Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 11–16
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Mémoire original
Analyse tridimensionnelle de l’orientation de la courbure fémorale : est-elle en adéquation avec la courbure sagittale des implants ?夽 Three-dimensional orientation of the femoral curvature. How well does it match with the sagittal curvature of femoral implants? Antoine Schmitt a,∗,b , Hoel Letissier c,d , Sergii Poltaretskyi e , Damien Babusiaux f , Philippe Rosset a,b , Louis-Romée Le Nail a,b a
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHRU hopitaux de Tours – Trousseau, avenue de la République, 37170 Chambray-lès-Tours, France Faculté de médecine, université Franc¸ois Rabelais, 10, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France c Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, centre hospitalier régional universitaire de Brest, 6, boulevard Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France d LaTIM, Inserm, UMR 1101, SFR IBSAM, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France e Imascap, 65, place Nicolas-Copernic, 29280 Plouzané, France f Clinique chirurgicale de l’Alliance, 1, boulevard Alfred-Nobel, 37100 Tours, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 6 mai 2018 Accepté le 12 octobre 2018 Mots clés : Anatomie fémorale Courbure fémorale Diaphyse Tiges de reprise fémorales Prothèse totale de hanche
r é s u m é Contexte. – La courbure de la diaphyse fémorale est habituellement considérée comme inscrite dans un plan sagittal. De nombreux travaux ont évalué son rayon de courbure mais très peu ont analysé l’orientation du plan dans lequel elle s’inscrit. L’orientation de ce plan peut influencer la rotation des clous centromédullaires ou des tiges de reprise à appui diaphysaire. Aussi, nous avons mené une étude anatomique 3D afin : (1) d’analyser en 3 dimensions la courbure de la diaphyse fémorale, en précisant l’orientation du plan dans lequel elle s’inscrivait, (2) de rechercher les relations entre l’orientation de la courbure et les paramètres anatomiques du fémur. Hypothèse. – L’hypothèse était que ce plan dans lequel s’inscrit la courbure fémorale n’est pas sagittal mais antéro-latéral. Matériel et méthodes. – Un examen tomodensitométrique (TDM) a été réalisé sur des fémurs secs, provenant du laboratoire d’anatomie. Les reconstructions 3D ont été analysées pour caractériser la courbure de la diaphyse, les rayons de ses différentes portions et déterminer le plan dans lequel elle s’inscrivait par rapport au plan frontal de référence habituel défini par 3 points : face postérieure des condyles et du massif trochantérien. Les paramètres suivants ont été analysés : la taille, l’angle cervico-diaphysaire, le valgus fémoral et l’antéversion du col. Résultats. – Quarante-cinq fémurs ont été analysés. La plus grande courbure s’inscrivait dans un plan orienté en moyenne de 78,3◦ ± 14,9◦ (35,2◦ à 106,7◦ ) en antéro-latéral. La corrélation entre l’orientation de la courbure fémorale et l’angle cervico-diaphysaire (R = 0,172), la taille (R = 0,095), le valgus (R = 0,104) et la courbure totale (R = 0,60) étaient faibles. Discussion. – Les implants à fixation diaphysaire sont conc¸us pour une courbure fémorale s’inscrivant dans un plan sagittal strict. Les tiges longues de reprise à ancrage diaphysaire peuvent donc avoir une tendance à la rotation latérale lors de leur insertion. La correction de cette rotation latérale pour éviter une antéversion peut entraîner de ce fait un press-fit moins satisfaisant. La courbure fémorale doit être prise en compte dans le design des implants à fixation endomédullaire. Niveau de preuve. – IV, étude anatomique sans groupe témoin. ´ ´ es. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.otsr.2018.09.018. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Schmitt). https://doi.org/10.1016/j.rcot.2018.11.003 ´ ´ 1877-0517/© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
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1. Introduction La courbure de la diaphyse fémorale est habituellement considérée comme inscrite dans un plan sagittal avec une convexité antérieure, permettant son analyse simplifiée sur des radiographies de face et de profil. Les implants avec ancrage endomédullaire dans la partie moyenne de la diaphyse fémorale (clou, tige de reprise de prothèse totale de hanche [PTH]), comportent une courbure destinée à se trouver dans un plan sagittal [1]. Certains auteurs [1–4] rapportent une inadéquation entre le rayon de courbure du fémur et ces implants, sans pour autant apporter d’informations sur le plan dans lequel elle s’inscrivait. L’orientation de ce plan peut modifier la position en rotation des implants et avoir des conséquences en chirurgie prothétique ou traumatologique du fémur. L’expérience montre souvent qu’il existe une tendance à la rotation latérale des tiges longues anatomiques sans ciment lors de leur insertion dans les reprises de PTH [2,4]. Il apparaît donc une incertitude sur l’orientation du plan de la courbure fémorale qui peut influencer la rotation des clous centromédullaires ou des tiges de reprise à appui diaphysaire. Aussi, nous avons mené une étude anatomique 3D afin : • d’analyser en 3 dimensions la courbure de la diaphyse fémorale, en précisant l’orientation du plan dans lequel elle s’inscrivait ; • de rechercher les relations entre l’orientation de la courbure et les paramètres anatomiques du fémur. Notre hypothèse était que ce plan n’était pas strictement sagittal mais orienté en avant et latéralement. 2. Matériel et méthodes 2.1. Matériel Les fémurs provenaient du laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de Tours via l’association du don du corps. Il n’y avait donc pas de nécessité d’autorisation du Comité de protection des personnes en recherche biomédicale. Les fémurs étaient préparés manuellement puis à l’autoclave pour obtenir des os secs. Il s’agissait de l’ensemble des fémurs disponibles n’ayant pas de trace d’ostéosynthèse ou d’arthroplastie. Les données sur l’âge, le sexe ou l’ethnie n’étaient pas connues.
une série de coupes de diaphyse fémorale dont l’orientation de la courbure a été par traitement d’image fixée à 90◦ afin de connaître préalablement la vérité terrain : ainsi, le centre de la diaphyse fémorale de cette série test de validation ne variait que selon l’axe y. Les deux observateurs devaient définir de manière indépendante le centre de la diaphyse sur 10 coupes régulièrement réparties sur toute la longueur de celle-ci selon le même protocole de mesure (débutant sous le petit trochanter jusqu’à la métaphyse inférieure). Le logiciel définissait le plan approchant statistiquement au mieux de ces 10 points avec calcul de l’erreur quadratique moyenne (best plane fit) (Fig. 1). Le logiciel calculait ensuite l’angle ouvert vers l’extérieur entre ce plan et le plan de coronal permettant de définir le plan dans lequel s’inscrivait la courbure fémorale. Les mesures 3D ont été réalisées en fonction du plan de référence coronal. La tête du fémur a été inscrite dans une sphère permettant de définir son centre. La diaphyse fémorale débutait en proximal sous le petit trochanter et se terminait en distal au bord supérieur du carré épiphysaire de Heim (Fig. 2). L’axe anatomique de la diaphyse était défini sur une vue de face par la droite reliant le centre de la diaphyse de proximal en distal. L’axe cervico-céphalique était représenté par la droite reliant le centre de la tête et le milieu du col. L’axe mécanique du fémur était défini par la droite reliant le centre de la tête et le milieu de l’épiphyse inférieure entre les condyles fémoraux. La courbure était matérialisée en reliant les points au centre des différentes tranches de section de la diaphyse. Le rayon de courbure global de la diaphyse a été calculé dans le plan de la courbure ainsi que sur sa projection dans le plan sagittal. La courbure de chaque tiers (proximal, moyen et distal) a également été précisée. Les mesures suivantes ont été réalisées dans le plan coronal de référence : • la longueur du fémur = la distance entre la tangente inférieure aux condyles fémoraux et la parallèle tangente au bord supérieur de la tête ; • l’angle cervico-diaphysaire situé entre l’axe anatomique de la diaphyse et l’axe cervico-céphalique ; • le valgus fémoral situé entre l’axe anatomique de la diaphyse et l’axe mécanique du fémur. L’antéversion du col était définie par l’angle entre l’axe cervicodiaphysaire et le plan coronal de référence. 2.4. Méthodes statistiques
2.2. Méthodes Chaque fémur était positionné sur une cale en mousse rigide en appui sur la partie postérieure des 2 condyles et du massif trochantérien, ces 3 points définissant le plan coronal de référence. Les scanners ont été réalisés dans le service d’imagerie du CHU de Tours sur un scanner Siemens SomatomTM Définition AS+ (constantes d’acquisitions : 80 kV, 11mAS, SC : 500,00 mm). Les coupes osseuses millimétriques permettaient les reconstructions en 3D. 2.3. Méthodes de mesure Jusqu’à ce jour, il n’existe pas de méthode consensuelle afin de mesurer l’orientation de la courbure fémorale. Les images DICOM furent exploitées par un logiciel réalisé sur mesure (ImascapTM ) : il s’agissait d’une visionneuse de fichiers DICOM, qui permettait l’ajustement d’un plan à partir d’un choix de multiples points sur les vues transversales. Les mesures étaient effectuées par deux observateurs, en aveugle l’un de l’autre. Chaque observateur répétait ses mesures deux fois à quinze jours d’intervalle sans avoir accès à son premier résultat. La validation du logiciel a été réalisée grâce à
Les analyses de reproductibilité inter- et intra-observateurs étaient réalisées par le calcul du coefficient Kappa de Cohen [5] et le coefficient de corrélation intra-classe (ICC) [6] et schématisées selon la méthode de Bland et Altman. L’accord entre les observateurs était interprété selon la méthode suivante : accord faible pour des valeurs < 0,45, médiocre à bon pour des valeurs entre 0,45 et 0,75 et excellent pour les valeurs > 0,75 [6]. Les rayons de courbure à chaque tiers de la diaphyse ont été comparés entre par analyse de variance (Anova) grâce au test post-hoc Tukey. L’analyse statistique a été réalisée par le logiciel MedCalc Statistical Software version 15,2 (MedCalc Software bvba, Ostend, Belgium ; 2015). Les analyses de corrélation étaient réalisées par une régression linéaire et les comparaisons des moyennes étaient effectuées par des t-tests au risque ␣ = 0,05. 3. Résultats Quarante-cinq fémurs ont été inclus, 24 gauches et 21 droits. Les données morphologiques des fémurs sont disponibles dans le Tableau 1.
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Fig. 1. Choix (« Picking ») de chaque point de manière manuelle du centre de la diaphyse fémorale à différentes hauteurs afin de déterminer le plan dans lequel la courbure du fémur s’inscrit (best plane fit) et calcul de l’angle ␣ définit par l’angle ouvert en dehors en degrés entre le plan de référence coronal et le plan de la courbure fémorale. La validation de cette procédure retrouvait une erreur moyenne de 0,49◦ ± 0,32◦ (0,14 à 1,14◦ ).
Fig. 2. Épiphyse fémorale définie par le carré de Heim. Tableau 1 Caractéristiques des fémurs. L’orientation de la courbure fémorale était de 78,3◦ ± 14,9◦ (35,2 à 106,7◦ ). Il n’existait pas de différence significative entre fémurs gauche et fémurs droits. Nombre de fémurs
Total (45)
Gauche (24)
Droits (21)
p
Longueur totale
437,9 mm ± 31,8 (369 à 495 mm)
436,4 mm ± 27,6 (397 à 492 mm)
439,5 mm ± 36,8 (369 à 495 mm)
Angle cervico-diaphysaire
125,7◦ ± 9,1 (108 à 147◦ mm)
125,9◦ ± 8,5 (108 à 146◦ )
125,6◦ ± 10,0 (114 à 147◦ )
Valgus fémoral
5,7◦ ± 0,9 (2,6 à 7,5◦ )
5,5◦ ± 0,8 (2,6 à 6,9◦ )
6,0◦ ± 0,9 (4,3 à 7,5◦ )
Antéversion du col fémoral
15,5◦ ± 8,8 (2,4 à 34,4◦ )
17,5◦ ± 8,9 (3,0 à 34,4◦ )
13,1◦ ± 8,8 (2,4 à 30,0◦ )
Rayon de courbure dans le plan de la courbure
1802 mm ± 1296 (575 à 7489 mm)
1532 mm ± 888 (575 à 4411 mm)
2111 mm ± 1613 (817 à 7489 mm)
NS p = 0,7489 NS p = 0,91 NS p = 0,0549 NS p = 0,1035 NS
Courbure 2D interne sagittale globale
907 mm ± 180 (558 à 1212 mm)
923 mm ± 177 (566 à 1201 mm)
889 mm ± 184 (558 à 1212 mm)
p = 0,1366 NS
Tiers supérieur
2104 mm ± 2183 (483–9212)
2555 mm ± 2346 (499 à 8326)
1588 mm ± 1905 (483 à 9212)
Tiers moyen Tiers inférieur Rayon de courbure dans le plan coronal
1006 mm ± 521 (291 à 2898) 1816 mm ± 1788 (415 à 7726) 2943 mm ± 1477 (919 à 6823 mm)
1044 mm ± 440 (470 à 1940) 1952 mm ± 1904 (445 à 7726 2984 mm ± 1456 (944 à 6823 mm)
962 mm ± 610 (291 à 2898) 1660 mm ± 1677 (415 à 6867) 2894 mm ± 1533 (919 à 5917 mm)
p = 0,53 NS p = 0,14 NS p = 0,604 NS p = 0,59 NS
Orientation de la courbure fémorale
78,3◦ ± 14,9◦ (35,2◦ à 106,7◦ )
76,0◦ ± 15,3◦ (35,2◦ à 101,4◦ )
80,9◦ ± 14,4◦ (57,4◦ à 106,7◦ )
p = 0,84 NS p = 0,2768
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Tableau 2 Mesure de l’orientation de la courbure fémorale pour chaque observateur. Résultats en degrés
Première série de mesure
Deuxième série de mesure
Différence moyenne pour chaque observateur entre chaque série
Différence moyenne entre observateur 1 et 2
Observateur Observateur Observateur Observateur Observateur Observateur Première 1 2 1 2 1 2 série Moyenne Écart-type Minimum Maximum
77,9 15,5 31,7 106,7
79,3 14,8 36,8 108,1
77,4 15,6 35,1 108,9
78,5 14,6 37,2 103,1
3,59 2,62
2,31 2,21 0
9,4
2,8 2,0 0
8,3
Deuxième série 4,0 2,9
0 9,9
Orientation de la courbure fémorale moyenne Globale 3,1 2,6 0
11,8
11,8
78,3 14,9 0 35,2 106,7
Fig. 3. Orientation antéro-latérale de la courbure fémorale comparée à l’orientation sagittale d’une prothèse.
La validation de la méthode de mesure réalisée sur la série de coupes de diaphyse test retrouvait une erreur moyenne de 0,49◦ ± 0,32◦ (0,14 à 1,14◦ ) sur 15 séries de mesures (Fig. 1). La courbure de la diaphyse s’inscrivait dans un plan vertical oblique en avant et en dehors, faisant un angle avec le plan de référence coronal ouvert en dehors de 78,3◦ ± 14,9◦ (35,2 à 106,7◦ ) en moyenne selon les 2 observateurs avec en moyenne pour l’observateur 1 de 77,6◦ ± 15,5◦ et en moyenne pour l’observateur 2 de 78,9◦ ± 14,6◦ vers le dehors (Tableau 2). Cette orientation était liée à l’association d’une courbure dans le plan sagittal et dans le plan coronal (Fig. 3). La corrélation intra-observateur mesurée par des coefficients de corrélation intra-classe (ICC) était pour l’observateur 1 de 0,9594 (intervalle de confiance (IC) : 0,9226 à 0,9774) et 0,9774 (IC 0,9586 à 0,9877) pour l’observateur 2 (Tableau 3 et Fig. 4). La corrélation inter-observateur était de 0,9743 (IC 0,9452 à 0,9870) pour la première série de mesure, Kappa = 0,810 ; erreur standard 0,030 ; IC 0,751 à 0,869 et 0,9531 ; IC 0,9158 à 0,9741) pour la deuxième série de mesures, Kappa = 0,776 ; erreur standard 0,034 ; IC : 0,710 à 0,843. Les différences de mesures inter-observateur sont reportées dans le Tableau 3. Dans le plan sagittal, en moyenne, le rayon de courbure du tiers moyen (1006 mm ± 521 mm (291 à 2898 mm) était plus petit qu’au tiers proximal (2104 mm ± 2183 mm (483 à 9212 mm), p = 0,0058) et plus petit qu’au tiers inférieur 1816 mm ± 1788 mm (415 à 7726 mm) mais sans différence significative (p = 0,0567). Il
n’existait pas de différence significative entre tiers proximal et tiers distal (p = 0,6732). Il n’existait pas de différence entre les fémurs gauches et les fémurs droits. Nous avons retrouvé des corrélations très faibles entre l’orientation du plan de courbure et les paramètres anatomiques d’angle cervico-diaphysaire, de taille, de valgus fémoral et de courbure totale (Tableau 4). 4. Discussion Aucune étude n’avait jusqu’à présent évalué l’orientation de la courbure fémorale en 3D. Notre expérience suggérait qu’il pouvait exister une tendance à la rotation latérale des tiges longues anatomiques sans ciment lors de leur insertion dans les reprises de PTH. Nous avions donc émis l’hypothèse que l’orientation de la courbure fémorale était antéro-latérale et donc en inadéquation avec la courbure purement sagittale des implants. L’analyse 3D de la courbure fémorale a permis de confirmer notre hypothèse. La courbure fémorale s’inscrit dans un plan antéro-latéral ␣ = 78,3◦ ± 14,9◦ (35,2 à 106,7◦ ) et non pas dans un plan sagittal (␣ = 90◦ ). Il existe une dispersion importante des mesures, que ce soit en termes de rayon de courbure (919 mm à 6823 mm) ou d’orientation 3D de la courbure (35,2◦ à 106,7◦ ). Celle-ci peut être liée à des erreurs de mesures, cependant l’excellente reproductibilité inter- et intra-observateur de notre méthode permet de penser que ces mesures sont fiables et invitent donc à réfléchir sur la
Tableau 3 Reproductibilité inter- et intra-observateur, mesure du coefficient de corrélation intra-classe (ICC) et coefficient Kappa de Cohen. La reproductibilité était excellente. Reproductibilité inter-observateur
Première série Intervalle de confiance Deuxième série Intervalle de confiance
ICC
Kappa
0,9743 0,9452 à 0,9870 0,9531 0,9158 à 0,9741
0,810 (erreur standard 0,030) 0,751 à 0,869 0,776 (erreur standard 0,034) 0,710 à 0,843
Reproductibilité intra-observateur
Observateur 1 Intervalle de confiance Observateur 2 Intervalle de confiance
ICC
Kappa
0,9594 0,9226 à 0,9774 0,9774 0,9586 à 0,9877
0,779 (erreur standard 0,036) 0,709 à 0,850 0,837 (erreur standard 0,031) 0,776 à 0,898
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Fig. 4. Reproductibilité inter-observateur et intra-observateur selon la méthode de Bland et Altman.
Tableau 4 Mesure des corrélations linéaires entre l’orientation de la courbure fémorale et différents paramètres anatomiques du fémur. Corrélation
Angle cervico-diaphysaire
Taille
Valgus
Courbure totale
Orientation de la courbure fémorale
R = 0,172 R2 = 0,02978 RSD = 9,0934
R = 0,095 R2 = 0,009090 RSD = 32,0947
R = 0,104 R2 = 0,01092 RSD = 0,9191
R = 0,060 R2 = 0,003625 RSD = 181,302
R : coefficient de corrélation ; RSD : écart-type relatif.
personnalisation des implants ou à leur modularité. Chantarapanich et al. [7], à propos d’une étude tridimensionnelle scanographique, montrait que le rayon de courbure 2D dans le plan sagittal n’est qu’une évaluation de la courbure 3D, celle-ci étant une combinaison d’une courbure sagittale et coronale, mais sans évaluer le plan de cette courbure. Les rayons de courbure sagittale des principaux clous disponibles sur le marché (1500 et 3000 mm), sont bien supérieurs aux valeurs retrouvées dans notre série et dans la littérature (600 à 2020 mm) [1–3,8,9]. Ceci explique le risque d’effraction corticale antérieure décrit [7,10], qui peut être diminué par un point d’entrée [11] plus antérieur et plus médial, ou la déviation du clou par un système de « poller screw » [2,12]. Ces publications n’étudient le problème que dans le plan sagittal. L’orientation du plan de la courbure en avant et en dehors peut aussi expliquer une apparente rotation externe du clou modifiant la direction des vis de verrouillage distales. En pratique, ces résultats amènent à discuter l’adéquation entre la diaphyse fémorale et les clous de fémurs et les tiges longues de reprises de PTH (Fig. 3). La planification préopératoire des PTH est le plus souvent faite dans le seul plan coronal, ne prenant pas en compte l’orientation de la diaphyse. Les conséquences cliniques sont probablement relatives au vu des excellents résultats des arthroplasties actuelles, mais nos
résultats soulignent l’anatomie complexe du fémur dans le plan axial et l’intérêt d’une réflexion en 3D. Les changements de tiges de PTH, de plus en plus fréquents nécessitent souvent des tiges longues à ancrage diaphysaire avec courbure anatomique, posant les mêmes problèmes que les clous. Dans notre expérience, ces prothèses avaient une tendance à la rotation latérale lors de leur introduction dans le fût, que l’orientation du plan de la courbure diaphysaire permet de comprendre. Cette hyper antéversion peut avoir comme conséquence une instabilité antérieure, un angle du pas interne lors de la marche. En pratique, cette antéversion induite par la rotation externe peut être corrigée :
• si la prothèse a une modularité métaphyso-diaphysaire avec un risque de fracture d’implants ; • en bloquant à l’antéversion souhaitée, avec un press-fit moindre, une prothèse monobloc de diamètre inférieur par un appui 3 points [13,14] entraînant un risque de non ostéo-intégration et à long terme de défaut d’intégration et de fracture d’implants ; • par la conception de tiges monobloc longues, si on recherche un press-fit maximum, tenant compte de l’antéversion induite par le
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A. Schmitt et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) 11–16
plan de courbure diaphysaire et donc éviter une antéversion trop importante dans l’implant lui-même. Nous n’avons pas retrouvé de corrélation entre l’orientation du plan de courbure et les autres paramètres anatomiques, ceci est peut-être lié au faible nombre de fémurs (Tableau 4). Les points faibles de ce travail sont le nombre réduit de fémurs étudiés (45) comparé à certaines séries de la littérature et provenant de donneurs anonymes. Nous n’avions pas de données anthropométriques alors que d’après la littérature [15–17], il semble exister un lien entre données morphométriques et le sexe [18], l’âge [19], l’ethnie [20] et l’indice de masse corporelle. Cependant, notre échantillon était représentatif de la population générale puisque les données anatomiques avaient une distribution gaussienne, et les valeurs des mesures anatomiques standards étaient conformes à la littérature pour l’angle cervico diaphysaire, l’antéversion du col et l’angle de valgus fémoral [21] (Tableau 1). Les mesures des rayons de courbure dans la littérature retrouvent des valeurs dans le plan sagittal de 600 à 2020 mm. L’analyse dans le plan sagittal retrouve des valeurs similaires avec un rayon de courbure de 907 mm ± 180 mm (558 à 1212 mm). Toutes ces valeurs étant en accord avec la littérature, nous n’avons pas d’argument en faveur d’une déformation induite par les différents traitements réalisés au laboratoire d’anatomie afin d’assurer la conservation de cette population d’os secs. Il semble également exister un manque de puissance lors de l’analyse en sous-groupes. Néanmoins, notre étude permet l’analyse descriptive de l’anatomie du fémur et en particulier celle l’orientation de la courbure fémorale antéro-latérale. 5. Conclusion L’anatomie du fémur reste imparfaitement connue. Cette première étude préliminaire a permis de montrer que l’orientation de sa courbure diaphysaire n’est pas sagittale mais antéro-latérale. Une étude similaire sur un plus grand nombre de fémurs pourrait permettre d’affiner les résultats. L’influence de cette nouvelle donnée doit être prise en compte dans la conception d’implants à ancrage diaphysaire. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Financements Ce travail n’a pas rec¸u de financement. Contributions Antoine Schmitt a réalisé le recueil, l’analyse et l’interprétation des données, conception du design de l’étude, l’écriture, la relecture et la correction du manuscrit, finalisation et approbation du document final. Hoel Letissier : traitement des données imagées pour réaliser l’analyse et l’interprétation des données, mesure de l’orientation des courbures fémorales avec le logiciel spécifique, analyse statistique, aide dans l’élaboration et la révision du manuscrit, finalisation et approbation des données du document final. Sergii Poltaretskyi : création du logiciel spécifique pour mesurer l’orientation des courbures fémorales, fourniture du logiciel d’analyse stastistique et aide dans l’analyse statistique, révision
et approbation des données soumises finales. Damien Babusiaux : conception et design de l’étude, révision du manuscrit et approbation finales des données. Philippe Rosset : conception et design de l’étude, supervision de l’étude, validation des données collectées et des mesures, révision du manuscrit et approbation finale des données soumises. Louis-Romée Le Nail : conception et design de l’étude, supervision de l’étude, validation des données collectées and des mesures, révision du manuscrit et approbation finale des données soumises. Remerciements Nous remercions le Docteur A. Martin du service de radiologie pour son aide précieuse dans ce travail. Références [1] Egol KA, Chang EY, Cvitkovic J, Kummer FJ, Koval KJ. Mismatch of current intramedullary nails with the anterior bow of the femur. J Orthop Trauma 2004;18:410–5. [2] Scolaro JA, Endress C, Mehta S. Prevention of cortical breach during placement of an antegrade intramedullary femoral nail. Orthopedics 2013;36:688–92. [3] Hwang JH, Oh JK, Han SH, Shon WY, Oh CW. Mismatch between PFNa and medullary canal causing difficulty in nailing of the pertrochanteric fractures. Arch Orthop Trauma Surg 2008;128:1443–6. [4] Ostrum RF, Levy MS. Penetration of the distal femoral anterior cortex during intramedullary nailing for subtrochanteric fractures: a report of three cases. J Orthop Trauma 2005;19:656–60. [5] Cohen J. A Coefficient of Agreement for Nominal Scales. Educ Psychol Meas 1960;20:37–46. [6] Fleiss JL. Reliability of measurement. Des Anal Clin Exp 1999:1–32. [7] Chantarapanich N, Sitthiseripratip K, Mahaisavariya B, Wongcumchang M, Siribodhi P. 3D geometrical assessment of femoral curvature: a reverse engineering technique. J Med Assoc Thai 2008;91:1377–81. [8] Chang SM, Song DL, Ma Z, Tao YL, Chen WL, Zhang LZ, et al. Mismatch of the short straight cephalomedullary nail (PFNA-II) with the anterior bow of the femur in an asian population. J Orthop Trauma 2014;28:17–22. [9] Harper MC, Carson WL. Curvature of the femur and the proximal entry point for an intramedullary rod. Clin Orthop relat Res 1987:155–61. [10] Chapman T, Sholukha V, Semal P, Louryan S, Rooze M, Van Sint Jan S. Femoral curvature variability in modern humans using three-dimensional quadric surface fitting. Surg Radiol Anat 2015;37:1169–77. [11] Anastopoulos G, Chissas D, Dourountakis J, Ntagiopoulos PG, Magnisalis E, Asimakopoulos A, et al. Computer-assisted three-dimensional correlation between the femoral neck-shaft angle and the optimal entry point for antegrade nailing. Injury 2010;41:300–5. [12] Pankaj A, Malhotra R, Bhan S. Penetration of the distal femoral anterior cortex during intramedullary nailing for subtrochanteric fractures. J Orthop Trauma 2006;20:299. [13] Canovas F, LeBeguec P, Batard J, Gaillard F, Dagneaux L. Global fit concept in revision hip arthroplasty for cementless press-fit femoral stems. Orthop Traumatol Surg Res 2017;103:579–81. [14] Canovas F, Roche O, Girard J, Bonnomet F, Goldschild M, Le Béguec P. Bone density and functional results after femoral revision with a cementless press-fit stem. Orthop Traumatol Surg Res 2015;101:283–7. [15] Gilbert BM. Anterior femoral curvature: its progably basis and utility as a criterion of racial assessment. Am J Phys Anthr 1976;45:601–4. [16] Maratt J, Schilling PL, Holcombe S, Dougherty R, Murphy R, Wang SC, et al. Variation in the femoral bow: a novel high-throughput analysis of 3922 femurs on cross-sectional imaging. J Orthop Trauma 2014;28:6–9. [17] Shackelford LL, Trinkaus E. Late Pleistocene human femoral diaphyseal curvature. Am J Phys Anthropol 2002;118:359–70. [18] Cavaignac E, Savall F, Faruch M, Reina N, Chiron P, Telmon N. Geometric morphometric analysis reveals sexual dimorphism in the distal femur. Forensic Sci Int 2016;259:246.e1-5. [19] Cavaignac E, Savall F, Chantalat E, Faruch M, Reina N, Chiron P, et al. Geometric morphometric analysis reveals age-related differences in the distal femur of Europeans. J Exp Orthop 2017;4:21. [20] Cavaignac E, Li K, Faruch M, Savall F, Chiron P, Huang W, et al. Threedimensional geometric morphometric analysis reveals ethnic dimorphism in the shape of the femur. J Exp Orthop 2017;4:13. [21] Than P, Szuper K, Somoskeöy S, Warta V, Illés T. Geometrical values of the normal and arthritic hip and knee detected with the EOS imaging system. Int Orthop 2012;36:1291–7.