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SYMPOSIUM — SFA 2006
Anatomie normale et physiologie du LB PAR P. CLAVERT, J.-F. KEMPF, J.-L. KAHN ANATOMIE
Le tendon du chef long du biceps (LB) s’insère à la fois sur le tubercule supra glénoïdien de la scapula, mais aussi sur la portion supérieure du labrum. La répartition des fibres labrales et scapulaire est extrêmement variable, d’une insertion scapulaire unique à une insertion labrale prédominante [Ring (1)]. De même la répartition des fibres sur la partie antérieure ou postérieure du labrum varie [Sabatier (2), Cruveilhier (3), Poirier et al. (4), Testut et al. (5), Clavert et al. (6)]. Puis le tendon du LB présente son segment intra-articulaire, avant de pénétrer le sillon intertuberculaire transformé en gouttière ostéo-fibreuse par l’intervalle des rotateurs, le ligament coracohuméral, le ligament transverse et le prolongement au-delà du sillon des fibres du tendon du muscle sub-scapulaire ; le tendon du LB y est stabilisé et guidé. L’orientation, par rapport à l’axe bi-épicondylien, de l’origine du sillon est variable, tout comme sa morphologie, plus ou moins engainante pour le tendon du LB. Progressivement on observe une rétroversion de la gouttière, dessinant un ‘S’ italique [Hernigou et al. (7), Balg et al. (8)]. Les dimensions et la forme du tendon du LB varient en fonction de la portion considérée, il est plus large et plus aplati dans sa portion intra-articulaire, par rapport à sa partie dans la gouttière [Pfahler et al. (9), McGough et al. (10)]. Histologiquement, le LB est formé de fibres de collagène synthétisées par des ténocytes, noyées dans une substance fondamentale non spécifique. Seule la partie cheminant dans la gouttière est contenue dans une gaine synoviale. Le LB présente une vascularisation pauvre provenant de l’artère centrale qui est une artère terminale [Hermann et al. (11)] ; il est innervé par des fibres sensorielles présentes principalement au niveau du pied d’insertion du tendon, et par des fibres sympathiques sans rapport avec les fibres d’innervation vasculaire [Alpantaki et al. (12)]. Concernant maintenant le complexe labro-bicipital, sa morphologie est variable et est classée en 3 types [Ring et al. (13)]. Dans le type 1, le labrum totalement adhérent au rebord glénoïdien ; dans le type 2, le labrum présente un petit récessus inférieur, son bord libre reste arrondi et sa face inférieure majoritairement fixée au rebord glénoïdien. Dans le type 3, qui est la forme méniscale, le labrum est peu adhérent, avec un récessus inférieur important. C’est la forme dite « mobile ». Dans une étude publiée en 2005 [Clavert et al. (6)], nous avons étudié la morphologie du complexe labrobicipital et ses variations en fonction de l’âge du sujet. Nous avons conclu que de façon significative au-delà de 30 ans, la proportion de formes dites mobiles augmente. Nous souhaitons donc insister sur le fait
qu’un labrum mobile et faiblement attaché au rebord glénoïdien n’est pas nécessairement pathologique, ce d’autant que le patient a plus de 30 ans. Pour en terminer avec l’anatomie, le muscle biceps brachial est le muscle le plus variable du corps humain, avec jusque 15 % de variations depuis une agénésie jusqu’à la présence de 7 chefs [Asvat et al. (14)]. FACTEURS FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT D’UNE PATHOLOGIE DU LB
Facteurs anatomiques Tout d’abord, le développement d’un biceps en sablier [Boileau et al. (15)] est favorisé par le fait que la portion intra-articulaire est plus large que la portion cheminant dans la gouttière. De plus, comme seule la partie cheminant dans la gouttière est contenue dans une gaine synoviale, les micro-traumatismes répétés par le va-et-vient et par la diminution des capacités de synthèse, avec l’âge, de liquide synovial, favorisent le développement de synovite et de ténosynovites. Ceci est également favorisé par la précarité de la vascularisation, qui va favoriser les mécanismes tissulaires dégénératifs [Hermann et al. (11)]. Enfin, sa portion cheminant dans la gouttière est mécaniquement fragile car ses capacités d’absorption de contraintes sont faibles du fait de l’orientation longitudinale des fibres de collagène, tout comme ses capacités de déformation imposées par la morphologie sinueuse de la gouttière lors des mouvements de va-et-vient [Heers et al. (16)]. Facteurs liés à l’évolution de l’espèce Le passage à la position érigée entraîne un aplatissement antéro-postérieur du thorax, ce qui oriente la scapula à 45 ° vers l’avant et nécessite une rotation médiale de 45 ° de l’avant-bras créant une instabilité antérieure naturelle du tendon du LB. Quelque soit le degré de rotation du membre supérieur, le tendon à tendance à se luxer médialement [Bechtol (17)]. PHYSIOLOGIE DU BICEPS
Alors que la véritable fonction du muscle biceps brachial se situe au coude : puissant supinateur et fléchisseur, son rôle au niveau de l’épaule reste plus discuté. Classiquement, il est décrit comme stabilisateur de l’épaule [Rodosky et al. (18)], abaisseur de la tête humérale [Warner et al. (19), Pagnani et al. (20)] et abducteur [Sakurai et al. (21)]. Cependant certains auteurs ont montré que le biceps n’a pas d’activité électromyographique en position d’armé du bras
LE LONG BICEPS
[Yamaguchi et al. (22)] et/ou lorsqu’il n’y a pas de mouvement du coude associé [Levy et al. (23)]. 10. CONCLUSION
Nous souhaitons insister sur 4 points : 1) Le labrum est une structure morphologiquement variable, et qui avec l’âge peut accroître sa mobilité. De ce fait l’incidence des SLAP lésions est probablement surestimée, surtout chez les patients de plus de 30 ans. 2) Pour des raisons en rapport avec l’évolution de l’espèce, le tendon du biceps à tendance à se subluxer médialement. 3) Le tendon du biceps n’a que peu ou pas de rôle mécanique au niveau de l’épaule, ce qui n’est pas le cas au niveau du coude. 4) Finalement, le biceps est probablement un vestige douloureux de l’évolution [Bechtol (17), Kessel et al. (24)].
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