Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2016) 17, 128—134
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DOULEUR ET CANCER
Analgésie intrathécale en cancérologie. Principes — état des lieux et perspectives Intrathecal drug delivery for cancer patients. Principles — current situation and perspectives Denis Dupoiron Département d’anesthésie-douleur, Institut de cancérologie de l’Ouest Paul-Papin—Angers, 15, rue André-Boquel, 49055 Angers cedex 02, France Rec ¸u le 23 mars 2016 ; accepté le 31 mars 2016 Disponible sur Internet le 31 mai 2016
MOTS CLÉS Douleur chronique ; Déficits cognitifs ; Fonctions exécutives ; Attention
Résumé L’analgésie intrathécale s’est considérablement développée au cours des trente dernières années. En cancérologie, elle est une alternative validée pour le traitement des douleurs réfractaires. Ces mécanismes d’actions sont mieux connus et l’amélioration du matériel a permis d’élargir les indications notamment sur les douleurs cervicales et céphaliques. En France, elle reste cependant encore peu diffusée car elle demande un environnement technique conséquent. La création de circuits de distribution des mélanges antalgiques intrathécaux préparés par des pharmacies spécialisées est une solution crédible pour permettre à plus de patients de bénéficier de ce traitement. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Introduction Depuis 30 ans le traitement de la douleur en cancérologie demeure un défi majeur et non résolu. En effet, une étude menée par Larue en 1991 a retrouvé une prévalence de 57 % de patients douloureux en cancérologie [1]. Vingt ans plus tard, la situation semble s’être peu modifiée. La dernière
Adresse e-mail :
[email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2016.03.010 1624-5687/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
étude menée par l’INCA en 2010 fait apparaître un chiffre de 53 % [2]. Ces deux études franc ¸aises sont cohérentes avec les données de la littérature internationale récente [3]. Parmi ces patients douloureux, 10 à 15 %, présentent des douleurs réfractaires [4], malgré un traitement bien conduit en suivant l’échelle de l’OMS, soit en raison de l’intensité de la douleur, soit à cause des effets indésirables induits par le traitement. La prise en charge nécessite alors d’avoir recours aux techniques interventionnelles [5] : radiothérapie, radiologie interventionnelle, chirurgie et analgésie spinale.
Analgésie intrathécale en cancérologie. Principes — état des lieux et perspectives Cette technique s’est largement développée au cours des vingt dernières années dans les pays développés mais plus tardivement en France car elle n’est autorisée et remboursée que depuis 2009.
Définition L’analgésie spinale consiste à délivrer les antalgiques dans le liquide céphalorachidien, au plus près des récepteurs médullaires impliqués dans la transmission du message nociceptif. Ce mode d’administration permet de diminuer considérablement les doses d’opioïdes. Cette voie d’administration autorise également l’utilisation d’antalgiques comme les anesthésiques locaux et le ziconotide, réservés à cette voie d’administration.
Bases physiologiques Le concept du rôle de la moelle épinière dans la transmission du message nociceptif est ancien, car c’est Corning en 1885 [6] qui réalisa la première injection de cocaïne en périmédullaire pour réaliser une chirurgie. Cependant l’origine du développement de la technique est la publication de la théorie du gate control par Melzack et Wall [7], puis la découverte des récepteurs morphiniques en 1973 [8] et la mise en évidence de leur concentration élevée au niveau de la corne postérieure de la moelle [9]. La première étude animale a été réalisée en 1976 par Yash et Rudy [10] et en 1979, Wang [11] publia la première application chez 8 patients présentant des douleurs cancéreuses réfractaires. Au cours des décennies suivantes, des avancées spectaculaires ont été réalisées dans la connaissance de la transmission du message nociceptif au niveau médullaire. Ainsi d’autres modulateurs ont été mis en évidence comme les récepteurs GABA, NMDA, les récepteurs adrénergiques, les canaux calciques voltages dépendant et les canaux sodiques [12]. Ainsi en dehors des opioïdes, d’autres molécules ont montré leur intérêt par voie intrathécale comme les anesthésiques locaux, la clonidine et le ziconotide [13]. Parallèlement la pharmacocinétique des drogues par voie intrathécale a été précisée [14]. Deux éléments sont prépondérants dans la diffusion : d’une part la circulation du LCR qui est passive et pulsatile, modulée essentiellement par les variations de pression sanguine et trans-thoracique [15] ; d’autre part, le LCR est un milieu très hydrophile, alors que les structures environnantes sont très vascularisées et lipophiles.
Ainsi, il apparaît que les drogues les plus hydrophiles comme la morphine ont une diffusion lente mais leur durée d’action est longue par voie intrathécale alors que les drogues plus lipophiles comme le fentanyl ont une diffusion plus rapide mais également une durée d’action plus courte avec un taux de réabsorption sanguine beaucoup plus élevée [16]. Enfin, la diffusion est limitée à quelques centimètres de chaque côté de l’extrémité du cathéter et est influencée
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essentiellement par la vitesse d’injection [17]. En conséquence, il est indispensable de positionner le cathéter au niveau des métamères impliqués dans le processus nociceptif et en arrière du cordon médullaire au plus près des fibres sensitives situées dans les couches I, II et V de la corne postérieure.
Les traitements intrathécaux Pour être utilisable par voie intrathécale, les médicaments, en plus de leur efficacité sur la douleur, doivent également répondre aux critères de diffusion et de durée d’action décrits précédemment. De plus, ils ne doivent pas être toxiques pour le cordon médullaire et être stables dans les pompes. Enfin les solutions ne doivent pas contenir d’adjuvants et être disponibles à des concentrations élevées compatibles avec cette utilisation afin d’assurer une autonomie suffisante de la pompe.
Opioïdes Compte tenu de ces éléments, la morphine est l’opioïde de choix pour la voie intrathécale. En raison de sa forte hydrophilie, elle a une durée de vie longue (12 à 24 h). [18]. L’hydromorphone serait une alternative, car c’est également une drogue très hydrophile avec une puissance plus élevée que la morphine [19], malheureusement, elle n’est pas commercialisée en France sous forme injectable. Le fentanyl et le sufentanil sont beaucoup plus lipophiles et moins adaptés à cette voie d’administration, même si leur délai d’action est plus rapide [20].
Les anesthésiques locaux Ils agissent en bloquant les canaux sodiques, ils sont actifs à la fois sur les douleurs nociceptives et neuropathiques et leur action est synergique avec la morphine [21]. Deux molécules disposent des qualités nécessaires à leur emploi par voie intrathécale. La bupivacaïne est le produit de référence mais il n’est pas disponible en France à des concentrations suffisantes (40 mg/mL), c’est pourquoi, seule la ropivacaïne peut être utilisée (10 mg/mL) même si elle est moins puissante [22].
Le ziconotide C’est le premier inhibiteur des canaux calciques voltages dépendant de type N. Disponible en France depuis 2009, c’est un antalgique extrêmement puissant utilisable uniquement par voie intrathécale. Il est actif à la fois sur les douleurs nociceptives et neuropathiques [23]. Son effet antalgique a été démontré par trois études randomisées chez l’homme [24—26]. La molécule ne présente pas de toxicité médullaire. Cependant, le ziconotide est difficile à utiliser seul en raison du risque d’effets indésirables notamment neuropsychiques toujours régressifs à l’arrêt du traitement. Une titration lente et l’utilisation en association avec la morphine permettent de diminuer les posologies et de limiter les effets indésirables [27,28].
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La clonidine Agoniste des récepteurs ␣2-adrénergiques, elle agirait en diminuant la sécrétion de la substance P, mais également en provoquant une hyperpolarisation membranaire. Elle est surtout active sur les douleurs neuropathiques.
Les associations médicamenteuses L’utilisation des associations est le plus souvent nécessaire en cancérologie, compte tenu de l’intensité de la douleur, de son évolutivité et de ses caractéristiques souvent mixtes. Plusieurs associations ont montré leur synergie notamment les associations morphine—bupivacaïne [29], morphine—ziconotide [27]. Cependant, ces associations posent plusieurs problèmes. Il est nécessaire de vérifier la compatibilité physico-chimique ainsi que la stabilité des associations dans les pompes. Ainsi, les mélanges anesthésiques locaux morphine et clonidine sont stables jusqu’’à
Tableau 1
30 jours dans les pompes, mais le ziconotide en association se dégrade progressivement [30], et il est nécessaire de prendre en compte cette donnée dans la programmation des recharges.
Études cliniques Depuis la première description de Wang en 1979, de nombreuses études ont montré l’efficacité de l’analgésie intrathécale en cancérologie. En 2002, un essai randomisé multicentrique réalisé sur 202 patients a montré la supériorité de l’analgésie intrathécale sur le traitement standard avec une diminution de 52 % de la douleur dans le groupe implanté avec parallèlement une diminution significative des effets indésirables et de l’espérance de vie. Les autres études publiées depuis (Tableau 1) retrouvent des résultats comparables avec un niveau de diminution de la douleur de plus de 50 %, même si elles n’ont pas le même niveau de preuve. C’est la technique interventionnelle en
Évaluations de l’analgésie intrathécale en cancérologie.
Réf/année
Type d’étude
Nombre de sujets (total + répartition dans les différentes cohortes examinées)
Niveau de preuvea
Type de patients
Incidence de l’événement et résultat de la comparaison (en faveur du traitement A ou B)
Qualité de vie
Smith 2002 [31,32]
EPR
202 patients randomisés 20 centres 71 patients groupe IT 72 patients dans le groupe témoin
Haut
Douleurs cancéreuses EVA > 5 EMO > 250 mg
84,5 % de succès dans le groupe IT Diminution EVA > 20 % 70 % dans le groupe traitement classique p < 0,05
Rauck, 2003 [33]
EPO
149 patients inclus dans 17 centres 119 implantés
Bas
Réduction de plus de 50 % de la douleur dans 83 % des cas
Burton 2004 [34]
ER
87 patients Monocentrique
Très bas
Réduction de la douleur de 6,5 à 3,1
Mercadante, 2007 [35]
EPO
55 patients
Bas
Réduction de la douleur de 7,9 à 4,1 à 1 mois
Diminution des effets secondaires
Pasutharnchat, 2009 [36]
ER
29 patients Monocentrique
Très bas
Réduction de la douleur de 7,1 à 2,2
Non suivie
Brogan, 2011 [37]
ER
43 patients inclus 31 suivis Monocentrique
Très bas
Réduction de la douleur de 6,5 à 3,1
Diminution des accès paroxystiques
Dupoiron, 2011 [38]
EPO
97 patients Multicentrique
Bas
Réduction de la douleur de 7,9 à 3,65 à 1 mois
Non suivie
Ying Huang, 2015 [39]
EPR
36 patients
Bas
Douleurs cancéreuses EVA > 5 EMO > 100 mg Douleurs cancéreuses EN = 7,9 EMO = 588 mg/j Douleurs cancéreuses EN = 7,98 EMO = 598 mg/j Douleurs cancéreuses EN = 7,1 EMO = 517 mg/j Douleurs cancéreuses EN > 6 EMO > 500 mg/j Douleurs cancéreuses EN = 7,9 EMO = 567 mg/j Douleurs cancéreuses EN = 8,17 EMO = 208 mg/j
Diminution des effets indésirables groupe IT Amélioration survie 6 mois 52 % IT 32 % groupe témoin Diminution des effets indésirables chez 90 % des patients Diminution de la somnolence
Réduction de la douleur
EPR : étude prospective randomisée ; EPO : étude prospective observationnelle ; ER : étude rétrospective. a Niveau de preuve suivant le système Grade.
Analgésie intrathécale en cancérologie. Principes — état des lieux et perspectives cancérologie est celle pour laquelle le niveau de preuve est le plus élevé.
Les consensus et recommandations Plusieurs conférences de consensus internationales ont défini les conditions d’utilisation de l’analgésie intrathécale.
Deux conférences spécifiques pour les patients d’oncologie ont été publiées en 2005 et actualisées en 2011 [40,41]. En France, la première recommandation a été publiée par l’AFFSAPS en 2010 dans le cadre du traitement des douleurs réfractaires en situation palliative [42]. En 2012, une conférence formalisée d’experts de la SFAR et la SFETD a validé l’utilisation de l’analgésie intrathécale en cancérologie avec un grade 1 + [43].
Technique Les dispositifs L’analgésie intrathécale nécessite l’implantation d’un cathéter dans le liquide céphalorachidien. Initialement en nylon, il est actuellement en silicone ou en polyuréthane. Un nouveau type de cathéter multicouche commercialisé depuis deux ans permet de le positionner plus facilement notamment en position cervicale et thoracique haute, facilitant ainsi l’utilisation de la technique dans ce type de pathologie. Celui-ci peut être relié directement à une pompe externe, soit à un réservoir sous-cutané, soit enfin à une pompe totalement implantée. Une seule pompe interne est actuellement commercialisée en France : la pompe synchromed II de Medtronic® . Cette pompe comporte un réservoir unique de 20 ou 40 mL, elle autorise des débits continus simples ou modulables ainsi que l’administration de bolus par le patient grâce à une télécommande (PTM). Les pompes externes sont de type PCA, elles doivent être légères et capables de fonctionner avec des débits faibles : 0,2 mL/h avec des incrémentations de 0,1 mL/h. De plus, elles doivent autoriser les bolus. Actuellement, le fonctionnement peut être contrôlé à distance grâce à une puce GSM. Le choix du dispositif dépend essentiellement de l’espérance de vie du patient. En effet, les pompes implantées sont plus onéreuses et sont généralement réservées aux patients dont l’espérance de vie est estimée supérieure à 3 mois.
L’implantation L’implantation s’effectue sous anesthésie générale, habituellement par ponction percutanée lombaire. L’extrémité du cathéter doit être disposé en arrière du cordon médullaire et en regard des métamères impliqués dans le processus douloureux. Il est donc indispensable de réaliser cette procédure sous contrôle radiologique. Le cathéter après fixation sur le ligament inter-épineux est tunnélisé
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jusqu’à la loge de la pompe interne ou du réservoir souscutané. Lors de l’implantation d’une pompe interne, celle-ci est généralement positionnée sous la peau de la paroi abdominale. La présence de stomie digestive et urinaire n’est pas une contre-indication à la pose d’une pompe. Les réservoirs sous-cutanés sont habituellement positionnés sur la face antérieure du thorax afin de pouvoir réaliser un pansement occlusif sans limiter la mobilisation du patient.
Mise en œuvre L’analgésie intrathécale est une technique interventionnelle, elle est classiquement réservée aux patients présentant des douleurs réfractaires malgré un traitement bien conduit. On estime généralement que cette technique peut être envisagée au-delà de 300 mg/jour d’équivalent morphine oral (EMO). Un avis multidisciplinaire est essentiel dans le processus de sélection des patients, il permet d’envisager ce traitement en fonction du projet thérapeutique du patient, de son projet de vie, de son autonomie et des possibilités de maintien à domicile. Cet avis permet également de choisir le type de dispositif à implanter. Par contre le test d’efficacité n’est pas indispensable car l’efficacité est largement prouvée et le test par injection d’un bolus par voie lombaire est peu prédictif de l’effet d’une administration continue. Par ailleurs, la mise en place d’un cathéter externe augmente sensiblement le risque infectieux. De même, l’évaluation psychologique ne doit en aucun cas retarder la mise en œuvre du traitement. Les experts s’accordent sur le fait que la priorité, en cancérologie, est de soulager le patient afin d’améliorer sa qualité de vie [40].
Contre-indications Il existe peu de contre-indications à cette technique en dehors de l’hypertension intracrânienne et des obstacles à la circulation du LCR (tumeurs intramédullaires). Les autres contre-indications sont plus relatives. Les infections doivent être contrôlées avant l’implantation. De même, en cas d’aplasie, il est nécessaire d’attendre que sa correction soit spontanée, soit après injection de facteurs de croissance jusqu’à 1000 PN/mm3 . Il en est de même avec les thrombopénies qui doivent être corrigées au-dessous de 50 000 plaquettes/mm3 , les traitements anti-angiogéniques de type bévacizumab doivent être suspendus au moins deux semaines avant l’implantation en raison du risque de retard à la cicatrisation.
Complications Mécaniques Les céphalées post-ponctions sont la complication la plus fréquente après l’implantation. Elles sont dues à la fuite de LCR et sont généralement bénignes. Elles régressent la plupart du temps spontanément en moins d’une semaine. L’infection du matériel est également particulièrement redoutée car sa survenue implique la plupart du temps
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l’ablation du matériel. L’incidence retrouvée dans une revue de la littérature récente est de 2,7 % [44]. De même, les hématomes (0,9 %) et blessures médullaires ou radiculaires sont rares (0,4 %). L’incidence des complications mécaniques comme les plicatures et les déplacements du cathéter a considérablement diminué avec l’amélioration du matériel au cours des dernières années.
Liées au traitement La complication la plus fréquente est le syndrome de sevrage qui survient généralement rapidement après l’implantation et l’arrêt des morphiniques par voie générale.
Les opioïdes sont également susceptibles d’être responsables de dépression respiratoire en cas de surdosage. De même, ils peuvent être responsables de syndrome œdémateux et de prurit et de constipation même si un des avantages de la technique est la diminution de la constipation. Des rétentions aiguës d’urine sont possibles en postopératoire immédiat, surtout chez l’homme après 60 ans. Les syndromes de masse spinale sont des formations inflammatoires qui se développent à l’extrémité du cathéter. L’incidence est faible, inférieure à 1 %. La survenue serait facilitée par l’utilisation de concentration élevée d’opioïdes associée à des débits très faibles. Figure 1.
Positionnement cervical par ponction lombaire.
Évolutions et perspectives Élargissement des indications La diffusion limitée des drogues dans l’espace intrathécal et le risque de blessure médullaire par ponction thoracique rendait la technique difficile à mettre en œuvre pour les douleurs thoraciques hautes et cervicales. La commercialisation depuis 2013 de nouveaux cathéters, plus faciles à implanter et à diriger dans l’espace intrathécal, même avec une ponction à l’étage lombaire, a permis d’élargir les indications aux pathologies thoraciques hautes et cervicales (Fig. 1). Pour les pathologies céphaliques, l’implantation du cathéter par voie neurochirurgicale dans le 3e ventricule est une option crédible pour les patients souffrant de douleurs cancéreuses réfractaires d’origine céphalique ou diffuse (Fig. 2).
Sécurisation des prescriptions et des préparations L’analgésie intrathécale nécessite souvent l’utilisation d’associations d’antalgiques. La prescription requiert alors des calculs parfois ardus [45]. L’utilisation d’un logiciel permet de faciliter grandement cette étape. Depuis quelques mois un programme est commercialisé (Anathec -Alma medical® ). Il permet de calculer facilement les doses de chaque composant du mélange et d’optimiser le débit de
Figure 2. Implantation du cathéter par voie neurochirurgicale dans le 3e ventricule pour les patients souffrant de douleurs cancéreuses réfractaires d’origine céphalique ou diffuse.
Analgésie intrathécale en cancérologie. Principes — état des lieux et perspectives
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Cependant, à ce jour l’ANSM refuse toutes les demandes d’ATU, alors que la recommandation sur l’utilisation en situation palliative de la bupivacaïne par voie périmédullaire est toujours en ligne sur son site Internet [42]. La mise à disposition d’un logiciel pour faciliter la prescription ainsi qu’un processus de fabrication des préparations par des pharmacies spécialisées capables de mettre à disposition les préparations intrathécales pour les établissements de soins qui ne disposent pas de toutes les infrastructures requises doivent également permettre d’offrir ce type de traitements à plus de patients susceptibles d’en bénéficier. Dans cet esprit, l’agence régionale de santé des Pays de Loire a validé début 2015 un accord entre le centre hospitalier de la Roche-sur-Yon et l’ICO Paul-Papin à Angers autorisant la mise à disposition des préparations intrathécales fabriquées par la pharmacie de la Roche-sur-Yon à usage interne de l’ICO Paul-Papin.
Conclusion Figure 3. Processus de production des mélanges antalgiques intrathécaux.
la pompe. Il transmet à la pharmacie un document numérisé permettant la fabrication de la préparation. Il possède également un module de suivi des évaluations. De même que la prescription des mélanges antalgiques intrathécaux peut s’avérer complexe, la préparation est également ardue et source d’erreurs susceptible d’entraîner des effets indésirables graves, notamment avec le ziconotide. De plus, l’administration dans le LCR demande de s’assurer de la stérilité des solutions infusées. Pour répondre à ces critères, seule une préparation pharmaceutique permet de répondre à ces critères. Le dosage prospectif de la concentration de chaque composant du mélange (Fig. 3) ainsi que la mesure du pH du mélange permet de se conformer aux recommandations internationales [46].
Diffusion de la technique Actuellement seuls quelques centaines de patients sont implantés chaque année en France, principalement parce que la technique nécessite un environnement technique conséquent, avec des compétences spécifiques pour la mise en place des dispositifs ainsi que pour la prescription et la préparation des traitements intrathécaux. Dans ce contexte, les patients implantés doivent se déplacer régulièrement, parfois chaque semaine vers le centre de référence pour le remplissage de la pompe. Ces déplacements sont souvent difficiles, voire délétères en fin de vie. Cette situation est aggravée en France, par l’impossibilité de disposer de bupivacaïne concentrée (40 mg/mL) comme dans les autres pays développés. L’utilisation de la bupivacaïne concentrée comme anesthésique local en remplacement de la ropivacaïne permettrait de multiplier au moins par deux le temps entre deux remplissages et ainsi de limiter les déplacements.
L’analgésie intrathécale est une technique récente du traitement de la douleur. Réfractaire en cancérologie. Elle a prouvé son efficacité et est recommandée dans la prise en charge des douleurs réfractaires. L’amélioration de la compréhension du mode d’action a permis d’améliorer l’efficacité des implantations. Le perfectionnement du matériel a permis d’élargir les indications aux douleurs thoraciques et cervicales. Cependant de nombreux facteurs comme l’absence en France d’anesthésique local adapté à cette utilisation limitent son utilisation.
Déclaration de liens d’intérêts Denis Dupoiron déclare avoir des liens avec les sociétés Medtronic et Esai en tant qu’expert.
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