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J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5, 556-561 © Masson, Paris, 2005.
REVUE GÉNÉRALE
Actualités sur les modalités thérapeutiques des uvéites M.D. de Smet Centre Médical Académique, Université d’Amsterdam, Pays-Bas. Correspondance : M.D. de Smet, Department of Ophthalmology, Academic Medical Center, University of Amsterdam, Kamer G2-217, Meibergdreef 9, Amsterdam 1105 AZ, Netherlands. Communication présentée lors de la table ronde sur « Les uvéites » au 109e congrès de la SFO en mai 2003. Reçu le 7 avril 2004. Accepté le 4 septembre 2004. News on therapies for uveitis M.D. de Smet J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 5: 556-561
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The immunosuppression required for the treatment of uveitis can be achieved through conventional agents or through the use of specific modulators of inflammation. Whatever the choice, it is important to limit side effects: by restricting access to certain drugs in patients presenting a high risk of complications (tuberculosis screening before using Remicade®), reducing side effects through preventive measures (use of alendronates during oral corticotherapy), or choosing a local delivery route (intraocular triamcinolone). Intraocular triamcinolone has certain beneficial characteristics such as high local dosage without systemic effect. However, it can cause a pressure rise in 10% to 20% of patients. It requires certain precautions when given to prevent development of a pseudo-endophthalmitis. Remicade® is a novel synthetic immunosuppressant directed against TNF-F. This chimeric antibody can be useful in the treatment of severe uveitis that is unresponsive to conventional therapy. It is currently being tested in clinical trials in uveitis both in Europe and the USA.
Key-words: Uveitis, alendronate, intraocular triamcinolone, Remicade®. Actualités sur les modalités thérapeutiques des uvéites L’immunosuppression requise dans le traitement des uvéites peut se faire par des voies conventionnelles bien établies ou par le biais d’immunosuppresseurs spécifiques des modulateurs de l’inflammation. Quels que soient les choix, il est important de limiter les effets secondaires en évitant l’accès aux personnes susceptibles de développer des complications (dépistage de la tuberculose avant usage du Rémicade®), en réduisant ces effets secondaires par des mesures préventives (usages des alendronates lors d’une corticothérapie orale), en choisissant une voie locale (triamcinolone intraoculaire). Parmi les approches novatrices, la triamcinolone présente certains avantages comme un dosage local élevé sans effet systémique. Mais, il n’agit que 3 à 6 mois et peut dans 10 à 20 % des cas causer une augmentation de la pression intraoculaire. Il requiert certaines précautions lors de l’injection pour prévenir une pseudoendophtalmie. Le Rémicade® est un nouvel agent immunosuppresseur de synthèse. Anticorps hybride, il peut s’avérer très utile lors d’atteintes sévères ne répondant pas à des traitements conventionnels. Il fait l’objet d’études cliniques en Europe et aux États-Unis.
Mots-clés : Uvéite, alendronate, prednisone, triamcinolone intraoculaire, Remicade®.
INTRODUCTION Nous comprenons mieux les mécanismes moteurs de l’immunologie oculaire, mais cela n’a en rien modifié l’approche initiale qui demeure centrée sur les corticostéroïdes. La stratégie actuelle consiste dans un premier temps à limiter les dégâts occasionnés par les corticoïdes (prévention), puis à cibler l’œil directement (limitant ainsi les effets secondaires systémiques) et à faire usage d’agents alternatifs moins toxiques ou d’agents dirigés contre des médiateurs spécifiques de l’inflammation [1]. Cette revue se limitera aux modalités thérapeutiques dans les uvéites auto-immunes, non infectieuses. Un tel exposé reste un exercice théorique dont les modalités doivent être adaptées à chaque patient. S’il est conscient des conséquences de sa maladie et de son traitement, il sera en mesure de nous aider à mieux gérer son évolution. Il est donc toujours utile de bien prendre le temps d’expliquer aux patients atteints d’uvéites les choix thérapeutiques possibles et leurs conséquences. Une « co-gérance » nous aidera à éviter les complications oculaires et systémiques de la maladie et nous permettra d’adapter les diverses modalités en fonction de l’évolution. Dans le cadre de cette revue, nous orienterons notre discussion sur les problèmes posés par la corticothérapie (en particulier comment éviter l’ostéoporose), sur les thérapeutiques intraoculaires et les nouvelles thérapeutiques d’immunosuppression ciblées.
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CORTICOSTÉROÏDES La prévention des complications s’effectue en amont du traitement. Si le médecin traitant décide de faire usage des stéroïdes par voie orale, il est important de limiter les effets secondaires. En effet, une dose de 7,5 mg par jour peut mener à une perte importante de calcium, jusqu’à 14 % du calcium de l’ossature par année. Il est donc prudent, certainement en cas de récidive ou d’un traitement de plus de quelques semaines, d’adjoindre un traitement préventif : soit un biphosphonate donné une fois par semaine (70 mg d’alendronate par exemple), soit un supplément journalier de calcium associé à la vitamine D. Chez les femmes qui ont des antécédents familiaux suggérant une hypocalcémie, il est souhaitable de faire d’emblée un scanner de l’ossature (DEXAscan). Les femmes sont des sujets à risque à partir de 35 ans, les hommes à partir de 40 ans. De plus chez les patients sédentaires qui consomment beaucoup de caféine ou d’alcool, le risque est encore plus élevé.
VOIE INTRAOCULAIRE L’injection intravitréenne d’agents antiviraux s’était avérée un outil efficace et remarquablement bien toléré dans la lutte contre le CMV [2].
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Le taux d’endophtalmie était en dessous de 0,1 % et il n’y a pas eu d’augmentation du risque de décollement rétinien. Ces résultats ont mené Penfold et al. [3] en Australie à utiliser l’injection intravitréenne de triamcinolone dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. En même temps, un implant d’une durée de 3 ans, relarguant lentement un stéroïde fluorinisé a été utilisé aux États-Unis. Dans les deux cas, les résultats étaient prometteurs.
Triamcinolone intravitréen Il existe plusieurs études pilotes, mais aucune étude randomisée, portant sur l’utilisation intravitréenne de la triamcinolone. Elle est prescrite pour traiter l’œdème maculaire et certaines formes non sévères de vascularite rétinienne. Lorsqu’elle est efficace, une amélioration anatomique se manifeste dans la semaine qui suit l’injection (fig. 1). L’amélioration fonctionnelle peut se faire attendre, en fonction de la durée et la sévérité de l’atteinte oculaire. Malheureusement, l’effet est temporaire, et une ré-injection devient nécessaire 3 à 6 mois plus tard dans le cas où le corps vitré est intact. Cette réinjection pourra être nécessaire plus rapidement si l’œil a déjà subi une vitrectomie [4, 5]. À noter que dans les cas de traction vitréomaculaire, une vitrectomie complé-
tée par une injection intravitréenne de triamcinolone peut mener à une amélioration rapide de la vision, souvent en l’espace d’une à deux semaines, ceci chez des patients atteints d’uvéite ou de diabète. Dans ces cas, une ré-injection n’est pas toujours nécessaire.
Pharmacocinétique À ce jour, il y a peu de données au sujet de la pharmacocinétique de la triamcinolone. Deux études d’envergure limitée (5 patients dans chaque étude) suggèrent que dans des yeux qui n’ont pas subi une vitrectomie, la demi-vie de la triamcinolone est de l’ordre de 19 jours contre 3,2 jours suite à une vitrectomie. Ces mesures ont été faites sur des prélèvements d’humeur aqueuse d’yeux ayant subi une injection de 4 mg de triamcinolone [6].
Dosage et procédure Dans la littérature, deux dosages nous sont proposés : 4 mg et 2025 mg. L’injection de 4 mg s’effectue par l’administration de 0,1 ml de triamcinolone à 40 mg/ml à 3,54 mm du limbe. Elle est faite de préférence dans la partie inférieure de l’œil (entre 4 et 8 heures) pendant que le patient regarde vers le haut. Puisqu’il existe un risque d’endophtalmie bien que faible, il est raisonnable de pratiquer ces injections dans des conditions relativement stériles et de bien aseptiser
1a 1b Figure 1 : Patient avec une uvéite chronique diagnostiquée comme étant une uvéite intermédiaire, il y a plus de 15 ans. Lors des 6 dernières années, il n’y avait aucun signe visible d’activité sauf la présence d’un œdème maculaire cystoïde. Les deux plages d’OCT sont prises avec une semaine d’intervalle. En une semaine, la vision s’est améliorée de 0,1 à 0,2. a) Sur le premier OCT : kystes géants. b) Sur le second OCT : quasi disparition des kystes avec réapparition du contour fovéolaire ; un exsudat sous-rétinien demeure néanmoins visible.
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la sclère avant l’injection (usage de bétadine par application). Suite à l’injection, il faut maintenir une pression au site d’injection pendant 1 à 2 minutes. La triamcinolone forme une masse plus ou moins uniforme de couleur blanchâtre qui pendant quelques jours peut mener à une baisse de l’acuité visuelle, jusqu’à ce qu’elle se distribue dans l’œil. L’injection de 20-25 mg de triamcinolone, approche proposée par Jonas et Sofker [7], semble éviter l’inflammation oculaire décrite cidessous (du moins d’après l’auteur lui-même). Le contenu complet du flacon de triamcinolone 40 mg/ml est aspiré dans une seringue de 1 ml ; la seringue est positionnée de façon à permettre aux cristaux de se déposer au fond de la seringue. Après 15 minutes, 0,8 ml du liquide est expulsé et remplacé par un soluté de lactate. Cinq minutes plus tard, ce liquide est également expulsé et ceci trois fois. Finalement, 0,2 ml de la solution restante est injectée dans le vitré. Selon Degenring et Jonas [8], une quantité de triamcinolone entre 20 et 25 mg est ainsi administrée ; cette mesure est basée sur le volume de cristaux contenu dans la seringue. L’injection sera répétée si nécessaire 4 à 6 mois plus tard. Un seul cas d’uvéite a été rapporté suite à cette technique avec une durée d’action de l’injection de 4 mois.
Effets secondaires Trois complications ont été décrites : une augmentation de la pression intraoculaire, une évolution d’une cataracte et la survenue d’une pseudo-endophthalmie 48 à 72 heures après injection. Jusqu’au début de 2003, 475 yeux traités par une injection intravitréenne de triamcinolone ont été rapportés dans la littérature. En ce qui concerne l’hypertonie, sur les 117 patients ayant reçu une dose de 4 mg, 45 (38 %) ont eu une pression intraoculaire de plus de 21 mmHg. Soixante yeux (45 %) de 133 patients ayant reçu 20 mg ont eu une pression élevée. Une
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autre étude de 75 patients suivis par Jonas et al. [9] démontre que 52 % des patients avaient une pression au-dessus de 21 mmHg, dont un patient au-delà de 60 mmHg. L’élévation de la pression était notée à partir du 2e mois avec une normalisation à partir du 6e mois. Les patients qui n’avaient pas eu d’élévation de pression suite à la première injection, avaient généralement peu de risque de survenue d’une hypertonie suite à une ré-injection. Dans la majorité des cas, la pression a pu être contrôlée par collyre. Dans deux cas, une trabéculectomie s’est avérée nécessaire pour contrôler la pression (environ 10 % des cas) [4, 5]. Dans une autre étude [10], l’apparition ou l’évolution d’une cataracte était observée chez 28 % des cas de patients traités avec 4 mg versus 22 % dans les cas contrôles. Une évolution rapide était observée dans 3 % des cas, seulement dans le groupe traité. Le risque de devoir procéder à une extraction de la cataracte semblait se limiter aux patients ayant reçu plus d’une injection sur un suivi de 18 mois. Une endophtalmie stérile apparaissant dans les premières 48 heures a été décrite. Dans la majorité des cas, celle-ci se manifeste sans douleur oculaire, mais s’associe à un tyndall important ou même à la présence d’un hypopyon. Elle est comparable à une véritable endophtalmie en stade précoce, à la différence qu’elle disparaît sans traitement dès le 4e ou le 5e jour suivant l’injection. Elle serait présente chez 1 % des patients qui sont examinés au 2e ou 3e jour. À noter qu’une telle réponse inflammatoire n’a pas été observée en utilisant une dose de 20 mg. Certains auteurs pensent que l’inflammation est due à un agent de conservation présent dans le solvant — l’alcool benzylique. La resuspension éliminerait ce composé. D’autres considèrent que la réaction est une inflammation due à des impuretés telles l’endotoxine qui est très inflammatoire dans l’œil. Chose certaine, le risque est
faible. Dans la mesure où l’œil a été traité en utilisant un nouveau flacon et de façon stérile, il est possible de suivre sans traitement le patient montrant des signes d’endophtalmie précoce et en particulier, absence de fibrine dans la chambre antérieure. Ce patient devra être examiné quotidiennement jusqu’à résolution du problème. Au moindre doute d’une véritable infection, il est préférable de traiter le patient. Après vitrectomie et injection d’antibiotiques, un patient atteint d’œdème maculaire chronique suite à une uvéite intermédiaire a néanmoins eu une amélioration notoire de son acuité en l’espace de 10 jours.
Implant de fluocinolone Suite au succès aux États-Unis de l’implant de ganciclovir, les mêmes inventeurs ont développé un implant stéroïdien actif pendant 72 mois [11]. Cet implant doit être inséré par voie chirurgicale au niveau de la pars plana. Il est placé de préférence dans la partie inférieure de l’œil. Les résultats pré-cliniques ainsi que ceux de phase I ont montré que cette approche était également efficace dans le traitement de l’œdème chronique. Une étude de phase II/III vient de compléter son recrutement l’an passé aux États-Unis. Une étude européenne est en court.
Pharmacocinétique L’implant contient de l’acétonide de fluocinolone. Il diffuse de façon constante dans l’œil pendant une période de 72 mois. Le taux de diffusion est de ± 15 %, ce qui implique en pratique que l’implant sera, en fonction du taux exact de diffusion, efficace entre 62 et 82 mois [11]. Ces mesures ont été faites in vitro. Le taux exact in vivo semble lui aussi constant, bien que la dose intravitréenne varie d’un œil à l’autre. Ce phénomène est en partie due à la variation du volume intraoculaire. On ne sait pas si le vitré a un effet sur le taux de diffusion ou la concentration intravitréenne de stéroïdes.
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Complications et effets secondaires Il faudra attendre les résultats des études en cours pour en savoir plus sur les effets secondaires. Les études pilotes suggèrent que l’implant est bien toléré. Dans une étude pilote [12], 4 yeux sur 7 avaient une augmentation de la pression intraoculaire soit immédiatement (3 yeux) ou après un délai de plusieurs mois sous traitement. Dans tous les cas, la pression était contrôlée par collyre. Puisque ce sont des yeux enflammés, il y aura toujours un risque, surtout dans les jours suivant l’implantation, qu’une inflammation plus sévère se manifeste de façon transitoire telle qu’après une vitrectomie. Ceci pourrait se manifester sous la forme d’exsudation, d’un décollement séreux ou d’une hypotonie. La probabilité et la fréquence de ces risques seront déterminées par les études en cours.
IMMUNOSUPPRESSION CIBLÉE Il existe plusieurs anticorps monoclonaux capables d’inhiber le système immunitaire. Parmi ces anticorps, le daclizumab (dirigé contre le récepteur de l’IL-2) et le CAMPATH-1 (dirigé contre le récepteur CD52) ont fait l’objet d’études cliniques chez des patients atteints d’uvéite. Les deux produits ont démontré leur efficacité sauf que le premier nécessite un traitement continu (donc très coûteux) [13], alors que l’autre causant une cytolyse des cellules visées peut induire une lymphopénie sévère de plusieurs semaines. Une injection mène par la suite à un contrôle plus facile de l’inflammation. Donc un anticorps monoclonal devrait de préférence être cytolytique, mais moins agressif que le CAMPATH-1. Tôt dans la cascade inflammatoire, les macrophages jouent un rôle important par leur présentation d’antigènes locaux et la sécré-
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tion de cytokines. L’une de ces cytokines joue un rôle prépondérant dans l’extravasion des lymphocytes et leur activation — soit le TNFF [14]. Chez des modèles animaux, il a été démontré qu’en bloquant cette cytokine on pouvait réduire la sévérité de l’uvéite auto-immune [15]. Divers anticorps ont été produits contre cette cytokine.
Anticorps anti-TNFF Il existe deux approches qui consistent à créer soit une molécule de synthèse, soit un anticorps monoclonal humanisé. La première approche (ethanercept) ne s’est pas avérée utile dans le traitement des uvéites [16]. Cette protéine de fusion n’a pas une haute affinité pour le TNFF et pas d’activité cytolytique. La deuxième approche a eu plus de succès, mais n’a pas encore fait l’objet d’une étude randomisée [17-20]. L’anticorps le plus utilisé dans ce contexte est l’infliximab (Centocor Inc), un anticorps partiellement humanisé où la partie variable de l’anticorps vient de la souris alors que le reste de la molécule est d’origine humaine (iG2). Un tel anticorps présente des avantages notoires par rapport à un anticorps non humain, mais il peut néanmoins induire une réponse auto-immune menant à la formation d’auto-anticorps [21] ou à une réaction d’anaphylaxie. Une version totalement humanisée est en voie d’être mise au point. Un tel anticorps aurait l’avantage d’être très peu immunogène. En Angleterre, une autre approche utilisant une protéine de fusion a été testée. Dans une étude préliminaire présentée à l’ARVO en 2003, des résultats prometteurs ont été observés sur 17 patients [22].
Infliximab Cet anticorps est un puissant immunomodulateur. Il se fixe avec une forte affinité au TNFF libre ou lié à un récepteur. Il possède également une activité cytolytique. Sa demi-vie est de 14 jours (comme
tout autre anticorps). Son volume de distribution est de 4 à 7 litres — soit le volume intravasculaire. En trop faible quantité, il induit la production d’auto-anticorps qui peuvent limiter son activité. Ce phénomène est moins probable lorsqu’une dose d’au moins 5 mg/kg est donnée une fois toutes les 8 semaines. Il a été utilisé depuis déjà quelques années entre autre dans la maladie de Crohn et l’arthrite rhumatoïde [23-25]. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’on avait observé un effet positif sur l’uvéite antérieure HLA-B27 [26] qui a mené à son usage dans l’inflammation oculaire. Des études non randomisées indiquent que la plupart des patients atteints d’uvéite active ne répondant pas aux modes standards d’immunosuppression ont une forte chance de réponse à l’infliximab [27-29]. En revanche, nous ne savons pas quels sont les patients les plus susceptibles de répondre favorablement au traitement, ni la durée de cette réponse. Nous ne savons pas s’il est possible de stopper les autres formes d’immunothérapie (cortisone, mycophénolate, méthotrexate…) Basée sur l’expérience acquise dans la maladie de Crohn, certains patients pourront probablement arrêter toute forme d’immunothérapie dans les 18 mois qui suivent. La majorité aura besoin d’immunosuppression, mais à des doses plus faibles. En revanche, suite à l’arrêt de l’infliximab, il est rare que l’on puisse le reprendre à la même dose en raison de la formation d’anticorps anti-infliximab qui limitent son efficacité [30]. En fait c’est un problème assez fréquent chez les patients traités pour la maladie de Crohn, surtout en monothérapie [21]. Il est possible de minimiser ce problème en administrant une faible dose de méthotrexate soit entre 7,5 et 15 mg par semaine.
Effets secondaires Le traitement devrait se faire en collaboration étroite avec le service de médecine interne. Plusieurs
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cas de tuberculoses disséminées ont été induits par l’infliximab. Tout patient chez lequel l’usage de l’infliximab est envisagé devrait faire l’objet d’un dépistage de la tuberculose. Si le patient est atteint d’une autre infection soit pulmonaire, cutanée ou autre, il est préférable d’attendre la guérison de l’infection avant de commencer le traitement. Sous traitement, les patients devraient être particulièrement vigilants et toute blessure devra être traîtée avec diligence. Une infection sévère après le début du traitement a été observée dans moins de 0,3 % des cas suite à une étude post-marketing de la firme Centocor. Dans une étude randomisée de 500 patients traités pour l’arthrite rhumatoïde, le risque d’infection était inférieur à 2 %. Dans la plupart des cas, il s’agissait d’infection des voies respiratoires. Lors du screening initial, il est également important d’éviter tout patient qui pourrait être atteint de sclérose en plaques. En effet, dans le contexte d’une étude menée par Centocor, il y aurait eu deux cas où l’usage de l’infliximab aurait pu provoquer l’apparition de la sclérose. Il est recommandé donc de soumettre le patient à une imagerie par résonance magnétique avant le début de la thérapie s’il y a le moindre risque de sclérose en plaques. Au moment de l’infusion, il est possible d’avoir une réaction anaphylactique dans moins de 2 % des cas ; il est alors nécessaire de l’interrompre. Dans 5 % des cas, on peut s’attendre à une réaction nécessitant un ajustement du taux d’infusion. Enfin, dans une étude pilote américaine portant sur 12 patients atteints d’uvéite suivis pendant en moyenne 6 mois, un patient âgé a présenté une embolie pulmonaire, un autre une arthrite migratoire, un troisième patient une polyarthrite symétrique qui n’étaient pas présentes au début du traitement [27].
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CONCLUSION Il faut minimiser les effets secondaires des corticostéroïdes dès leur introduction dans le traitement des patients atteints d’uvéite. La triamcinolone en intravitréen est un agent d’appoint mais qui présente malgré tout certains risques. Il est particulièrement utile dans les cas chroniques d’œdème maculaire qui ne répondent à aucun autre traitement. Il devrait être évité chez les patients ayant eu une augmentation de la pression intraoculaire. Il nécessite une bonne prophylaxie antibactérienne. L’infliximab est un modulateur puissant de l’inflammation oculaire. Mais étant donné qu’il s’associe a des effets secondaires sévères, son usage devrait se faire en collaboration avec le service de médecine interne. Il faudra attendre l’issue des études cliniques en cours pour bien connaître son spectre d’activité dans les uvéites.
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