l’utilisation d’une dose de charge chez l’enfant [8]. Pour le traitement de l’accès simple à P. falciparum, plusieurs traitements par voie orale sont maintenant disponibles. L’association arthémeter–luméfantrine (RiametW) peut être utilisée à partir de 5 kg. La prise médicamenteuse doit être associée à un repas riche en graisse. La première dose est administrée au moment du diagnostic, les prises suivantes ont lieu respectivement à huit, 24, 36, 48 et 60 h après la première. À l’instar de l’halofantrine, la luméfantrine peut être responsable d’un allongement de l’espace QTc ; les mentions légales du produit précisent d’ailleurs qu’un intervalle d’un mois doit être respecté lors de l’utilisation préalable de l’halofantrine. L’association atovaquone–proguanil (MalaroneW) dispose également d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de l’accès palustre simple de l’enfant à partir de 5 kg. Une forme pédiatrique est disponible, un comprimé associant 62,5 mg d’atovaquone et 25 mg de proguanil. La prise quotidienne pendant trois j doit être également associée à un repas riche en graisse. L’halofantrine (HalfanW) est disponible
sous forme de suspension buvable (100 mg pour 5 ml), facilement utilisable chez l’enfant. La posologie est de 8 mg/ kg toute les six h, trois fois de suite. Il est recommandé de donner l’halofantrine à distance d’un repas afin d’éviter un risque de surdosage. La cardiotoxicité du produit oblige à la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) avant la prise médicamenteuse. Chez l’enfant, l’intérêt d’une seconde cure une semaine plus tard n’est pas démontré [8]. Si elle devient nécessaire, il convient impérativement d’évaluer les éventuelles modifications du QTc en comparant un nouvel ECG avec celui réalisé lors de la première cure. Quel que soit le traitement antipaludique utilisé, la surveillance parasitologique est nécessaire, elle se fait par la recherche du parasite et l’évaluation de la parasitémie à h72, j7 et j28. 5. PRÉVENTION La prévention de la piqûre de l’anophèle repose en premier lieu sur l’usage d’une moustiquaire imprégnée. L’imprégnation se fait avec un pyréthrénoïde de synthèse dont la formulation assure une fixation à la fibre textile et une rémanence de quelques mois. Ces molécules ne sont pas toxiques pour les vertébrés homéothermes. Il convient cependant d’éviter que l’enfant puisse porter à la bouche la toile imprégnée. En zone tropicale, les moustiquaires imprégnées ont montré leur efficacité dans la diminution de la mortalité infantile liée au paludisme [13]. Les répulsifs sont un appoint à la protection personnelle antivectorielle. La directive européenne 98/8/EC, dite « directive biocides », impose au niveau européen l’enregistrement des molécules réputées répulsives sur les vecteurs. Elles doivent faire la preuve, d’une part, de leur innocuité pour l’homme et l’environnement et, d’autre part, de leur efficacité
Tableau 3 Protection antivectorielles de l’enfant Catégorie d’âge
Recommandations Afssaps [14]
Recommandations Groupe de pédiatrie tropicale [15] Substance active
6 à 12 mois
Aucune substance utilisable
12 à 30 mois
Aucune substance utilisable
Catégorie d’âge 30 mois à 12 ans
> 12 ans
Concentration
Citriodiol (PMD) Diéthyl toluamide (DEET) Citriodiol (PMD) Diéthyl toluamide (DEET) (IR 3535W)
Substance active a
Citriodiol (PMD) IR 3535W Diéthyl toluamideb (DEET) Icaridinec (KBR3023) Citriodiola (PMD IR 3535W Diéthyl toluamideb (DEET) Icaridinec (KBR3023)
Nombre d’applications journalières
20 10 20 10 20
à 30 % à < 30 % à 30 % à < 30 % %
Concentration (%) 20 20 20 20 20 20 20 20
à à à à à à à à
50 35 35 30 50 35 50 30
1 1 1 1 1 Nombre d’applications journalières 2 2 2 2 3 3 3 3
PMD : p-menthane 3,8 diol ; IR3535W : Éthylbutyl acétoaminopropionate. a
Sauf si antécédents de convulsions. Sauf si antécédents de convulsions, éviter le contact avec les plastiques, vernis, verres de montres et lunettes. Attention, le DEET diminue d’environ un tiers l’efficacité des crèmes solaires. c Limiter l’utilisation consécutive à un mois. b
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sur les vecteurs. Au niveau national, l’épidémie de chikungunya à l’île de la Réunion a conduit l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et des produits de santé à mettre en œuvre cette procédure. Les recommandations émises par les experts du groupe biocides sont très restrictives, limitant l’utilisation des répulsifs chez les enfants [14]. La nécessité de proposer une protection contre des affections vectorielles parfois graves a conduit le groupe de pédiatrie tropicale de la Société française de pédiatrie à proposer des recommandations spécifiques à l’enfant [15]. Celles-ci sont présentées dans le Tableau 3. Les répulsifs sont considérés comme des cosmétiques ; ils ne font pas l’objet d’une procédure d’AMM et sont disponibles tant en officine que dans les circuits commerciaux classiques. Dans ce contexte, il convient d’attirer l’attention des utilisateurs sur la nécessité de vérifier la composition des produits, celle-ci pouvant en effet varier au fil des années sans modification du nom commercial. Chez l’enfant, les applications de répulsifs doivent être limitées dans le temps, une à trois par j selon l’âge. Les muqueuses et les yeux doivent être protégés ; l’enfant ne doit pas pouvoir lécher les zones sur lesquelles le produit a été appliqué. On évitera également les applications sur une peau lésée. La prophylaxie médicamenteuse est indispensable, notamment pour les séjours en zone intertropicale africaine. Le choix des molécules repose sur les recommandations nationales. En
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France, elles sont élaborées par le Comité des maladies liées aux voyageurs et d’importation, comité technique du Haut conseil de la santé publique et publiées chaque année dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Elles sont accessibles en ligne (http://www.invs.sante.fr/beh). Le Tableau 4 présente les recommandations émises lors de la révision de la conférence de consensus [8]. La méfloquine peut être utilisée à la dose de 5 mg/kg en une prise hebdomadaire. Malgré une restriction d’usage émise par le fabricant pour une utilisation en prophylaxie pour un poids inférieur à 15 kg, les recommandations nationales autorisent son usage à partir de 5 kg [14,16], le problème majeur restant la forme galénique (comprimés 250 mg) inadaptée pour les enfants de ce poids. On peut noter l’usage en prophylaxie de l’association atovaquone–proguanil chez l’enfant de moins de 10 kg. En pratique, dans les populations migrantes, outre les facteurs culturels, le facteur limitant semble être le coût de la chimioprophylaxie [6] pour un temps de séjour relativement long et la confrontation à des stratégies et usages différents développés localement. Il convient alors pour le prescripteur de prendre le temps d’expliquer les différences auxquelles les familles vont être confrontées. En zone tropicale, les stratégies sont en effet différentes. Le traitement intermittent préventif est proposé depuis quelques années. Il associe une bithérapie et peut s’intégrer au programme élargi de vaccinations [17].
Tableau 4 Chimioprophylaxie antipaludique recommandée chez l’enfant, en France en 2007 [8] Pays du groupe 1 Chloroquine
NivaquineWa Sirop 25 mg/5 ml Comprimés sécables de 100 mg
Pays du groupe 2 Chloroquine en association avec le proguanil Proguanil PaludrineW Comprimés sécables 100 mg
Atovaquone–proguanil
MalaroneW Enfants comprimés 62,5 mg/25 mg
MalaroneW Adulte comprimés 250 mg/100 mg Pays du groupe 3 Atovaquone–proguanil Doxycycline
Méfloquine
DoxypaluW Comprimés de 50 mg Comprimés de 100 mg GranudoxyW Gé comprimé à 100 mg LariamW Comprimés sécables de 250 mg
1,5 mg/kg/j < 8,5 kg = 12,5 mg/j [8,5–16 kg] = 25 mg/j [16–33 kg] = 50 mg/j [33–45 kg] = 75 mg/j
Du jour du départ jusqu’à quatre semaines après le retour
3 mg/kg/j [9–16 kg] = 50 mg [16–33 kg] = 100 mg [33–45 kg] = 150 mg [5–7 kg] = 1/2 cp/j [7–11 kg] = 3/4 cp/j [11–21 kg] = 1 cp/j [21–31 kg] = 2 cps/j [31–40 kg[] = 3 cps/j 40 kg : 1 cp/j
Ne doit être utilisé qu’en association avec la chloroquine, selon le même rythme.
< 40 kg = 50 mg 40 kg = 100 mg
Contre-indication pour un âge inférieur à huit ans Prise le soir au dîner du jour du départ jusqu’à 28 j après le retour Contre-indication en cas d’antécédents convulsifs ou de plongée Une prise hebdomadaire à débuter dix j avant le départ et à poursuivre trois semaines après le retour
5 mg/kg/semaine
Hors AMM pour un poids inférieur à 10 kg, une prise pendant un repas ou avec un produit lacté, du jour du départ jusqu’à sept j après le retour
a Spécialités actuellement contingentées, se reporter à la note de l’AFSSAPS du 17 mars 2008 http://www.agmed.sante.gouv.fr/htm/10/rstock/rsdata/rs071201_ nivaquine_sirop_prescripteurs_17032008.pdf.
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6. CONCLUSION En France, le paludisme de l’enfant touche surtout les enfants des populations migrantes se rendant en Afrique durant la période estivale. Le traitement est toujours une urgence. Il doit être conduit, au moins au début, en milieu hospitalier. La prévention de cette maladie vectorielle est fondamentale. Elle repose sur le diptyque : protection contre la piqûre nocturne du vecteur et prévention médicamenteuse adaptée. L’information des parents sur la nécessité d’une consultation urgente en cas de fièvre apparaissant dans les mois suivant le retour est un point fondamental pour la prévention de la mortalité liée au paludisme. Remerciements Nous remercions Fabrice Legros pour son aide. RÉFÉRENCES 1. WHO, Unicef, World Malaria Report 2005. Roll Back Malaria. Genève:WHO;2005. 292 p. 2. Carte de répartition du paludisme dans le département de la Guyane. http:// www.guyane.pref.gouv.fr/sante/paludisme.htm 3. Quatresous I, Jeannel D, Sissoko D. Épidémiologie du paludisme à Mayotte. État des lieux 2003–2004 et propositions. In: Département international et tropical. Paris: INVS; 2005. 48 p. 4. Siriez JY, de Pontual L, Poilane I, et al. Paludisme congénital à Plasmodium malariae chez un nouveau-né de mère positive pour le VIH. Med Trop 2005;65:477–81.
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