Article original
Âge et décision de prise en charge des patients atteints d’un cancer pulmonaire primitif S. Yonnet1, V. Gazaille2, M. Grasset-Dupuy2, S. Boutot-Eyllier1, J.-P. Charmes3, F. Bonnaud2, A. Vergnenegre1, 2, M. Druet-Cabanac1
Résumé Introduction La décision thérapeutique chez les personnes âgées est délicate en raison de la grande hétérogénéité de cette population. Notre objectif était d’évaluer le rôle de l’âge dans la prise en charge des patients atteints de cancer primitif du poumon vus dans le service de Pathologie respiratoire du CHU de Limoges entre 2002 et 2004. Méthodologie Une étude transversale a analysé la prise en charge de 363 patients atteints d’un cancer bronchique primitif. Les patients inclus étaient divisés en deux groupes selon leur âge (< à 70 ans et ≥ à 70 ans). Il a été réalisé une comparaison de la prise en charge entre ces 2 groupes. Résultats Les comparaisons en fonction de l’âge mettaient en évidence une altération de l’autonomie plus marquée, un score de Charlson plus élevé, un recours moindre aux traitements pour la radiothérapie et la chimiothérapie, l’utilisation de traitements symptomatiques plus fréquemment chez les plus âgés (p < 0,001). Conclusions L’évaluation gériatrique des patients âgés atteints d’une néoplasie pulmonaire primitive doit permettre de définir l’âge physiologique du patient et d’adapter la prise en charge afin de leur assurer la meilleure prise en charge tout en leur garantissant la meilleure qualité de vie. Mots-clés : Cancer • Poumon • Âge • Évaluation gériatrique • Traitements.
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Registre Général des Cancers en Limousin, Limoges, France. Service de Pathologie respiratoire, Limoges, France. Service de Gérontologie clinique, Limoges, France.
Correspondance : M. Druet-Cabanac Registre Général des Cancers en Limousin, Hôpital du Cluzeau, 23 avenue Dominique Larrey, 87042 Limoges Cedex.
[email protected] Réception version princeps à la Revue : 30.04.2007. Demande de réponse aux auteurs : 29.05.2007. Réception de la réponse des auteurs : 04.09.2007. Acceptation définitive : 11.09.2007. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 295-302 Doi : 10.1019/200720234
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Introduction Age and management decisions in patients with primary lung cancer
S. Yonnet, V. Gazaille, M. Grasset-Dupuy, S. Boutot-Eyllier, J.-P. Charmes, F. Bonnaud, A. Vergnenegre, M. DruetCabanac
Summary Introduction Therapeutic decisions are difficult in elderly patients because of the heterogeneity of this population. Our objective was to evaluate the role of age in the management of patients suffering from primary lung cancer seen in the department of respiratory diseases of the Limoges regional teaching hospital between 2002 and 2004. Methods A cross sectional study analysed the management of 363 patients suffering from primary lung cancer. The patients were divided into two groups according to their age (less than seventy or seventy and over). A comparison was made between the management of the two groups. Results The comparisons according to age produced evidence of reduced activity, greater dependence, an increased Charlson score, less frequently administered radiotherapy and chemotherapy, and more frequent symptomatic treatment in the elderly group (p<0.001). Conclusions The geriatric assessment of patients suffering from primary lung cancer should make allowance for the physiological age of the patient and adapt the management to ensure the best quality of life. Key-words: Cancer • Lung • Age • Geriatric assessment • Treatments.
Le réseau français des registres de cancer (FRANCIM), estimait en 2000, à 28 000 le nombre de nouveaux cas de cancers bronchopulmonaires (CBP) en France. Ils représentaient 10 % des cancers incidents et 18 % des décès par cancer. L’incidence et la mortalité restaient plus élevées chez les hommes (sex-ratio = 6,1) mais une progression importante était notée chez les femmes [1]. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cancers du poumon va augmenter, en particulier chez les personnes âgées. Étant donné l’espérance de vie actuelle des patients de plus de 70 ans, les cliniciens sont de plus en plus souvent confrontés à des choix sur le type de prise en charge diagnostique et thérapeutique à proposer à ces patients [2]. De nombreux paramètres interviennent dans la décision thérapeutique afin d’adapter le meilleur traitement en tenant compte de l’impact du vieillissement chez ces personnes âgées [3]. Une évaluation gériatrique standardisée, mesurant l’existence de critères de fragilité, doit permettre de proposer aux patients âgés présentant un cancer du poumon une thérapeutique adaptée [4]. L’âge à lui seul, ne doit pas constituer un critère de décision médicale. Le Limousin est une région française particulière en raison de la structure d’âge de sa population. En 2001, la proportion de sujets âgés de plus de 70 ans était de 34,1 % contre 23,1 % pour la population générale française. Le service de pathologie respiratoire du CHU de Limoges est la structure de référence en Limousin pour la prise en charge des cancers du poumon. Le but de ce travail était d’évaluer le rôle de l’âge dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients atteints de CBP primitif diagnostiqués et suivis dans le service de pathologie respiratoire du CHU de Limoges entre 2002 et 2004.
Matériel et méthodes Patients
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Il s’agissait d’une étude transversale rétrospective. Tous les patients dont le diagnostic et la prise en charge de CBP primitifs avaient été réalisés entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004 hospitalisés dans le service de pathologie respiratoire du CHU de Limoges ont été inclus. En fonction de l’âge, 2 groupes de patients ont été créés (moins de 70 ans et 70 ans ou plus). Le diagnostic de CPB était retenu à partir des informations contenues dans les comptes-rendus d’anatomopathologie ou à partir des décisions des réunions de concertation pluridisciplinaire lorsqu’il n’existait pas de confirmation histopathologique. Chaque cas a été validé par un pneumologue compétent en cancérologie thoracique.
Âge et décision de prise en charge des cancers du poumon
Données recueillies
Une fiche de recueil standardisée des données a été élaborée par un groupe multidisciplinaire associant des pneumologues, des gériatres et des épidémiologistes. Elle a été remplie pour l’ensemble des patients à partir des dossiers cliniques (papiers et informatisés), des comptes-rendus d’anatomopathologie, des comptes-rendus de réunions de concertation pluridisciplinaire et des données du Registre des cancers du Limousin. En cas de données manquantes, les médecins du service et les médecins traitants ont été contactés. Cette fiche se composait de 5 parties : • La 1re partie était constituée par les données sociodémographiques (âge, sexe, lieu de résidence). • La 2e partie incluait la notion de facteurs de risque (tabagisme, profession, exposition à l’amiante, existence d’antécédent personnel ou familial de cancer). • La 3e partie s’intéressait au bilan initial du cancer (le mode de découverte, l’existence de signes cliniques évocateurs, la date de diagnostic, la date de confirmation histopathologique, la topographie et la morphologie (codées selon la classification internationale des maladies pour l’oncologie, 2e édition) [5], la réalisation et les résultats du bilan d’extension, le staging TNM [6]). Il était également noté le bilan clinique et biologique initial réalisé. Il concernait la taille et le poids (calcul de l’index de masse corporelle) ainsi que la variation de poids par rapport au poids habituel, l’autonomie du patient (calcul des activities of daily living ou ADL) [7], le Performans status-ECOG [8], l’existence de comorbidités associées et leurs sévérités (calcul du score de Charlson) [4, 9], la notion de chutes, les résultats biologiques (la clairance de la créatinine, l’albuminémie, le taux d’hémoglobine et la bilirubinémie). • La 4e partie recueillait la prise en charge thérapeutique (passage et décision de la réunion de concertation pluridisciplinaire, le traitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, facteurs de croissance, transfusions), et la survenue de complications au cours du traitement). • La 5e partie concernait l’évolution des patients (progression locale ou générale, passage en unités de soins palliatifs, l’état et la date aux dernières nouvelles). Pour les patients de 70 ans ou plus, il a été possible de réaliser une évaluation gériatrique standardisée (EGS) a posteriori en utilisant l’algorithme de Balducci [10]. Cette évaluation prenait en compte les critères de fragilité des patients (âge, existence de comorbidités, dépendance fonctionnelle, perte de poids, clairance de la créatinine) et a permis de classer ces patients en 3 groupes [4]. Le premier groupe (EGS 1, patient autonome sans antécédent et sans critère de fragilité pouvant bénéficier d’une prise en charge classique) était défini par l’absence de comorbidité cardiaque ou pulmonaire sévère (grade > 2), l’absence de comorbidité non traitée, un score ADL > 4/6, un âge < 80 ans, une perte de poids inférieure à 15 % du poids et une clearance de la créatinine > 50 ml/minute. Le deuxième groupe (EGS 2, patient avec
dépendance relative avec une ou 2 comorbidités pouvant bénéficier d’un traitement à adapter en fonction de l’évaluation) était défini par l’existence d’une ou deux comorbidités non équilibrées ou non traitées, un score ADL < 4/6, un âge supérieur à 80 ans, une perte de 15 à 25 % du poids du corps ou une clearance de la créatinine inférieure à 50 ml/minute. Le troisième groupe (EGS 3, patient fragile dépendant avec plus de 3 comorbidités devant bénéficier de soins palliatifs) était défini par l’existence de plus de 2 comorbidités non équilibrées ou non traitées, un score ADL inférieur à 4, une perte de plus de 35 % du poids du corps ou une clearance de la créatinine < 30 ml/min. Analyses statistiques L’analyse a été réalisée à partir du logiciel Statview 5.0 (SAS Institute Inc, Cary, USA). Les statistiques descriptives sont exprimées en fréquence (%) pour les variables qualitatives et en moyenne (± déviation standard) pour les variables quantitatives. Les comparaisons des fréquences ont été faites à l’aide du test du chi2 de Pearson, ou chi2 de Yates ou de Fisher selon les effectifs théoriques. Les comparaisons des distributions ont été réalisées grâce au test de Mann-Whitney ou de Kruskal-Wallis. L’analyse de survie a été réalisée par la méthode de Kaplan-Meier. Le seuil de significativité était de 5 %.
Résultats Au total, 380 patients atteints d’un cancer bronchopulmonaire primitif ont été diagnostiqués dans le service durant la période d’étude mais seulement 363 patients ont été pris en charge dans le service (95,5 %). Pour les 17 patients non inclus dans l’étude, il s’agissait de patients diagnostiqués dans le service mais dont la prise en charge thérapeutique avait été réalisée dans un autre établissement de la région. Dans notre échantillon, il existait une prédominance masculine (306 étaient des hommes et 57 des femmes ; sex-ratio = 5,4). Les femmes étaient significativement plus jeunes que les hommes (p = 0,02). Dans la population d’étude, 31,9 % des patients (116) avaient 70 ans ou plus. Concernant l’exposition tabagique, 69,3 % étaient fumeurs, 24,6 % des ex-fumeurs et 6,1 % n’avaient jamais fumé. La proportion de non-fumeurs parmi les patients cancéreux était significativement plus élevée chez les femmes (20,4 %) que chez les hommes (3,4 %) (p < 0,001). La fréquence du tabagisme actif était significativement plus élevée (p < 0,001) chez les moins de 70 ans (76,5 % versus 45,8 % chez les 70 ans ou plus). La consommation globale de tabac des fumeurs actifs et des ex-fumeurs n’était pas significativement différente selon l’âge (46,1 paquets-années chez les 70 ans ou plus versus 42,8 paquets-années chez les moins de 70 ans). Une exposition professionnelle à l’amiante était notée pour © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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11 patients (3,0 %) et n’était pas significativement différente selon l’âge.
Tableau I.
Comparaison du bilan initial du cancer en fonction de l’âge des patients.
Bilan initial du cancer Les différentes caractéristiques du bilan initial du cancer (mode de découverte, signes cliniques, délai moyen entre les 1ers symptômes et le diagnostic, le type histopathologique, le stade et l’existence de métastases) et les comparaisons en fonction de l’âge (moins de 70 ans et 70 ans ou plus) sont présentées tableau I. Il n’existait pas de différence significative dans la prise en charge préthérapeutique (tomodensitométrie cérébrale ou thoracique, imagerie par résonance magnétique cérébrale ou thoracique, Pet-scan, fibroscopie bronchique, explorations fonctionnelles respiratoires) en fonction de l’âge. Par contre, il était retrouvé une fréquence statistiquement plus élevée d’absence de confirmation histopathologique et de présence de métastases pulmonaires chez les 70 ans ou plus (p < 0,001).
Caractéristiques cliniques et biologiques au moment du diagnostic Les caractéristiques cliniques et biologiques au moment du diagnostic du cancer (index de masse corporelle, % de perte de poids par rapport au poids habituel, le Performans status–ECOG, l’autonomie quotidienne (ADL), les comorbidités (index de Charlson) et les paramètres biologiques) et les comparaisons en fonction de l’âge (moins de 70 ans et 70 ans ou plus) sont présentées tableau II. Le Performans Status-ECOG et les ADL montraient une altération plus importante de l’autonomie chez les patients âgés de 70 ans ou plus (p < 0,001). Concernant les comorbidités, le score de Charlson était plus élevé chez les plus âgés (p < 0,001) car il était plus fréquemment retrouvé des pathologies cardio-vasculaires (p < 0,001), une insuffisance rénale (p < 0,001), une broncho-pneumopathie chronique obstructive (p = 0,02) ou un diabète (p = 0,02) dans cette population.
Prise en charge et suivi des patients Les patients de moins de 70 ans bénéficiaient significativement plus souvent d’une radiothérapie ou d’une chimiothérapie. À l’inverse, les patients de 70 ans ou plus recevaient plus fréquemment un traitement symptomatique. La prise en charge, l’évolution et les comparaisons en fonction de l’âge (moins de 70 ans et 70 ans ou plus) sont présentées tableau III. L’analyse de l’état des patients aux dernières nouvelles montrait que 48 patients (13,2 %) étaient vivants à la date de point de l’étude (1er juillet 2006). La médiane de survie, par la méthode de Kaplan-Meier, était significativement 298
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Variables
Patients < 70 ans (n = 247)
Patients ≥ 70 ans (n = 116)
223 (90,2 %)
109 (93,9 %)
Toux
101 (40,8 %)
46 (29,7 %)
Dyspnée
76 (30,8 %)
46 (29,7 %)
Hémoptysie
50 (20,2 %)
30 (25,9 %)
Mode de découverte Existence de signes cliniques Signes cliniques
Pneumopathie
26 (10,5 %)
16 (13,8 %)
Altération de l’état général
82 (33,2 %)
50 (43,1 %)
Douleurs*
74 (30,0 %)
21 (18,1 %)
Délai (en mois) entre 1ers symptomes et diagnostic (moy. (± ET))
2,1 (± 3,0)
1,8 (± 1,9)
206 (90,4 %)
79 (90,8 %)
Adénocarcinome
91 (44,2 %)
26 (32,9 %)
Epidermoïde
75 (36,4 %)
34 (43,0 %)
22 (9,6 %)
8 (9,2 %)
Diffus
12 (54,5 %)
4 (50,0 %)
Localisé
10 (45,5 %)
4 (50,0 %)
19 (7,7 %)
29 (25,0 %)
Histopathologie Carcinome bronchique non à petites cellules
Carcinome bronchique à petites cellules
Absence de confirmation histopathologique* Stade
(n = 225)
(n = 100)
I
25 (11,1 %)
9 (9,0 %)
II
22 (9,8 %)
15 (15,0 %)
IIIa
14 (6,2 %)
9 (9,0 %)
IIIb
42 (18,7 %)
16 (16,0 %)
IV
122 (54,2 %)
51 (51,0 %)
Hépatique
29 (23,8 %)
13 (25,5 %)
Cérébrale
49 (40,2 %)
18 (35,3 %)
Osseuse
49 (40,2 %)
13 (25,5 %)
Pulmonaire*
33 (27,0 %)
20 (39,2 %)
Métastase
*p < 0,05 ; moy. : moyenne ; ET : écart-type.
plus longue pour les moins de 70 ans (9,4 mois (± 1,5 mois)) que pour les 70 ans ou plus (5,9 mois (± 0,5 mois)) (p = 0,01).
Âge et décision de prise en charge des cancers du poumon
Tableau II.
Tableau III.
Comparaison des caractéristiques cliniques et biologiques au moment du diagnostic du cancer en fonction de l’âge des patients.
Comparaison de la prise en charge et du suivi en fonction de l’âge des patients.
Variables
Patients < 70 ans (n = 247)
Patients ≥ 70 ans (n = 116)
Index de masse corporelle (moy. (± ET))
23,6 (± 4,7)
% de perte de poids/poids habituel (moy. (± ET)) Performans status – ECOG* 0-1 – Activité normale ou discrètement réduite (– de 25 %)
Variables
Patients < 70 ans (n = 247)
Patients ≥ 70 ans (n = 116)
24,2 (± 4,0)
Réunion de concentration pluridisciplinaire
206 (83,4 %)
102 (87,9 %)
8,1 (± 8,6)
9,7 (± 10,0)
Prise en charge Chirurgie de la tumeur
61 (24,7 %)
21 (18,1 %)
(n = 204)
(n = 95)
Radiothérapie*
146 (59,8 %)
46 (40,0 %)
192 (94,1 %)
70 (73,7 %)
2 – Activité réduite de 25 à 50 %
5 (2,5 %)
13 (13,7 %)
3-4 – Grabataire ou allitement près de 75 % de la journée
7 (3,4 %)
12 (12,6 %)
Autonomie quotidienne (ADL)* Autonomie complète
(n = 204)
(n = 97)
189 (92,6 %)
74 (76,3 %)
Altération modérée
9 (4,4 %)
3 (3,1 %)
Altération sévère
6 (3,0 %)
20 (20,6 %)
Comorbidités Bronchopneumopathie chronique obstructive*
70 (28,3 %)
47 (40,5 %)
Nombre de séances (moy. (± ET) 17,1 (± 9,5) 2,6 (± 0,8)
2,4 (± 0,6)
Dose totale (moy. (± ET) en Gray
39,7 (± 16,1)
42,8 (± 17,6)
Chimiothérapie*
194 (78,5 %)
57 (49,1 %)
28 (14,4 %)
13 (22,8 %)
Bithérapie avec cisplatine*
151 (77,8 %)
27 (47,4 %)
Bithérapie avec taxane
46 (23,7 %)
13 (22,0 %)
Monothérapie
4 (2,1 %)
8 (14,0 %)
Bithérapie avec carboplatine
Facteurs de croissance
39 (15,8 %)
22 (19,0 %)
3 (1,3 %)
16 (15,4 %)
57 (23,1 %)
27 (23,3 %)
Progression locale
80 (61,5 %)
23 (53,5 %)
Apparition de métastases
97 (68,3 %)
27 (57,4 %)
Décès
205 (83,0 %)
95 (81,9 %)
27 (10,9 %)
26 (22,4 %)
Soins de support*
Insuffisance rénale modérée à sévère*
11 (4,5 %)
20 (17,2 %)
Soins palliatifs
Diabète*
17 (6,9 %)
17 (14,7 %)
Pathologie cérébrovasculaire
9 (3,6 %)
8 (6,9 %)
Insuffisance hépathique modérée à sévère
2 (0,9 %)
0 (0,0 %)
Pathologie cardiovasculaire*
Score de Charlson (moy. (± ET))* Paramètres biologiques
Évolution
0,6 (± 0,9)
1,2 (± 1,1)
(n = 197)
(n = 79)
104,4 (± 36,0)
71,5 (± 27,2)
8 (4,0 %)
20 (25,3 %)
Albuminémie (g/l) (moy. (± ET))
35,6 (± 8,6)
34,7 (± 8,5)
Bilirubinémie (mg/l) (moy. (± ET))
9,1 (± 13,4)
11,6 (± 23,1)
Clearance de la créatinine (ml/ mn) (moy. (± ET))* Clearance de la créatinine ≤ 50 ml/mn*
19,3 (± 10,6)
Dose par séquence (moy. (± ET) en Gray
*p < 0,05 ; moy. : moyenne ; ET : écart-type.
Évaluation Gériatrique Standardisée (EGS) chez les patients de 70 ans ou plus Une évaluation gériatrique standardisée selon l’algorithme de Balducci et Extermann a pu être réalisée a posteriori à partir des données notées dans les dossiers de 109 patients (94 %) de 70 ans ou plus. Les patients ont été classés en 3 groupes (EGS 1 : 29 (26,6 %) ; EGS 2 : 47 (43,1 %) ; EGS 3 : 33 (30,3 %)). Parmi les 99 dossiers (90,8 %) où étaient disponibles les données du traitement, une exérèse chirurgicale de la tumeur avait été pratiquée
*p < 0,05 ; moy. : moyenne ; ET : écart-type.
chez 40,7 % des patients classés EGS 1, chez 15,2 % des patients EGS 2 et 1 patient classé EGS 3. Une radiothérapie avait été proposée chez 29,7 % des patients EGS 1, chez 59,3 % des patients EGS 2 et 30,8 % des patients EGS 3. La dose moyenne administrée par séance de radiothérapie n’était pas différente selon le classement EGS mais le nombre total de séances et la dose moyenne totale étaient significativement plus élevées dans le groupe EGS 1 (p < 0,01). Une 1re ligne de chimiothérapie avait été mise en place chez 38,6 % des patients EGS 1, chez 43,9 % des patients EGS 2 et 17,5 % des patients EGS 3. Les protocoles le plus souvent utilisés étaient une bithérapie avec cisplatine dans le groupe EGS 1 (14 soit 63,6 %), une bithérapie avec cisplatine (8 soit 32,0 %) ou une bithérapie avec carboplatine (8 soit 32,0 %) dans le groupe EGS 2 et une bithérapie avec cisplatine (5 patients) dans le groupe EGS 3. Les combinaisons des prises en charge thérapeutiques en fonction de l’EGS sont présentées tableau IV. © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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Tableau IV.
Prise en charge thérapeutique en fonction de l’évaluation gériatrique standardisée chez les patients âgés de 70 ans ou plus. Traitement Chirurgie seule Radiothérapie seule Chimiothérapie seule
EGS 1
EGS 2
EGS 3
4 (14,8 %)
3 (6,5 %)
1 (3,8 %)
0 (0,0 %)
10 (21,7 %) 5 (19,2 %)
12 (44,4 %) 11 (23,9 %) 7 (26,9 %)
Traitement symptomatique seul
0 (0,0 %)
5 (10,9 %) 10 (38,5 %)
Chirurgie + Radiothérapie
2 (7,4 %)
3 (6,5 %)
0 (0,0 %)
Chirurgie + Chimiothérapie
3 (11,1 %)
0 (0,0 %)
0 (0,0 %)
Radiothérapie + Chimiothérapie
4 (14,8 %) 13 (28,3 %) 3 (11,5 %)
Chirurgie + Chimiothérapie + Radiothérapie Total
2 (7,4 %)
1 (2,2 %)
0 (0,0 %)
27 (100 %) 46 (100 %) 26 (100 %)
Radio-chimiothérapie séquentielle.
Discussion L’allongement de l’espérance de vie associé à l’évolution de l’épidémiologie du cancer du poumon est à l’origine d’une augmentation de ce cancer chez les personnes âgées [11]. Ce vieillissement pose de nombreux problèmes, que ce soit au diagnostic ou lors des traitements. Un retard au diagnostic et/ou des allégements thérapeutiques peuvent alors être observés chez les patients les plus âgés [12]. Il n’est pas facile de déterminer un âge précis pour caractériser la personne âgée. Cependant, 70 ans est une limite à partir de laquelle les fonctions biologiques principales se dégradent de façon significative [13]. L’incidence du cancer bronchopulmonaire, faible avant 40 ans, augmente rapidement pour culminer à cet âge [1]. Plusieurs études réalisées en France ont adopté cette limite [2, 14]. Il nous est donc apparu pertinent de reprendre cette limite pour analyser et comparer la prise en charge clinique et thérapeutique des patients vus dans le service de pathologie respiratoire du CHU de Limoges. Concernant le tabagisme, la fréquence du tabagisme était significativement plus élevée chez les moins de 70 ans probablement en rapport avec les habitudes tabagiques mais la quantité cumulée de tabac n’était pas significativement différente selon l’âge. Il était retrouvé une sur-représentation des femmes non-fumeurs atteintes d’un cancer du poumon. Cette constatation est bien établie quel que soit l’âge et perdurait après 70 ans [2, 15]. L’ignorance des symptômes les plus significatifs ou la confusion avec des manifestations liées à une maladie chronique peut être une cause de retard de diagnostic des sujets âgés [12]. Dans notre étude, l’analyse des délais entre 300
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l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic de cancer bronchopulmonaire ne retrouvait pas de différence significative selon l’âge. Seule la présence de douleur au moment du diagnostic était plus fréquemment retrouvée chez les sujets plus jeunes. Comme dans d’autres études réalisées en France, le délai de prise en charge des patients atteints de cancers bronchopulmonaires était indépendant de l’âge [2, 14]. Concernant le type histopathologique, il n’était pas retrouvé de différence selon l’âge pour les cancers bronchiques à petites cellules (9,6 % versus 9,2 %). Ces proportions étaient inférieures à celles retrouvées dans la littérature qui représentent habituellement 15 à 25 % des tumeurs bronchiques [1, 16]. Parmi les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), il était observé une proportion d’adénocarcinomes plus faible après 70 ans et une situation inverse pour les cancers épidermoïdes. Cette répartition est celle décrite en France par l’analyse des données du réseau français des registres des cancers [1]. La répartition des CBNPC selon le stade TNM était superposable entre les 2 groupes en fonction de l’âge. Le diagnostic des CBNPC n’était pas réalisé plus précocement chez les moins de 70 ans contrairement aux résultats de l’étude KBP-2000 [2]. Par contre, l’absence de confirmation histopathologique était significativement plus fréquente dans notre étude chez les 70 ans ou plus (25,0 % versus 7,7 % chez les moins de 70 ans). Tout âge confondu, le pourcentage de cancers pulmonaires sans histologie en France a diminué de 12 % à 4,5 % [1]. Ce taux important d’absence de confirmation histopathologique du cancer chez les 70 ans ou plus est proche de celui retrouvé dans le registre des cancers d’Ecosse (25,9 %) et pourrait être expliqué par une réalisation moins fréquente de gestes invasifs chez les personnes les plus âgées [17]. La prise en charge et la décision thérapeutique concernant des patients atteints de cancers du poumon doivent être appréhendées en tenant compte de l’état général des patients. Certains paramètres de dépendance et de fragilité fonctionnelle vont conditionner le déroulement de la prise en charge. Actuellement, l’autonomie globale d’un patient atteint d’un cancer du poumon est mesurée par des indices simples comme le Performans status-ECOG et le calcul des activities of daily living ou ADL. Dans notre étude, il existait une altération plus importante de l’autonomie chez les patients âgés de plus de 70 ans. Sachant que la dépendance fonctionnelle est associée à une survie plus réduite [4], la décision thérapeutique devra tenir compte du poids des comorbidités associées. L’existence de comorbidités associées est responsable, chez des patients à âge et stades d’évolution du cancer identiques, d’une surmortalité [18]. L’évaluation des comorbidités par le score de Charlson des patients inclus dans notre étude retrouvait un score significativement plus élevé chez les 70 ans ou plus. Les comorbidités le plus souvent rencontrées chez les plus âgés étaient des pathologies liées au tabagisme ou au vieillissement. Il s’agissait de bronchopneumopathie
Âge et décision de prise en charge des cancers du poumon
chronique obstructive, de pathologies cardiovasculaires (infarctus du myocarde), d’une insuffisance rénale modérée à sévère ou d’un diabète. Outre les comorbidités, les patients les plus âgés présentaient une fonction rénale plus dégradée que les plus jeunes. Ce paramètre est important à connaître afin d’adapter les posologies de nombreux cytotoxiques [11]. C’est la prise en compte de l’ensemble de ces paramètres qui doit déterminer au mieux les objectifs thérapeutiques en termes de qualité de vie et d’espérance de vie. Le traitement du cancer du poumon des sujets âgés, reste pour les cliniciens encore difficile à standardiser. Si les dossiers de la majorité des patients sont discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire, l’âge apparaissait comme un facteur déterminant dans les indications thérapeutiques [19]. La chimiothérapie est de plus en plus fréquemment proposée aux patients atteints d’un cancer du poumon quels que soient l’âge et le stade évolutif de la maladie. Dans notre étude, en première intention, la chimiothérapie était significativement moins souvent délivrée chez les 70 ans ou plus. Les sujets les plus âgés recevaient plus souvent une monothérapie ou une bithérapie à base de carboplatine. Cette attitude est conforme aux pratiques habituellement adoptées dans la littérature [20, 21]. De nombreuses études ont suggéré que l’âge ne modifiait pas la réponse à la chimiothérapie que ce soit en termes d’efficacité ou de tolérance [22]. À l’inverse de l’étude KBP–2000 CHPG, l’indication d’un traitement par radiothérapie était moins fréquente dans notre étude chez les patients de 70 ans ou plus [2]. Bien que non significatif, le nombre de séances était plus élevé chez les plus âgés alors que les doses totales délivrées étaient les mêmes. Ceci peut s’expliquer par une répétition de séances parfois pratiquée chez les sujets âgés pour diminuer la dose délivrée par séance. Dans la littérature, la radiothérapie apparaît être une option thérapeutique chez le sujet âgé, récusée sur le plan chirurgical, avec une amélioration en terme de contrôle local et de survie pour une tolérance jugée correcte [23]. Les sujets âgés sont classiquement considérés à haut risque vis-à-vis de la chirurgie thoracique compte tenu des altérations fonctionnelles respiratoires et cardiovasculaires liées à l’âge ou aux comorbidités. L’indication d’une chirurgie, pour les patients inclus dans notre étude, ne semblait pas être influencée par l’âge, contrairement à l’étude KBP–2000 CHPG [2]. Ceci peut s’expliquer par l’élargissement des indications chirurgicales en relation avec une plus grande précision du bilan d’extension (réalisation du Petscan) et par l’amélioration continue des techniques chirurgicales. Le Performans status seul reste insuffisant pour refléter une évaluation globale des sujets âgés [24]. Pour pallier à ce manque, le Comprehensive Geriatric Assessment ou évaluation gériatrique standardisée, a été élaboré [10]. En effet, une évaluation gériatrique doit prendre en compte certes l’évaluation des comorbidités susceptibles de compliquer la chimiothérapie, mais aussi l’évaluation des conditions socioéconomiques pouvant affecter la compliance et la tolérance
au traitement par inadéquation des transports, de l’aide à domicile, l’évaluation de la dépendance fonctionnelle, des syndromes gériatriques tels que la dépression, les troubles de la mémoire, un syndrome démentiel, la notion de chute [4, 25]. Une évaluation gériatrique a posteriori des patients âgés de 70 ans ou plus inclus dans notre étude a été réalisée selon ces critères. Cette évaluation a permis d’analyser la prise en charge en fonction des critères de fragilité retrouvés dans les dossiers. Les patients du « groupe EGS 1 » peuvent se voir proposer une thérapeutique standard identique à des patients plus jeunes. Dans notre étude, les patients classés dans ce groupe avaient reçu une thérapeutique comparable aux patients âgés de moins de 70 ans. Les patients du « groupe EGS 2 » peuvent recevoir une thérapeutique adaptée telle qu’une monothérapie. Les résultats de notre étude montraient une attitude thérapeutique complexe témoin de la difficulté de la prise en charge de ces patients. Enfin, les patients du « groupe EGS 3 » ne devraient recevoir que des soins de support [26]. Dans notre étude, les patients classés EGS 3 avaient reçu en majorité un traitement symptomatique seul ou un traitement que par chimiothérapie seule ou que par radiothérapie seule. Pour un patient, il avait été proposé une intervention chirurgicale (lobectomie).
Conclusion Cette étude a permis de montrer que les sujets de 70 ans ou plus atteint de cancer bronchique primitif présentaient des particularités cliniques qui nécessitaient une prise en charge spécifique. Une évaluation globale des personnes âgées et leur prise en charge n’étaient pas réalisées de façon standardisée. Il s’agissait d’une photographie rétrospective des pratiques dans le service pathologie respiratoire du CHU de Limoges. Depuis cette étude, il est réalisé une évaluation gériatrique standardisée systématique pour tous les patients atteints d’un cancer pulmonaire afin d’aider les praticiens à la décision de prise en charge thérapeutique. Le critère d’âge chronologique ne doit pas être à lui seul un argument d’abstention thérapeutique ou un justificatif pour des traitements sub-optimaux. L’utilisation systématique d’échelles gériatriques de référence chez ces patients doit constituer une aide précieuse à la décision thérapeutique et leur garantirait une prise en charge optimale tant sur le plan de la survie que sur celui de la qualité de vie.
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