Bull Cancer 2017; 104: 914–920
Article original
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Analyse des résultats des campagnes de dépistage du cancer du col de l'utérus à Conakry, Guinée Daniel William Athanase Leno 1, Fatoumata Diaraye Diallo 1, Ansoumane Yassima Camara 2, Mamadou Magassouba 1, Faya Dendo Komano 1, Ayelama Traore 1, Delphine Niamy 1, Julien Tolno 1, Oumou Cissoko 1, Mbalia Bangoura 1, Namory Keita 1
Reçu le 13 juillet 2017 Accepté le 21 septembre 2017 Disponible sur internet le : 7 novembre 2017
1. Hôpital national Donka, centre régional francophone de formation pour la prévention des cancers gynécologiques (CERFFO-PCG), PB 834 Conackry, Guinée 2. Université de Conakry, faculté de médecine pharmacie et odontostomatologie, Agence de santé publique, Canada
Correspondance : Daniel William Athanase Leno, université Gamal Abdel Nasser de Conakry, hôpital national Donka, service de gynécologie obstétrique, Conackry, Guinée.
[email protected]
914
Mots clés Campagne Dépistage Cancer du col utérin Conakry Guinée
Résumé But > Réduire les taux de morbidité et de décès de femmes par cancer du col de l'utérus en Guinée. Méthodologie > Il s'agissait d'une étude transversale de type descriptif de cinq jours réalisée au
cours de deux années successives (2012 et 2013) au CERFFO-PCG de Conakry. La population cible était constituée par toutes les femmes qui souhaitaient bénéficier du dépistage. Environ 500 femmes étaient attendues lors de chaque campagne de dépistage du cancer du col de l'utérus par les méthodes d'inspection visuelle à l'acide acétique à 5 % et au Lugo, avec traitement immédiat des lésions précancéreuses. La prise en charge des lésions cancéreuses, après confirmation histologique, était réalisée selon les protocoles en vigueur dans le pays. Nous avons réalisé une analyse descriptive simple et les résultats exprimés en pourcentage et en moyenne. Résultats > La population cible représentait 60,4 % en 2012 et 76,2 % en 2013, du total des femmes reçues. Le taux d'incidence des lésions intra-épithéliales de haut grade et des cancers est passé de 2,6 % en 2012 à 0,9 % en 2013. En 2012, les 57 lésions précancéreuses objectivées ont bénéficié d'un traitement immédiat et 10 cas de cancers sur les 16 ont eu un traitement chirurgical. Aussi en 2013, toutes les lésions précancéreuses ont été traitées immédiatement et 2 cancers sur les 4 ont bénéficié d'une chirurgie. Conclusion > En 2012, 57 lésions intra-épithéliales ont été dépistées et traitées par cold coagulation (32 cas), cryothérapie (19 cas) et par la résection à l'anse diathermique (RAD) (6 cas), tandis qu'en 2013 pour les 36 lésions intra-épithéliales dépistées, 25 cas ont été traités par cold coagulation, 9 cas par cryothérapies et un cas par RAD. Notre étude montre, qu'avec de la créativité, de la flexibilité, de la bonne organisation et une utilisation efficiente des ressources, les taux de morbidité et de décès de femmes par cancer du col de l'utérus dans un pays à très faibles ressources peuvent être significativement réduits.
tome 104 > n811 > novembre 2017 https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2017.09.012 © 2017 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Analysis of uterus cervical cancer screening campaign results in Conakry, Guinea Objective > Reduce morbidity and death rates of women with cervical cancer in Guinea. Methodology > This was a five-day cross-sectional study carried out in two successive years
(2012 and 2013) at the CERFFO-PCG in Conakry. The target population was women aged 25–49. Approximately 500 women for 2012 and 900 women were expected in these cervical screening campaigns by visual methods (IVA and IVL) with immediate treatment of precancerous lesions. After histologic confirmation of the cancer lesions, the management was carried out according to the protocols in force in the country. We performed a simple descriptive analysis and the results expressed as a percentage and on average. Results > The target population represented 60.4% in 2012 and 76.2% in 2013, of the total number of women received. The incidence rate of high-grade intraepithelial lesions and cancers increased from 2.6% in 2012 to 0.9% in 2013. In 2012, the 57 precancerous lesions were treated with immediate treatment and 10 cases of cancers out of the 16 had a surgical treatment. Also in 2013, all precancerous lesions were treated immediately and 2 cancers out of the 4 benefited from surgery. Conclusion > Our research shows that, with creativity, flexibility, good organization and efficient use of resources, morbidity and death rates of women with cervical cancer in a very resources can be significantly reduced.
Introduction
Patientes et méthodes
Le cancer du col de l'utérus est un problème de santé publique dans les pays en développement. Le cancer du col de l'utérus est le deuxième cancer le plus fréquent parmi les femmes dans le monde, avec 452 000 nouveaux cas par an [1]. Il représente la deuxième cause de mortalité par cancer chez les femmes dans le monde et la première chez la femme africaine [2,3]. En Guinée, le cancer du col de l'utérus constitue un véritable problème de santé publique, influant négativement sur la morbi-mortalité des femmes, avec une incidence standardisée de 49,6 pour 100 000 femmes [4]. Une des raisons principales, expliquant l'incidence nettement plus forte du cancer du col de l'utérus dans nos régions, est le manque de programmes de dépistage efficaces pour détecter les lésions précancéreuses et les traiter avant qu'elles ne progressent vers le cancer. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 5 % des femmes étaient examinées pour le dépistage du cancer du col dans les pays à faibles ressources, contre 40 à 50 % dans les pays développés [5]. Quand un dépistage du cancer du col utérin est bien organisé et que les femmes sont testées et traitées immédiatement (pour celles qui présentent des lésions pré cancéreuses éligibles), à intervalles réguliers, l'incidence de cette maladie peut être réduite. L'objectif général de cette étude était de contribuer à réduire les décès de femmes en améliorant leur accès à l'information et au dépistage du cancer du col de l'utérus. Spécifiquement, il s'agissait d'offrir à 500 femmes au cours des deux campagnes, un service de dépistage et de traitement des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus.
Type et période d'étude
tome 104 > n811 > novembre 2017
Il s'agissait d'une étude transversale de type descriptif de cinq jours réalisée au cours de deux années successives (22 au 26 octobre 2012 et 21 au 25 octobre 2013).
Site de campagne Les campagnes se sont déroulées au CERFFO-PCG (Centre régional francophone de formation à la prévention des cancers gynécologiques) situé dans l'enceinte de l'hôpital national Donka à Conakry.
Population d'étude La population d'étude était constituée de toutes les femmes qui voulaient bénéficier du dépistage, qui donnait un consentement libre et éclairé, n'étaient pas enceintes et n'avaient pas eu une hystérectomie totale.
Procédures de l'étude Les activités de dépistage du cancer du col ont été précédées par des campagnes d'information et de sensibilisation menées à travers les médias nationaux et locaux, des affiches et banderoles ainsi qu'à travers les services de santé de la ville de Conakry. Après l'enregistrement des femmes reçues, un counseling de groupe sur l'intérêt du dépistage du cancer du col en langue française et dans les principales langues nationales était réalisé. Les femmes acceptant le principe du dépistage du cancer du col de l'utérus participaient à une nouvelle séance individuelle d'information avant l'obtention du consentement éclairé. Ensuite, un questionnaire anonyme était administré aux
915
Keywords Campaign Screening Cervical cancer Conakry Guinea
Article original
Analyse des résultats des campagnes de dépistage du cancer du col de l'utérus à Conakry, Guinée
Article original
DWA. Leno, F.D. Diallo, A.Y. Camara, M. Magassouba, F.D. Komano, A. Traore, et al.
femmes pour recueillir des informations sociodémographiques ainsi que sur la vie sexuelle et la santé génésique de la femme.
Technique de dépistage Les méthodes de l'inspection visuelle du col après application d'acide acétique (IVA) à 5 % et de Lugol (IVL) ont été utilisées pour le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus. L'IVA consistait à appliquer une solution d'acide acétique à 5 % sur le col de l'utérus, puis sous un fort éclairage en l'observation après une minute des changements de couleur au niveau de la JPC. Les patientes IVA négative ne présentent aucun changement de couleur. Par contre, les patientes IVA positive présentent une coloration blanchâtre dense, acidophile, bien définie, proche ou à l'intérieure de la JPC [6–8]. Quant à l'IVL, il consistait en l'application d'une solution iodée sur le col utérin, puis en l'observation des modifications de couleur de la JPC. Chez les patientes IVL négative, on observe une coloration du col en noir ou acajou. En cas d'IVL positive, la JPC se colore en jaune safran ou jaune moutarde [6–8].
Déroulement du dépistage
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Le dépistage était réalisé au cours de l'examen gynécologique. Il débutait par l'inspection de la région vulvaire à la recherche de lésion. Après avoir placé le spéculum, la zone de jonction pavimento-cylindrique (JPC) était préalablement identifiée. Puis un examen sans préparation était réalisé dans un premier temps, suivi de l'IVA et de l'IVL puis d'une biopsie si le test était positif. En cas de positivité de l'un des tests, une colposcopie était effectuée suivi d'une biopsie au niveau de la zone positive siège de la lésion. Le site de biopsie était marqué sur le diagramme du questionnaire et le spécimen était recueilli dans un petit flacon contenant du formol et étiqueté avec le numéro d'identification de la femme et la date du prélèvement avant d'être adressé au laboratoire d'anatomie pathologie de l'hôpital national Donka. Par la suite, les patientes étaient immédiatement traitées soit par cryothérapie, soit par cold coagulation, à l'exception des femmes avec de larges lésions non éligibles pour le traitement immédiat qui ont été réconvoqués pour un traitement approprié selon les protocoles en vigueur dans le pays (résection à l'anse diathermique, hystérectomie. . .). Devant toute suspicion d'infection (écoulement endocervicale purulent, leucorrhées fétides malodorantes), un traitement probabiliste est administré avec de la doxycycline 200 mg : un comprimé par jour pendant 21 jours et du métronidazole 250 mg : 2 comprimés matin et soir pendant 10 jours. Pour les femmes ayant subi un traitement immédiat, des conseils étaient donnés sur les effets secondaires et leur prise en charge. Toutes les femmes vues en colposcopie étaient informées de la nécessité d'être revue un an après pour le suivi. Celles traitées étaient informées de la nécessité d'être revue à six semaines, trois mois, six mois et un an. Pour les femmes avec suspicion de cancer, après biopsie de la lésion pour confirmation histologique, une consultation additionnelle a été effectuée pour
déterminer le stade évolutif, réaliser un bilan d'extension et proposer un schéma de prise en charge (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie ou traitement palliatif). Les lésions précancéreuses ont été classées selon la classification de Bethesda en lésions intra-épithéliales de bas grade (LIEBG) et de haut grade (LIEHG). Nous avons adopté la classification de la Fédération internationale de gynécologie et obstétrique (FIGO) pour le cancer du col utérin : stade 0 : cancer intra-épithéliale ; stade I : cancer strictement limité au col ; stade II : cancer ayant dépassé le col stade III : cancer étendu à la paroi pelvienne et au tiers inférieur du vagin ; stade IV est un cancer envahissant les organes de voisinage.
Analyse des données Une analyse descriptive simple a été réalisée avec le logiciel SPSS version 17 et les résultats ont été exprimés en pourcentage.
Considérations éthiques Nous avons obtenu l'autorisation du ministère de la Santé et l'approbation du Comité national d'éthique pour la recherche en santé de Guinée.
Limites Notre étude comporte des limites liées au nombre insuffisant de la population et des jours de campagne.
Résultats et discussion L'analyse des résultats montre une forte implication de la tranche d'âge de 25–39 ans avec des proportions passant de 32,7 % en 2012 (tableau I) à 55 % en 2013 (tableau II). Ce constat prouve la mobilisation de cette catégorie de femmes ainsi que l'acceptation des programmes de dépistage et de la prise en charge des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus. Aussi, nous avons noté une baisse de plus de la moitié de la proportion des femmes de 50 ans et plus au cours des 2 campagnes, passant de 26,5 % (tableau I) à 11,7 % (tableau II). Toutefois, ces résultats encouragent à la multiplication de telles campagnes de dépistage à Conakry et dans toutes les autres villes de la Guinée. Il existe une corrélation entre l'importance de la couverture atteinte lors des programmes de dépistage et la diminution de l'incidence du cancer du col et la mortalité dues aux formes invasives de ce cancer. Des études menées en Thaïlande, en Chine, au Kenya, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, aux Philippines, au Congo, au Pakistan et au Guatemala prouvent l'importance du dépistage de masse par les méthodes visuelles dans la réduction dans la réduction de la morbidité et le décès de femmes par cancer du col de l'utérus [9–15]. Les programmes de dépistage bien organisés ont un meilleur impact que le dépistage opportuniste, parce qu'ils peuvent inclure davantage de femmes et particulièrement celles qui éprouvent des difficultés matérielles à adhérer au
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TABLEAU I Répartition des lésions précancéreuses et cancéreuses en fonction de l'âge pour la campagne 2012 Tranches d'âge (ans)
Total femmes
Types lésions
Total lésions (EHG + cancer)
Lésions intra-épithéliales n
%
n
%
Cancer
LIEHG
LIEBG I
n
n
I
0,0
1
0,8
5
1,6
7
2,3
1,1
4
1,5
7
2,7
25
0,8
7
2,8
9
3,6
100
0,9
16
1,7
24
2,6
%
I
n
15–24
123
13
7
14,3
5,7
1
12,5
0,8
0
25–39
307
32,7
14
28,6
4,6
2
25
0,7
40–49
261
27,8
16
32,6
6,1
3
37,5
50
249
26,5
12
24,5
4,8
2
Total
940
100
49
100
5,2
8
I
Article original
Analyse des résultats des campagnes de dépistage du cancer du col de l'utérus à Conakry, Guinée
N : nombre ; % : pourcentage ; I : incidence.
TABLEAU II Répartition des lésions précancéreuses et cancéreuses en fonction de l'âge pour la campagne 2013 Tranches d'âge (ans)
Total femmes
Types lésions
Total lésions (EHG + cancer)
Lésions intra-pithéliales
Cancer
LIEHG
LIEBG n
%
n
%
I
n
%
I
n
I
n
I
15–24
129
12
2
6,7
1,6
0
0,0
0,0
0
0,0
0
0,0
25–39
584
55
15
51,7
2,6
4
66,6
0,7
1
0,2
5
0,9
40–49
226
21,3
5
17,2
2,2
1
16,7
0,4
2
0,9
3
1,3
50
124
11,7
7
24,1
5,6
1
16,7
0,4
1
0,8
2
1,6
Total
1063
100
29
100
2,7
6
100
0,9
4
0,4
10
0,9
N : nombre ; % : pourcentage ; I : incidence.
tome 104 > n811 > novembre 2017
13 % en 2012 (tableau I) à 12 % en 2013 (tableau II). Cette très légère baisse pourrait s'expliquer par le fait qu'en 2012, la sensibilisation et les séances de mobilisation ont été plus importantes et ont ciblé plus d'établissements scolaires et universitaires qui regorgent de très nombreuses adolescentes et jeunes femmes. Ainsi, il serait important de renforcer les stratégies de communication et de sensibilisation sur l'intérêt du dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus et de la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) au sein des établissements scolaires et universitaires. L'incidence des LIEHG et du cancer du col utérin chez les femmes de 15 à 24 ans a baissé au cours des deux campagnes, passant de 0,8 % en 2012 (tableau I) à 0,0 % en 2013 (tableau II). Nous n'avons observé aucune lésion cancéreuse chez ces femmes durant les deux campagnes. Toute fois, l'incidence des LIEBG est passée de 5,7 % en 2012 (tableau I) à 1,6 % en 2013 (tableau II). Ceci pourrait s'expliquer par le fait que l'infection
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dépistage et présentent en même temps les risques les plus graves de cancer du col. Un dépistage organisé se prête beaucoup mieux à la mise en place et à la surveillance des mesures d'assurance-qualité. De plus, il est important de renforcer les capacités du personnel au niveau des différentes structures sanitaires afin d'intégrer le dépistage aux activités de la santé de la reproduction. La mise en place de ces différentes stratégies pourrait contribuer à réduire la morbidité et le décès de femmes par cancer du col de l'utérus en Guinée. Nos résultats montrent une baisse des taux d'incidence des lésions précancéreuses de haut grade (LIEHG) et cancéreuses du col de l'utérus de 2,6 % en 2012 (tableau I) à 0,9 % en 2013 (tableau II). Ceci pourrait s'expliquer par le fait qu'une partie de la population dépistée en 2012 l'a été également en 2013 et que les anomalies dépistées en 2012 et prises en charge à ce moment-là ne sont plus retrouvées l'année suivante. Dans notre étude, la proportion des femmes âgées de 15 à 24 ans est restée presque stable lors des deux campagnes, de
Article original
DWA. Leno, F.D. Diallo, A.Y. Camara, M. Magassouba, F.D. Komano, A. Traore, et al.
persistante par le virus du papillome humain (HPV), considérée comme la principale cause du cancer du col utérin, débute souvent dans cette tranche d'âge. Ainsi, les LIEHG et les cancers n'apparaissent que plus tardivement. Dans la population des femmes âgées de 25–39 ans, on note une stabilité de l'incidence des LIEHG au cours des deux campagnes. Cependant, nous avons observé une baisse de l'incidence des cancers de 1,6 % en 2012 (tableau I) à 0,2 % en 2013 (tableau II). Chez les femmes de 40–49 ans, on notait une baisse de l'incidence des LIEHG et des cancers de 2,7 % en 2012 (tableau I) à 1,3 % en 2013 (tableau II). Ces résultats qui confirment l'évolution naturelle du cancer du col de l'utérus soulignent, d'une part, la nécessité de la prise en compte de la population jeune dans les programmes de dépistage du cancer du col utérin dans notre contexte de travail. À cela s'ajoutent le besoin d'une prévention secondaire à travers les méthodes visuelles (IVA et/ou IVL) et le traitement immédiat des lésions précancéreuses éligibles. Cette prévention secondaire est d'autant plus importante pour les pays à faibles ressources comme la Guinée, que les vaccins contre le HPV restent très coûteux. C'est pourquoi, dans nos pays à faibles ressources, les méthodes visuelles qui sont efficaces, rapides d'utilisation, peu coûteuses, fiables, qui utilisent peu de matériels et consommables, doivent être pratiquées dans toutes les structures de santé. En 2012, sur les 57 lésions précancéreuses, 32 ont été traitées par cold coagulation, 19 par cryothérapie et 6 par la résection à l'anse diathermique (RAD). Lors du contrôle, aucune ne présentait une lésion. En 2013, nous avons réalisé 25 cold coagulation, 9 cryothérapies et 1 RAD. Nous avons observé lors
du contrôle deux cas de persistance de lésions précancéreuses de haut grade traité. Dans notre série, la cold coagulation a été la méthode de traitement la plus utilisée à côté de la cryothérapie en raison des difficultés d'obtention du gaz. Pour Castro et al. [16], la cryothérapie est une méthode de première ligne pour les femmes avec lésions précancéreuses. Elle peut être utilisée pour traiter la plupart des lésions précancéreuses, sauf pour les lésions qui s'étendent dans le canal endocervical et pour les grandes lésions que couvrent plus de trois quadrants du col de l'utérus [8]. Il est important de noter que cette approche thérapeutique présente des limites puisque les lésions squamo-cylindriques endocervicales ne bénéficient pas d'un examen anatomopathologique complet et pourraient de manière inappropriée faire l'objet d'un traitement destructeur. Toutefois, le dépistage des lésions précancéreuses et leur traitement immédiat constituent une exigence pour limiter leur évolution vers le cancer invasif. Selon la littérature, une femme subissant un dépistage du cancer du col de l'utérus réduirait son risque de développer un cancer du col de l'utérus de 25 à 36 % [17]. Dans notre étude, l'incidence des LIEHG et des lésions cancéreuses étaient plus importantes chez les femmes de 50 ans et plus, de 3,6 en 2012 (tableau I) à 1,6 en 2013 (tableau II). Ceci confirme la littérature existante sur l'évolution naturelle du cancer du col de l'utérus, à savoir le décalage d'une dizaine d'années entre l'âge de survenue des cancers invasifs et celui des lésions précancéreuses [17–19]. Après stadification selon la FIGO, parmi les 16 cas de cancers en 2012 (figure 1), il y avait 6 cas au stade I, 3 cas au stade II, 4 cas au stade III, 1 cas au stade
2 1 6
I II III IV N St
4
N St=Non Stadifié
3
Figure 1
918
Répartition des 16 cas de cancers invasifs de 2012 selon le stade de la FIGO
tome 104 > n811 > novembre 2017
Article original
Analyse des résultats des campagnes de dépistage du cancer du col de l'utérus à Conakry, Guinée
Figure 2 Répartition des 4 cas de cancers invasifs de 2013 selon le stade de la FIGO
tome 104 > n811 > novembre 2017
Conclusion Le succès du dépistage dépend avant tout du taux de participation de la population, de la qualité du test de dépistage et de l'efficacité du traitement des lésions observées au dépistage. Afin d'augmenter la couverture nationale du dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l'utérus et réduire les inégalités, il est fondamental de réaliser périodiquement ces campagnes dans les différentes régions de la Guinée. Pour les réussir, il faudrait un engagement des autorités sanitaires, une collaboration et l'implication du personnel soignant, ainsi que la disponibilité des matériels et consommables. La prise en charge complète des lésions cancéreuses représente donc un réel défi en Guinée. En Guinée, les femmes ont attendu beaucoup trop longtemps et sont décédées inutilement en attendant la mise en œuvre de programmes sophistiqués nécessitant de lourds investissements. La réalisation de telles campagnes de dépistage montre, qu'avec de la créativité, de la flexibilité, de la bonne organisation et une utilisation efficiente des ressources, les taux de morbidité et de décès de femmes par cancer du col de l'utérus dans un pays à faibles ressources peuvent être significativement réduits. Remerciements : nos remerciements au ministère de la santé, à l'UNFPA et toutes les personnes qui se sont impliqués dans ces campagnes. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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IV et 2 cas non stadifiés. Un traitement chirurgical (hystérectomie, colpohystérectomie élargie + lymphadénectomie) a été réalisé dans 10 cas (stades I et II et 1 stade III a). Un cas a été traité par radiothérapie à l'extérieur du pays, deux cas sont décédés (stades III b et IV) et 3 cas perdus de vue. Par contre, la proportion de cancer était moins importante en 2013, avec sur les quatre cas de cancers du col de l'utérus (figure 2), deux au stade II b, un au stade III a et un au stade IV. Les deux cancers au stade II b ont bénéficié d'un traitement chirurgical et les stades avancés (III a et IV) de chimiothérapie et de traitement palliatif. Il faut noter que dans nos pays à faibles ressources, la prise en charge du cancer invasif quel qu'il soit et quel qu'en soit le stade est une prise en charge de longue durée. En plus du traitement qui peut comprendre plusieurs modalités thérapeutiques, il faut rajouter la nécessité de la mise en place d'un processus de suivi post-thérapeutique à la recherche de récidives ou de reprises évolutives toujours possible. À cela s'ajoutent les frais de voyage et d'hébergement si un traitement complet est indiqué. En Guinée, cette prise en charge est, dans la majorité des cas, assurée par la patiente et sa famille sans aide extérieure. Une autre difficulté liée à cette prise en charge est l'absence de centre de radiothérapie en Guinée. C'est dire la nécessité de la création d'un tel centre pour assurer une prise en charge complète des patientes souffrant de cette maladie et réduire les coûts du traitement.
Article original
DWA. Leno, F.D. Diallo, A.Y. Camara, M. Magassouba, F.D. Komano, A. Traore, et al.
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tome 104 > n811 > novembre 2017