Annales de réadaptation et de médecine physique 47 (2004) 258–262 www.elsevier.com/locate/annrmp
Analyse de la posture et du mouvement et médecine du sport Posture and movement analysis and sports medicine J.M. Viton a,*, S. Mesure b, L. Bensoussan a, J.P. Mattei c, J.M. Coudreuse a, A. Delarque a a
Fédération de médecine physique et de réadaptation, faculté de médecine, université de la méditerranée, assistance publique, hôpitaux de Marseille, 264, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France b CNRS, 31, chemin Joseph-Aiguier, 13009 Marseille, France c Faculté de médecine, centre de résonance magnétique biologique et médicale (UMR CNRS 6612), 27, boulevard J -Moulin, 13005, Marseille, France
Résumé Les méthodes d’analyse de la posture et du mouvement se sont développées durant ces 15 dernières années. Elles revêtent un intérêt tout particulier dans le domaine des sciences du sport et ont permis de mieux comprendre la physiologie de la posture et du mouvement chez le sujet sportif. Plus récemment ces méthodes ont été utilisées dans le domaine de la traumatologie du sport. Elles ont permis dans certains cas de mettre en évidence des anomalies qui ne sont pas discernables lors d’un examen clinique statique. Elles permettent aussi de mieux comprendre les facteurs qui peuvent intervenir dans la genèse des lésions. À l’avenir ces données devraient aider à mettre en évidence des informations utiles pour la compréhension de la physiopathologie des lésions, pour la prévention et pour la mise en place et l’évaluation de programmes thérapeutiques en traumatologie du sport. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The use of posture and movement analysis methods has developed during the past 15 years. These methods are of special interest in the field of sport sciences and have allowed to improve the understanding of physiology of posture and movement in athletes. More recently these methods have been used in the field of sport medicine. In some cases, they have helped to identify abnormalities which cannot be seen on standard clinical examination and to understand the mechanism of lesions occurring during sport activities. For the future these methods should provide useful information for understanding the physiopathology of lesions, for developing prevention of pathologies related to sport and for elaborating and assessing new treatment protocols in the field of sport medicine. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Posture ; Analyse du mouvement ; Médecine du sport Keywords: Posture; Movement analysis; Sport medicine
1. Introduction Les méthodes d’analyse de la posture et du mouvement se sont développées durant ces 15 dernières années. Elles revêtent un intérêt tout particulier dans le domaine des sciences du sport et ont permis de mieux comprendre la physiologie * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.M. Viton). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2004.05.011
de la posture et du mouvement chez le sujet sportif. Plus récemment ces méthodes ont été utilisées dans le domaine de la traumatologie du sport. 2. Méthodes d’analyse de la posture et du mouvement Les outils et les méthodes d’analyse de la posture et du mouvement se sont considérablement enrichis depuis les travaux développés par D.H Sutherland [12].
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Celle-ci permet d’effacer la graisse et a montré une nette supériorité dans la détection d’anomalies par rapport aux séquences pondérées en T2. 2.2. La spectrométrie du P-31
Fig. 1. Mise en place d’une fibre optique au niveau du tendon quadricipital. (site web http://www.jyu.fi/liikunta/liikbio/).
L’automatisation des systèmes d’analyse du mouvement a simplifié leur utilisation. De nouveaux outils ont été créés pour les études au sein de laboratoires. C’est le cas de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle qui a permis de découvrir les réseaux corticaux et sous-corticaux impliqués dans les étapes cachées du mouvement, comme sa représentation mentale telle qu’elle est réalisée par le sportif avant le départ d’une descente à ski ou la réalisation d’une figure de gymnastique [9]. L’étude des sportifs, en milieu écologique est maintenant possible. Leurs mouvements peuvent être enregistrés puis analysés par l’utilisation de caméras opto-électroniques avec des fréquences d’acquisition très élevées. Les forces qui s’exercent au niveau de certains de leurs tendons peuvent être étudiées grâce à l’utilisation de fibres optiques de très faible calibre selon une méthodologie développée par Paavo Komi [8] (Fig. 1). Parmi les méthodes utilisées depuis quelques années, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (SRMN) a permis d’apporter des informations nouvelles pour l’étude de l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie musculaire. Ces techniques, imagerie et spectrométrie, ont pris une place considérable dans l’exploration musculaire [1,2,13].
Tout comme le proton et malgré une sensibilité un peu plus faible, l’atome de phosphore 31 (P-31) se prête bien au phénomène de résonance magnétique. Placé dans un champ magnétique et après excitation par une radiofréquence adéquate, l’atome de phosphore va restituer l’énergie reçue sous forme d’un signal détectable par une antenne adaptée. Ce signal est traité et transformé en un spectre de fréquences. Le positionnement de chaque pic du spectre est appelé déplacement chimique. Il a pour origine les différences dans la configuration électronique ou chimique qui affectent les divers noyaux du P-31. Les noyaux de phosphore étant en nombre limité dans les molécules biologiques, il en résulte une grande simplicité des spectres qui se réduisent à quelques raies. Dans la cellule musculaire, la SRM du P-31 permet d’observer directement, de façon non invasive, les métabolites phosphorylés mobiles, i.e. non liés aux macromolécules. Cette observation est à la fois qualitative (identification des métabolites) et quantitative (mesure des concentrations). La Fig. 2 présente un spectre de SRM du P-31 enregistré au niveau des muscles fléchisseurs des doigts. On y distingue six signaux d’intensité variable correspondant respectivement de la gauche vers la droite aux atomes de phosphore des sucres phosphates (phosphomonoesters, PME), du phosphate inorganique (Pi), de la phosphocréatine (PCr) et des groupements phosphates en position c, a et b de l’ATP. Le signal des PME reflète principalement les concentrations en glucose 6-phosphate, l’AMP et l’IMP. À l’aide de courbes de références appropriées, il est possible de déterminer le pH intracellulaire à partir de la fréquence du signal du phosphate inorganique et de la PCr. Elle montre également la variation des concentrations des métabolites au cours d’un exercice de flexion des doigts, avec notamment l’augmentation du Pi et la baisse de la PCr. En raison de son caractère non invasif, la SRM du P-31 est utilisée dans toutes les études de physiologie musculaire où une information sur le métabolisme énergétique in vivo est nécessaire.
2.1. L’imagerie par RMN L’imagerie par résonance magnétique, fondée sur le proton, permet de voir les variations de signaux provoquées par l’exercice musculaire, certaines maladies ou des processus tumoraux. Le muscle est facile à explorer en imagerie car ses temps de relaxation T1 et T2 sont assez différents de ceux des tissus environnants, principalement la graisse. Les séquences utilisées le plus couramment sont les séquences en écho de spin ou en écho de gradient pondérées T1 et T2, ainsi que des séquences de type STIR (Short Tau Inversion Recovery).
3. Physiologie de la posture et du mouvement et sport L’utilisation des outils d’analyse de la posture et du mouvement a permis de mieux comprendre la physiologie du contrôle de la posture et du mouvement dans la population générale. Ces outils ont permis de montrer que l’entraînement dans un sport particulier induisait des modifications, propres à ce sport, des stratégies de contrôle de l’équilibre et du mouvement.
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Fig. 2. Variation des métabolites phosphorylés au cours d’un protocole typique comportant une période de non-exercice, un exercice de trois minutes, une phase de repos de 15 minutes. Spectres obtenus au niveau de muscles fléchisseurs de l’avant-bras dans un aimant à 4,7 Tesla (Biospec Bruker).
3.1. Apprentissage Les coordinations entre équilibre et mouvement ont été analysées par L. Mouchnino [7] dans une tâche d’élévation latérale de membre inférieur chez des danseurs pour qui cette tâche est effectuée de façon répétée à l’entraînement. Les résultats obtenus ont été comparés, d’une part à ceux de sujets non entraînés et, d’autre part, à ceux de nageurs. L’analyse était réalisée grâce à un système d’analyse du mouvement, des plates-formes de force et des enregistrements électromyographiques (EMG). Ces travaux ont montré que la stratégie employée pour passer de la position debout en appui bipodal à la position d’appui monopodal avec une élévation latérale de membre inférieur était différente chez le danseur et chez le sujet non entraîné ou nageur. Le passage de l’appui bipodal à un appui monopodal nécessite le transfert du poids du corps vers le côté qui va rester en appui avant le décollage du pied déplacé. Chez le sujet non entraîné et chez les nageurs, le décollage du pied se fait alors que le transfert du poids du corps n’est pas totalement réalisé, c’est-à-dire avant qu’une position d’équilibre ne soit atteinte. Au contraire chez le danseur, le décollage du pied se fait une fois que le poids du corps a été transféré et stabilisé sur le côté de l’appui. Ces études ont également montré que les danseurs mettaient moins de temps pour atteindre la position d’équilibre que les sujets non entraînés et que les nageurs.
Enfin une fois la position d’équilibre atteinte, les danseurs oscillent beaucoup moins que les sujets non entraînés et que les nageurs. La stratégie des danseurs permet donc un passage plus rapide de la position debout sur deux pieds à l’appui monopodal et un meilleur équilibre dans la position atteinte. Cette stratégie est différente de celle des sujets non entraînés et des nageurs qui n’ont pas l’entraînement spécifique des danseurs. Cette stratégie est le résultat de l’apprentissage moteur, réalisé au travers d’un entraînement spécifique. 3.2. Perception et action L’être humain doit continuellement recueillir des informations sur son environnement pour structurer et organiser ses actes moteurs. Ces actes moteurs sont sous la dépendance du contrôle postural. Afin de gérer au mieux ce contrôle postural, l’individu doit sélectionner les informations pertinentes nécessaires à la bonne réalisation de son action. La sélection de la source d’information dépend d’un apprentissage. L’expertise en sport est un très bon exemple de cet apprentissage sensorimoteur nécessaire à la bonne réalisation des gestes techniques. La réalisation d’un acte moteur nécessite donc le contrôle de la posture. Pour contrôler la posture, l’individu dispose de trois sources principales d’information : le système visuel, le
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système vestibulaire et le système somatoproprioceptif. Le système nerveux central ne pouvant traiter toutes ces informations en même temps, sélectionne en fonction de la tâche, de l’environnement et de l’expertise de l’individu, une source d’information prioritaire. Plusieurs travaux ont permis de mettre en évidence les particularités dans la mise en place et la gestion de ce contrôle postural [5,6]. Ces auteurs ont utilisé des systèmes d’analyse du mouvement par capteurs passifs, des accéléromètres et des enregistrements électromyographiques (EMG) pour étudier des activités physiques et sportives dans lesquelles l’équilibre joue un rôle important : le judo, la gymnastique et la danse. Les expérimentations ont consisté à placer les sujets debout, un pied devant l’autre, en faisant varier les conditions de lumière (lumière normale, obscurité et lumière stroboscopique) et les conditions de surface de sol (sol normal, sol mou). Dans ces conditions les sujets devaient se référer de manière prioritaire à un type d’information sensorielle. Les résultats ont montré que les judokas utilisaient préférentiellement les informations somesthésiques en provenance des récepteurs cutanés plantaires, ce qui peut traduire l’importance pour eux des appuis au sol. Les gymnastes, quant à eux, utilisaient essentiellement les informations visuelles. La perception visuelle de l’environnement est donc pour eux prioritaire et va leur servir de référence. Enfin les danseurs utilisaient surtout des informations en provenance du système vestibulaire ce qui implique que les danseurs utilisent comme principal système de référence la verticale. Ces études ont donc montré que les informations sensorielles de référence utilisées pour le contrôle postural étaient différentes en fonction du sport. L’entraînement va amener une adaptation des stratégies de sélection des informations sensorielles. Les informations sensorielles jugées pertinentes seront traitées de manière prioritaire.
4. Intérêt des méthodes d’évaluation de la posture en médecine du sport Ces méthodes permettent une évaluation en situation proche de la situation sportive. Cela revêt un intérêt dans des pathologies où il existe une discordance importante entre les signes physiques observés lors de l’examen statique sur table et les symptômes ressentis par le patient sportif au cours de la pratique du sport. C’est notamment le cas des pathologies ligamentaires du genou et de la cheville où l’absence de parallélisme entre laxité à l’examen et accidents d’instabilité est fréquente. 4.1. Dans la pathologie ligamentaire du genou Rudolph KS et al [11] ont analysé le secteur de mobilité du genou lésé dans deux groupes de sportifs porteurs d‘une
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rupture du ligament croisé antéro-externe du genou. Dans le premier groupe les sportifs n’avaient pas d’instabilité alors que les patients de l’autre groupe présentaient une instabilité. Le secteur de mobilité du genou a été mesuré au cours de la marche, de la course et de la montée d’une marche. Chez les patients porteurs d’une instabilité, l’analyse cinématique a montré que le secteur de mobilité utilisé par le genou lésé était réduit par comparaison avec le secteur de mobilité utilisé par le genou opposé. Chez les sportifs ayant une lésion du LCA mais pas d’instabilité il n’y avait pas de différence dans le secteur de mobilité entre le genou sain et le genou lésé. Cette étude a donc montré une diminution du secteur de mobilité fonctionnelle du genou lésé et instable sans corrélation avec le secteur de mobilité mesuré en passif sur table. De nouveaux travaux seront nécessaires pour comprendre la cause et le mécanisme de cette réduction de mobilité fonctionnelle et son lien avec l’instabilité du genou. 4.2. Dans la pathologie ligamentaire de la cheville Plusieurs travaux [10] s’intéressant à l’équilibre debout ont été menés pour tenter de comprendre les causes et les mécanismes de l’instabilité chronique de cheville. Considérant l’hypothèse que les muscles fibulaires pouvaient jouer un rôle de protection contre l’entorse du ligament collatéral latéral de la cheville, Konradsen et al. [4] ont étudié en électromyographie (EMG) le temps de réaction des muscles fibulaires chez des sujets placés sur une plate-forme instable susceptible d’entraîner une inversion brutale. Le délai d’activation EMG des fibulaires après une inversion de 30° était de 54 ms. Konradsen et al [4] ont aussi montré que le délai électromécanique séparant ce début d’activation EMG des fibulaires et l’apparition d’un moment de force éverseur pouvant s’opposer à l’inversion était de 72 ms après déstabilisation. Au total le temps nécessaire pour obtenir un moment éverseur des fibulaires était donc de 54 ms + 72 ms soit 126 ms. Dans la même étude il était montré que le mouvement d’inversion de 30° déclenché par le mouvement de la plate-forme se faisait en 80 ms. Ces études ont donc conclu que l’activation des fibulaires ne permettait pas de protéger d’une inversion brutale. Une limite de ces études est qu’elles concernent des sujets debout au repos. Dans la réalité de la marche, il existe une préactivation des muscles susceptible de raccourcir le délai électromécanique [3]. Ces études de la posture et du mouvement dans des pathologies ligamentaires permettent de mettre en évidence des anomalies qui ne peuvent être discernées lors de l’examen sur table. Elles permettent aussi de mieux comprendre les facteurs qui peuvent intervenir dans la genèse des lésions. Ces données devraient aider à mettre en évidence des informations utiles pour la compréhension de la physiopathologie, pour la prévention et pour la mise en place et l’évaluation de programmes thérapeutiques.
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