Annales de réadaptation et de médecine physique 47 (2004) 274–281 www.elsevier.com/locate/annrmp
Analyse de la littérature
Évaluation isocinétique des extenseurs et fléchisseurs du genou en médecine du sport : revue de la littérature Isokinetic thigh muscle strength in sports: a review P. Rochcongar Unité de biologie et médecine du sport, CHU de Rennes, 35033 Rennes cedex 09, France.
Résumé L’exploration isocinétique est une méthode largement utilisée dans le domaine de la mesure de le force des extenseurs et fléchisseurs du genou. Elle concerne l’évaluation de sujets sains (en fonction du sexe, de l’âge ou de la discipline sportive), mais aussi du handicap. Dans le domaine de la pathologie articulaire, elle fournit des renseignements indispensables au suivi des platies ligamentaires. Les résultats sont plus aléatoires pour la pathologie fémoropatellaire ou l’arthrose. Plus récemment certains auteurs ont insisté sur l’intérêt de l’exploration en mode excentrique, notamment des fléchisseurs. Les résultats obtenus pourraient permettre de mieux prédire les risques lésionnels et, ainsi, de proposer des programmes de prévention adaptés. Il n’en reste pas moins que les résultats devront toujours être interprétés avec prudence en tenant compte du caractère global de l’évaluation. Ils devront toujours être précédés de l’évaluation clinique, voire de l’imagerie. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract There is growing evidence that isokinetic muscle strength, is one of the most common testing method why muscle strength is thought to be a major factor in athletic success and rehabilitation. A lot of publications during the last 20 years concerned the peak torque, the concentric ratio flexor/extensor, with comparison between males and females, sport specialities, young and old people. Isokinetic is also used for evaluation of knee disorders. The results are very useful after knee ligament surgery, less for femoro-patellar disorders and arthrosis. More recently some authors proposed the functional concept (eccentric flexors/concentric extensors ratio) as a predictive method for preventive muscle injuries or ACL lesions. They demonstrated more discomfort after muscle disorders with isokinetic eccentric testing, and proposed rehabilitation programs for prevention. However apart from a few situations, isokinetic testing does not fully predict functional measurements. It must be used with other techniques of evaluation (clinical methods and imagery). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Genou ; Isocinétique Keywords: Knee; Isokinetic
1. Introduction Depuis la publication originale de Hilsopp et Perrine en 1967 [38], de très nombreux travaux concernant l’exploration isocinétique ont fait l’objet de publications. Ils concernent le plus souvent l’articulation du genou et, à un degré moindre, l’épaule, la cheville, le rachis, le coude et la hanche. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Rochcongar). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2004.05.013
Dans le cadre de cette revue nous n’aborderons que les résultats concernant l’exploration des extenseurs et fléchisseurs du genou et nous nous limiterons à l’adulte. Plusieurs aspects peuvent être abordés. Tout d’abord, de nombreuses publications rapportent les valeurs considérées comme physiologiques en fonction de l’âge, du sexe, voire de la discipline sportive. D’autres travaux ont pour objet de mettre en évidence des éventuelles modifications des enregistrements isocinétiques en fonction de la pathologie os-
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téoarticulaire (lésions ligamentaires, syndrome fémoropatellaire, arthrose) ou musculaire. Plus récemment, des auteurs se sont intéressés à l’exploration isocinétique comme moyen d’évaluation du déficit de force, en relation avec certaines pathologies (cardiovasculaire, neurologique notamment) et, en conséquence, comme méthode objective de suivi de la récupération. En revanche, les études bien conduites concernant les indications de la rééducation isocinétique (comparées à d’autres techniques de rééducation validées) sont relativement rares, comme le souligne le rapport récent de l’Anaes [87].
2. Méthodes Après une revue, la plus large possible de la littérature, concernant l’exploration isocinétique du genou, nous rapportons la synthèse des articles faisant référence, en sachant que les études randomisées sont relativement rares. Il s’agit le plus souvent d’études ouvertes, ou de suivi de cohortes. Nous avons attaché la plus grande attention aux travaux prospectifs, peu nombreux. L’ensemble de la recherche s’est faite à partir de la banque de données de la National Library of Medicine (Medline) avec les mots clés « isokinetic AND knee ». Celle-ci a été complétée par une recherche de proche en proche à partir des références bibliographiques des articles sélectionnés, et des références déjà en notre possession.
3. Résultats 3.1. Méthodologie C’est un des problèmes majeurs de l’exploration isocinétique. Les modalités optimales de standardisation de l’évaluation doivent être strictement respectées. Elles font maintenant l’objet d’un consensus tant en ce qui concerne la nécessité de l’échauffement, la position du sujet, l’absence d’informations visuelles. Il faut par ailleurs tenir systématiquement compte de la gravité du segment de jambe, maintenant intégrée directement dans le calcul sur les dynamomètres de nouvelle génération [16]. Les protocoles d’études sont encore à ce jour extrêmement variables selon les auteurs, selon le mode d’exploration choisi (concentrique, excentrique ou mixte). En mode concentrique, les vitesses proposées varient le plus souvent de 30 à 240 °/seconde. En dessous de 30 °/seconde, la courbe force–vitesse, en référence à l’équation de Hill, n’est plus respectée, sans doute en relation avec des phénomènes inhibiteurs d’origine réflexe, et les résultats sont donc ininterprétables [85]. Dans l’ensemble, les auteurs utilisent une vitesse dite lente (30 °/seconde, ou le plus souvent 60 °/seconde) et une ou plusieurs vitesses dites rapides (180 °/seconde et/ou 240 °/seconde). Pour ces dernières, il existe une corrélation satisfaisante entre le pic de force et le pourcentage de fibres rapides [81]. Le nombre de répé-
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tition varie également selon les protocoles. À vitesse lente le nombre de mouvements ne dépasse toutefois jamais cinq répétitions, pour cause de fatigue locale. À vitesse rapide, les chiffres varient entre cinq et dix répétitions. Les tests de fatigue, encore appelés tests d’endurance, sont réalisés à vitesse rapide (au minimum 180 °/seconde). Ils permettent d’explorer de façon indirecte la typologie musculaire du quadriceps [43]. Il reste toutefois que le phénomène d’habituation doit être pris en compte, au moins chez des sujets sportifs. Les résultats s’améliorent en effet lors d’un second test réalisé à plusieurs jours d’intervalle [19]. Selon les auteurs, le nombre de répétitions nécessaire est de 50 contractions [43,79]. Nous avons toutefois pu montrer que 20 contractions, bien réalisées, permettent d’obtenir des informations pertinentes sur les capacités d’endurance des sportifs [20]. En mode excentrique, se sont surtout les vitesses basses (30 °/seconde) qui sont utilisées, car elles permettent au sujet une meilleure adaptation. Ce mode d’exploration est plus récent et pose des problèmes méthodologiques et d’interprétation non encore totalement résolus à ce jour [44]. Les temps de récupération doivent être pris en compte, entre les tests, puisque ce type d’exercice entraîne des lésions et des douleurs musculaires (DOMS) entre 24 et 48 heures après l’exercice [15], sans qu’il ne soit constaté à moyen terme, de phénomène d’adaptation sur les lésions musculaires [64]. La reproductibilité est bonne, voire très bonne en mode concentrique pour un même type d’appareil [22,56]. La reproductibilité en mode excentrique est sensiblement moins bonne. Ce constat est encore plus net si la vitesse est plus élevée [83]. Dans tous les cas, les tests doivent être réalisés, pour une bonne interprétation, en dehors de tout contexte de fatigue ou d’exercice intense. Ainsi, un exercice par intervalle, équivalent d’un match de football de 90 minutes conduit à une baisse de plus de 20 % du pic de force tant pour les extenseurs que pour les fléchisseurs. Il est même plus élevé chez les femmes [54]. De même, après une course en descente sur tapis roulant, la baisse de force du quadriceps est significative pendant 48 heures si l’évaluation est réalisée en mode concentrique, mais seulement pendant 24 heures en mode excentrique [14]. La comparaison des résultats interappareils est, elle, relativement aléatoire [29]. Cela impose donc que toute publication explicite parfaitement le type de dynamomètre utilisé, les vitesses et le positionnement du sujet. Les données enregistrées sont multiples. Le moment de force maximale (peak torque) reste de loin le paramètre le plus utilisé et le plus reproductible. Le travail, correspondant à la surface sous la courbe, ne peut être utilisé que si les amplitudes sont strictement identiques d’un côté par rapport à l’autre, voire d’un test à l’autre. Il en est de même de la puissance qui intègre, par définition, la notion de temps et nécessite donc en complément un étalonnage précis de la vitesse. L’angle pour lequel on obtient le moment de force maximale n’est plus guère utilisé pour des raisons de reproductibilité médiocre [12].
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3.2. Valeurs de référence De très nombreux travaux ont été publiés au cours des 20 dernières années. 3.2.1. Valeurs standard Chez les étudiants, Holmes et al. retrouvent des valeurs du quadriceps de 2,1 Nm/kg chez les hommes et 1,8 Nm/kg chez les femmes testées à 60 °/seconde. Le rapport ischiojambiers sur quadriceps (I/Q) est de 57 % à 60 °/seconde et 70 % à 180 °/seconde [39]. Gobelet a mené une étude transversale et retrouve des valeurs supérieures (plus de 3 Nm/kg pour le quadriceps des hommes notamment). Il relève que les chiffres sont plus élevés chez les footballeurs de haut niveau du même âge comparés à des sédentaires. Le rapport I/Q est lui, tout à fait superposable [27]. Stalberg et al. montrent que le pic de force baisse entre 20 et 70 ans, en corrélation avec la surface corporelle, et la surface des fibres, tant chez les hommes que chez les femmes [78]. Lanza et al., dans un travail plus récent, montrent que le pic de force des extenseurs est de 32 % inférieur en moyenne, si l’on compare des sujets de 26 ans à des sujets de 72 ans [49]. Cet écart est encore plus élevé si l’évaluation est réalisée à haute vitesse. Ceci ne se vérifie toutefois plus chez des athlètes d’endurance de plus de 40 ans poursuivant régulièrement leur entraînement [80]. La chute du pic de force n’apparaît qu’au-delà de 70 ans, bien qu’il n’y ait pas dans ce cas de modification du pourcentage des fibres et de la surface de celles-ci. Dans le domaine de l’athlétisme féminin, Housh et al. ont démontré que les spécialistes de saut en hauteur étaient plus fortes que les sprinteuses et les lanceuses, et que les valeurs les plus faibles étaient retrouvées chez les athlètes de demifond, tant pour les extenseurs et les fléchisseurs (valeurs ramenées au kg de poids corporel) [40]. Le rapport I/Q des athlètes hommes, spécialistes de demifond et fond est retrouvé en moyenne à 62 % à vitesse lente et 87 % à vitesse rapide [57]. Aucune différence n’est retrouvée en fonction du sexe [72]. Un travail réalisé sur un groupe d’athlètes français de niveau inter-régional a permis de conduire à de semblables conclusions [68]. Les spécialistes de sprints hommes sont plus forts (3,09 Nm/kg) que les spécialistes de 400–800 m (2,93 Nm/kg) et les spécialistes de demi-fond (2,45 Nmkg). Ceci n’est toutefois pas vérifié chez les femmes, en accord avec les résultats de Karlson et al. qui avaient déjà montré, chez ces dernières, une moins bonne corrélation entre l’évaluation de la force et la typologie musculaire [43]. Il n’y a pas de différence dans les rapports I/Q quelle que soient la spécialité et le sexe. Dowson et al. ont tenté de rechercher des corrélations éventuelles entre la performance au sprint et les tests isocinétiques en mode concentrique et excentrique [21]. Les corrélations les plus fortes sont retrouvées entre la vitesse sur les 15 premiers mètres et la force du quadriceps en mode
concentrique à vitesse rapide. Les auteurs remarquent toutefois que la corrélation est meilleure si on prend en compte la longueur des membres inférieurs et le poids de corps, soulignant par là l’aspect multifactoriel de la performance. D’autres sports individuels ont fait l’objet de publications du même type. Neumayr et al. ont rapporté récemment des résultats chez des skieurs alpins de haut niveau [58]. Ils retrouvent des valeurs plus élevées chez les hommes que chez les femmes et l’absence de différence entre le membre inférieur dominant et le non-dominant. Les résultats vont dans le même sens que ceux publiés déjà au début des années 1980 [34]. Les sports collectifs ont largement été étudiés. Imwold et al. ont comparé les résultats de basketteuses à des femmes spécialistes de course de fond [41]. Ils constatent qu’il n’existe pas de différence significative tant pour les extenseurs que pour les fléchisseurs et, en conséquence, pour le rapport I/Q. Gérodimos et al. retrouvent des valeurs supérieures à 3,6 Nm/kg pour les quadriceps et 2,2 Nm/kg pour les ischiojambiers chez les basketteurs de 17 ans [26]. Les valeurs mesurées sur un mode excentrique sont supérieures d’environ 20 % pour les fléchisseurs et 30 % pour les extenseurs. Les basketteurs de niveau international présentent des valeurs absolues des extenseurs et des fléchisseurs supérieures à des basketteurs de niveau inférieur. Mais le rapport I/Q est là encore identique [86]. Salibar et al. ont recherché une corrélation entre la force mesurée sur le mode isocinétique concentrique, le saut et la vitesse de frappe de balle chez des spécialistes de football australien [73]. De faibles corrélations ont été retrouvées entre la force et le saut et aucune entre la force et la frappe de balle. Dans un même ordre d’idée, Quarrie et al. ont pu mettre en évidence que la qualité de la poussée en mêlée, chez des rugbyman, était multifactorielle et que la force du quadriceps n’entrait que pour partie dans la réalisation de ce geste technique [65]. Le football est un des sports ayant été le plus exploré. Oberg et al., dès 1986, avaient pu montrer que les footballeurs présentaient des valeurs supérieures à des sujets témoins du même âge avec un rapport I/Q supérieur chez les sportifs [59]. Il existait par ailleurs des différences entre les footballeurs de niveau supérieur par rapport à ceux de niveau inférieur. Des résultats sensiblement identiques ont été publiés chez les footballeurs français de haut niveau [50,67]. Dans tous les cas on ne retrouve pas de différence entre le côté dominant et le côté non-dominant. Les rapports I/Q sont identiques à ceux retrouvés dans les autres disciplines sportives déjà citées [77]. La relation entre la force des extenseurs et la vitesse de frappe de balle a fait l’objet de plusieurs publications. Cabri et al. n’ont mesuré que la distance parcourue par la balle et ont ainsi trouvé une corrélation avec la force [13]. Si en revanche, on mesure la vitesse de la balle, on ne retrouve plus de corrélation, confirmant le fait que le geste sportif est complexe et que la force n’est qu’un paramètre parmi d’autres de la performance [1,55]. En revanche, il
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semble exister une relation significative entre la force des extenseurs mesurés à vitesse lente et les performances de sauts et de vitesse de déplacement [63]. 3.2.2. Résultats selon la pathologie 3.2.2.1. Les atteintes ligamentaires. L’exploration isocinétique concerne principalement les atteintes du pivot central, et plus particulièrement du ligament croisé antéroexterne. Elle n’a quasiment pas de place dans l’exploration des lésions périphériques et méniscales, sauf à mettre en évidence un déficit de force persistant secondaire et, ainsi, à mieux orienter la rééducation [82]. Un certain nombre d’études ont tenté de mettre en évidence un éventuel risque d’augmentation des lésions du LCAE, en fonction d’un déficit des fléchisseurs, tout particulièrement chez les athlètes féminines [37]. L’origine multifactorielle du traumatisme rend toutefois prudent quant aux conclusions pratiques. Soderman et al. ont mis en évidence un rapport plus faible I/Q chez les footballeuses ayant présenté secondairement une rupture du LCAE [75]. Certains auteurs ont pu proposer dans ce sens des programmes de prévention dans certains sports à risque, comme le volley-ball avec des résultats encourageants [36]. En cas d’atteinte du pivot central, l’exploration préopératoire peut mettre en évidence un éventuel déficit de force des extenseurs, le plus souvent. Cette notion n’est pas à négliger quant on sait qu’en postopératoire, la perte de force des extenseurs peut atteindre 5 % par jour dans les huit premiers jours [33], favorisée par la sidération postopératoire [6]. Le testing isocinétique n’est toutefois pas un moyen de diagnostic lésionnel ni d’évaluation des lésions. Fossier et al. ont ainsi pu démontrer que, s’il existe une possible inhibition des fléchisseurs en cas de lésions postéroexternes associée à celle du pivot central, on ne retrouve pas de relation entre l’évolution de la force et la laxité chronique [24,51]. L’intérêt de l’évaluation isocinétique concerne principalement le suivi postopératoire, et complète les informations fournies par les différentes fiches d’évaluation. Arvidsson et al. dès le début des années 1980 ont bien montré qu’il existait une étroite corrélation entre le résultat final, à savoir la récupération de la force des extenseurs et des fléchisseurs et le résultat fonctionnel en termes de reprise de la compétition sportive au même niveau [7]. En mode concentrique, dès le début du 4e mois post-opératoire, nous avons pu établir des normes de récupération permettant, en dehors de toute complication, une reprise progressive et programmée des activités physiques [69]. Les footings peuvent être autorisés, sans risque, si la récupération des extenseurs est supérieure à 50 % et des fléchisseurs supérieure à 70 %. La reprise normale de l’entraînement nécessite une récupération d’au moins 70 % de la force des extenseurs et d’une récupération quasiment complète des fléchisseurs. Toute complication, et en particulier l’algoneurodystrophie, retarde la récupération fonctionnelle. On peut retrouver un déficit résiduel des ischiojambiers, même à plus de trois ans postopératoire [66].
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L’exploration isocinétique a aussi été proposée comme mode de comparaison des résultats en fonction du choix de la plastie ligamentaire, et notamment depuis le développement récent des techniques de plastie au droit interne–demitendineux (DI–DT). Les résultats comparant les différentes techniques au tendon rotulien ou au DI–DIT, selon des protocoles bien conduits, sont à ce jour encore peu nombreux. Ils sont toutefois acquis, au 6e mois postopératoire que la récupération de la force des extenseurs est supérieure après plastie au DI–DT, et qu’il n’existe pas de déficit de force résiduel des fléchisseurs quelle que soit la technique [52,70]. Les modes d’exploration isocinétique excentriques proposées plus récemment, ont permis d’affiner certains résultats concernant la récupération de la force, et ouvrent ainsi de nouvelles perspectives. Osterning et al. ont ainsi pu montrer, à plus d’un an d’une plastie au tendon rotulien, que la force excentrique des fléchisseurs et l’activité électromyographique des gastrocnémiens restaient moindre du côté lésé par rapport au côté sain [62]. 3.2.2.2. Le syndrome fémoropatellaire. Ce tableau clinique a fait l’objet de beaucoup moins de publications et le consensus est loin d’être réalisé. Tous les auteurs s’accordent à reconnaître que les causes de ce syndrome sont multifactorielles. Bore et al. ont ainsi récemment évoqué une éventuelle souffrance du muscle vaste latéral de la cuisse, précédent l’apparition des symptômes cliniques, pour certains syndromes fémoropatellaires [48]. Le testing isocinétique ne peut être considéré comme le « gold standard » du diagnostic de gravité de ce syndrome. Ainsi, même si les décrochages de la courbe de contraction du quadriceps sont plus fréquents (en mode concentrique et en mode excentrique) chez les patients présentant ce syndrome, ils ne sont pas retrouvés systématiquement. Par ailleurs, ce type d’anomalie existe aussi chez des sujets indemnes de toute pathologie [4]. Tout au plus peut-on affirmer que le déficit de force des extenseurs est plus important quand les lésions cartilagineuses sont considérées comme sévères à l’imagerie par résonance magnétique [23]. L’exploration isocinétique n’a, par ailleurs, pas permis de retrouver de différences de récupération selon les techniques de rééducation qu’elles soient associées ou non à des techniques de contention de type « taping » [47]. À très long terme, après luxation fémoropatellaire, le testing isocinétique ne peut que confirmer les déficits résiduels de force des extenseurs, sans apporter plus de renseignements, notamment concernant le résultat fonctionnel [53]. 3.2.2.3. La gonarthrose. Une étude récente randomisée, incluant exploration isocinétique en mode concentrique et excentrique, n’a pas permis de mettre en évidence des particularités des courbes enregistrées. Une très faible corrélation a été retrouvée entre les résultats du test et les autres tests fonctionnels, notamment en ce qui concerne la douleur [31]. 3.2.2.4. Les lésions musculaires. Elles représentent une des causes les plus fréquentes de traumatismes en pratique spor-
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tive. L’incidence des lésions des ischiojambiers notamment, augmente depuis les dix dernières années dans de nombreuses disciplines sportives et tout particulièrement en football [71,84]. De nombreux auteurs ont recherché, via l’exploration isocinétique, des facteurs prédictifs du risque lésionnel [60]. Une étude randomisée chez de spécialistes de football américain dès 1984, n’avait pas permis de mettre en évidence de relation entre un éventuel déficit de force et le risque traumatique, toutes blessures confondues [28]. Une étude prospective concernant uniquement des athlètes féminines tend à montrer un risque augmenté si le déficit des fléchisseurs est supérieur à 15 % par rapport au côté sain [45]. Un travail prospectif auprès de spécialistes de football australien va dans le même sens [60], mais n’a toutefois pas été confirmé par des travaux plus récents, incluant des tests isocinétiques en mode concentrique et excentrique [9]. Récemment, Croisier et al. ont mis en évidence un déficit persistant, en mode isocinétique excentrique chez des sportifs ayant souffert de lésions des ischiojambiers, avec une baisse du rapport ischiojambiers en excentrique–quadriceps en concentrique [17]. Un programme de rééducation adaptée a permis de constater un très faible taux de récidive et une disparition de la gêne fonctionnelle musculaire. Le rôle primordial de la rééducation en mode excentrique, dans un but de prévention a été confirmé par d’autres auteurs, tout en ne retrouvant pas de relation directe avec l’amélioration des performances aux tests musculaires [8]. Il apparaît d’ailleurs que le risque de récidive n’est pas directement lié au constat d’un rapport diminué chez les footballeurs de haut niveau [18]. Dans tous les cas, il faudra faire la part dans l’analyse des résultats, entre l’appréhension du joueur par rapport au test et aux risques potentiels de lésions, rares, mais prouvés lors du testing isocinétique excentrique [61]. 3.2.2.5. Les autres pathologies. La réadaptation et le réentraînement à l’effort, voire la préparation à la compétition concernent maintenant de nombreux patients souffrant de maladies chroniques. Dans le domaine des greffes, l’exploration isocinétique permet d’apprécier précisément la récupération des paramètres de force. Chez des greffés hépatiques par exemple, la force des extenseurs diminue d’environ 50 % avant intervention, des programmes de réentraînement adaptés dans les six premiers mois postgreffe permettent de récupérer de 60 à 100 % de la force [10]. En ce qui concerne les greffés cardiaques, 18 mois après la greffe, on constate un déficit persistant d’environ 40 % à toutes les vitesses [46]. En revanche, les capacités aux tests d’endurance sont maintenues, voire améliorées comparativement à des sujets témoins. Dans le domaine des maladies chroniques, l’exploration isocinétique est donc un excellent moyen d’appréciation objectif des déficits de force, notamment des extenseurs, et de leur récupération éventuelle [5].
4. Discussion L’exploration isocinétique est donc, au total, un excellent moyen d’évaluation de la force des extenseurs et fléchisseurs du genou. Cette technique est un complément très utile des méthodes classiques d’évaluation et a permis d’établir des normes et références en fonction de l’âge, du sexe et de la spécialité sportive [35]. Elle mérite en revanche, d’être mieux évaluée en tant que technique propre de rééducation [87]. Cela reste comme toute technique d’évaluation, un moyen indirect d’appréciation de la fonction articulaire. Le mouvement en physiologie humaine n’est, en effet, en aucun cas un mouvement isocinétique. Il nécessite par ailleurs la mise en jeu de chaînes musculaires (extenseurs et fléchisseurs du genou, mais aussi gastrocnémiens notamment). Il est réalisé à des vitesses nettement supérieures à celles que l’on peut programmer sur un dynamomètre isocinétique, tout particulièrement lors de la réalisation du geste sportif qui nécessite des vitesses supérieures à 1000 °/seconde. Le recrutement des différents chefs musculaires est probablement différent de celui rencontré lors du geste sportif. Les travaux récents d’Akima et al. utilisant l’imagerie par résonance magnétique nucléaire et la mesure des temps de relaxation ont mis en évidence, lors de ce mode de contraction, non seulement des coactivations de groupes musculaires par paire mais encore une sollicitation préférentielle du droit fémoral distal par rapport à sa partie proximale [3]. La fonction articulaire est, par ailleurs, dépendante de l’innervation sensitive (proprioceptive et nociceptive) mais aussi motrice (capacité à recruter les unités motrices). Enfin, toute mobilisation active d’une articulation, s’accompagne à la fois d’une sollicitation des agonistes en mode concentrique et des antagonistes en mode excentrique, ces derniers jouant un rôle de stabilisateur de l’articulation [32,76]. C’est en partie ce constat qui a conduit à un nouveau concept de rapport fonctionnel (en opposition au rapport conventionnel) [2]. Dans ce cas, il est proposé de tenir compte de la valeur mesurée des fléchisseurs en mode excentrique par rapport aux extenseurs évalués en mode concentrique. Cette méthode nécessite une coopération plus importante du sujet, notamment si on utilise des vitesses rapides. Elle n’est pas totalement sans risque [61], à l’inverse de l’évaluation en mode concentrique [74]. D’autres travaux prospectifs sont nécessaires pour mieux préciser l’intérêt de la mesure de ce rapport fonctionnel, dans le domaine de la prévention du risque potentiel de lésions musculaires ou ligamentaires, et tout particulièrement en fonction de la discipline sportive et du sexe. Le moment maximal de force (peak torque) reste le paramètre de référence, que les mesures soient réalisées en mode concentrique ou excentrique. Toutefois, des travaux très récents [11] tendraient à prouver que l’angle pour lequel survient le moment maximal de force pourrait être modifié en cas de lésions anciennes des fléchisseurs et, serait donc un paramètre intéressant à prendre en compte, au même titre que les résultats obtenus en mode excentrique.
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Le testing isocinétique occupe maintenant une place indiscutable dans le domaine de l’évaluation des sujets sains (établissement de normes en fonction de l’âge, du sexe et de la pratique sportive) et des patients en phase de réadaptation postgreffe notamment. En ce qui concerne la pathologie articulaire, les informations fournies dans le cadre des syndromes fémoropatellaires ou de la dégénérescence arthrosique sont souvent décevantes. En revanche, dans le domaine du suivi des plasties ligamentaires, l’évaluation isocinétique occupe une place indiscutable en complément des tests cliniques, voire de l’imagerie. Le déficit de force des extenseurs reste un problème majeur, susceptible de retentir sur les paramètres de marche et de course [50]. Il est en grande partie dû à l’atrophie préférentielle, et rapide des fibres de type I [4] et peut persister plusieurs années [7,30,66]. Tout déficit des extenseurs supérieurs à 30 % par rapport au côté sain, s’accompagne le plus souvent d’un résultat fonctionnel (niveau de pratique sportive) insuffisant. En ce qui concerne les fléchisseurs, un simple déficit de quelques pour cents par rapport au côté sain est fréquemment le reflet d’un résultat incomplet. Certes, là encore, la récupération finale dépend de multiples facteurs. La proprioception reste perturbée quel que soit le mode opératoire [25]. Le recrutement des antagonistes est modifié [42]. La récupération de la force dans ce contexte est d’autant plus importante à envisager. Au total, et dans le cadre de la pathologie, il paraît judicieux de conserver les critères proposés par Sapega [74] : un déficit inférieur de 10 %, par rapport au côté sain peut être considéré comme négligeable. Un déficit compris entre 10 et 20 % peut être pathologique. Au-delà de 20 % il est très probablement anormal. 5. Conclusion L’exploration isocinétique du genou de l’adulte a permis d’apporter, au cours des 20 dernières années des compléments d’informations importants en complément de la clinique et de l’imagerie. Ce test fonctionnel renseigne, non seulement sur les capacités musculaires, mais plus globalement sur la fonction articulaire. Ce dernier aspect ne doit jamais être oublié lors du rendu de résultat, que le test soit réalisé en mode concentrique ou en mode excentrique. Il doit rendre prudent quant aux interprétations, notamment dans le domaine de la prévention. Enfin, ce mode d’exploration gagnerait beaucoup en reconnaissance si plus d’études prospectives bien conduites pouvaient être publiées.
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