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Science & Sports 23 (2008) 22–25
Communication brève
Analyse des statuts nutritionnels selon les postes de jeu en rugby夽 Analysis of the nutritional status according to the playing station of play in rugby O. Dupuy a , M.-A. Fargeas-Gluck b,∗ a
LAPHAH-EA 3813, faculté des sciences du sport, université de Poitiers, 5, rue Roaul-Follereau, 86000 Poitiers, France b Département des sciences et métiers du sport, EA 3174, faculté des sciences et techniques, université de Limoges, 123, avenue Albert-Thomas, 87060 Limoges cedex, France Disponible sur Internet le 21 février 2008
Résumé Introduction. – L’objectif de cette étude est d’examiner si les apports nutritionnels des joueurs de rugby semi-professionnels sont adaptés à la spécificité de leur activité, ainsi qu’aux postes de jeu occupés. Synthèse des faits. – Un bilan nutritionnel est réalisé sur 40 joueurs. Les rations glucidiques et protéiques rapportées en gramme par kilogramme de poids corporel sont faibles pour pouvoir répondre aux exigences de l’activité sans en altérer les performances. Les rations lipidiques sont qualitativement insatisfaisantes. Les apports en minéraux sont adaptés aux besoins physiologiques, contrairement aux vitamines qui ne le sont que quantitativement. Conclusion. – Quels que soient les postes de jeu occupés, les apports énergétiques et métaboliques ne répondent pas aux exigences physiologiques requises par l’activité. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – The aim of this study is to examine whether the nutritional status of semi-professional rugby players are adapted concerning their physical activity and the playing stations of play. Synthesis of the facts. – A nutritional status is realized on 40 players. The glucidic and protein rations are low. The lipid rations are qualitatively unsatisfactory. The minerals content are adapted for the needs of their activity. However, only the quantity of vitamins are adapted. Conclusion. – About the playing station of play rugby, the energy and metabolic contributions do not answer the physiological requirements required by the activity. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Statut nutritionnel ; Rugby ; Postes ; Joueur semi-professionnel Keywords: Nutritional status; Rugby; Playing station; Semi-professional players
1. Introduction Si la nutrition et la diététique ne demeurent pas moins être des acteurs prépondérants de la santé, ce sont également des piliers indiscutables de la performance sportive. Au même titre
夽
Présenté au Colloque sports et sciences, faculté des sciences et technique de Limoges, 9 mai 2007. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.-A. Fargeas-Gluck). 0765-1597/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2007.11.003
que la préparation physique, la diététique doit être adaptée et spécifique aux exigences de la pratique. L’objet de notre étude, consiste à examiner si l’alimentation des joueurs de rugby semi-professionnels est suffisamment équilibrée pour couvrir les besoins liées à leur pratique sportive et ce de manière spécifique à leur poste. 2. Sujets et méthodes Quarante rugbymen (17 trois-quarts et 23 avants) âgés de 23,6 ± 3,9 ans constituent notre population. Les joueurs
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Tableau 1 Apports énergétiques, moyennes ± écart-type des glucides, lipides et protéines Avants
Trois-quarts
p
IMC Energie (kcal)
31,5 ± 3,5 4086,4 ± 933,7
Glucides (%) g/kg/j Sucres simples
53,6 ± 5,8 5,1 ± 1,3 17,0 ± 5,2
51,93 ± 7,4 6,0 ± 2,2 17,14 ± 7,7
*
Protéines (%) g/kg/j Animale/végétale
17,1 ± 1,8 1,6 ± 0,3 positif
16,4 ± 2,5 1,8 ± 0,4 positif
*
15 2–2,5 positif
Lipides (%) AG saturés AG monoinsaturés AG polyinsaturés
29,2 49,2 39,5 11,1
ns ns ns ns
30 25–35 % 60 % 10–15 %
± ± ± ±
5,0 3,3 1,9 2,5
25,8 ± 1,6 3782,8 ± 1158,9
Apports conseillés
31,7 49,3 39,3 11,3
± ± ± ±
*
ns
–
ns
50–55 5–10 < 10
ns ns
6,4 3,1 1,6 2,5
ns : non significatif. * p < 0,05.
évoluent au niveau semi-professionnel avec une charge d’entraînement hebdomadaire supérieure à 18 heures. À l’aide d’un journal alimentaire, une enquête nutritionnelle a été réalisée en période d’entraînement. Le bilan nutritionnel a été déterminé pour chaque individu, à l’aide du logiciel Bilnut® (version 4.0). Les apports quotidiens en lipides, protides, glucides, en minéraux et en vitamines sont estimés. Les bilans nutritionnels sont comparés entre les avants et les trois-quarts à l’aide du test t de Student. Les différences ont été considérées comme significatives au seuil de 5 %.
3. Résultats L’ensemble des résultats est synthétisé dans les Tableaux 1 et 2. Les valeurs de la dépense énergétique liée au métabolisme de base sont respectivement, pour les avants et les trois-quarts, de 2329 ± 155 kcal et 1972,9 ± 153 kcal. La demande énergétique de base est plus importante chez les avants que chez les arrières (p < 0,05). Les apports en glucides, en protides et en lipides, exprimés en pourcentage, sont identiques entre les deux groupes.
Tableau 2 Apports en différents minéraux et vitamines (moyennes ± écart-type) Avants Minéraux Sodium (mg) Potassium (mg) Magnésium (mg) Phosphore (mg) Calcium (mg) Fer (mg) Zinc (mg) Vitamines Vitamines B1 (mg) Vitamines B2 (mg) Vitamine B5 (mg) Vitamine B6 (mg) Vitamine B9 (g) Vitamine B12 (g) Vitamine PP (mg) Vitamine A (g) Vitamine C (mg) Vitamine D (g) Vitamine E (mg) ns : non significatif. * p < 0,05.
4518,3 5258,9 476,7 2456,7 1691,3 22,0 12,7
Trois-quarts ± ± ± ± ± ± ±
1958,3 1588,7 111,8 613,1 697,6 6,17 3,2
1,9 2,6 6,2 2,3 528,4 5,4 16,3 454,4 193,5 2,4 14,4
± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ±
0,7 1,0 1,9 0,9 194,8 2,0 7,2 239,5 111,2 1,4 3,1
3698,4 4276,4 403,3 2139,5 1348,2 18,8 10,8
± ± ± ± ± ± ±
p *
1800,3 1656,0 132,6 576,7 424,3 7,4 3,8
1,48 2,23 5,52 1,71 445,7 5,01 12,82 465 151,65 2,35 14,87
± ± ± ± ± ± ± ± ± ± ±
Apports conseillés 2300 2000–2500 420 750 900 9 12
* * * *
ns *
0,6 1,2 2,6 0,9 236,4 1,9 6,5 318,3 108,2 1,7 4,7
*
ns ns *
ns ns ns ns ns ns ns
1,3 1,6 5 1,8 330 2,4 14 800 110 5 12
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Néanmoins, les apports en protides et en glucides, exprimés en gramme par kilogramme de poids corporel, sont plus importants chez les trois-quarts (p < 0,05). De manière générale, ces apports semblent couvrir les besoins malgré une proportion en acides gras saturés beaucoup trop importante. Les apports en minéraux (Tableau 2) respectent la couverture des besoins des sportifs. Ils sont plus importants chez les avants (p < 0,05). Les apports en vitamines (Tableau 2) couvrent majoritairement les besoins. En revanche, ces apports vitaminiques ne sont pas adaptés aux postes des joueurs à l’exception des vitamines B1 et B6 . 4. Discussion Les apports énergétiques quantitatifs de notre population, répondent aux exigences de la pratique, estimées à 7,9 MJ. [1] La pratique du rugby correspond très souvent à un effort de type intermittent, sollicitant ainsi très largement le glycogène musculaire et/ou, voire hépatique. L’intensité moyenne individuellement développée durant la totalité d’un match est proche de 80 à 85 % de la puissance aérobie maximale [1]. Les rations glucidiques quantitatives (Tableau 2) couvrent les besoins des sportifs. Néanmoins, la ration glucidique rapportée en gramme par kilogramme de poids corporel est insuffisante. Un apport minimum de 8 g/kg de poids corporel est conseillé en pleine période d’entraînement et de compétition. De manière plus spécifique, les rations glucidiques relevées chez les troisquarts sont plus importantes que chez les avants (p < 0,05). Néanmoins, cette ration n’est pas adaptée puisque les avants passent plus de 20 % de la rencontre à plus de 95 % de la FCmax [2] et plus de la moitié de la rencontre entre 85 et 95 % de la FCmax . Les rations protidiques, d’un point de vue qualitatif, sont insatisfaisantes (valeurs inférieures à 2 g/kg de poids corporel). Or une augmentation des besoins protéiques située entre 2 et 2,5 g/kg de poids corporel est recommandée lorsque le sport pratiqué combine successivement des entraînements de force et d’endurance [3]. Jusqu’à 2,5 g/kg de protéines par poids corporel, il n’existe aucun effet secondaire nuisible sur les foncions hépatiques et rénales [4]. En revanche, de manière qualitative, l’apport en protéine chez les trois-quarts est plus important. La répétition de chocs, de percussions et d’exercices courts et très intenses qui sollicitent des contractions musculaires de type excentrique, comme ceux produits au cours d’un match de rugby, peut être délétère pour les structures membranaires des cellules musculaires et donc à terme pour la fonction musculaire. Ce type d’actions étant le plus souvent observé chez les avants, leur besoin en protéines en est accru. Les apports en lipides sont quant à eux tout à fait corrects. Il n’existe pas d’argument probant pour augmenter les apports lipidiques. Néanmoins, d’un point de vue qualitatif, les apports sont complètements déréglés. Les graisses saturées sont en apports trop importants, au détriment des acides gras polyinsaturés et monoinsaturés. Cet apport trop important peut être à l’origine
d’une prise de masse grasse trop importante ; alors complètement incompatible à la pratique du rugby de haut niveau. Les apports en minéraux sont, quant à eux, adaptés non seulement à la population sportive des rugbymen, mais également en respectant la spécificité physiologique des postes de jeu. Les apports en minéraux sont majoritairement tous plus importants chez les avants que chez les arrières. Les exigences physiologiques et physiques des avants étant plus importantes, leurs besoins en minéraux en sont plus accrus. Leurs rôles dans les mécanismes de la contraction musculaire, des mécanismes énergétiques, du maintien acidobasique et ainsi que dans les processus de réparation des lésions oxydatives, justifient des apports plus importants chez les avants. Du fait de leur rôle coenzymatique dans des réactions du métabolisme cellulaire, les besoins en plusieurs vitamines hydrosolubles (B1 , B2 , B3 , PP, B6 et C) sont proportionnels à la dépense énergétique. Les résultats du Tableau 2 ne montrent aucune carence en vitamine du groupement B. De manière plus spécifique au poste de jeu, seul les apports en vitamines B1 et B6 sont corrects. Le rôle antioxydant des vitamines E et C est également assuré par des apports satisfaisants. En raison d’une production de radicaux libre supposée plus importante chez les avants, il aurait été satisfaisant d’observer cette même différence entre ces deux groupes de joueurs. 5. Conclusions L’évaluation des bilans nutritionnels des joueurs de rugby semi-professionnels, nous permet de conclure que leur statut nutritionnel n’est pas totalement en accord avec ceux recommandés pour une population sportive. Dans un objectif de performance, les rations en glucides et en protides semblent faibles et doivent être augmentées. Le risque de prise de masse grasse est également présent, au regard des apports trop important en sucres simples et en graisses saturées. De manière spécifique au poste de jeu, seuls les apports en minéraux et en certaines vitamines du groupement B semblent être adaptés. Il semble justifié de préconiser des apports énergétiques plus importants chez les avants, avec des rations glucidiques et protidiques significativement différentes des celles des trois-quarts. Aussi, le suivi alimentaire de chaque joueur doit être spécifique à son poste et à ses caractéristiques personnelles et revêt d’un grand intérêt dans la poursuite des objectifs de chacun. Une éducation nutritionnelle individuelle peut être également conseillée et permettrait à chacun de sélectionner ses aliments afin d’éviter toutes déficiences nuisibles à sa propre santé et à ses propres performances. Références [1] Coutts A, Reaburn P, Abt G. Heart rate, blood lactate concentration and estimated energy expenditure in a semi-professional rugby league team during a match: a case study. J Sports Sci 2003;21(2):97–103.
O. Dupuy, M.-A. Fargeas-Gluck / Science & Sports 23 (2008) 22–25 [2] Doutreloux JP, Tepe P, Demont M, Passelergue P, Artigot A. Exigences énergétiques estimées selon les postes de jeu en rugby. Sci Sports 2002;17:189–97. [3] C-Y. Guezennec, M. Chennaoui. Effets de l’exercice musculaire sur le metabolisme des proteines : besoins nutritionnels. In : Hager J-Ph, édi-
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teur. Lyon: Congrès médical de la Fédération Franc¸aise de Rugby; 2004. [4] Poortmans JR, Dellalieux O. Do regular high protein diets have potential health risks on kidney function in athletes ? Int J Sport Nutr Exerc Metab 2000;10:28–38.