Communication
Science & Sports 1999 ; 14 : 180-2 0 Elsevier. Paris
britve
Analyse biobnergbtique du nouveau du monde feminin de marathon
record
V. Billat *, V. Bocquet2, 3 ‘Laboratoire d’ktude de la motricitk humaine, faculte’des sciences du sport, universite’ 21aboratoire de biostatistique, universite Paris, 5, rue des Saints-P&es, 75006 Paris: jcentre de mPdecine da sport de la CCAS, 2, avenue Richerand, 75010 Paris, France (Requ le 10 septembre
1998; accept6 le 25 fkvrier
Lille 2, 59730 Ronchin;
1999)
R&urn6 Introduction. - Le nouveau record f6minin du marathon r6alis6 cette annbe (alors que celui-ci n’avait pas progress6 depuis 1985), correspond a une vitesse de 17,98 km.h-1. Synthbse des feits. - Pour courir & cette vitesse pendant 2 heures 20 minutes, il faut (en 6mettant I’hypothGse d’une course tr&s &onome avec un coQt Bnergetique brut de 180 mL.min-l.km-1) une consommation d’oxyggne de 54 mL.min-l.kg-1. Cette consommation d’oxyghne & maintenir pendant plus de 2 heures represente une fraction d’utilisation de la consommation maximale d’oxyg&ne de 85 % (ce qui correspond $I un index d’endurance de 5 et un seuil lactique & 89,3 % de la consommation maximale d’oxyg&ne). Conclusions. - Avec ces caracteristiques moyennes de I’endurance et du coDt Bnergktique de la course, on obtient alors une consommation maximale d’oxyg&ne 6gale & l/O,85 x 54 = 74,7 mL.min-l.kg-1, ce qui reste compatible avec les valeurs les plus Blev6es observ6es B ce jour chez la femme. 0 1999 Elsevier, Paris course
I marathon
I bioknergetique
I endurance
I femme
Summary - Bioenergetics approach of female marathon best performance. Introduction. - The new best female performance on marathon corresponds to a velocity equal to 17.98 km.h-1. Methods. - To sustain this velocity for 2 h 20 min, an oxygen consumption equal to 54 mL.mirrl.kg-1 is required (with the hypothesis of a very economical stride with a gross oxygen cost equal to 180 mL.mirrl.krrrl). To be able to maintain this oxygen consumption for more than 2 hours, the fractional utilisation of maximal oxygen consumption (85% of i/o,,,, over the marathon) must be below the onset of blood lactate accumulation. Conclusion. - To be able to run the marathon at 18 kmh-1, a maximal oxygen consuflption equal to 110.85 x 54 = 74.7 mL.min-l.kg-1, a onset of blood lactate accumulation at 90% of VO,,,, and a gross running oxygen cost equal to 180 mL.min-l.km-1 are required. These data have already been observed for women. 0 1999 Elsevier, Paris running
I marathon
I bioenergetics
I endurance
I female
Record f&mink
181
du marathon
TableauI. Caracti;ristiyuesbi&nerg&iques et performancessur le marathonValeurs dereferencespow les fcmmes. Inda d’endurance
F VQ2,, sur marathon
fvalwr iibsolue) 3 :
Co& &nerg&ique hi
(r&m-“+-‘)
0,91 O@ Q&s
OS2 f 8
479 0,755
MCme si les champions ne frequentent pas particulibrement les laboratoires, l’analyse des records du monde par les mathimaticiens et les physiologistes a permis d’illustrer les diffdrentes filikres mCtaboliques et leurs facteurs limitants [l]. En effet, que sait-on de la physiologie de la jeune kenyane Tegla Loroupe qui a subtilid 19 secondes Q la meilleure performance mondiale du marathon (1985) de la norv~gienne Ingrid Kristianscn, pour la porter B 2 heures 20 minutes 47 secondes ? EXIGENCE BIOtiNERGlkTIQUE DU NOUVEAU RECORD DU MONDE DU MARATHON FkMININ L’analyse des exigences bio&ergCtiques de ce nouveau record du monde de marathon fiminin contribue 2 mieux cerner les caractCristiques physiologiques des femmes. En se referant B I’Cquation de di Prampero [2] : vitesse (~l*min-1) = F v02max (mL.min-i.k~-i)/ co& Cnergttique (mL.m-~.kg-‘) oii V est la vitesse du marathon et F la fraction d’utilisation de la consommation maximale d’oxyggne sur le marathon (que l’on peut approcher soit par l’index d’endurance, soit par le seuil lactique), il est possible de cerner les exigences biotnergCtiques de cette nouvelle meilleure performance du marathon fiminin. Le coGt CnergCtique reprbsente la consommation d’oxyg&ne brute (incluant les 5 mL.min-‘.kg-I de repos) par unit& de distance parcourue et par kilogramme de poids corporel. Concernant la fraction d’utilisation de la consommation maximale d’oxygkne sur un marathon, ce dernier se court entre 90 et 95 % de la vitesse au seuil lactique 1.51. Un coat CnergCtique bas (exprimk en Cnerggtique en mL d’0, consomme par mbtre et par kilo de poids corporel) permet, pour une mgme consommation d’oxygbne, de courir plus vite. Le tableau I donne les valeurs de rt?f&ence de ces facteurs biotnergCtiques qui permettent de rCaliser une performance donnke sur marathon. A niveau Cgal de performance (en rkf&ence au points don& par la table de cotation de la fgdCration d’athlktisme
0,190 0,ZJQ 0310 ~,220 0,230 0,243
%f%lX (mL.min-1. kg-‘) 78 76 74 72 70 68
Vifesse SW mararhon (km h-‘1 22,41
Temps r&lisd
1 h53min36s
29@5
2ho6minOl s
1797 16,10 14,42 1292
2b2Orn~~5~S Zh37min15s Zh45min49s 3h16mitIoOs
amateur intemationale, IAAF), la femme a une consommation maximale d’oxygene de 10 n&min-l.kgl inf&ieure a celle des hommes. C’est pourquoi, afin d’examiner les exigences bioCnerg&iques de ce nouveau record du monde f&&in de marathon. nous avons choisi 1’Ctendue de valeur cette valeur de +0x max allant de 68 j 78 mL.min-‘.kgi; correspond aux consommations d’oxyg&te des coureuses de fond de haut niveau. Les valeurs d’index d’endurance des femmes sont simila~~s g celles des hommes. La valeur du coGt ~nerg~tique est, quant 2 elle, lgggrement sup&ieure 2 celle des hommes, c’est-&-dire que Ies femmes auraient une foulCe moins Cconomique que les hommes. Le nouveau record fkminin du marathon r&alis6 cette annCe (alors que celui-ci n’avait pas progress6 depuis 1985) correspond B une vitesse de 17,98 km.h-1. Pour courir & cette vitesse pendant 2 heures et 20 minutes, il faut (en prenant l’hypoth&se d’une course t&s Cconome avec un co& CnergCtique brut de 180 mL.min-l.km-I) une consommation d’oxyghne de 54 mL.min-l.kg-I: 17,98 km,h-1 = 53,94 mL.min-l-kg-1 x 60 minll80 mL.min-l.kln-1 Cette consoinmation d’oxygt?ne 8 maintenir pendant plus de 2 heures reprCsente une fraction d’utilisation “%llax de 8.5 % (ce qui correspond a uq index d’endurance de -5 et up seuil lactique ZI 89,3 % de VOzmax). On obtient alors un VOzmax de l/O,85 X 54 = 74,7 mL.min-lskg-1. L’index d’endurance [4] est la pente du rapport entre la fraction d’utilisation de la consommation maximale d’oxygbne et le temps (en logarithme nip&en des secondes). Cette performance est done possible ave$ un seuil d’accumulation lactique proche de 90 % de VOZmax et un c&t &nergCtique (brut) de la course &gal& 180 ml-min-l.krn-‘. Connaissant ces facteurs discriminants.de la performance (seuil lactique, index d’endurance, V02max et coOt ~nerg~tique), il est possible de prkvoir la marge de progression du record fkminin sur la distance [S, 61. PERSPECTIVES PERFORMANCE
D’AMtiLIORATION DE CETTE FitMININE SUR MARATHON
M&me si cette jeune kenyane a fait mieux que Mimoun, qui couvrait la distance en 2 heures et 25 minutes pour
182
V. Billat,
Tableau II. &olution des vitesses depuis le premier record recense (IAAF, 1995) en 3926 pour Ies femmes.Ce record du marathon &nit de 3 heures 40 minutes et 22 secondes, soit une vitesse moyerme sur Ies 42,195 km de 1 I,5 kmh-t. Ann&es
Telnps sw 18 ~~r~f~~~
1926 1963 1%4 1967 1970 1971 1973 1974 1975 1977 1978 1979 1980 1983 1985 1998
Vitesse
(km&k-l)
3h4Qmin22s
IL49
3h37mm@7a 3h19min33s 3hO7min26s 3hO2nin53.s 2h49mmin4Os Zh46min36s 2h43minS4s 2h38min19s
11,&s i 2‘69 13,5t 13,&4 1492 15,2a IS,45 15,99 1636
2h34min47s Zh32min30s 2h27min33s
l&b0
ZhZSmin40s
17,16 17,38
2h22min43s
r7,74
2h21 min06s 2hZOmin47s
1794 SF*%
I’or olympique a Melbourne en 1956, et que Zatopek en 2 heures 23 minutes et 3 secondes a Helsinki 4 ans plus tot, on ne peut pas nier le poids de l’histoire : la banalisation d’une epreuve autrefois mythique et aujourd’hui courue par des millions d’amateurs. Le tableau II montre l’evolution du record du monde du marathon. Le premier record a etC maintenu 40 annees, et l’avant-dernier (1985) quelques 13 ant&s, d’ou la forme sigmdide de la courbe visualisant l’evolution du record du monde du marathon feminin. La marge de progression calculee pour l’an 2000 (faite en extrapolant a partir de la relation etablie entre les annees et la vitesse record sur marathon) aboutit a un temps de 2 heures ! On ne peut pas pretendre prevoir une performance a partir d’une simple regression lineaire comme l’avaient fait Whipp et Ward [7]. 11 n’est toutefois pas possible d’envisager que les femmes depassent les hommes sur les courses de longues distance, ainsi que Whipp et Ward [7] I’ont spt%ulC [3]. En ce qui conceme les hommes, les 20 km/h sont en perspective pour seulement 15 secondes de moms que la meilleure performance mondiale actuelle, soit 2 km/h de plus que les femmes (+ 10 ST). En effet, on peut constater que le plateau de la sigmdide delimite par les deux derniers records, realis& en 1985 (2 heures 21 minutes
V. Bocquet
6 secondes) et en 1998, montre que l’evolution rapide de ce record dans les annees 1960 a 1980 Ctait le fait d’un retard historique du a l’interdiction faite aux femmes de courir sur une telle distance.
CONCLUSION I1 convient d’attendre les 5 prochaines an&es pour examiner l’evolution de ces records au tours du prochain millenaire. Quoi qu’il en soit, un VOZmax de 75 mL.min-t-kg-1 accompagne d’un seuil lacttque de 89 % de VOZmax et d’un coQt energetique brut de 210 mLOmin-‘.km-r permettra de couvrir le marathon en moins de 2 heures 20 minutes (plus de 18 km.h-1) et plus exactement en 2 heures 19 minutes 2 secondes. Ne prenons pas les paris d’un record reunissant a la fois un cotit Cnergetique t&s bas (180 mL.min-i.km-I), d’une consommation maximale d’oxygene Clevee (78 mL.min-t.kg-1) et d:un seuil d’accumulation lactique au plus haut (90 % de VOzmax). En effet, cette marathonienne id&ale serait alors capable de couvrir les 42,195 km ri 21,06 km-h-i : c’est-a-dire en 2 heures et 12 secondes. Mais nous n’avons jamais pu observer chez la meme personne 2 la fois un haut debit d’energieet unetres basse valeur de coQt energetique.De plus, nousne connaissons pas les moyensde diminuer ce cot%Cnergetique.On peut constaterque la recherche appliqueedans le domainede l’entrainementdevient d’utilite socialesi l’on veut demontrer qu’il est possiblede battre des records sarisse doper grace a une analysedesexigencesde l’activite sportive au regard despotentialiteshumaines.
REFERENCES 1 Billat V, Koralsztein JP. Morton H. The use of model endurance for prediction of exercise performance and for control of training. Sports Med 1999 (a paraitre) 2 di Prampero PE, Atchou G, Bruckner JC, Moia C. The energetics of endurance running. Em J Appl Physiol 1986 ; 55 : 259-66. 3 Perotmet F. Les records du monde de course a pied masculin et feminin : a propos d’un article de la revue Nature. STAPS 1993 ; 32 : 47-55. 4 Ptronnet F, Thibault G. Mathematical analysis of running performance and world running records. J Appl Physiol 1989 ; 67 : 453 6.5. 5 Sjodin B, Jacobs 1. Onset of blood lactate accumulation and marathon running performance. Int J Sports Med I98 1 ; 2 : 23-6. 6 Sjiidin B, Svedenhag J. Applied physiology of mara~on running. Sports Med 1985 ; 2 : 83-9. 7 Whipp BJ, Ward SA. Will women soon outrun men? Nature 1992 ; 25 : 355-60.