Analgésie et urgences oncologiques

Analgésie et urgences oncologiques

Journal Europe´en des Urgences 20 (2007) 32–36 DOSSIER / ARTICLE COURT Analge´sie et urgences oncologiques S. Voisin-Saltiel Centre de traitement de...

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Journal Europe´en des Urgences 20 (2007) 32–36

DOSSIER / ARTICLE COURT

Analge´sie et urgences oncologiques S. Voisin-Saltiel Centre de traitement de la douleur et de soins palliatifs de l’adulte et de l’enfant, institut Gustave-Roussy, Villejuif, France Disponible sur internet le 30 mai 2007

partielles des structures nerveuses apre`s traitement chirurgical ou neuropathies induites par les chimiothe´rapies…) ; ● citons enfin les ce´phale´es lie´es a` une hypertension intracraˆnienne, les douleurs digestives secondaires a` une constipation, les douleurs abdominopelviennes d’une re´tention aigue¨ d’urines.

1. INTRODUCTION Les phe´nome`nes douloureux lie´s au cancer sont fre´quents et varie´s. La douleur est fre´quemment un motif de consultation aux urgences. Ainsi, a` l’institut Gustave-Roussy, centre anticance´reux ayant un service d’urgences, 25% des patients qui consultent aux urgences le font pour une proble´matique de douleur. Au cours des dernie`res anne´es, des progre`s ont e´te´ re´alise´s concernant la prise en charge de la douleur. De plus, cette prise en charge, est une obligation le´gislative depuis 2002. La mise en place de protocoles valide´s, concernant l’e´valuation de la douleur, ainsi que l’administration des antalgiques et l’utilisation de techniques d’antalgie, doivent eˆtre ge´ne´ralise´es. Toutes les douleurs ne sont pas identiques. Elles diffe`rent selon leur physiopathologie. 2. DIFFE´RENTS TYPES DE DOULEUR La douleur aigue¨ est pre´sente aux diffe´rents stades de la maladie cance´reuse : au moment du diagnostic, durant les traitements, se´quellaire du traitement spe´cifique (chirurgie, chimiothe´rapie, radiothe´rapie). Son incidence s’accroıˆt en phase palliative et a` la phase terminale du cancer. Elle s’inscrit souvent dans le contexte d’une douleur de fond du cancer. Celleci n’est pas a` conside´rer comme une douleur chronique mais comme une douleur « aigue¨ durable ». On distingue diffe´rents types de douleur ; chacune relevant d’un traitement antalgique particulier : ● les douleurs aigue¨s nociceptives qui peuvent eˆtre lie´es a` la tumeur, avec des e´tiologies variables : ne´crose tumorale, he´morragies intratumorales, fracture osseuse, occlusion digestive, distension he´patique, douleur pleurale… Elles peuvent aussi eˆtre rapporte´es aux traitements : mucites radiques ou postchimiothe´rapiques, gastroente´rites radiques… Elles peuvent e´galement eˆtre induites par les examens invasifs ; ● les douleurs aigue¨s neuropathiques sont lie´es a` l’envahissement direct de structures neurologiques entraıˆnant des le´sions nerveuses centrales ou pe´riphe´riques. Elles peuvent aussi eˆtre la conse´quence des traitements (le´sions totales ou

3. E´VALUATION DE LA DOULEUR ET EXAMEN CLINIQUE L’e´valuation pre´cise et un examen clinique approfondi ont pour objectif d’obtenir un diagnostic du type de douleur, de son intensite´ et de sa cause. L’autoe´valuation par l’e´chelle visuelle analogique (EVA) ou par l’e´chelle nume´rique (EN), cote´e de ze´ro a` dix, constitue l’outil de base pour mesurer l’intensite´ de tout type de douleur et pour suivre son e´volution. L’examen clinique doit eˆtre complet : l’interrogatoire pre´cise les caracte´ristiques, la topographie de la douleur. L’examen recherche des signes d’hyposensibilite´ (anesthe´sie ou hypoesthe´sie), ou d’hypersensibilite´ (allodynie), en faveur d’une douleur neuropathique. Les territoires d’irradiation des douleurs peuvent se superposer. Ainsi, une douleur de l’e´paule peut eˆtre lie´e a` une cause osseuse tumorale locale, a` une ne´vralgie cervicale, a` l’irradiation d’une douleur d’origine sus-diaphragmatique (ple`vre) ou sous-diaphragmatique (pe´ritoine, foie, colon). L’examen clinique puis les examens paracliniques seront mene´s avec une double cible : la douleur et le cancer. 4. UTILISATION DES ANTALGIQUES EN FONCTION DU NIVEAU DE DOULEUR La gradation OMS des traitements des douleurs par exce`s de nociception est couramment utilise´e. Il est recommande´ d’utiliser les antalgiques en utilisant successivement ceux du palier I, puis II, puis III en fonction de l’efficacite´ et du controˆle de la douleur. Toutefois, pour les douleurs fortes a` tre`s fortes, les morphiniques sont les antalgiques les plus puissants et les plus rapides qui peuvent eˆtre utilise´s d’emble´e.

0993-9857/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.jeur.2007.04.003

S. Voisin-Saltiel / Journal Europe´en des Urgences 20 (2007) 32–36 Tableau 1 Me´dicaments antalgiques du palier I Parace´tamol Profenid

Voie orale 1 g/dose (dose maximale : 4 g/ 24 h) LI : comprime´s a` 50, 100 mg LP : comprime´s a` 200 mg 1 ampoule de 20 mg sur un sucre

Voie parente´rale 1 gr/dose

100 mg i.v. lente, jusqu’a` 300 mg/24 h Acupan 20 mg i.v. lente, jusqu’a` 120 mg/24 heures LI : libe´ration imme´diate ; LP : libe´ration prolonge´e.

4.1. Palier I Le palier I est repre´sente´ par les antalgiques non opioı¨des : (Tableau 1) : ● antalgique pe´riphe´rique : le parace´tamol, dont l’efficacite´ en cance´rologie est rapidement de´passe´e. Il est ne´anmoins souvent utilise´ en association avec les antalgiques centraux. Il sera prescrit en l’absence de signes cliniques et/ou biologiques patents d’insuffisance he´patocellulaire ; ● anti-inflammatoires non ste´roı¨diens (AINS). Il faut penser a` les utiliser car ils ont une bonne action antalgique notamment sur les me´tastases osseuses. Citons le ke´toprofe`ne (Profenid). Ils sont contre-indique´s en cas d’insuffisance re´nale se´ve`re. Leur prescription impose une protection gastrique ; ● antalgiques centraux faibles non opioı¨des sont repre´sente´s par le ne´fopam (Acupan). Il s’agit d’un antalgique central qui ne se fixe pas sur les re´cepteurs morphiniques. Son utilisation est plus inte´ressante en re´animation et en postope´ratoire que dans le contexte de l’urgence. 4.2. Palier II Le palier II (Tableau 2) est repre´sente´ par les antalgiques centraux opioı¨des faibles dont l’action est essentiellement centrale : ● la code´ine entre dans de nombreuses spe´cialite´s, seule ou en association avec le parace´tamol. Ses effets inde´sirables sont la constipation et la somnolence ; ● le dextropropoxyphe`ne, associe´ au parace´tamol, n’existe que par voie orale. On lui pre´fe`re d’autres mole´cules qui ne s’accumulent pas lors de la prise chronique ; ● le tramadol est un agoniste des re´cepteurs opioı¨des. Certaines e´tudes montrent une efficacite´ sur les douleurs neuroge`nes. Il est a` utiliser avec prudence en cas d’insuffisance re´nale et he´patique. Par voie orale, il existe sous forme a`

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libe´ration imme´diate et sous forme a` libe´ration prolonge´e. Il existe aussi en association avec le parace´tamol. Le tramadol est disponible sous forme injectable (cette forme n’est pas toujours bien tole´re´e). 4.3. Palier III Le palier III (Tableau 3) comporte les antalgiques centraux puissants, dont la mole´cule de re´fe´rence est la morphine. La morphine est l’opioı¨de de premier choix pour traiter les douleurs associe´es au cancer. Son action rapide et efficace par voie orale fait qu’on peut l’utiliser, dans le cadre de l’urgence : ● le sulfate de morphine : deux formes gale´niques sont disponibles. Une forme a` libe´ration normale imme´diate (LI), qui permettra de de´terminer la dose d’e´quilibre et une forme a` libe´ration prolonge´e (LP), pour le traitement de fond ; ● le chlorhydrate d’oxycodone peut e´galement eˆtre utilise´ en premie`re intention, bien qu’il soit plus souvent utilise´ dans le cadre de la rotation d’opioı¨des. La rotation d’opioı¨des consiste a` remplacer un morphinique par un autre de forme gale´nique ou bien ayant une formulation mole´culaire diffe´rente. Ceci est ne´cessaire par exemple, lorsqu’un patient se pre´sente pour la pre´sence d’effets secondaires sous sulfate de morphine malgre´ un traitement symptomatique adapte´, ou dans les cas rares, ou` l’augmentation re´gulie`re des doses de sulfate de morphine n’a pas e´te´ efficace. L’oxycodone pourrait eˆtre, par ailleurs, active sur les douleurs mixtes, avec composante neuroge`ne. L’oxycodone est pre´fe´rable au sulfate de morphine en cas d’insuffisance re´nale. Le rapport de dose e´quiantalgique avec la morphine est de 2/1 : 5 mg d’oxycodone = 10 mg de morphine ; ● l’hydromorphone est un autre antalgique central puissant : Sophidone, (ge´lules qui peuvent eˆtre ouvertes). Le rapport de doses e´quiantalgique est de 1/7,5 par rapport a` la morphine : 4 mg de Sophidone = 30 mg de morphine. Il n’existe pas encore en France d’hydromorphone a` libe´ration imme´diate ; ● morphine par voie parente´rale, intraveineuse (i.v.) ou souscutane´e (SC). Pour la voie SC, le rapport d’e´quianalge´sie entre la morphine par voie orale et par voie SC est de 1/2. L’administration sera discontinue ou continue. La voie i.v. est plus souvent utilise´e dans le contexte de l’urgence. Le rapport d’e´quianalge´sie entre la morphine par voie orale et par voie i.v. est compris entre 1/2 et 1/3. On utilisera en

Tableau 2 Me´dicaments antalgiques du palier II Voie orale Dihydrocode´ine Associations avec parace´tamol : Efferalgan code´ineou Dafalgan code´ine´ Dextropropoxyphene Antalvic Association avec parace´tamol : Di-Antalvic, Propofan Tramadol LI : 50 mg, LP : 50, 100,150, 200 mg Association tramadol (37,5 mg) + parace´tamol (325 mg) : Zaldiar, Ixprim : LI : libe´ration imme´diate ; LP : libe´ration prolonge´e.

Voie parente´rale

Code´ine

Topalgic 100 mg (i.v. lente ou continue) Dose maximale : 600 mg/24 heures

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Tableau 3 Me´dicaments antalgiques du palier III utilise´s par voie orale ou transdermique Sulfate de morphine

Chlorhydrate d’oxycodone Hydromorphone Fentanyl

LI Actiskenan : ge´lules 5, 10, 20, 30 mg Sevredol : comprime´s se´cables 10, 20 mg Oramorph : solution buvable Unidoses 10, 30, 100 mg/5 ml Gouttes : 4 gouttes = 5 mg de morphine LP (12 heures) Skenan : ge´lules 10, 30, 60, 100, 200 mg Moscontin : comprime´s 10, 30, 60, 100, 200 mg LP (24 heures) Kapanol : comprime´s 20, 50, 100 mg LI : Oxynorm: ge´lules 5, 10, 20 mg LP : Oxycontin: comprime´s 5, 10, 20, 40, 80 mg LP : Sophidone: ge´lules 4, 8, 16, 24 mg

LP : Durogesic : patch 12, 25, 50, 75, 100 g/h LI : Actiq: comprime´s 200, 400, 600, 1200, 1600 g LI : libe´ration imme´diate ; LP : libe´ration prolonge´e.

ge´ne´ral le rapport de 1/2 ou` 5 mg de morphine i.v. e´quivalent a` 10 mg de morphine orale ; ● le fentanyl transdermique (Durogesic) se pre´sente sous forme de patch dont la dose est exprime´e en g/heure. Le patch est programme´ pour une dure´e de 72 heures (trois jours). Son de´lai d’action est de 12 heures. Son effet re´manent apre`s retrait est de 18 heures. Vingt-cinq g/heure de fentanyl = 50 a` 60 mg d’e´quivalent morphine orale par 24 heures. Sa prescription sort du contexte de l’urgence car son indication est re´serve´e aux douleurs stables ; ● le fentanyl i.v. est re´serve´ a` l’usage hospitalier, il est me´tabolise´ par le foie. En revanche, l’alte´ration de la fonction re´nale modifie moins son e´limination. Il est donc a` pre´fe´rer a` la morphine en cas d’insuffisance re´nale. Inversement on utilisera plutoˆt la morphine en cas de trouble de la fonction he´patique. Les re`gles d’administration i.v. selon le mode PCA (patient control analgesia) sont identiques a` celles utilisables pour la morphine. Lorsque l’on remplace la morphine par le fentanyl, l’e´quivalence est de simple : dose totale de morphine i.v. par 24 heures en milligramme est e´gale a` la dose de fentanyl i.v. en g/heure. Il existe diffe´rentes modalite´s d’utilisation des antalgiques de pallier III, pour traiter les diffe´rents « cas de figures » de douleur aigue¨ se pre´sentant aux urgences : ● les morphiniques par voie orale peuvent eˆtre utilise´s. Les formes a` libe´ration imme´diate vont permettre une titration, c’est-a`-dire une de´termination de la dose de morphinique ne´cessaire pour soulager la douleur. Le choix de la dose de de´part de´pend de l’importance de la douleur et de l’e´tat physiologique du patient. Elle est en ge´ne´ral, pour les 24 heures, de 1 mg/kg de sulfate de morphine. L’administration doit eˆtre fractionne´e toutes les quatre heures. Par exemple : on de´butera par une dose de 10 mg de sulfate de morphine a` libe´ration imme´diate ou 5 mg de chlorhydrate d’oxycodone a` libe´ration imme´diate, toutes les quatre heures. Si le patient n’est pas suffisamment calme´, des doses

supple´mentaires peuvent eˆtre donne´es entre les prises, et si besoin, on augmentera les doses de 50 % toutes les deux a` trois prises. Pour une prise en charge a` long terme, une fois que le patient n’est plus algique, la dose totale est comptabilise´e, et convertie en forme LP. Il faut garder a` l’esprit le risque de surdosage en cas d’insuffisance re´nale et d’hypercalce´mie. Le risque d’accumulation en cas d’insuffisance re´nale est moindre avec l’oxycodone ; ● forme a` libe´ration prolonge´e. La forme LP peut eˆtre utilise´e d’emble´e. On de´bute en ge´ne´ral par une dose de 30 mg matin et soir (correspondant a` 1 mg/kg par jour en moyenne). Il faut pre´voir des doses supple´mentaires, sous forme d’interdoses e´gales au 1/6 de la dose quotidienne ; ● il existe une situation assez fre´quente en cance´rologie, c’est celle ou` le patient est de´ja` sous morphine a` libe´ration prolonge´e et chez qui on note une exacerbation des douleurs. Il faut bien suˆr e´liminer un facteur de´clenchant (compression de structure nerveuse, fracture osseuse…) avant de ` son arrimodifier paralle`lement le traitement antalgique. A ve´e aux urgences, la dose de base est augmente´e de 30 a` 50 %, en meˆme temps que sera administre´e une interdose e´gale au 1/6 de la nouvelle dose totale des 24 heures. Si le patient par exemple est traite´ par Skenan 60 mg deux fois par jour, il faut augmenter les doses de Skenan a` 100 mg deux fois par jour et donner du Sevredol 30 mg si besoin. Secondairement, si ne´cessaire, on augmentera, toutes les 24 a` 48 heures, la dose quotidienne en inte´grant la somme des interdoses administre´es au cours des 24 heures. Tant que le patient n’est pas soulage´, et que n’apparaissent pas d’effets secondaires, on doit augmenter la dose ; ● meˆme si, dans le contexte de l’urgence on essaiera, dans la mesure du possible, d’utiliser la voie orale en premie`re intention, dans une grande majorite´ des cas, la voie parente´rale, i.v. ou SC, sera ne´cessaire et permettra une titration plus rapide : ○ chez un malade « naı¨f de morphinique », la dose initiale de charge est de 0,1 a` 0,2 mg/kg, en i.v. lente (une a` cinq minutes). Apre`s un de´lai de cinq a` sept minutes, on proce`de a` une nouvelle e´valuation par l’EN ou l’EVA. Si la douleur persiste, cote´e 3/10, on prescrit une injection supple´mentaire de 3 mg de morphine i.v. toutes les cinq minutes chez le patient de moins de 65 ans, ou 2 mg de morphine i.v. toutes les cinq minutes chez le patient de plus de 65 ans. Les injections sont ralenties si le patient somnole ou pre´sente des nause´es. Il n’y a pas de dose maximale de morphine. Une fois le seuil analge´sique atteint, l’entretien se fait par la morphine en i.v. continue, a` la seringue e´lectrique (SE) ou par PCA. La dose totale initiale sur 24 heures est de 0,5 a` 1 mg/kg par jour, diminue´e a` 0,25 a` 0,5 mg/kg par jour en cas d’insuffisance re´nale et chez le sujet aˆge´ (75 ans ou plus). On y ajoute des interdoses en i.v. lente, qui seront injecte´es par l’infirmie`re en cas de douleur, si l’administration se fait par SE ou par le patient lui-meˆme si le mode de de´livrance se fait par PCA. Ces interdoses sont e´gales au 1/10 de la dose quotidienne. Chaque jour la dose de

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base pourra eˆtre modifie´e en fonction du nombre de bolus administre´s, de l’efficacite´ et de la tole´rance ; ○ chez le patient de´ja` traite´ par morphine orale sous forme LP, il est quelques fois ne´cessaire d’utiliser la voie parente´rale : douleur insuffisamment soulage´e, mauvaise tole´rance de la forme orale… L’attitude doit comporter une action sur la douleur en aigue¨ et une modification du traitement antalgique au long cours. En ce qui concerne la prise en charge de la douleur aigue¨, l’administration de morphine en i.v. lente est recommande´e selon les meˆmes proce´dures pre´ce´demment de´crites. Pour le traitement de fond par morphine en i.v., les doses a` utiliser seront calcule´es en fonction du principe d’e´quianalge´sie a` savoir une dose de 10 mg par voie orale e´quivaut a` une dose de 5 mg par voie i.v. Il faut attirer l’attention sur le de´but de la perfusion continue qui doit eˆtre de´cale´ par rapport a` l’arreˆt des traitements par voie orale. En effet, e´tant donne´ la demi-vie des formes LP, pour e´viter les surdosages, la voie i.v. doit eˆtre de´bute´e 12 heures apre`s l’arreˆt de la prise orale ; ● dans l’hypothe`se ou` le patient est de´ja` traite´ par des patchs de Duroge´sic et qu’il se pre´sente aux urgences pour exacerbation de la douleur. Le passage a` la forme intraveineuse est souvent ne´cessaire pour retrouver un nouvel e´tat d’e´quilibre. Apre`s ablation du patch, l’administration en continue doit eˆtre retarde´e de 12 heures pour respecter l’e´limination du fentanyl administre´ par voie transcutane´e. Le patient sera soulage´ par des injections IVL (intraveineuse lente) [bolus] de morphine ou de fentanyl. Les effets secondaires sur la respiration, la vigilance et l’appareil digestif doivent eˆtre connus. Il faut e´valuer re´gulie`rement la fre´quence respiratoire et l’e´tat de vigilance selon l’e´chelle de Rudkin (Tableau 4). Il faudra eˆtre plus particulie`rement prudent, chez les patients prenant des psychotropes, chez les sujets aˆge´s, obe`ses et en cas d’insuffisance re´nale ou he´patique graves. ● La de´pression respiratoire est rare si le traitement est bien conduit. Elle comporte une alte´ration de la conscience, une bradypne´e infe´rieure a` dix par minute, avec e´ventuellement la pre´sence de cyanose, de sueurs et d’une tachycardie. Elle doit conduire a` l’utilisation de Narcan : diluer une ampoule de 0,4 mg/ml dans 10 ml de NaCl, injecte´e en i.v. directe ou en SC, a` raison de 1 ml par minute, jusqu’a` restauration d’une fre´quence respiratoire satisfaisante. L’injection est a`

Tableau 4 Echelle de surveillance de l’e´tat de vigilance E´chelle adapte´e de Rudkin 1 2 3 4 5

Patient comple`tement e´veille´ Patient somnolent Patient avec les yeux ferme´s, mais re´pondant a` l’appel Patient avec les yeux ferme´s, mais re´pondant a` une stimulation tactile le´ge`re (traction sur le lobe de l’oreille) Patient avec les yeux ferme´s, et ne re´pondant pas a` une stimulation le´ge`re

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renouveler en fonction de l’horaire de l’accident par rapport a` la dernie`re prise de morphine. Le Narcan a une dure´e d’action bre`ve, d’une a` deux heures. Il expose au sevrage morphinique, avec une reprise des douleurs et l’apparition de manifestations neuropsychiques (agitation, angoisse) ; ● la constipation, constante avec les morphiniques, doit eˆtre syste´matiquement pre´venue ; ● les nause´es et vomissements pourront, surtout en de´but de traitement, eˆtre pre´venus par l’administration syste´matique d’un antie´me´tique (me´toclopramide, alizapride, me´topimazine ou halope´ridol, et non un se´tron) ; ● la somnolence est fre´quente et disparaıˆt en ge´ne´ral apre`s les premiers jours de traitement ; ● les hallucinations ou les de´lires sont traite´s par l’administration d’halope´ridol, apre`s avoir e´limine´ une e´tiologie organique : Haldol solution buvable a` 2 mg/ml, trois gouttes trois fois par jour, a` augmenter progressivement si ne´cessaire. La constatation d’effets inde´sirables ne signifie pas qu’il y a un surdosage et n’entraıˆne pas syste´matiquement un arreˆt des morphiniques.

5. UTILISATION DE COANTALGIQUES Les traitements des douleurs neuropathiques vont utiliser des produits non destine´s initialement au traitement de la douleur : anticonvulsivants et antide´presseurs (Tableau 5).

Tableau 5 Me´dicaments actifs sur la douleur neuroge`ne Anticonvulsivants Clonaze´pam

Gabapentine

Pregabaline Acide valproı¨que

Antide´presseurs Amitriptyline

Rivotril Solution buvable 2,5 mg/ml ; (10 gouttes = 1 mg) Solution injectable 1 mg/ml Comprime´s quadrise´cables 2 mg Neurontin Ge´lules 100, 300, 400 mg Comprime´s 600, 800 mg Lyrica : ge´lules 25, 50, 75, 100, 150, 200, 300 mg De´pakine LI : 200, 500 mg LP : 500 mg Solution buvable Sirop Solution injectable i.v. : ampoules de 400 mg

Laroxyl Comprime´s 25, 50 mg Solution buvable (1 goutte = 1 mg) solution injectable (ampoules de 50 mg/2 ml) Clomipramine Anafranil Comprime´s 10, 25, 75 mg Solution injectable 25 mg/2 ml Imipramine Tofranil : comprime´s 10, 25 mg LI : libe´ration imme´diate ; LP : libe´ration prolonge´e.

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5.1. Anticonvulsivants

5.4. Diphosphonates

Les anticonvulsivants agissent surtout sur la composante fulgurante (douleur aigue¨ de courte dure´e, a` type de de´charge e´lectrique) : ● clonaze´pam (Rivotril). La dose moyenne est de dix gouttes, soit 1 mg par jour, de pre´fe´rence le soir, en raison de son caracte`re se´datif. Pour une douleur aigue¨, on peut le prescrire par voie sublinguale, a` petite dose (deux a` trois gouttes) ; ● gabapentine (Neurontin), moins se´dative et mieux tole´re´e. La dose utile est de 300 a` 3000 mg/j, a` atteindre progressivement ; ● pre´gabaline (Lyrica). La dose initiale moyenne est de 150 mg/24 heures, en deux prises, a` augmenter jusqu’a` 300 voire 600 mg/24 heures, a` atteindre progressivement en 10 a` 15 jours. Les doses de gabapentine et de pre´gabaline sont diminue´es en cas d’insuffisance re´nale et chez le sujet aˆge´ ; ● acide valproı¨que (De´pakine). On le prescrit aux doses anticonvulsivantes.

Les diphosphonates ont un effet antalgique propre dans les douleurs des me´tastases osseuses chez environ 50 % des patients. Il ne s’agit pas d’une prescription d’urgence.

5.2. Antide´presseurs Les antide´presseurs agissent sur les dysesthe´sies, l’allodynie. Amitriptyline (Laroxyl), clomipramine (Anafranil), imipramine (Tofranil). Ces trois me´dicaments sont prescrits a` la dose de 0,3 a` 1, voire 2 mg/kg par jour, en une fois, le soir le plus souvent. En cas de douleur neuroge`ne tre`s aigue¨, une perfusion i.v. sur 30 minutes a` deux heures peut bloquer la douleur. 5.3. Corticoı¨des Les corticoı¨des, prednisone (Cortancyl), prednisolone (Solupred), me´thylprednisolone (Me´drol per os et Solume´drol injectable) peuvent eˆtre utilise´s pour leur effet antiinflammatoire a` la dose initiale de 1 a` 3 mg/kg par jour, le matin, sur une courte dure´e.

6. CONCLUSION L’e´valuation syste´matique de l’intensite´ de la douleur et le diagnostic du type de douleur constituent la premie`re de´marche a` l’arrive´e du patient aux urgences. Pour les douleurs fortes a` tre`s fortes, la morphine est le plus souvent utilise´e. La voie intraveineuse est la plus adapte´e, car elle associe la rapidite´ d’action a` la possibilite´ de titration. Les e´quivalences de passage d’un opioı¨de a` un autre, et de la voie orale a` la voie parente´rale doivent eˆtre bien connues. Chez un patient de´ja` sous morphine orale, si le traitement est mal tole´re´ ou si le patient n’est pas soulage´, il existe deux possibilite´s : soit changer d’opioı¨de (oxycodone, hydromorphone, fentanyl), ou bien changer la voie d’administration (morphine parente´rale). On cherchera toujours une douleur neuroge`ne associe´e qui ne´cessitera un traitement adapte´. La re´e´valuation re´gulie`re du traitement entrepris est essentielle (EVA, fre´quence respiratoire, score de se´dation) et doit eˆtre renouvele´e au minimum toutes les quatre heures. Les effets secondaires des traitements antalgiques doivent eˆtre pre´venus. Une fois la douleur traite´e, l’e´tape suivante est d’en identifier la cause : e´volution tumorale (envahissement locore´gional), complication lie´e a` la maladie cance´reuse (tassement verte´bral, fracture osseuse, occlusion digestive, he´morragie…) ou complication lie´e au traitement (mucite…) ; enfin, insuffisance des traitements antalgiques en cours. La prise en charge de la douleur est une obligation le´gale de soins pour tous les malades, et plus particulie`rement pour les malades pris en charge pour une pathologie cance´reuse.