Analyse de la litterature

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La Revue de médecine interne 29 (2008) 71–75

Littérature commentée

Analyse de la littérature B. Granel Service de médecine interne, hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13326 Marseille cedex 20, France Disponible sur Internet le 20 novembre 2007

Maladies auto-immunes induites par les anti-TNF␣. Analyse de 233 cas Ramos-Casals M., Brito-Zeron P., Munoz S., Soria N., Galiana D., Bertolaccini L. et al. Autoimmune diseases induced by TNF-targeted therapies. Analyses of 233 cases Medicine 2007; 86(4):242–51. Les anti-TNF␣ (Infliximab, Etanercept et Adalimumab) ont été approuvés par les agences internationales des médicaments dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR), de la spondylarthrite ankylosante et de la maladie de Crohn. Avec maintenant plus d’un million de patients traités par anti-TNF␣ et un recul plus long sur l’utilisation de ces médicaments, apparaît une augmentation des effets secondaires avec, notamment une augmentation du risque infectieux, du risque de cancer en particulier de lymphomes, de pathologies démyélinisantes et de maladies cardiovasculaires, ne remettant cependant pas en cause la tolérance et la sûreté d’utilisation de ces médicaments. Plus récemment le développement de pathologies auto-immunes a été décrit après l’utilisation d’anti-TNF␣. Les auteurs ont conduit une étude visant à analyser les patients ayant développé une pathologie auto-immune sous anti-TNF␣. En 2006, le groupe d’étude des maladies auto-immunes de la société espagnole de médecine interne a mis en place une étude multicentrique (BIOGEAS) dévolue à la collection des données sur l’utilisation des agents biologiques chez les patients adultes avec maladie auto-immune et créé un registre de ces patients. Les sources sont : les cas décrits par les médecins espagnols et une surveillance trimestrielle des cas rapportés dans Medline. Un objectif supplémentaire de cette étude est de collecter les données sur les maladies systémiques auto-immunes secondaires à l’utilisation d’agents biologiques. Les articles publiés entre janvier 1990 et décembre 2006 dans 0248-8663/$ – see front matter doi:10.1016/j.revmed.2007.10.411

Medline ont été revus sur la base d’une recherche par mot-clé, complétée par une recherche manuelle selon les références trouvées. Deux cent trente-trois cas de maladies auto-immunes secondaires à l’utilisation d’anti-TNF␣ ont été rapportés dont 226 publiés dans la revue de la littérature. Les anti-TNF␣ avaient été administrés 187 fois (83 %) pour une PR, 17 pour une maladie de Crohn, sept pour une spondylarthrite ankylosante, 14 pour d’autres pathologies. Il s’agissait d’Infliximab (n = 105), d’Etanercept (n = 96), d’Adalimumab (n = 21) et d’autres antiTNF␣ dans trois cas. Les maladies auto-immunes survenues ont été cataloguées en trois groupes : les vascularites (113 cas), les lupus (92 cas), les pathologies pulmonaires interstitielles (24 cas) et les autres maladies auto-immunes (quatre cas).

1.1. Vascularites Cent treize patients ont développé une vascularite en moyenne 38 semaines après le traitement. Quatre-vingt-sept pour cent d’entre eux avaient une atteinte cutanée. L’étude histologique retrouvait une vascularite leucocytoclasique (63 %), nécrosante (17 %) et lymphocytique (6 %). On note la présence dans 27 cas d’anticorps antinucléaire (FAN), dans dix d’ANCA, dans cinq cas d’une cryoglobulinémie, dans quatre d’anti-DNA natifs, dans trois d’antiphospholipides et dans un d’anti-SSA (Ro). Les anti-TNF␣ ont été arrêtés dans 89 % des cas. Les patients ont été traités par corticoïdes (28 cas) et immunosuppresseurs (70 cas) ; sur les 100 cas où l’évolution est connue, 67 ont guéri, 25 ont eu une rémission partielle et huit n’ont pas eu de rémission ; deux sont décédés, l’un d’une PAN, l’autre d’une glomérulonéphrite rapidement évolutive ANCA+. Quatre-vingt-douze patients ont développé un lupus en moyenne 41 semaines après le traitement.

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Dix-huit patients satisfaisaient à un ou deux critères de l’ACR, 17 patients à trois, 37 patients à quatre. Le traitement par anti-TNF␣ a été interrompu dans 94 % des cas (72/77) ; les patients ont rec¸u des corticoïdes dans 40 % des cas et des immunosuppresseurs dans 12 % des cas. Tous se sont améliorés sauf un, mais aucun patient n’est décédé.

1.2. Pathologies pulmonaires interstitielles Vingt-quatre patients ont développé des maladies interstitielles pulmonaires (18 pneumopathies interstitielles ; trois sarcoïdoses, deux hémorragies intra-alvéolaires, une BOOP) en moyenne après 42 semaines de traitement par anti-TNF␣ qui a été arrêté dans tous les cas. Quinze patients ont rec¸u des corticoïdes, quatre des immunosuppresseurs. Dans les 19 cas où l’évolution est connue : neuf patients se sont améliorés, dix non, six sont décédés (quatre avaient un diagnostic antérieur de pneumopathie interstitielle). 1.3. Autres pathologies immunologies Deux patients ont développé une myopathie inflammatoire et deux un syndrome des antiphospholipides. L’induction d’auto-anticorps après PR traitée par anti-TNF␣ a été documentée par Eriksson rapportant une prévalence de FAN (au-delà du 1/100) de 24 % au début, 77 % après 30 semaines et 69 % après 54 semaines de traitement dans une série de 53 patients ; dans une autre série de 156 PR traitées par Infliximab, 14 % développaient des Ac anti-DNA natifs. Dans l’étude présente, la présence de certains critères de lupus est élevée (79 % de FAN, 72 % d’anti-DNA, 67 % de lésions cutanées, 31 % d’arthrite), alors que d’autres critères sont moins fréquents (anti-Sm, ulcération orale, atteinte cérébrale ou rénale). Les lupus post anti-TNF␣ rapportés sont caractérisés par des signes généraux, une atteinte cutanée et articulaire, suggérant un lupus induit médicamenteux. Dans certains cas, il existait des « traits » lupiques avant mise en route du traitement ; l’agent biologique peut avoir exacerbé un lupus sous-jacent plus que déclenché ou induit un LED. Parmi les 113 patients ayant développé une vascularite, le type le plus fréquent était une vascularite leucocytoclasique ou angéite leucocytoclasique pour lesquelles on sait qu’une étiologie médicamenteuse est rapportée dans 10 à 24 % des cas. Seuls quatre patients ont développé une vascularite systémique. Le développement d’une vascularite cutanée limitée bénigne dans certains cas et d’une vascularite systémique dans d’autre pourrait être lié à une susceptibilité individuelle. Plusieurs facteurs supportent un rôle étiologique de l’anti-TNF dans le déclenchement d’une vascularite : le développement de la vascularite était associé temporellement à l’initiation du traitement ; chez certains patients, les lésions cutanées ont démarré au site d’injection pour s’étendre ensuite à d’autres parties du corps ; les lésions cutanées ont été résolutives dans 90 % des cas après que les patients

aient stoppé les injections ; la réapparition du phénomène était observée dans 75 % des cas de réintroduction de l’antiTNF. Dans les 24 cas de maladies pulmonaires interstitielles analysées, le pronostic a été mauvais (un tiers des patients de décès) malgré l’arrêt du traitement ; dans 50 % des cas les patients étaient traités de manière concomitante par MTX qui est associé au développement d’alvéolite ou de fibrose pulmonaire. Ce mauvais pronostic contraste avec l’évolution bénigne de la majorité des cas de lupus et de vascularite associée à l’utilisation d’anti-TNF. Les données du registre de la société britannique qui collecte de manière prospective les données de tous les patients du royaume uni avec PR recevant des anti-TNF, révèlent qu’après traitement par anti-TNF␣, les patients avec une maladie pulmonaire préexistante (n = 184) ont un taux de mortalité de 90/1000 personne/année de suivi, contre 14/1000 personne/année de suivi pour les patients sans maladie pulmonaire sous jacente (n = 6061) (augmentation du taux de mortalité de 6,4 en cas de maladie pulmonaire sous jacente). L’étude présente (descriptive) ne nous permet pas d’affirmer une association directe entre l’utilisation des anti-TNF et l’apparition de ces maladies auto-immunes. Une évaluation clinique et immunologique est nécessaire avant début des anti-TNF afin d’essayer de faire la part des choses entre les anomalies présentes de manière concomitante de la PR et celles apparaissants sous traitement ; une radiographie pulmonaire doit être réalisée avant traitement par anti-TNF compte tenu du mauvais pronostic des maladies pulmonaires apparaissant sous traitement et du risque majoré de mortalité en cas de pathologie pulmonaire sous-jacente. Une étude prospective large utilisant des patients traités par traitement conventionnel comme contrôle est requise pour évaluer le risque de développer une maladie auto-immune chez les patients recevant des antiTNF. L. Le Page Thrombopénies auto-immunes induites par les médicaments (TIM) Aster D.-W., Bougie R.-H. Drug-induced immune thrombocytopenia N Engl J Med 2007;357:580–7 L’objectif de cette revue était l’étude des médicaments à l’origine d’une thrombopénie auto-immune, à l’exclusion des thrombopénies induites par les chimiothérapies immunosuppressives et par l’héparine. Les thrombopénies auto-immunes induites par les médicaments (TIM) affectent les deux sexes, elles surviennent le plus souvent après cinq à dix jours d’exposition (sept en moyenne) ou après une prise intermittente sur une longue période. Par-

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fois la thrombopénie survient après un délai d’exposition bien plus court (quelques heures), notamment avec les inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire comme l’abciximab probablement du fait d’anticorps (Ac) préexistants. Des manifestations systémiques d’hypersensibilité précèdent parfois la thrombopénie. Il n’y a pas de caractéristiques cliniques qui orientent le diagnostic. Les TIM sévères (inférieures à 20 000 par millimètre cube) s’associent à un syndrome hémorragique muqueux. Après l’arrêt du médicament, la thrombopénie se corrige environ en sept jours. Pour des raisons encore imprécises, les TIM s’associent occasionnellement à une coagulation intravasculaire disséminée et une insuffisance rénale et d’autres signes en faveur d’une micro-angiopathie thrombotique. 1.4. L’incidence des TIM Elle est mal définie. D’après les études épidémiologiques, leur incidence est au minimum de dix cas par million de patients exposés par an. Cette incidence est probablement plus élevée parmi les patients hospitalisés et âgés. 1.5. Les médicaments à l’origine d’une thrombopénie auto-immune Ils sont très nombreux et leur liste ne peut être exhaustive, la preuve de l’origine médicamenteuse est parfois difficile à faire car les Ac sont inconstamment mis en évidence. Néanmoins, certains médicaments sont fréquemment à l’origine de thrombopénies auto-immunes peu graves (supérieure s à 50 000 plaquettes par millimètre cube) (amrinone, valproate de sodium, linézolide) ou graves (inférieurs à 50 000 plaquettes par millimètre cube) (purpura thrombotique thrombocytopénique lié à la ticlopidine et plus rarement au clopidogrel). La présence d’Ac n’est pas indispensable au diagnostic. Dans d’autres cas, devant le grand nombre de causes potentielles de thrombopénies, le médicament est négligé (patient en réanimation traité par vancomycine ou linézolide, admis pour polytraumatisme présentant un sepsis). Les nouveaux traitements par Ac monoclonaux sont également à l’origine de thrombopénies auto-immunes. Par ailleurs, les herbes médicinales ou certains aliments ou boissons (apéritif ou eau tonique à base de quinine) peuvent favoriser des thrombopénies. 1.6. Certains mécanismes pathogènes des TIM Ils sont connus (Ac induit par la présence du médicament réagissant avec la membrane plaquettaire ou ses glycoprotéines, interaction Ac–plaquettes dépendante ou non de la présence du médicament). Dans certains cas, le délai d’apparition de la TIM est très court (quelques heures) car la présence d’Ac antiplaquettes à faible taux en l’absence du médicament, augmente brutalement et atteint le seuil pathogène en présence du médicament (abciximab). Dans d’autres cas, la présence de médicament induit un changement de conformation des protéines de la membrane plaquettaire à l’origine d’une cible hautement affine pour les Ac. Parfois, le médicament

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induit la création d’Ac antiplaquettes qui évolueront indépendamment de la prise du médicament (sels d’or, certains vaccins). Devant toute thrombopénie, la recherche d’une cause médicamenteuse devrait être systématique. Le plus souvent le délai entre l’exposition au médicament et la thrombopénie, sa sévérité (inférieurs à 20 000 par millimètre cube) sont des arguments pour une TIM. Une histoire récente de thrombopénie aiguë et transitoire est également un argument pour rechercher une prise intermittente de médicaments, notamment vaccins, médicaments par automédication, herbes médicinales. Certains médicaments induisent des anticorps antiplaquettes (hypersensibilité à la quinine, la quinidine, les sulfonamides), dont la mise en évidence est parfois difficile. L’absence d’Ac antiplaquettes ne doit pas exclure la cause médicamenteuse. Dans certains cas, la réintroduction accidentelle ou volontaire du médicament a conduit à des TIM dont certaines à l’origine d’hémorragies graves. Le traitement des TIM Il se résume souvent à l’arrêt du ou des médicaments suspects et d’une surveillance clinique et biologique. Les complications hémorragiques graves sont exceptionnelles (hémorragie alvéolaire, gastro-intestinale) et nécessitent des transfusions plaquettaires. Certains auteurs ont proposé une corticothérapie en présence d’Ac antiplaquettes sans qu’aucune étude n’ait démontré leur efficacité. Dans d’autres cas, des échanges plasmatiques ou un traitement par immunoglobulines polyvalentes ont été prescrits mais le bénéfice de ces traitements est incertain. La contre-indication du médicament à l’origine de la TIM est définitive. M. Grenouillet-Delacre Idraparinux versus traitement standard dans la maladie thromboembolique veineuse The Van Gogh investigators Idraparinux versus standard therapy for venous thromboembolic disease N Engl J Med 2007;357:1094–104 Les auteurs rapportent dans cet article les résultats de deux études ouvertes randomisées comparant un pentasacharride synthétique (idraparinux) en une injection par semaine au traitement standard (héparines de bas poids moléculaire ou non fractionnées relayées par antivitaminiques K) dans le traitement curatif des phlébites des membres inférieures (étude TVP) et de l’embolie pulmonaire (étude EP). L’idraparinux se distingue du fondaparinux (autre analogue du pentasaccharide) par sa longue durée de vie autorisant une administration hebdomadaire par voie sous cutanée :

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• deux mille neuf cent quatre patients porteurs d’une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs (TVP) récente et prouvée et 2190 patients présentant une embolie pulmonaire (EP) ont été randomisés dans les deux groupes (idraparinux versus traitement standard) dans le but de réaliser une étude statistique de non-infériorité ; • les patients ont été traités pendant trois mois (22 % pour les TVP et 9 % pour les EP) ou six mois en fonction de l’évaluation du risque de récurrence faite par chaque investigateur ; • le critère principal d’efficacité était la récurrence de TVP ou d’EP ou tout décès attribuable à une EP (compris les décès inexpliqués) à trois mois ; • les critères principaux de tolérance étaient la survenue de saignements cliniquement pertinents et des décès quelle qu’en soit la cause. Dans l’étude TVP, l’incidence des récurrences était de 2,9 % dans le groupe idraparinux versus 3 % dans le groupe de référence soit un odd ratio de 0,98 (0,63–1,5) ce qui démontrait significativement la non-infériorité de l’idraparinux (p < 0,001). Dans l’étude EP, l’incidence des récurrences était de 3,4 % pour l’idraparinux versus 1,6 % soit un odd ratio de 2,14 (1,21–3,78), trop élevé pour prouver la non-infériorité (p = 0,59). En terme de complications hémorragiques, l’idraparinux apparaissait mieux toléré à trois mois dans l’étude TVP (4,5 versus 7 % ; p = 0,004) et dans l’étude EP (5,8 versus 8,2 % ; p = 0,02). En revanche, concernant l’incidence des décès, si celle-ci était identique pour les deux groupes dans l’étude TVP, elle apparaissait significativement plus élevée dans l’étude EP pour l’idraparinux (5,1 versus 2,9 % ; p = 0,006) à trois mois et à six mois (6,4 versus 4,4 % ; p = 0,04). La discordance entre les résultats de l’étude TVP et ceux de l’étude EP est étonnante et nouvelle. En effet, jusqu’alors, les schémas thérapeutiques efficaces pour les TVP l’étaient également pour les EP. Les auteurs s’étonnent de cette discordance sans pouvoir en apporter une explication claire ce d’autant que l’on sait qu’une proportion importante de TVP symptomatique s’accompagne d’EP asymptomatique. Les données sur la tolérance sont rassurantes pour une héparinothérapie administrée au long cours (trois à six mois), de très bas poids moléculaire (donc exclusivement éliminée par voie rénale) chez des patients âgés (60 ans d’âge moyen) dont 12 % avaient une clairance de la créatinine inférieure à 50 ml/minute et pour une molécule de longue demi-vie qui ne possède pas d’antidote spécifique. Il faut ici préciser que la dose d’idraparinux était réduite de 2,5 à 1,5 mg par semaine pour les patients ayant une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/minute. Ces résultats sont à rapprocher d’une autre étude publiée dans le même numéro du journal montrant l’efficacité de l’idraparinux pendant six mois versus placebo en prévention des récidives des événements thromboemboliques veineux (après six mois de traitement conventionnel) au détriment d’une augmentation du taux d’hémorragie majeure. P. Pottier

Traitements anticoagulants oraux et antiagrégants dans l’artérite athéromateuse extracardiaque The warfarin antiplatelet vascular evaluation trial investigators Oral anticoagulant and antiplatelet therapy and peripheral arterial disease N Engl J Med 2007;357:217–227 Le rationnel de cette étude s’inspire des essais menés sur les AVK en prévention secondaire des infarctus du myocarde montrant d’une part, une réduction des événements cardiovasculaires et suggérant d’autre part, un gain d’efficacité en association avec les antiagrégants, avec une balance bénéfice–risque acceptable. L’objectif de cet essai était de déterminer si l’association AVK-antiagrégants était supérieure en terme d’efficacité et de tolérance aux antiagrégants seuls dans l’artérite athéromateuse de localisation extracoronarienne. Dans cette étude randomisée, ouverte, multicentrique étaient inclus des patients porteurs : • d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs prouvée quel que soit son stade (de la claudication à l’amputation) ; • d’un athérome carotidien défini par un accident ischémique transitoire ou constitué plus de six mois avant l’inclusion ou par une endartériectomie carotidienne ou par une sténose asymptomatique de plus de 50 % ; • d’un athérome des artères sous-clavières. Les patients ont été randomisés pour recevoir soit la bithérapie, soit la monothérapie après une période de deux à quatre semaines pendant laquelle il était vérifié la stabilité de l’INR entre deux et trois sous-coumadine et antiagrégants (clopidogrel, aspirine entre 80 et 325 mg ou ticlopidine). Les sujets ont été suivis pendant 2,5 à 3,5 ans. Le critère principal de jugement, composite, comptabilisait les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux et la mortalité de cause cardiovasculaire. Mille quatre-vingt patients d’un âge moyen de 64 ans ont été inclus dans chaque groupe : 82 % des patients souffraient d’artériopathie des membres inférieurs et 92 % recevaient de l’aspirine. L’incidence du critère principal de jugement était de 12,2 % dans le groupe bithérapie versus 13,3 % dans le groupe antiagrégants seuls (risque relatif à 0,92, p = 0,48). Le risque hémorragique était significativement augmenté dans le groupe AVK (risque relatif à 3,4, p < 0,001). Trente pour cent des patients ont interrompu leur traitement par AVK pendant le suivi. En conclusion, l’association des AVK aux antiagrégants en prévention secondaire des événements cardiovasculaires chez des patients présentant des localisations dites « périphériques » (extracoronarienne) d’athérome n’est donc pas indiquée. Cette

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étude appelle plusieurs commentaires sans remettre en cause ses résultats principaux : • la définition de l’artérite carotidienne en partie basée sur l’existence d’un antécédent d’accident vasculaire ischémique est un peu surprenante. Des précisions manquent sur le l’étiologie de ces AVC (étaient-ils tous d’origine athéromateuse, quid des lacunes, cardiopathies emboligènes et dissections carotidiennes ?) ; • la description de la localisation précise des 18 % de patients ayant une autre atteinte que les artères des membres inférieurs n’est pas rapportée. Le choix de l’athérome sous-clavier comme critère d’inclusion peut paraître un peu curieux en regard d’autres localisations plus fréquentes telles que l’aorte thoracique ou abdominale ; • si l’on tient compte du pourcentage de patients présentant au moins deux localisations (soit 44 et 50 % dans chaque groupe), on peut s’étonner du faible pourcentage de patients sous clopidogrel (3,2 %) dix ans après l’étude CAPRIE ayant démontré sa supériorité sur l’aspirine chez les patients polyathéromateux ; • malgré la randomisation, il est noté une fréquence accrue de cardiopathies ischémiques dans le groupe antiagrégants seuls,

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ce qui majore potentiellement l’incidence dans ce groupe, et aurait pu être, in fine, en faveur du traitement à l’essai ; • la discordance entre l’efficacité chez les coronariens et l’absence d’efficacité chez les « autres » patients athéromateux (dont on rappelle que 50 % étaient coronariens !) n’est pas discutée dans cet article. Même si le substratum physiopathologique reste le même (à savoir la maladie athérothrombotique), les artères des membres inférieurs ou carotidiennes sont sensiblement différentes des artères coronaires ne serait-ce que par leur taille. Il paraît logique de penser qu’une plaque d’athérome située sur une artère de petit calibre puisse être plus rapidement responsable d’un hypodébit en aval. On pourrait avancer que le traitement anticoagulant préviendrait la thrombose liée à l’hypodébit en aval de la plaque dans les petites artères. Dans cette hypothèse, on peut regretter que cette étude ait inclus tous types d’artérite athéromateuse des membres inférieurs, proximale et distale, avec et sans hypodébit. Un effet des AVK aurait peut-être pu être plus facilement montré pour les artérites distales des membres inférieurs ou proximales évoluées (stade III ou IV de la classification de Leriche et Fontaine). P. Pottier