Revue du Rhumatisme 76 (2009) 851–856
Article original
Analyse comparative de 59 enfants atteints de formes complètes et incomplètes de la maladie de Kawasaki夽 Comparative study of complete versus incomplete Kawasaki disease in 59 pediatric patients Laurence Perrin a , Alexia Letierce b , Corinne Guitton a , Tu-Anh Tran a , Virginie Lambert c , Isabelle Koné-Paut a,∗ a
Service de pédiatrie générale, rhumatologie pédiatrique, centre de références des maladies auto-inflammatoires, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France b Département de biostatistiques, unité de recherche clinique, CHU de Bicêtre, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France c Service de cardiologie infantile, centre chirurgical Marie-Lannelongue, 92360 Le Plessis-Robinson, France Accepté le 20 novembre 2008 Disponible sur Internet le 18 septembre 2009
Résumé Objectifs. – Comparer les caractéristiques cliniques et biologiques ainsi que la fréquence des anomalies des coronaires évaluées par échographie chez des patients atteints de formes complètes (MKC) et incomplètes (MKI) de la maladie de Kawasaki (MK). Rechercher quels autres signes cliniques permettraient de renforcer une suspicion de maladie de Kawasaki (MK). Méthodes. – Nous avons analysé rétrospectivement les patients diagnostiqués comme MK et hospitalisés dans le service de pédiatrie générale du centre hospitalier universitaire (CHU) du Kremlin-Bicêtre entre janvier 1995 et mai 2006. Ils ont été répartis en deux groupes : ceux remplissant les critères classiques de MK (quatre ou cinq critères avec une fièvre) (MKC) et ceux ne les remplissant pas (MKI). Le recueil de données a porté sur leurs caractéristiques cliniques et biologiques. Résultats. – Soixante-trois patients, âgés de 33 mois (± 31), sex-ratio (H/F : 2,47) ont été étudiés. Trente-neuf avaient une MKC et 20 une MKI (quatre ont été exclus). Les MKC présentaient significativement plus de modifications des extrémités, de conjonctivites, d’énanthèmes et d’exanthèmes, mais significativement moins de dilatations coronaires (48,7 %) que les patients avec une MKI (dilatations coronaires chez 90 % de ces derniers) (p = 0,002). Les MKC avaient des taux d’alanine aminotrasferare (ALAT) et de gamma-GT significativement plus élevés. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant l’âge, le sexe, la NFS et le syndrome inflammatoire. Une leucocyturie a été notée chez 45,4 % des MKC et 30,8 % des MKI (p = 0,17) et une uvéite chez deux des 14 patients examinés à ce sujet (2 MKC). Conclusion. – Les MKI peuvent, comme les MKC, présenter des atteintes coronariennes. Le diagnostic de MKI est difficile, mais peut être renforcé par la conjonction d’autres signes que les critères classiques comme, par exemple, la présence d’une uvéite antérieure aiguë ou d’une leucocyturie inexpliquée. © 2009 Publi´e par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie. Mots clés : Maladie de Kawasaki ; Formes incomplètes ; Anévrismes coronaires Keywords: Kawasaki disease; Incomplete forms; Coronary aneurysm
1. Introduction 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi: 10.1016/j.rhum.2008.11.018). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. Koné-Paut). URL: http://asso.orpha.net/CEREMAI/ (I. Koné-Paut).
La maladie de Kawasaki (MK) est une vascularite aiguë d’étiologie inconnue atteignant avec prédilection les enfants et surtout les nourrissons. Les complications et la mortalité liées à cette affection sont principalement dues à l’atteinte cardiaque survenant sous la forme de dilatations ou d’anévrismes
1169-8330/$ – see front matter © 2009 Publi´e par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie. doi:10.1016/j.rhum.2008.11.018
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des artères coronaires. L’administration d’immunoglobulines humaines (Ig humaines) à la dose de 2 g/kg en une seule perfusion constitue à l’heure actuelle le traitement reconnu de la maladie [1]. Il n’existe pour l’instant aucun marqueur biologique spécifique de la MK. Le diagnostic repose uniquement sur des critères cliniques. Ces critères comprennent l’existence d’une fièvre persistante depuis au moins cinq jours et la présence d’au moins quatre signes cliniques sur les cinq suivants : modifications des extrémités/exanthème/hyperhémie conjonctivale/modifications des lèvres et de la cavité buccale/adénopathie(s) cervicale(s), de taille supérieure ou égale à 1,5 cm de diamètre [1]. Les difficultés attenantes à cette définition sont liées à l’existence même de patients ne regroupant pas tous les critères et présentant des anomalies coronariennes (maladie de Kawasaki incomplète [MKI]). Ces formes incomplètes sont le sujet d’un nombre croissant d’articles scientifiques, mais une définition claire et précise de ces cas potentiellement à risque manque encore à l’heure actuelle [1–8]. La prise de décision diagnostique et thérapeutique reste difficile pour le clinicien. Le premier but de cette étude était de comparer les caractéristiques cliniques et biologiques des MK dite complètes (MKC) et des MKI ainsi que la fréquence des anomalies coronariennes évaluées par échographie dans ses deux présentations de MK ; le second but était de mettre en évidence des signes cliniques non listés parmi les critères classiques, mais qui pourraient venir renforcer une suspicion de MK. 2. Méthodes Nous avons étudié de manière rétrospective les dossiers médicaux des patients diagnostiqués comme atteints de MK dans le service de pédiatrie générale du centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre, de janvier 1995 à mai 2006. Soixante-trois dossiers ont été exploités et partagés en deux groupes. Les MKC ont été définies par la présence de quatre critères cliniques sur cinq au minimum et d’une fièvre[1]. Les MKI ont été définies par l’existence de cinq jours de fièvre et la présence de un à trois critères cliniques. Quatre patients de ce groupe ayant été traités à quatre jours de fièvre ont également été inclus, car une anomalie coronarienne était présente lors de l’échographie cardiaque. Quatre patients ont été exclus du groupe des incomplets, car ils ne remplissaient pas les critères établis. Le premier jour de fièvre était considéré comme j1. Les anomalies coronariennes ont été définies après étude détaillée des échographies cardiaques réalisées. Sous cette dénomination ont été regroupés les dilatations
coronariennes, les anévrismes et les hyperéchogénicités coronaires. La plupart des examens dans notre étude ont été réalisés par le même praticien qui considérait les coronaires comme dilatées si elles mesuraient plus de 2 mm chez les enfants de moins de deux ans et de 2,5 mm chez les plus de deux ans. Certains échographistes utilisaient les critères du ministère japonais de la Santé ; les méthodes de mesure n’ont toutefois pu être déterminées pour tous les examens réalisés [1]. Le délai entre le traitement par immunoglobulines polyvalentes et les échographies cardiaques n’a également pas été pris en compte. Certains patients étaient adressés par d’autres centres hospitaliers pour résistance aux immunoglobulines. Il n’a pas été possible dans cette étude de déterminer avec précision le devenir cardiaque des enfants à plus long terme. Les données biologiques étudiées à l’entrée et au cours de l’évolution de la maladie sont : les numérations formule sanguine (NFS), les taux de réticulocytes et de plaquettes, la vitesse de sédimentation (VS), la protéine C réactive (CRP), le fibrinogène, le bilan hépatique, la natrémie et la fonction rénale. L’existence d’une leucocyturie à l’entrée a été prise en compte. Les tests de Student et du Chi2 ont été utilisés pour l’analyse statistique ainsi que des tests non paramétriques en cas d’effectif faible. Les p < 0,05 ont été considérés comme significatifs. 3. Résultats Cinquante-neuf patients ont été étudiés (39 MKC et 20 MKI). Aucune différence significative entre MKC et MKI n’a été mise en évidence concernant l’âge, le sexe ou la durée d’hospitalisation. L’âge moyen de survenue de la maladie se situait aux environs de 33 mois (minimum : deux mois, maximum : 169 mois, médiane 21 mois) et 25,4 % des enfants avaient un âge inférieur ou égal à un an (30 % des MKI et 23 % des MKC, p = 0,79). Le sex-ratio était en faveur des garc¸ons dans les deux groupes (2,47). Les MK étaient plus fréquemment diagnostiquées en hiver et au printemps. La fièvre durait en moyenne depuis plus de cinq jours à l’administration des immunoglobulines polyvalentes. Ces dernières étaient prescrites à j8 de fièvre en moyenne chez les MKI et à j6 chez les MKC sans que l’on puisse mettre en évidence de différence significative (p = 0,07). Les MKC présentaient significativement plus de modifications des extrémités, de conjonctivites, d’exanthèmes et d’énanthèmes tandis que les adénopathies semblent être un critère clinique aussi fréquent chez les MKI que chez les MKC (Tableau 1). Les MKI présentaient significativement plus d’anomalies coronariennes que les MKC (90 % contre 48,7 % respectivement
Tableau 1 Comparaison des critères cliniques classiques (nombre de patients et pourcentage par rapport au groupe). Critères classiques Modifications des extrémités Exanthème Conjonctivite Énanthème Adénopathies
Effectif total (%) 44 50 49 52 21
(74,6) (84,7) (83,0) (88,1) (35,6)
MKC (%) 38 37 36 39 15
MKI : maladie de Kawasaki incomplète ; MKC : maladie de Kawasaki complète. * Les résultats significatifs p < 0,05 ; ** p < 0,0001 ; *** p < 0,01 ; **** p < 0,05 ; ***** p < 0,001.
MKI (%) (97,4) (94,9) (92,3) (100,0) (38,5)
6** 13*** 13**** 13***** 6
p (30,0) (65,0) (65,0) (65,0) (30,0)
< 0,0001* 0,005* 0,02* 0,0002* 0,52
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Tableau 2 NFS à l’entrée (moyennes et écart-types). NFS à l’entrée Érythrocytes Hb VGM Réticulocytes Leucocytes Plaquettes
1012 g/dl fl (%) /mm3 /mm3
Effectif total
MKC
MKI
p
4,2 (± 0,5) 10,8 (± 1,1) 77,2 (± 4,6) 1,4 (± 1,1) 14 649,1 (± 5738) 432 105,3 (± 172 747)
4,2 (± 0,5) 10,8 (± 1,0) 77,3 (± 5,1) 1,7 (± 1,3) 14 979 (± 5954) 453 216 (± 185 655)
4,2 (± 0,5) 10,7 (± 1,3) 77 (± 3,6) 1,1 (± 0,7) 14 022 (± 5396) 393 050 (± 142 035)
1 0,6 0,82 0,11 0,55 0,21
Hb : hémoglobine ; VGM : volume globulaire moyen ; MKI : maladie de Kawasaki incomplète ; MKC : maladie de Kawasaki complète ; NFS : numérations formule sanguine.
[p = 0,002]). Un épanchement péricardique était mis en évidence chez 77 % des MKI contre 68 % des MKC sans qu’il existe de différence significative (p = 0,49) (Fig. 1). Soixante et onze pour cent des patients prés entaient une altération de l’état général à l’entrée. Il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes concernant les manifestations atypiques de la MK. Les plus fréquemment retrouvées étaient les manifestations digestives (49,1 %) qui se manifestaient par des vomissements (28,9 %), des diarrhées (18,6 %), des douleurs abdominales (15,2 %), des organomégalies (13,6 %) ou encore des ictères cliniques (3,4 %). Un patient s’est présenté avec un tableau d’abdomen chirurgical. Un hydrocholécyste était retrouvé à l’échographie abdominale dans 5,7 % des cas quand celle-ci était pratiquée. Des manifestations ORL (angine, otite, rhinorrhée) étaient notées dans 34 % des cas. Les manifestations pulmonaires (foyer pulmonaire, épanchement, syndrome bronchique) étaient retrouvées dans 27,1 % des cas. Les manifestations articulaires étaient mises en évidence dans 20,3 % des cas (10 % des MKI et 26 % des MKC (p = 0,19), se présentant comme des refus de la marche ou des arthralgies invalidantes sans arthrite vraie. Les manifestations neuroméningées étaient peu fréquentes dans cette étude (10,2 %). Seule une méningite a été mise en évidence. Deux uvéites antérieures aiguës ont été observées sur 14 examens ophtalmologiques réalisés (chez des patients présentant une MKC). Sur le plan biologique, il n’existait pas de différence significative entre les numérations d’entrée des MKI et des MKC (Tableau 2). Une anémie était retrouvée dans 82,7 % des cas. Cette anémie était plutôt microcytaire non régénérative en faveur d’une anémie inflammatoire. Les taux de leucocytes à l’entrée était de 14022 ± 5396/mm3 pour les MKI et 14979 ± 5954/mm3
pour les MKC (p = 0,55). Des lymphocytes activés étaient retrouvés dans 20 % des cas. Les taux de plaquettes n’étaient pas élevés à l’admission (432105 ± 172747/mm3 ). Ils augmentaient au cours de l’évolution pour atteindre 700 000/mm3 environ ; le taux maximal étant obtenu en moyenne vers le 14e jour de fièvre. Les valeurs de la CRP (124 ± 96,4 mg/l) et la VS (73,6 ± 35,2) étaient élevées à l’entrée. Il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes de malades. Ces taux avaient tendance à augmenter au cours de l’évolution de la maladie (Fig. 2). Le taux moyen de fibrinogène à l’entrée était de 5,6 g/l. Les natrémies étaient pratiquement identiques dans les deux groupes. Seize patients présentaient une hyponatrémie dont 6 MKI (p = 1). La fonction rénale des deux groupes était comparable. Les taux d’alanine aminotrasferare (ALAT) et de gamma-GT étaient significativement plus élevés chez les MKC ce qui n’était pas retrouvé pour les autres marqueurs biologiques hépatiques (Tableau 3). Quarante pour cent des cas étudiés présentaient une leucocyturie à la bandelette urinaire et/ou à l’examen cytobactériologique urinaire d’entrée dont 30,8 % des MKI. Une infection sous-jacente active au moment de l’évolution de la MK a été suspectée chez huit patients (4 MKC et 4 MKI). Il faut, toutefois, préciser que la possibilité d’une infection nosocomiale n’a pu être écartée. Les agents infectieux en cause étaient le mycoplasme (trois cas), l’adénovirus (un cas), le rotavirus (un cas), le coxsackie B4 (deux cas) et le Candida (un cas). Quatre présentaient une atteinte coronarienne. Tous les patients sauf un ont rec¸u au moins une cure d’immunoglobulines polyvalentes à la posologie de 2 g/kg. Dix pour cent des patients ont nécessité une seconde cure (10,3 % des MKC et 10 % des MKI p = 1). Quatre patients ont
Fig. 1. Atteintes cardiaques (en pourcentage) : anomalies coronariennes et épanchements péricardiques. Les résultats significatifs (p < 0,05) sont indiqués par * .
Fig. 2. Taux de protéine C réactive (CRP) (mg/l) et vitesse de sédimentation (VS) (mm) à l’entrée et taux maximum atteints au cours de l’évolution de la maladie.
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Tableau 3 Paramètres biochimiques des patients à l’entrée selon leur groupe.
Natrémie (mmol/l) Urée (mmol/l) Créatinine (mol/l) ASAT (UI/l) ALAT (UI/l) Gamma-GT (UI/l) Palc (UI/l) Bilirubine totale (mmol/l) Bilirubine conjuguée (mmol/l) Leucocyturie (%)
Effectif total
MKC
MKI
p
135,9 (± 4,2) 3,4 (± 1,3) 33,4 (± 13,2) 58,3 (± 77,9) 80,9 (± 101,9) 63,5 (± 68,2) 215,4 (± 68,9) 13,1 (± 19,2) 5,2 (± 12,5) 40
135,6 (± 3,4) 3,4 (± 1,4) 35,5 (± 13,9) 67,1 (± 91,1) 98,5 (± 112) 75,9 (± 74,6) 217,8 (± 61,1) 15,8 (± 22,2) 6,9 (± 14,7) 45,4
136,5 (± 5,6) 3,2 (± 1,0) 29,2 (± 10,9) 37,6 (± 21,8) 38,3 (± 55,2)** 31,2 (± 31,8)** 209,3 (± 89) 6,5 (± 4,8) 1,1 (± 2,6) 30,8
0,58 0,59 0,17 0,12 0,03* 0,02* 0,75 0,07 0,08 0,17
MKI : maladie de Kawasaki incomplète ; MKC : maladie de Kawasaki complète ; ASAT : aspartate aminotransferare. ** p < 0,05.
rec¸u une corticothérapie dont 1 MKI (p = 1). Tous ont été traités par aspirine. Une apyrexie rapide a été constatée chez 83 % des patients de cette étude sans différence significative entre les deux groupes (p = 0,48). Trois cytolyses hépatiques probablement postaspirine ont été mises en évidence et ont nécessité un arrêt de traitement. 4. Discussion Au vu des difficultés liées au diagnostic, la fréquence réelle des MKI par rapport à l’ensemble des MK n’est pas précisément connue. Elle varie de 15 à environ 76 % des cas selon l’âge des enfants, les formes incomplètes semblant plus fréquente chez les moins de six mois (Tableau 4). Les auteurs n’utilisent pas tous les mêmes critères d’inclusion ce qui peut fausser l’interprétation des données des différentes études [4,7]. Les MKI, dans notre étude, présentaient significativement plus d’anomalies coronariennes que les MKC (90 % et 48,7 %, p = 0,002). Différentes explications peuvent être apportées. L’échographie cardiaque est souvent réalisée à but diagnostique chez les MKI, avant l’administration des Ig humaines. Ce biais de recrutement entraîne une sous-estimation du nombre de MKI sans atteinte coronarienne. Les cardiologues n’utilisent pas tous les mêmes références pour mesurer la taille des coronaires en échographie et celui qui a effectué la plupart des échographies de notre étude utilisait des critères assez larges. Les plus fréquemment utilisées sont les critères du ministère de la Santé japonais, mais plus récemment l’utilisation des Z scores, établis en fonction Tableau 4 Fréquence des MKI par rapport à l’ensemble des MK dans la littérature. Références
Nombre de patients
Pourcentage de MKI (%)
Barone et al. [3] Hsieh et al. [4] Witt et al. [5] Falcini et al. [6] Chuang et al. [7] Chang et al. [2]
36 132 127 250 25 enfants < 3 mois 20 enfants < 6 mois 100 enfants > 6 mois 15 857 59
36,1 15 36,2 16,4 76 35 12 16,1 33,9
Sonobe et al. [8] Notre étude
MKI : maladie de Kawasaki incomplète ; MKC : maladie de Kawasaki complète.
de la surface corporelle, a été conseillée. [1,9]. De plus, certains patients ont été vus dans un service de référence après échec d’un traitement par immunoglobulines et peuvent donc être considérés comme des cas plus sévères. Dans la littérature, les taux d’atteintes coronariennes retrouvés sont variables et moins importants que les nôtres. Il faut néanmoins noter que dans notre étude et dans celles de Witt et al. et de Sonobe et al. publiées en 1999 et en 2007, les MKI présentent significativement plus d’atteintes coronariennes que les MKC (Tableau 5) [5,8]. Cette différence ne semble pas pouvoir être attribuée à la présence d’un syndrome inflammatoire plus important. Elle prouve néanmoins que les MKI ne sont pas assimilables à une forme précoce et plus bénigne de MK. Des modifications des taux des transaminases sont souvent mises en évidence au cours de la MK et seraient retrouvées dans environ 20 % des cas quand elles sont recherchées de manière prospective [10]. Il semble exister au cours de la MK, une atteinte de l’arbre biliaire intrahépatique à type de cholangite et de nécrose de l’épithélium biliaire sans atteinte lobulaire [11]. L’existence des hydrocholécystes est en faveur d’une atteinte de l’arbre biliaire extrahépatique associée [1]. Les anomalies hépatiques observées dans notre étude portent essentiellement sur les ALAT et les gamma-GT. Un autre travail publié en 1998 retrouve 67 % d’élévation des gamma-GT chez les MK, taux significativement plus élevés en comparaison avec un groupe de patients présentant des fièvres d’autres étiologies [12]. La hausse des taux d’ALAT pourrait être en rapport avec une augmentation du risque d’atteinte coronarienne [13]. Cette étude n’a pas permis de mettre en évidence d’autre différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les autres paramètres cliniques, biologiques ou thérapeutiques ce qui est en faveur d’un continuum entre MKI et Tableau 5 Atteintes coronariennes chez les MKC et les MKI dans la littérature. Atteintes coronariennes
Hsieh et al. [4]
Witt et al. [5]
Sonobe et al. [8]
Notre étude
MKC (%) MKI (%)
35,7 25
7 20a
14,2 18,4b
48,7 90a
MKI : maladie de Kawasaki incomplète ; MKC : maladie de Kawasaki complète. a Résultat significatif. b Pas de renseignement sur la significativité.
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MKC. Les critères classiques utilisés restent en partie subjectifs et il n’existe pas à l’heure actuelle de marqueur biologique spécifique. Certains signes cliniques, bien que ne faisant pas partie des critères du diagnostic doivent inciter à évoquer la possibilité d’une MK. Ce sont notamment les troubles du comportement avec une irritabilité importante ainsi que l’existence d’un érythème au niveau de la cicatrice du bacille Calmette et Guerin (BCG) [1]. Nous avons pu vérifier dans cette étude rétrospective, la présence d’autres manifestations atypiques, plus ou moins bien décrites dans la littérature, qui se révèlent fréquentes au cours de la MK. Elles sont pour la plupart déjà prises en considération dans les recommandations publiées dans Pediatrics en 2004 [1]. Quarante pour cent des patients de cette étude présentaient une leucocyturie significative, ce qui correspond aux données de la littérature (13 à 45,3 %) [10,14,15]. Trois publications mettant en évidence l’importance de cette leucocyturie sont à considérer. Dans une étude prospective récente menée par Watanabe et al., les patients présentant une leucocyturie sur les examens d’urines à l’admission ont eu systématiquement un prélèvement de contrôle par sondage : • 43,5 % des patients de cette étude présentaient une pyurie sur les examens d’urine classique ; • les prélèvements par sondage étaient négatifs dans la moitié des cas. L’origine de cette manifestation pourrait donc être soit une atteinte rénale liée à l’existence d’une néphrite tubulointerstitielle, atteinte rénale décrite au cours de la MK soit à une inflammation urétrale [15,16]. Wang et al. retrouvent à la scintigraphie, 52 % de foyers inflammatoires focaux au niveau rénal au cours de la phase aiguë chez les patients atteints de MK [17]. Une autre étude, menée par Barone et al. en 2000 montre que cette pyurie aseptique peut permettre de différencier la MK d’une infection à adénovirus. En effet, aucun patient infecté par ce virus dans le groupe étudié ne présentait de leucocyturie à l’examen urinaire [3]. La leucocyturie semble donc pouvoir être considérée comme une caractéristique assez spécifique de la MK. Une uvéite antérieure aiguë (UAA), assez spécifique, peut être mise en évidence au cours de l’évolution de la MK. Au sein de notre série, deux patients ont présenté une UAA sans conséquences, mais peu d’examens ophtalmologiques ont été réalisés (14/59). La fréquence de l’UAA au cours de la MK est mal connue et reste très variable dans la littérature [10,18]. Le fait que cette manifestation ne soit généralement pas douloureuse, ni accompagnée de photophobie ou de baisse de l’acuité visuelle induit une sous-estimation du nombre de cas. Un bon examen oculaire peut permettre de différencier la MK d’autres affections qui ont une présentation clinique proche, mais sans uvéite (streptococcies et certaines infections virales). L’adénovirus, en particulier, est très pourvoyeur de tableaux similaires à la MK, mais se manifeste par une atteinte oculaire qui lui est spécifique à type de kératite ponctuée [3,19]. Barone et al. ont publié en 2000, les résultats d’une étude rétrospective sur 43 enfants visant à comparer l’infection adénovirale et la MK (MKC et MKI). Ils ont retrouvé trois enfants qui remplissaient totalement les critères cliniques classiques de la MK et quatre partiellement [3]. Il
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paraît donc utile en cas de suspicion de MK, de recommander la recherche systématique d’adénovirus par immunofluorescence nasale ; examen simple et non invasif. Un résultat positif peut être considéré comme un facteur prédictif négatif de MK. Une hyponatrémie décrite dans la MK a été retrouvée chez 16 de nos patients (soit 27 % de l’effectif total) dont 6 MKI sans qu’il existe de différence significative à ce sujet entre MKI et MKC. La fréquence de cette anomalie est évaluée à 44,7 % à l’admission du malade, dans une étude rétrospective publiée en 2006. Les patients présentant ce trouble électrolytique, présentaient significativement plus de lésions coronariennes. Il pourrait être dû à un SIADH secondaire à une vascularite cérébrale induite par la MK, à une déshydratation, à une néphrite interstitielle ou une dysfonction tubulaire [14]. Des arthrites sont retrouvées dans 7,5 % des cas dans la littérature. Cette atteinte est polyarticulaire ou oligo-articulaire et touche plutôt les grosses articulations sans épargner les petites. Il ne semble pas exister d’association positive avec la survenue d’anévrismes coronaires, mais ces atteintes peuvent égarer le diagnostic surtout en cas de MKI [20]. En conclusion, la définition classique de la MK conduit à une sous estimation du nombre de cas alors que cette pathologie est à l’origine d’une atteinte coronarienne grave et qu’un traitement efficace est disponible actuellement. Les critères classiques doivent donc être révisés et élargis pour repérer le plus de malades possibles et leur faire bénéficier d’une échographie cardiaque, en attendant la découverte d’un marqueur biologique spécifique. Plusieurs signes cliniques peuvent mettre la puce à l’oreille en cas de présentation incomplète : présence d’une UAA, d’une leucocyturie, d’une hyponatrémie ou d’une perturbation du bilan hépatique. Des études prospectives testant la valeur prédictive positive de ces signes et leur spécificité pourrait être le prélude à l’établissement de critères diagnostiques plus performants. 5. Conflits d’intérêts Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt. Références [1] Newburger JW, Takahashi M, Gerber MA, et al. Committee on Rheumatic Fever, Endocarditis, and Kawasaki Disease, Council on Cardiovascular Disease in the Young, American Heart Association. Diagnosis, treatment, and long-term management of Kawasaki disease: a statement for health professionals from the Committee on Rheumatic Fever, Endocarditis, and Kawasaki Disease, Council on Cardiovascular Disease in the Young. Am Heart Assoc Pediatr 2004;114:1708–33. [2] Chang FY, Hwang B, Chen SJ, et al. Characteristics of Kawasaki disease in infants younger than six months of age. Pediatr Infect Dis J 2006;25:241–4. [3] Barone SR, Pontrelli LR, Krilov LR. The differentiation of classic Kawasaki disease, atypical Kawasaki disease, and acute adenoviral infection: use of clinical features and a rapid direct fluorescent antigen test. Arch Pediatr Adolesc Med 2000;154:453–6. [4] Hsieh YC, Wu MH, Wang JK, et al. Clinical features of atypical Kawasaki disease. J Microbiol Immunol Infect 2002;35:57–60. [5] Witt MT, Minich LL, Bohnsack JF, et al. Kawasaki disease: more patients are being diagnosed who do not meet American Heart Association criteria. Pediatrics 1999;104:e10.
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