Anesthésie en chirurgie urologique de l'adulte

Anesthésie en chirurgie urologique de l'adulte

EMC-Anesthésie Réanimation 1 (2004) 188–207 www.elsevier.com/locate/emcar Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte Anaesthesia for urological ...

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EMC-Anesthésie Réanimation 1 (2004) 188–207

www.elsevier.com/locate/emcar

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte Anaesthesia for urological surgery in adult patients A. Margerit (Médecin spécialiste en anesthésie-réanimation, praticien hospitalier) *, M.C. Becq (Médecin spécialiste en anesthésie-réanimation, praticien hospitalier), K.-J. Boucebci (Chef de clinique-assistant en anesthésie-réanimation), L. Jacob (Médecin spécialiste en anesthésie-réanimation, professeur des Universités, praticien hospitalier) Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France

MOTS CLÉS Infection/urinaire ; Néphrectomie ; Cystectomie ; Prostatectomie radicale ; Sujet âgé ; TURP syndrome ; Cœlioscopie ; Lithotritie extracorporelle ; Chirurgie endoscopique

Résumé La chirurgie de l’appareil urinaire concerne des patients de tout âge. Néanmoins, la chirurgie prostatique s’adresse à des patients de plus en plus âgés susceptibles de décompenser une pathologie cardiovasculaire ou respiratoire préexistante. Le risque infectieux est important à considérer, car c’est une chirurgie propre contaminée qui nécessite la stérilisation des urines avant une intervention et l’utilisation d’une antibioprophylaxie. La cœlioscopie prend une place de plus en plus importante dans la chirurgie carcinologique, permettant une économie de sang, une diminution des douleurs postopératoires et une réduction des durées d’hospitalisation. La chirurgie à ciel ouvert reste malgré tout spécifique. La chirurgie du rein par lombotomie expose à des complications cardiorespiratoires liées à la posture. La chirurgie vésicoprostatique nécessite une bonne connaissance des différents types de drainage urinaire et des complications liées aux dérivations. La place de la chirurgie endoscopique reste prépondérante pour le traitement des hypertrophies bénignes de prostate, des tumeurs de vessie et des lithiases. Elle expose au risque de réabsorption de liquide d’irrigation. Cependant, l’utilisation réglementée du glycocolle dans ces indications doit faire disparaître le syndrome de résection transurétrale de prostate (TURP syndrome) clinique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Urinary tract infection; Nephrectomy; Cystectomy; Radical retropubic prostatectomy; Elderly;

Abstract Urinary tract surgery may be carried out in patients of any age. However, prostate surgery concerns elderly patients and potentially underlying cardiopulmonary diseases. The infectious risk is an important issue to consider as this surgery is a clean-contaminated process that requires therefore urine sterility and antibiotic prophylaxis before any act. Laparoscopy plays an increasing role in carcinologic surgery by lowering blood loss, post operative pain, and hospital stay. Indications still remain for open surgery. Kidney surgery by section of the loins exposes patients to cardiorespiratory complications mostly due to perioperative position. Prostate and bladder surgeries

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Margerit). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcar.2004.03.003

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte

TURP syndrome; Laparoscopic surgery; Lithotripsy; Endoscopic surgery

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require a good knowledge of urinary drainage and derivation techniques. Endoscopic surgery still plays an important role in the cure of benign prostate hypertrophy, bladder tumours and lithiasic pathology. Nevertheless, irrigation liquid re-absorption remains a risk. It can be prevented, as its clinical manifestation, the TURP syndrome, by the controlled use of glycocolle. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Parmi les pathologies rencontrées en urologie, on retrouve une proportion importante de pathologies cancéreuses qui peuvent impliquer des patients du « troisième âge » compte tenu du délai d’apparition habituel du cancer de la prostate, mais aussi une population plus jeune pour d’autres localisations tumorales. La chirurgie urologique concerne également des pathologies non cancéreuses, lithiasiques ou malformatives qui se voient à tous les âges de la vie. Néanmoins, l’augmentation de l’espérance de vie, notamment des hommes, accentue le phénomène de vieillissement de la population des malades d’urologie. Ceci s’accompagne naturellement d’un enrichissement du catalogue des pathologies associées et intriquées, dont la prise en charge peropératoire, et représente un des objectifs de l’anesthésiste-réanimateur. Parmi les facteurs de risques spécifiques à cette chirurgie, les procédures mises en place pour assurer le contrôle du risque infectieux ont permis, au cours des dernières décennies, de réduire de façon sensible les morbidités. L’introduction récente des techniques de cœliochirurgie, dans les actes du haut comme du bas appareil, permet d’envisager une réelle évolution dans la réduction du risque hémorragique, comme dans la qualité des suites opératoires. La chirurgie urologique de l’enfant, dominée par la chirurgie des malformations urogénitales s’apparente à la chirurgie viscérale pédiatrique et ne sera pas traitée dans ce chapitre.

Épidémiologie et démographie Hypertrophie bénigne de la prostate En 2000, Wasson et al. observent que plus de 53 % de patients opérés d’hypertrophie bénigne de la prostate avaient plus de 75 ans. L’âge n’apparaît cependant pas comme un facteur pronostique défavorable.68 Dans une étude rétrospective portant sur 166 patients âgés de 80 à 99 ans, la courbe de survie des patients est superposable à celle de la population générale.50

Enfin, en France, 15 à 20 % des hommes de 50 à 60 ans, ont des symptômes d’hypertrophie bénigne de la prostate, et la prescription des traitements médicaux (alpha-bloquants, finastéride) est en augmentation de 2 à 3 % par an depuis 1998. Les interventions chirurgicales pour hypertrophie bénigne de la prostate, dont le nombre était d’environ 66 000 en 1997, sont réalisées pour 81 % d’entre elles par voie endoscopique et pour 14 % à ciel ouvert.49

Cancer de la prostate Le cancer de la prostate est le plus fréquent des cancers de l’homme de plus de 50 ans et sa prévalence augmente avec l’âge. On peut estimer que la prévalence mondiale actuelle se situe aux environs de 1 000 000 de cas dont 896 000 dans les pays industrialisés. Il représente, après le cancer du poumon, la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme dans l’Union européenne, avec 35 000 décès par an dont 9 500 décès en France en 1995. Son incidence annuelle était environ de 85 000 nouveaux cas dans l’Union européenne, de 210 000 cas aux États-Unis, et de 26 500 cas en France en 1995.65 Lorsqu’il n’est pas diagnostiqué et traité à un stade strictement localisé, et notamment avant 60 ans, il induit une mortalité élevée et il est souvent invalidant.65

Vessie et rein Le cancer infiltrant de vessie est le deuxième cancer urologique. L’âge moyen de survenue est de 69 ans chez l’homme et de 71 ans chez la femme. En 1995, 10 000 nouveaux cas ont été répertoriés en France.54 Le cancer du rein représente 3 % des tumeurs malignes de l’adulte, il est au 3e rang des cancers urologiques, et touche, dans 80 % des cas, des patients ayant plus de 50 ans. En France, l’incidence est de 12/100 000 chez l’homme et de 5,5 chez la femme. Cette incidence est en augmentation depuis 20 ans.54

Maîtrise du risque infectieux en urologie L’appareil urinaire est physiologiquement un site stérile, mais du fait des pathologies conduisant à

190 l’indication opératoire, ou en raison des systèmes de drainage urinaires mis en place au préalable, la colonisation ou l’infection des différentes parties de cet appareil est fréquente. La réalisation d’un geste chirurgical sur des urines infectées a conduit autrefois à une incidence d’épisodes infectieux peropératoires importants, responsables d’une morbidité et d’une mortalité élevées.13 La reconnaissance de ce risque et la politique de stérilisation préopératoire systématique des urines, lorsqu’elle est possible, est probablement un des grands progrès dans ce domaine.

Épidémiologie Sur des urines stériles, et en dehors de l’indication pour pyélonéphrite obstructive, les néphrostomies entraînent un risque septique comparable à celui des cystoscopies, c’est-à-dire inférieur à 5 %. En revanche, lorsqu’il existe une infection préalable,11 la cystoscopie entraîne une bactériémie dans 15 à 20 % des cas. Le risque lié à la mise en place de prothèses endo-urétérales (sondes urétérales, sondes JJ) est mal connu. En 2002, Kehinde et al. ont montré que le risque de bactériurie et de colonisation d’une sonde JJ augmente avec la durée de sondage et qu’il est significativement plus élevé chez les femmes et les patients atteints de diabète ou d’insuffisance rénale chronique.41 Une méta-analyse récente montre que l’utilisation d’une antibioprophylaxie au cours de la RTUP diminue les bactériuries postopératoires de 26 à 9,1 % et les épisodes septicémiques de 4,4 à 0,7 %. De même, la mortalité liée au développement d’un sepsis grave après RTUP, si l’examen cytobactériologique des urines (ECBU) préopératoire est stérile, est de 0,1 %.10 En ce qui concerne la RTUP, les trois facteurs principaux reconnus comme favorisant l’infection postopératoire sont un drainage urinaire ou une bactériurie préopératoire et l’absence d’antibioprophylaxie. D’autres facteurs comme l’âge, la durée de l’intervention, l’expérience du chirurgien ou la rupture du système clos de drainage des urines ont été rapportés dans certaines études.44 De plus, l’infection péri-opératoire a un impact économique ; à titre d’exemple, dans les RTUP, elle prolonge la durée d’hospitalisation de 0,6 à 5 jours et en augmente les coûts.10

Attitude thérapeutique Le dépistage et le traitement systématique d’une infection urinaire en préopératoire sont maintenant rentrés dans la pratique courante et diminuent la morbidité peropératoire. Schématiquement,

A. Margerit et al. Tableau 1

Urines préopératoires infectées.

A. Infection parenchymateuse (pyélonéphrite – prostatite). Pyélonéphrite obstructive : la levée de l’obstacle est une urgence – Montée de sonde ou néphrostomie en urgence sous traitement antibiotique adapté – Durée du traitement 15 jours minimum avant la prise en charge urologique de l’obstacle (calcul) – Infection acquise en ville : monothérapie possible (CP3G ou fluoroquinolones) – Infection à germes hospitaliers multirésistants : association de deux antibiotiques bactéricides à élimination urinaire (CP3G, quinolones, uréidopénicillines ou aminosides) Prostatite – Si possible 3 semaines de traitement avant l’intervention (ECBU de contrôle), cathéter sus-pubien si rétention B. Infection urinaire simple Monothérapie adaptée à l’antibiogramme (fluoroquinolones, aminopénicillines, CP3G) afin d’obtenir des urines stériles dans les 48 heures qui précédent l’intervention. ECBU : examen cytobactériologique des urines ; CP3G : céphalosporines de 3e génération.

l’attitude thérapeutique va donc dépendre de l’existence ou non de cette infection. Urines préopératoires infectées (Tableau 1) Il peut s’agir d’une bactériurie asymptomatique ou d’une infection parenchymateuse. La bactériurie asymptomatique se définit classiquement par un ECBU positif retrouvant plus de 105 unités formant colonie (UFC) par ml, en l’absence de signes cliniques infectieux. Elle est extrêmement fréquente chez les patients porteurs de drainage urinaire (sonde vésicale, cathéter sus-pubien, drain de néphrostomie) et même pour un seuil de détection à 102 UFC ml–1, de nombreuses équipes la prennent en considération car 95 % des patients non traités, s’ils sont sondés, évoluent en 24 à 72 h vers une bactériurie supérieure ou égale à 105 UFC ml–1.37 Une leucocyturie de 102 à 103 cellules mm–3 est présente dans 85 à 90 % des cas d’infections sur sonde, mais n’est pas indispensable au diagnostic.3,26,62 Le risque de bactériurie chez les patients sondés augmente linéairement avec la durée du sondage vésical de 3 à 8 % par jour pendant les dix premiers jours.59 Après un mois de sondage vésical, la prévalence de la bactériurie est pratiquement de 100 %.67 Bien que, de manière générale, le traitement antibiotique d’une bactériurie asymptomatique ne soit pas recommandé car il favorise l’apparition de résistance bactérienne, dans le contexte chirurgical, la stérilisation des urines par une antibiothérapie préopératoire adaptée est une attitude large-

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ment adoptée par les différentes équipes.10 L’encadrement du geste chirurgical doit être assuré par une antibiothérapie curative, le plus souvent une monothérapie adaptée au germe isolé par un ECBU réalisé le plus près possible de l’intervention.13 L’objectif sera d’obtenir des urines stériles dans les quarante-huit heures qui précédent l’intervention. Les germes les plus souvent rencontrés sont les entérobactéries (E. Coli, Klebsiella, Proteus mirabilis...), Enterococcus, les staphylocoques (surtout S. epidermidis). La chirurgie n’est autorisée que si l’ECBU de contrôle est négatif à l’examen direct. L’antibiothérapie sera alors poursuivie en général en postopératoire jusqu’à l’ablation de la sonde urinaire. Infections parenchymateuses Une fièvre et une hyperleucocytose chez un patient ayant un ECBU positif doivent faire rechercher une infection parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite ou orchi-épididymite chez l’homme). En dehors d’une chirurgie urologique urgente (levée d’obstacle, abcès), l’infection parenchymateuse sera traitée médicalement avant l’intervention chirurgicale pendant 15 jours à 3 semaines. Tableau 2

L’intervention ne peut être envisagée qu’après ce délai et sous réserve de la stérilisation des urines. L’antibiothérapie sera poursuivie en postopératoire pour une durée qui dépend de l’étiologie et de l’efficacité présumée du geste chirurgical sur la cause de l’infection. Par exemple, les patients présentant une prostatite en rétention aiguë d’urines qui doivent subir une RTUP devront bénéficier d’un traitement antibiotique adapté d’une durée minimale de 3 semaines avant d’être opérés. Le drainage vésical en urgence se fera par la pose d’un cathéter sus-pubien. La culture des prélèvements peropératoires (copeaux, adénome) est possible, elle permet éventuellement d’adapter l’antibiothérapie en cas de complications septiques postopératoires.58 En ce qui concerne la chirurgie du rein pour calcul, les germes retrouvés dans les urines peuvent être différents des germes colonisant les calculs. L’antibiothérapie postopératoire doit alors être adaptée en fonction des germes retrouvés par la culture de ces calculs.24 Urines préopératoires stériles (Tableau 2) Une antibioprophylaxie sera prescrite essentiellement pour les interventions comprenant l’ouver-

Antibioprophylaxie (ABP) en chirurgie urologique - Urines stériles. Conférence de consensus 19991.

Acte chirurgical Résection endoscopique de la prostate et des tumeurs endovésicales

Néphrectomie et prostatectomie radicale Biopsie transrectale de la prostate Traitement endoscopique des lithiases rénales et urétérales Lithotritie Cystectomie

Prothèse pénienne Sphincter artificiel Chirurgie scrotale Incontinence urinaire Urétotomie, cytoscopie, fibroscopie urétérale

Produit Céfuroxime ou céfamandole

Posologie 1,5 g préopératoire

Durée Dose unique (si durée > 2 h réinjecter 0,75 g)

Allergie : gentamicine ou nétilmicine

Dose unique 2 à 3 mg kg-1 préopératoire pour la gentamicine ou 200 mg préopératoire pour la nétilmicine

Pas d’ABP Fluoroquinolone per os (+ Dose unique (1h avant la biopsie) lavement rectal) Voir ci-dessus résection Voir ci-dessus résection endos- Voir ci-dessus résection endoscopique endoscopique de la prostate copique de la prostate de la prostate Pas d’ABP Céfotétan

2 g préopératoire

Céfoxitine

2 g préopératoire

Aminopénicillines + inhibiteur de bêtalactamases

2 g préopératoire

Allergie : imidazolé + gentamicine Céfazoline Allergie : vancomycine Pas d’ABP Pas d’ABP Prévention de l’endocardite chez les sujets à risque

1 g préopératoire et 2 à 3 mg kg-1 pour la gentamicine 2 g préopératoire 15 mg kg-1 préopératoire

Dose unique (réinjection de 1 g si durée > 3 h) Dose unique (réinjection de 1 g si durée > 2 h) Dose unique (réinjection de 1 g si durée > 2 h) Dose unique Dose unique Dose unique

192 ture de viscères creux, notamment ceux normalement colonisés par une flore commensale tels le tractus génital et le bas appareil urinaire. Cependant un ECBU stérile n’élimine pas formellement une infection urinaire en amont d’un obstacle complet. Les prélèvements bactériologiques peropératoires redresseront le diagnostic et permettront d’adapter le traitement antibiotique. L’intérêt de l’antibioprophylaxie encadrant la chirurgie du bas appareil a fait l’objet d’une littérature abondante et contradictoire.30 En ce qui concerne la RTUP, le bénéfice de l’antibioprophylaxie est établi.41 Le choix du type d’antibiotique doit prendre en compte la présence, dans 27 à 40 % des cas, de germes cocci à Gram positif, notamment les entérocoques isolés dans les complications infectieuses postopératoires.44 Les facteurs favorisant cette augmentation ne sont pas complètement expliqués mais peuvent impliquer une colonisation endogène du bas appareil urinaire, l’utilisation incontrôlée d’antibiotiques comme les céphalosporines et des drainages urinaires prolongés. Un consensus semble s’être développé en faveur d’une antibioprophylaxie de courte durée (Tableau 2).1 Elle propose de couvrir la période peropératoire par une céphalosporine de deuxième génération (céfuroxime ou céfamandole 1,5 g en dose unique préopératoire). Ces recommandations sont valables pour les résections de tumeurs de vessie et le traitement endoscopique des lithiases rénales et urétérales. L’évaluation périodique de l’écosystème bactérien du service permet, si nécessaire, de modifier le choix de la molécule antibiotique. La conférence de consensus de 1999 sur l’antibiopropylaxie périopératoire a conclu que la lithotritie extracorporelle, la cystoscopie ou la fibroscopie urétrale, la chirurgie scrotale propre et celle de l’incontinence urinaire, ne justifiaient pas une antibioprophylaxie. Dans le cadre de la chirurgie à ciel ouvert, la cystectomie totale relève d’une antibioprophylaxie similaire à celle de la chirurgie abdominale de classe II d’Altemeier. Pour la prostatectomie radicale et la néphrectomie, la conférence de consensus ne conseille pas d’antibioprophylaxie.1

Risque thromboembolique En l’absence de facteurs de risque tels que le diabète, l’obésité, ou des antécédents thromboemboliques, le risque de thrombose est comparable à celui des autres types de chirurgie avec une incidence des thromboses veineuses distales de 10 %, et

A. Margerit et al. des embolies pulmonaires de 0,1 à 0,7 %.7 Ce risque est favorisé par les pathologies cancéreuses, la longueur de l’intervention, la position du patient pendant l’intervention et par le curage ganglionnaire exposant les vaisseaux iliaques externes. Les recommandations pour la pratique clinique publiées en 1995 justifient, surtout en cas de chirurgie pour cancer, le recours à un traitement anticoagulant préventif par héparine de bas poids moléculaire (HBPM), débuté la veille de l’intervention, éventuellement associé au port de bas de contention, pendant la durée de l’hospitalisation.5 La durée du traitement doit coïncider avec celle du risque thromboembolique. Ce traitement doit être maintenu jusqu’à déambulation active et complète du malade. Une injection préopératoire d’HBPM, ou d’héparine calcique de plus courte durée de vie, n’est possible qu’en évaluant de manière approfondie le bénéfice de l’anesthésie locorégionale (ALR) par rapport au risque des héparines. L’anesthésie rachidienne diminuerait à elle seule le risque thromboembolique.5 Au décours de l’anesthésie rachidienne, la prophylaxie par HBPM peut débuter 6 à 8 heures après la ponction si celle-ci a été atraumatique. Si ce n’est pas le cas, le début de la prophylaxie est retardé. L’ablation du cathéter mis en place lors d’une ALR se fait 2 à 3 heures avant l’injection d’héparine.5

Risque hémorragique La chirurgie urologique est une chirurgie potentiellement hémorragique du fait des rapports vasculaires dans la chirurgie du rein, de la difficulté de dissection des ailerons prostatiques lors de la cystoprostatectomie totale, de la prostatectomie radicale, ou même de l’énucléation d’un adénome. Au cours de la chirurgie de la prostate, il est classiquement suggéré que le risque hémorragique puisse être favorisé par une défibrination induite par la libération d’activateurs tissulaires du plasminogène. En fait, cette réaction physiologique est la conséquence de l’activation non spécifique de la coagulation et n’a pas d’incidence pathologique.9 Le cancer est une contre-indication classique à la récupération du sang épanché et à la réinjection des hématies après lavage. Cependant, si la probabilité de réinjecter des cellules cancéreuses est réelle, le risque d’induire des métastases n’est pas prouvé et plusieurs travaux n’ont pas montré de majoration, par l’autotransfusion peropératoire, de l’incidence des métastases dans le cadre de la chirurgie urologique comme la prostatectomie radicale pour cancer,22 la cystectomie totale,35 ou même la néphrectomie totale pour cancer.43

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte La réduction du saignement du fait de l’évolution de la technique chirurgicale pose la question de l’intérêt de la transfusion autologue programmée (TAP). À titre d’exemple, Goh et al., en 1997, dans une série de 200 patients opérés d’une prostatectomie radicale par voie rétropubienne, observent que 95 % des patients ne reçoivent pas de transfusions de sang homologue, et que seulement 27 % des patients pour lesquels une TAP a été prévue ont été retransfusés.28 D’autre part, pour Guillonneau et al., la prostatectomie radicale par laparoscopie permet de réduire de manière significative le saignement peropératoire : les pertes sanguines sont estimées à 250 ml et moins de 1 % de patients sont transfusés dans une série récente.32 Malgré ces progrès de la technique chirurgicale, il est nécessaire de prévoir un dispositif de transfusion rapide avec réchauffement en cas de saignement brutal pour toutes les interventions carcinologiques : cystectomie totale avec entérocystoplastie, néphrectomie élargie, en particulier s’il existe un thrombus de la veine rénale et/ou de la veine cave. L’hémodilution normovolémique intentionnelle peropératoire trouve ses limites dans une valeur seuil du taux d’hémoglobine qui est variable suivant le terrain. Chez les patients âgés, porteurs de cardiopathie limitant les capacités d’adaptation du débit cardiaque, coronariens ou souffrant d’hypoxémie chronique, le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus élevé que chez les autres patients et ne saurait être inférieur à 10 g dl–1.2 Chez les patients présentant une anémie préopératoire, il est nécessaire de prévoir sa correction avant l’intervention avec un objectif transfusionnel de 10 g dl–1. Cette anémie limitera naturellement les possibilités d’hémodilution normovolémique intentionnelle au cours de l’intervention, compte tenu de l’altération de l’hématopoïèse. Le seuil du taux d’hémoglobine tolérable est plus bas chez les autres patients, mais ne saurait être inférieur à 7 g dl–1. L’érythropoïétine et la transfusion autologue représentent les solutions alternatives auxquelles il est nécessaire de recourir, en se référant aux recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes). En pratique, il est donc nécessaire d’élaborer, lors de la consultation d’anesthésie, une stratégie transfusionnelle reposant sur : • une évaluation aussi précise que possible des pertes sanguines pour le type de chirurgie considéré et suivant la pratique de l’équipe ; • une évaluation des « pertes sanguines autorisées » par l’état physique du patient sans qu’il

193 soit nécessaire de le transfuser. Ces pertes sanguines autorisées dépendent : C du volume sanguin théorique ; C de l’hématocrite initial ; C de l’hématocrite final que le patient est susceptible de bien tolérer. C’est la confrontation de ces deux types de données qui permet de discuter le choix de la technique alternative la plus efficace car l’érythropoïétine (EPO) et la TAP n’ont pas les mêmes indications. La TAP entraîne une baisse du taux d’hémoglobine trop importante si l’hémoglobine de base du patient est inférieure à 13 g dl–1 et l’EPO n’est pas indiquée si l’hémoglobine préopératoire du patient est supérieure à 13 g.

Place de la cœliochirurgie Kim et al., en 2000, ont montré que sur plus de 3 000 urologues interrogés, 60 % avaient suivi un enseignement pour pratiquer la cœlioscopie, mais que 67 % n’utilisaient aucune technique cœlioscopique dans leur pratique quotidienne. Ces techniques ne sont utilisées couramment que par 7 % des urologues, ce qui correspond à moins de 5 % de leur activité.42

Indications Les indications les plus fréquentes de la cœlioscopie en chirurgie urologique sont les curages ganglionnaires. D’autres interventions peuvent être conduites par cœlioscopie : cure de varicocèle, surrénalectomie, chirurgie du calcul, prostatectomie radicale pour cancer et néphrectomies. Les indications de chirurgie cœlioscopique ont été élargies depuis quelques années à des procédures plus complexes.6 La néphrectomie totale pour cancer, la néphrectomie pour don apparenté, la néphrectomie partielle pour tumeur localisée, la prostatectomie radicale entrent actuellement dans ces indications, bien que les techniques et l’instrumentation ne puissent être transposées de la chirurgie à ciel ouvert à la cœlioscopie.

Problèmes spécifiques Les problèmes rencontrés dans la chirurgie cœlioscopique en urologie ne sont pas différents de ceux de la chirurgie cœlioscopique conventionnelle. Il existe néanmoins deux problèmes spécifiques. La situation rétropéritonéale du système urogénital permet une diffusion facile des gaz dans cet espace et dans les espaces contigus.39 L’emphy-

194 sème sous-cutané est donc plus fréquent et peut s’étendre plus largement à la tête et au cou ; il peut, par diffusion pharyngée, entraîner une détresse respiratoire postopératoire dans les cas les plus sévères. Malgré un remplissage correct, il existe souvent une oligurie peropératoire qui se corrige spontanément dans la période postopératoire immédiate. L’augmentation de la pression intra-abdominale est associée à une diminution du débit sanguin rénal, de la filtration glomérulaire et du débit urinaire. Le facteur principal est l’augmentation de la pression veineuse rénale. Expérimentalement,20 elle s’accompagne d’une diminution du débit sanguin rénal, du débit de filtration glomérulaire et du débit urinaire, ainsi que d’une élévation de l’activité rénine plasmatique et de l’aldostérone et d’une protéinurie. Ces modifications disparaissent avec la baisse de la pression veineuse rénale. La compression du rein et l’augmentation de la pression intraparenchymateuse ne produisent pas ces altérations de la fonction rénale.19 Cependant, le risque de dégradation aiguë de la fonction rénale demeure minime au niveau de pression d’insufflation abdominale délivrée actuellement en chirurgie cœlioscopique.57

Évolutions La chirurgie urologique par cœlioscopie est plus longue que la chirurgie conventionnelle. Dans une étude évaluant 120 patients consécutifs répartis en trois groupes de 40 patients, la durée moyenne d’intervention diminue avec l’apprentissage des opérateurs avec des durées respectives de 282, 247 et 231 minutes.32 En 2000, pour Dunn et al.21 les pertes sanguines peropératoires sont diminuées dans le cadre des néphrectomies (172 ml versus 451 ml). Il en est de même selon Guillonneau et al.32 pour les prostatectomies. La diminution est proportionnelle à l’expérience de l’équipe chirurgicale, passant de 534 ml à 277 ml à l’issue d’une série de 120 patients. Dans la plupart des études, la durée d’hospitalisation est diminuée ainsi que la douleur postopératoire et la quantité d’analgésiques utilisée.14,21

Douleur Dans le cadre de la cœliochirurgie, les douleurs scapulaires postopératoires sont secondaires à l’insufflation péritonéale qui provoque une irritation du nerf phrénique. Elles sont généralement tardives, survenant 8 heures après l’intervention. Les douleurs d’origine mécanique dues à la pression d’insufflation et au débit de gaz nécessitent une

A. Margerit et al. exsufflation extrêmement soigneuse en fin de cœlioscopie. Il semble qu’une analgésie multimodale, débutée une demi-heure avant la fin de l’intervention, associant anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), propacétamol, et morphine, soit justifiée. C’est dans ce cadre que l’instillation ou l’infiltration du site opératoire par des anesthésiques locaux devrait, comme en chirurgie gynécologique, trouver ses indications.29

Chirurgie du rein Elle concerne la chirurgie des lésions cancéreuses du rein (néphrectomie totale et partielle), la cure des malformations (cure de jonction pyélourétérale) et le traitement de lithiases par voie endo-urologique.

Chirurgie par lombotomie Position et voie d’abord (Fig. 1) La lombotomie est la voie d’abord de référence de la chirurgie du rein. Elle permet tous les gestes de la chirurgie rénale : calculs, chirurgie vasculaire, néphrectomies simples, cures de syndromes de la jonction pyélo-urétérale. Cette voie d’abord pose des problèmes ventilatoires et circulatoires liés au décubitus latéral et au billot. La chirurgie du rein et de son pédicule peut également se faire par laparotomie avec abord antérieur transpéritonéal. Cette voie est réservée à la néphrectomie élargie pour cancer et pose des problèmes qui ne diffèrent en rien de ceux de la chirurgie digestive. Dans les masses tumorales importantes, il est parfois nécessaire d’utiliser une thoraco-phréno-laparotomie au cours de laquelle une torsion est appliquée au buste. Le positionnement du malade en décubitus latéral doit s’accompagner de la prévention soigneuse de toute compression nerveuse, de l’étirement du plexus brachial du membre supérieur non déclive et de la gêne au drainage veineux céphalique produit par les flexions cervicales importantes.16 Retentissement ventilatoire de la lombotomie La capacité résiduelle fonctionnelle pulmonaire (CRF) est modifiée par la posture. En décubitus latéral, la CRF augmente au niveau du poumon supérieur et diminue au niveau du poumon déclive. Ces réductions posturales de la CRF majorent d’environ 20 % celles générées par l’induction de l’anesthésie. Cela entraîne des microatélectasies prédominantes dans les zones pulmonaires déclives, et une modification des rapports ventilation/

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte perfusion avec une augmentation de la différence alvéoloartérielle en oxygène. Il convient d’être particulièrement vigilant chez les patients ayant une augmentation du volume de fermeture : sujets âgés, sujets atteints d’une affection pulmonaire chronique. Le rôle des microatélectasies dans la survenue des complications pulmonaires postopératoires n’est cependant pas démontré.55 Ces phénomènes imposent une surveillance clinique de la ventilation des deux poumons notamment lors de l’installation en décubitus latéral, la mesure de la saturation périphérique en oxygène et éventuellement l’adjonction d’une pression positive télé-expiratoire qui réduit l’importance des troubles de ventilation des zones déclives du poumon sous anesthésie générale.69

Figure 1 Position de lombotomie – Position proclive (R. Couvelaire). a. Lombotomie de la 11e côte ; b. lombotomie de la 12e côte ; c. lombotomie sous-costale.

195 Si les phénomènes mécaniques liés à la posture favorisent la constitution d’altérations pulmonaires et gazométriques per- et postopératoires, ils n’en ont pas l’exclusivité. L’existence d’atélectasies observées au 2e ou au 3e jour postopératoire du côté de l’incision de lombotomie souligne le rôle de la douleur et de l’inhibition de la toux dans la genèse de ces altérations respiratoires.51 Néanmoins, une analgésie d’excellente qualité, notamment par les techniques d’analgésie péridurale postopératoire, n’induit aucune réduction significative de morbidité postopératoire. Dans un autre registre, l’abord de la loge rénale expose aux effractions pleurales. Celles-ci, reconnues en peropératoire, seront traitées par suture de la brèche pleurale et exsufflation en fin d’intervention, éventuellement associée à la mise en place d’un drainage aspiratif. L’existence d’un pneumothorax sera de toute façon systématiquement recherchée en postopératoire par la réalisation d’une radiographie de thorax. Retentissement circulatoire de la lombotomie La modification de la répartition de la masse sanguine sous l’effet des variations de pressions hydrostatiques lors des différentes postures contribue à déséquilibrer l’état hémodynamique du patient anesthésié, par séquestration du sang dans les zones déclives, à basse pression et haute capacitance. Il existe donc une diminution du retour veineux, qui retentit sur le débit cardiaque. Les effets propres de la posture s’ajoutent aux effets de la ventilation mécanique et des agents anesthésiques sur le cœur, les vaisseaux et les mécanismes physiologiques d’adaptation à une diminution du retour veineux.55 Ces modifications seront surtout préoccupantes au moment du passage en décubitus latéral, avec mise en place d’un billot, chez un patient anesthésié, mais aussi le passage du décubitus latéral au décubitus dorsal en cas d’hypovolémie, et devront faire l’objet d’une surveillance attentive des paramètres hémodynamiques. Ces altérations hémodynamiques, notamment dans le cadre d’une chirurgie potentiellement hémorragique, posent le problème du choix de la stratégie de monitorage hémodynamique périopératoire, a fortiori chez des patients dont la fonction ventriculaire gauche, évaluée en préopératoire, ne permet pas de compter sur des capacités d’adaptation suffisantes. Dans ces cas (insuffisance ventriculaire gauche, insuffisance coronarienne, hypertension artérielle), l’indication d’une échocardiographie transœsophagienne, lorsqu’elle est possible, peut être justifiée. Ailleurs, on discutera l’intérêt d’un monitorage invasif par sonde de Swan-Ganz.

196 Retentissement rénal de la néphrectomie Le retentissement fonctionnel rénal de la réduction néphronique représenté par une néphrectomie est fonction du degré préalable d’altération de la fonction du rein malade. Si celui-ci est complètement détruit, le rein controlatéral a déjà fait l’objet d’une adaptation et peu de modifications sont à attendre en postopératoire. En revanche, l’ablation d’un rein encore partiellement fonctionnel va s’accompagner d’une augmentation du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire du côté du rein restant.38 Ces phénomènes d’adaptation apparaissent dès la première heure postopératoire et sont inhibés par l’administration d’AINS suggérant le rôle physiologique d’une augmentation de la production locale de prostaglandines.34 Les phénomènes d’hypertrophie compensatrice, qui diminuent avec l’âge, sont plus retardés et peuvent atteindre leur maximum après plusieurs mois. La capacité d’adaptation du rein restant doit être prise en considération pour le choix d’une attitude chirurgicale. Néphrectomie partielle Elle trouve son indication dans les tumeurs sur rein unique ou les petites tumeurs. Pour les tumeurs localisées, de moins de 4 cm, la néphrectomie partielle est un traitement curatif des cancers du rein. La morbidité à 30 jours est de 15 % pour la néphrectomie totale et de 16,2 % pour la néphrectomie partielle. Elle regroupe l’insuffisance rénale aiguë postopératoire, l’infection urinaire, les infections de paroi, le taux de transfusion sanguine, la durée de l’iléus postopératoire. Il n’y a pas de différence significative de mortalité à 30 jours entre les deux méthodes (2,1 % versus 0,6 %). La durée d’hospitalisation est comparable dans les deux groupes. Seule la durée d’intervention est modestement allongée pour la néphrectomie partielle (3,6 heures versus 3,4 heures).17 Stratégie anesthésique Cette chirurgie nécessite une anesthésie générale pour des raisons de relâchement musculaire, de confort du patient et du chirurgien. La stratégie de l’anesthésie et du monitorage peropératoire est fonction de la durée de l’intervention et des envahissements locaux ou régionaux. Cas particuliers Les tumeurs rénales envahissant la veine cave et remontant jusqu’à l’oreillette justifient la définition d’une stratégie préopératoire. S’il existe un

A. Margerit et al. envahissement cave, dans 10 à 15 % des cas, une extension à l’oreillette doit être suspectée, surtout si le thrombus remonte aux vaisseaux sushépatiques. Le risque d’embolie pulmonaire peropératoire est réel et la circulation extracorporelle peut être indispensable. Ailleurs, la mise en place d’un filtre cave temporaire doit être discutée s’il existe un thrombus flottant pouvant migrer pendant la dissection chirurgicale. Les techniques d’analgésie postopératoire de la chirurgie du haut appareil urinaire ne diffèrent pas de celles du bas appareil. Elles doivent permettre une kinésithérapie postopératoire précoce et de bonne qualité.

Abord percutané du rein Définitions Il s’agit de l’abord des cavités rénales par voie percutanée à l’aide d’un endoscope, permettant l’extraction de calculs rénaux ou de tumeurs urothéliales intrarénales en cas de rein unique. Cette intervention est réalisée sur un patient en décubitus ventral. Le temps néphroscopique se pratique avec une irrigation de soluté de glycine à 1,5 %. La perfusion des cavités excrétrices et l’irrigation au temps néphroscopique peuvent provoquer des hyperpressions intrarénales pouvant atteindre 150 mmHg et induire une résorption du liquide d’irrigation qui serait aussi fréquente et aussi importante que dans la chirurgie vésicoprostatique par voie endoscopique.8,12 Stratégie anesthésique La stratégie anesthésique employée pour cette chirurgie fait le plus souvent appel à l’anesthésie générale en raison de la durée imprévisible du geste chirurgical, du décubitus ventral peu confortable et de la nécessité fréquente de faire précéder ce geste d’une endoscopie urétérale par voie basse (Fig. 2). Hémorragie Pendant la période postopératoire, la surveillance des drainages urinaires, et tout particulièrement de la sonde ou des sondes de néphrostomie, est fondamentale. Elles sont normalement laissées en place 24 à 48 heures. Le drainage percutané du rein provoque une hématurie. Le patient peut également extérioriser une hémorragie par la sonde de néphrostomie. Il peut s’agir d’une plaie artérielle ou veineuse, intrarénale ou sur le trajet de la dilatation. Ces hémorragies nécessitent de clamper la sonde de néphrostomie, de surveiller cliniquement (pouls, pression artérielle) et biologiquement (NFS, hématocrite) le patient. Ce clampage de

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte

197 sion des patients, a été suivie par les lithotripteurs piézo-électriques et électromagnétiques qui ne la nécessitent pas. Problèmes électrocardiographiques La prévention des troubles du rythme supraventriculaires nécessite que les ondes de choc soient synchronisées avec l’ECG et soient délivrées 83 ms après le début de l’onde R en période réfractaire. Malgré ces améliorations, les troubles du rythme supraventriculaire persistent chez environ 10 % des patients. Dans la majorité des cas, ils régressent spontanément à l’arrêt des ondes de choc.66 Stratégie anesthésique La modification des caractéristiques de l’onde de choc apportée par les nouveaux lithotripteurs permet, dans la majorité des cas et selon la topographie du calcul, de réaliser les séances de lithotritie sous prémédication ou sédation légère, associant un hypnotique à un morphinique de courte durée d’action.

B Figure 2 A. Installation du patient. B. L’ouverture de l’espace iliaque pour inclinaison du thorax ouvre la fenêtre de ponction.

quelques heures permet l’hémostase des plaies veineuses par compression. La persistance de l’hémorragie après déclampage signe une plaie artérielle. Dans ce cas, l’artériographie permet de préciser la nature des lésions et de juger de la possibilité d’une embolisation sélective ou de l’indication d’une reprise chirurgicale pour hémostase.31 Une déglobulisation isolée peut être le témoin d’un hématome rétropéritonéal à surveiller cliniquement et biologiquement par des mesures régulières de l’hématocrite. Les données de l’échographie et du scanner abdominal permettront d’apprécier son extension, son évolution, et de poser l’indication rare d’un abord chirurgical pour hémostase.

Lithotritie Introduites depuis 1980, les techniques de fragmentation percutanée des lithiases urinaires ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie. Cette évolution s’est accompagnée d’une modification sensible des exigences analgésiques. La génération des lithotripteurs électrohydrauliques (type Dornier), qui imposait l’immer-

Complications Cette technique de traitement des lithiases urinaires expose à des complications postopératoires. Les coliques néphrétiques sont très fréquentes au cours de l’évacuation des fragments de calcul et nécessitent, outre l’analgésie postopératoire, AINS et antispasmodiques. Les hématuries sont pratiquement constantes et des hématomes sous-capsulaires du rein avec hypertension artérielle ont été décrits.15 Enfin, en cas d’urines ou de calculs infectés persistant malgré un traitement adapté, des bactériémies ont été rapportées et justifient un encadrement du geste par une antibiothérapie adaptée.

Chirurgie vésicoprostatique La chirurgie vésicoprostatique comprend la chirurgie à ciel ouvert avec abord rétropubien ou périnéal de la zone opératoire, la chirurgie endoscopique de la prostate ou de la tumeur vésicale et, plus récemment, le développement de techniques cœlioscopiques de chirurgie de la prostate. La majorité de ces gestes ont en commun le fait qu’ils sont effectués dans la position dite de Trendelenburg.

Chirurgie de la prostate Position de Trendelenburg L’exposition du col vésical et de la loge prostatique nécessite la mise en position proclive de 15 à 20°. Sur le plan cardiovasculaire, cette position s’ac-

198 compagne d’une redistribution du volume sanguin au profit du compartiment central, d’une augmentation des pressions de remplissage et du débit cardiaque. Chez les patients dont la fonction ventriculaire gauche est altérée, ces facteurs peuvent être responsables d’une mauvaise tolérance respiratoire par surcharge pulmonaire et exceptionnellement d’un œdème aigu du poumon. Cette position va s’accompagner également de modifications respiratoires avec majoration des contraintes mécaniques exercées par le compartiment abdominal sur l’appareil respiratoire, entraînant une baisse de la CRF et une majoration des inégalités des rapports ventilation/perfusion.16 Ces deux conséquences de la position opératoire du malade justifient que, chez les patients avec des antécédents cardiovasculaires ou qui sont bronchopathes chroniques, l’anesthésie générale soit choisie, de préférence, avec une surveillance des paramètres hémodynamiques. Prostatectomie pour cancer Le traitement du cancer de la prostate peut recourir soit à la chirurgie, soit à la radiothérapie. La chirurgie s’adresse à des formes localisées : T1 ou T2, N0 et M0, ou intracapsulaire qui sont les seules accessibles à un traitement curatif. Voie rétropubienne La fiabilité des résultats à long terme, une détection facile des récidives, une morbidité faible et une mortalité périopératoire quasi nulle en font la technique de référence. L’intervention se pratique le plus souvent sous anesthésie générale, plus confortable, mais elle peut être compatible avec une anesthésie locorégionale de niveau D10. Le patient est placé en décubitus dorsal et en hyperlordose (Fig. 3). L’incision cutanée est strictement sous-ombilicale, et la voie d’abord exclusivement sous-péritonéale. Le premier temps opératoire consiste en un curage ganglionnaire obturateur, carcinologiquement obligatoire. Le second temps, potentiellement plus hémorragique, correspond à une dissection de la prostate qui vise à préserver les bandelettes neurovasculaires afin de diminuer le risque de dysérections postopératoires.52 Prostatectomie périnéale Variante de la technique précédente, elle en diffère par la voie d’abord, périnéale, et la position, gynécologique ; par ailleurs, elle ne permet pas d’effectuer de curage ganglionnaire. Prostatectomie cœlioscopique Cette technique reproduit la prostatovésiculectomie par voie rétropubienne.52

A. Margerit et al.

Figure 3 Installation d’un malade pour prostatocystectomie afin d’ouvrir l’angle promonto-sus-pubien. Le billot est placé de telle manière que l’articulation sacro-iliaque soit soulevée : la traction exercée par le poids des membres inférieurs favorise la mutation de l’os iliaque sur le sacrum qui verticalise la face postérieure du pubis.

Radiothérapie locale La curiethérapie in situ est une technique récente, en cours d’évaluation en France, qui représente une alternative à la radiothérapie conventionnelle. Elle consiste en l’implantation de grains radioactifs dans la prostate sous contrôle échographique endorectal. Celui-ci permet une bonne fiabilité du positionnement des grains et une homogénéité de la délivrance de l’irradiation de la prostate dont au moins 90 % doivent recevoir 140 grays. Le patient est en position gynécologique, la technique anesthésique pouvant être aussi bien une anesthésie générale qu’une anesthésie locorégionale, le seul impératif étant une parfaite immobilité peropératoire. Adénomectomie prostatique par taille vésicale Elle trouve son indication dans l’hypertrophie bénigne de la prostate, symptomatique, avec adénome de taille importante. Elle consiste en l’exérèse par voie transvésicale de l’adénome en laissant en place la coque externe. L’adénomectomie prostatique est réalisée en général sous rachianesthésie dont le niveau supérieur d’analgésie doit atteindre D10. L’existence d’une insuffisance respiratoire chronique sévère doit être prise en considération pour le choix de la stratégie anesthésique, associant anesthésie générale et ventilation assistée.

Cystoprostatectomie C’est la chirurgie vésicale pour cancer. Il peut s’agir d’une cystectomie simple ou d’une cystoprostatectomie avec ou sans reconstruction vési-

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte cale. Cette chirurgie s’accompagne d’un curage ganglionnaire, elle est longue, douloureuse et souvent hémorragique du fait de l’envahissement locorégional. Problèmes métaboliques des plasties urodigestives Le retentissement métabolique des plasties urodigestives est la conséquence des propriétés physiologiques de transfert d’eau et d’électrolytes au niveau des muqueuses intestinales. L’utilisation d’une partie du tractus digestif comme plastie urinaire va entraîner des perturbations métaboliques d’autant plus importantes que cette plastie sert de réservoir avec une stagnation des urines. Dans les urétéro-sigmoïdostomies (type Coffey), un syndrome d’acidose métabolique hyperchlorémique est fréquent (80 % des cas)45 et relève d’une perte de bicarbonates de sodium. Le traitement prophylactique de ces désordres comprend l’administration chronique de sodium, de potassium et de bicarbonates (eau de Vichy). Les dérivations urétéroiléo-cutanées (type Bricker) s’accompagnent dans 2 à 16 % des cas des mêmes anomalies métaboliques lorsqu’il existe un obstacle mécanique à l’évacuation des urines. Enfin, les entérocystoplasties (type Camey) ne donnent pratiquement plus d’anomalies métaboliques.61 Une diurèse efficace est nécessaire pour permettre l’évacuation du mucus de la plastie, afin de prévenir l’obstruction des sondes. Problèmes digestifs Les plasties urodigestives exposent aux mêmes problèmes d’iléus postopératoire que la chirurgie intrapéritonéale, et nécessitent la mise en place d’une aspiration gastrique efficace en per- et postopératoire immédiat. La sonde d’aspiration nasogastrique est maintenue en place jusqu’à la reprise du transit intestinal. Par ailleurs, ces techniques justifient une préparation intestinale (lavements évacuateurs). Stratégie anesthésique La cystectomie et la prostatectomie pour cancer sont des interventions longues et douloureuses. L’information préopératoire du patient lors de la consultation d’anesthésie permet d’expliquer les différentes modalités de prise en charge de la douleur postopératoire ainsi que les méthodes d’évaluation, échelle visuelle analogique par exemple. La prise en charge peropératoire de la douleur conduit à un meilleur contrôle de l’analgésie postopératoire. La stratégie de l’analgésie postopératoire ne diffère pas, pour la cystoprostatectomie, de celle de la chirurgie abdominale sous

199 mésocolique. Elle fait appel le plus souvent à l’analgésie balancée qui associe les AINS qui limitent la production de prostaglandines, les anesthésiques locaux qui agissent sur les fibres nerveuses périphériques, et les morphiniques par voie intraveineuse, administrés à l’aide d’une pompe par le malade lui-même (patient controlled analgesia [PCA]).23 Les contre-indications des AINS (antécédents de maladie ulcéreuse, insuffisance rénale évolutive connue, association à des anticoagulants efficaces), la posologie, la durée de traitement (inférieure à 2 jours pour la voie intraveineuse) doivent être respectées. L’analgésie balancée doit être évaluée en termes bénéfice/risque pour retenir les avantages d’une association analgésique sans oublier le surcoût et les risques potentiels. L’analgésie péridurale utilisant les associations anesthésiques locaux-morphiniques procure une analgésie supérieure aux analgésiques par voie systémique, surtout en cas de mouvements (toux, kinésithérapie). Les anesthésiques locaux nécessitent une surveillance hémodynamique, à la recherche d’hypotension, le risque principal de la morphine étant la dépression respiratoire retardée. Ce risque justifie en France actuellement une surveillance en soins intensifs de 12 à 24 heures après une injection de morphine par voie rachidienne.

Chirurgie endoscopique Position gynécologique Elle concerne la chirurgie du bas appareil urinaire : résection transurétrale d’adénome prostatique, résection de tumeur de vessie, montée de sonde urétérale, urétéroscopie, ou urétéro-pyélographie rétrograde. La mise en position gynécologique s’accompagne d’une augmentation du retour veineux et peut masquer une hypotension sous anesthésie. De même, en fin d’intervention, la surveillance hémodynamique doit être accrue lors de la mise en décubitus dorsal, surtout si le patient est sous anesthésie locorégionale. Chez les patients insuffisants respiratoires chroniques, une analgésie ne dépassant pas D10 est habituellement bien tolérée mais la paralysie plus ou moins importante des muscles abdominaux peut induire, si le geste chirurgical se prolonge, une inefficacité de la toux et un encombrement bronchique, facteur de décompensation d’un état respiratoire précaire. Les patients obèses en ventilation spontanée peuvent ne pas supporter cette position.

200 Résection transurétrale de prostate (RTUP) La RTUP est un des traitements chirurgicaux de l’hypertrophie bénigne de la prostate et consiste en une électrorésection endoscopique. Elle est pratiquée dans une gamme d’âges de plus en plus large. Sa mortalité, inférieure à 0,5 % actuellement dans le premier mois postopératoire, est en rapport dans 70 % des cas avec une complication cardiovasculaire et dans moins de 10 % des cas avec une complication infectieuse à point de départ urinaire.18 Dans une telle population, les pathologies intriquées, cardiovasculaires, respiratoires, rénales et les atteintes des fonctions supérieures doivent faire l’objet d’une évaluation rigoureuse pour le choix de l’anesthésie. Le saignement est un événement per- et postopératoire inévitable dans la RTUP. D’après la littérature, la transfusion sanguine est souvent nécessaire et peut atteindre jusqu’à 45 % des cas.47 Dans une étude britannique de 1999,9 portant sur 27 000 RTUP, les pertes sanguines sont évaluées en moyenne à 693 ml (de 60 à 2 554 ml), avec un taux de transfusion des patients de 13 %. Les pertes sanguines peropératoires sont corrélées au poids de prostate réséquée et à la durée de la résection.47 Les pertes sanguines postopératoires sont corrélées avec les facteurs de risque préopératoires : prise d’anticoagulant, d’aspirine, troubles de l’agrégabilité plaquettaire.47 Une hémostase chirurgicale précise, un lavage vésical continu postopératoire et un décaillotage soigneux en cas de saignement abondant sont indispensables pour diminuer l’importance de l’hémorragie. En cas de persistance d’un saignement important, la reprise chirurgicale au bloc opératoire pour hémostase, par voie endoscopique ou à ciel ouvert, doit être précoce pour diminuer l’incidence de la transfusion sanguine.47 La surveillance des pertes sanguines en peropératoire est difficile au cours de la RTUP. En effet, du fait de l’irrigation continue, il est pratiquement impossible de comptabiliser avec précision les pertes, de faire le bilan des entrées et des sorties. C’est la surveillance du taux d’hémoglobine en peropératoire et en postopératoire qui permet de mesurer le saignement et d’ajuster au mieux la transfusion. « TURP syndrome » Définition C’est l’ensemble des manifestations cliniques liées au passage de liquide d’irrigation dans la circulation systémique entraînant secondairement une hyperhydratation intracellulaire.

A. Margerit et al. La RTUP utilise une solution d’irrigation à base de glycocolle 1,5 % qui a, depuis 1998, en France, le statut réglementaire de dispositif médical. Compte tenu d’incidents graves liés à l’utilisation de ces produits et après avis de la Commission nationale de matériovigilance, ces précautions ont fait l’objet en 1998 d’une circulaire ministérielle.4 En attendant la mise au point de solutés d’irrigation ayant les mêmes qualités d’osmolarité et l’absence de conductivité du glycocolle mais comportant moins de risque de toxicité en cas de réabsorption, cette circulaire recommande de : • limiter la durée de l’intervention à moins de 60 minutes ; • contrôler les pressions intracavitaires du liquide d’irrigation selon les bonnes pratiques de cette technique : limitation de la hauteur des poches d’irrigation à moins de 60 cm au-dessus du niveau de la vessie afin de contrôler la pression hydrostatique intravésicale ; • utiliser des résecteurs optiques à double courant qui permettent le drainage continu du contenu vésical ; • limiter l’étendue de la résection car le volume de liquide résorbé est proportionnel au volume de tissu réséqué. L’importance et le nombre de sinus prostatiques ouverts favorisent la résorption. L’application stricte des règles préventives citées par la circulaire ministérielle de 1998 concernant le TURP syndrome devrait le faire disparaître. Son existence serait alors le témoin d’une mauvaise évaluation médico-chirurgicale. Symptomatologie L’apparition : • de nausées ; • de troubles neurologiques à type de céphalées ; • de somnolence si le patient est sous anesthésie locorégionale ; • d’agitation ; • de confusion pouvant évoluer vers le coma ou des convulsions ; • de troubles visuels à type de vision floue, de cécité transitoire, de mydriase bilatérale aréactive, témoins du passage du glycocolle et de sa neurotoxicité ; • d’une dyspnée ; • de variations tensionnelles, voire d’œdème aigu du poumon ; doivent faire évoquer un syndrome de résorption. Ces signes nécessitent, dès que le diagnostic est suspecté, l’arrêt de l’intervention après une hémostase soigneuse, les dosages rapides de la natré-

Anesthésie en chirurgie urologique de l’adulte mie et de l’hématocrite, associés aux dosages de l’ammoniémie et de la glycinémie, ainsi que la mise en route du traitement adapté. Stratégie chirurgicale La prévention du TURP syndrome concerne plus particulièrement l’équipe chirurgicale. Le travail de Heidler et al. en 199936 montre que le système de drainage pendant la résection est fondamental pour éviter les hyperpressions intravésicales. L’utilisation comparée du système Frésenius® (permettant une technique de résection à basse pression), de l’Iglésias® (système de drainage à double courant) et du cathéter de Korth® (permettant la régulation automatique de la pression intravésicale) montre que la pression intravésicale est augmentée de 10 % dans le premier cas, de 90 % dans le deuxième et n’est pas augmentée dans le troisième.36 Il existe une relation significative entre l’élévation de la pression intravésicale et la baisse de la natrémie.36 Des techniques chirurgicales comme l’électrovaporisation et l’emploi du laser qui n’utilisent pas de glycocolle mais du sérum physiologique, ont un intérêt qui reste à évaluer.40 Traitement Le traitement curatif du TURP syndrome comporte deux volets. D’une part, le traitement des conséquences hémodynamiques et respiratoires d’une surcharge volémique, et d’autre part le traitement de l’hyponatrémie et de l’hypo-osmolalité plasmatique, ainsi que celui de l’hypocalcémie. L’hypertension artérielle, si elle persiste, et les signes d’œdème pulmonaire, réagissent bien aux diurétiques. Une défaillance circulatoire favorisée par une hyponatrémie profonde peut nécessiter une réanimation justifiant l’utilisation de catécholamines. Une hyponatrémie modérée ( ≥ 120 mmol l–1) sera traitée par une restriction hydrique éventuellement associée à un traitement diurétique.33 Une hyponatrémie profonde ( ≤120 mmol l-1), symptomatique, pose le problème de la stratégie de sa correction. Une correction trop rapide est considérée par certains auteurs comme responsable de lésions de démyélinisation cérébrale,63 bien que dans ce contexte où l’hyponatrémie s’est installée de façon aiguë et n’est pas prolongée, la correction rapide par l’apport de NaCl ne s’accompagne pas de complications neurologiques. La règle est de pondérer la vitesse de correction de l’hyponatrémie selon l’importance de celle-ci. Lorsqu’elle est profonde, on administre du sérum salé hypertonique pour permettre un retour de la natrémie au-dessus du seuil de 120 mmol l–1mais sans que l’amplitude de la correction n’excède 25 mmol en 48 heures.

201 Stratégie anesthésique Les interventions chirurgicales sur le bas appareil urinaire sont d’excellentes indications d’anesthésie locorégionale, type rachianesthésie. La lidocaïne hyperbare à 5 % était classiquement l’anesthésique local de choix, mais sa neurotoxicité a été évoquée devant la description de quatre cas de syndrome de la queue de cheval après une rachianesthésie continue utilisant ce produit.46 La comparaison des complications neurologiques après rachianesthésie, selon la nature de l’anesthésique local injecté, et l’existence ou non de paresthésies à la ponction ont montré que les complications neurologiques survenues après les rachianesthésies réalisées avec de la lidocaïne hyperbare à 5 % sont beaucoup plus souvent associées à des gestes « non traumatiques » (sans paresthésie à la ponction), contrairement aux complications neurologiques survenues après des rachianesthésies réalisées avec de la bupivacaïne.46 Plus récemment, des syndromes de la queue de cheval ont été décrits à la suite de rachianesthésies réalisées sans difficulté et utilisant de la lidocaïne hyperbare.27,48 Outre ces complications neurologiques graves, souvent prolongées, plusieurs auteurs ont rapporté des symptômes neurologiques transitoires (douleur irradiant dans les fesses et les membres inférieurs après la levée du bloc nerveux sans signe neurologique objectif) après l’administration d’une dose unique de lidocaïne hyperbare à 5 %.25,64 L’incidence de ces symptômes neurologiques est beaucoup plus élevée que celle des complications neurologiques graves, elle varie cependant d’une étude à l’autre selon les critères de définition utilisés.25,53,60,64 Par ailleurs, au cours d’une étude réalisée chez 15 volontaires sains chez lesquels une rachianesthésie (50 mg de lidocaïne) a été réalisée, la survenue de symptômes neurologiques transitoires ne s’associe pas à la mise en évidence d’anomalies détectables par des explorations électromyographiques et électrophysiologiques des vitesses de conduction nerveuse et des potentiels évoqués somesthésiques.56 Néanmoins, les études qui ont comparé les différents anesthésiques locaux selon le risque de survenue de symptômes neurologiques transitoires ont montré une incidence plus élevée dans le groupe de patients ayant reçu de la lidocaïne, en particulier si le patient est installé pour l’intervention en position de lithotomie (21 % versus 7 % en décubitus dorsal) et/ou s’il est ambulatoire.25 L’utilisation de doses plus faibles de lidocaïne (< 50 mg) ne s’accompagne pas d’une diminution de l’incidence des symptômes neurologiques transitoires. De même, la dilution de la lidocaïne ne modifie pas leur incidence.56,60 Il sem-

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ble donc que la bupivacaïne hyperbare soit l’anesthésique le plus adéquat pour l’anesthésie rachidienne pour résection endoscopique de prostate, même si sa durée d’action est supérieure à la durée de l’intervention chirurgicale. Enfin, la position des jambes dans les étriers doit être surveillée attentivement afin d’éviter les traumatismes vasculaires et nerveux par compression ainsi que les étirements. L’anesthésie locorégionale permet une analgésie postopératoire de qualité. Il a été montré que seulement 15 % des patients ayant reçu une rachianesthésie pour une résection endoscopique de prostate ont besoin d’analgésiques morphiniques. La douleur doit toujours faire rechercher une complication : perforation vésicale, globe vésical. Enfin la douleur de la poussée sur sonde doit être reconnue et soulagée par les anticholinergiques (oxybutynine). Perforations vésicales Les perforations vésicales au cours de la chirurgie urologique endoscopique sont rares mais souvent méconnues. Elles se manifestent par des douleurs interscapulaires rapidement associées à des nausées et une distension abdominale en cas de rupture intrapéritonéale. Le tableau est moins net en cas de perforation sous-péritonéale. Comme pour le syndrome de résorption, le tableau clinique est

d’autant plus facilement identifiable que le malade est conscient, sous anesthésie locorégionale. Dans la majorité des cas, les urologues adoptent une attitude conservatrice vis-à-vis de cette complication : la mise en place d’un drainage vésical efficace est indispensable, éventuellement par cathéter sus-pubien.

Conclusion L’anesthésie en chirurgie urologique reste une chirurgie de terrain avec des patients de plus en plus âgés, souvent porteurs d’affections cardiaques, respiratoires ou rénales. L’évolution des techniques chirurgicales, comme la cœliochirurgie, a simplifié la prise en charge périopératoire des patients permettant une diminution des besoins transfusionnels, une meilleure analgésie et une réduction de la durée d’hospitalisation. La chirurgie carcinologique reste cependant potentiellement hémorragique et la chirurgie lourde de l’appareil urinaire nécessite une bonne connaissance des complications métaboliques des dérivations urinaires. La chirurgie endoscopique reste la technique de choix, que ce soit dans la chirurgie vésicoprostatique ou le traitement du calcul de l’uretère. La prévention des complications infectieuses et des complications liées à l’utilisation du liquide d’irrigation a amélioré la qualité des suites postopératoires.

Points essentiels • La chirurgie de la prostate intéresse des patients de plus en plus âgés susceptibles de décompenser une pathologie cardiovasculaire ou respiratoire. • La chirurgie urologique est le plus souvent une chirurgie propre contaminée. • La chirurgie urologique doit s’effectuer sur des urines stériles. • La cœlioscopie est en expansion dans la chirurgie carcinologique. • La chirurgie du rein par lombotomie expose à des complications respiratoires per- et postopératoires. • Le traitement des lithiases rénales peut s’effectuer par voie percutanée, par voie endoscopique, par lithotritie, plus exceptionnellement à ciel ouvert. • La prostatectomie radicale et la cystectomie à ciel ouvert sont des interventions hémorragiques. • L’analgésie postopératoire a été améliorée par l’introduction de la cœlioscopie et de l’analgésie autocontrôlée par le patient. • La chirurgie du bas appareil par voie endoscopique est extrêmement fréquente et elle expose au risque de réabsorption du liquide d’irrigation (TURP syndrome). • Le TURP syndrome clinique ne doit plus exister si les mesures de prévention chirurgicale sont appliquées (lettre circulaire).4

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Autoévaluation Questions I A - En chirurgie pour hypertrophie bénigne de la prostate, l’âge est un facteur pronostique défavorable B - Chez l’homme de plus de 50 ans, le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent C - L’incidence du cancer du rein est plus élevée chez la femme que chez l’homme D - L’incidence du cancer du rein est en diminution depuis 20 ans E - Sur des urines stériles, et en dehors de la pyélonéphrite obstructive, la cystoscopie entraîne un risque périopératoire supérieur à celui de la néphrostomie II A - Lorsqu’il existe une infection urinaire préalable, la cystoscopie s’accompagne d’une bactériémie dans 15 à 20 % des cas B - Chez le diabétique, le risque infectieux lié à la mise en place d’une sonde JJ est augmenté C - Au cours de la résection transurétrale de prostate (RTUP), l’utilisation d’une antibioprophylaxie ne permet pas de diminuer la fréquence des épisodes infectieux postopératoires D - En l’absence de signes cliniques infectieux, une bactériurie asymptomatique se définit par un examen cytobactériologique des urines (ECBU) positif retrouvant plus de 105 unités formant colonies (UFC) par ml E - Après 1 mois de sondage vésical, la prévalence de la bactériurie est de 20 % III A - La chirurgie urologique n’est autorisée que si l’ECBU de contrôle préopératoire est négatif à l’examen direct B - Dans les urines infectées en préopératoire, les germes les plus souvent retrouvés à l’ECBU sont les entérobactéries C - Une fièvre et une hyperleucocytose chez un patient ayant un ECBU positif doivent faire rechercher une infection parenchymateuse D - En ce qui concerne la RTUP, le bénéfice de l’antibioprophylaxie n’est pas établi E - Pour les résections des tumeurs de vessie, il est recommandé d’utiliser une antibioprophylaxie associant une céphalosporine de deuxième génération et un aminoside IV A - Dans le cadre de la chirurgie à ciel ouvert, la cystectomie totale relève d’une antibioprophylaxie similaire à celle de la chirurgie abdominale de classe II d’Altemeier B - Au décours de l’anesthésie rachidienne, la prophylaxie par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ne doit être commencée que 24 h après la ponction, même si celle-ci a été atraumatique C - L’intérêt de la transfusion autologue programmée (TAP) est démontré en chirurgie urologique D - Chez les patients présentant une anémie préopératoire, l’objectif transfusionnel avant chirurgie urologique est de 7 g dl–1 E - Si l’hémoglobine préopératoire est inférieure à 13 g dl–1, la pratique d’une TAP est responsable d’une baisse trop importante du taux d’hémoglobine V A - L’abord coelioscopique du rétropéritoine pour la chirurgie urologique s’accompagne plus fréquemment d’un emphysème sous-cutané B - La laparotomie avec abord antérieur transpéritonéal est la voie d’abord de référence pour la chirurgie du rein C - En position de lombotomie, la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) du patient est augmentée D - La posture lors de la lombotomie est responsable des atélectasies observées au 2e ou au 3e jour postopératoire du côté de l’incision E - Après néphrectomie, l’augmentation du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire du côté du rein restant est inhibée par l’administration d’AINS

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A. Margerit et al. VI A - Pour les tumeurs du rein localisées et de moins de 4 cm, la néphrectomie partielle peut être considérée comme un traitement curatif B - Pour les tumeurs rénales de taille inférieure à 4 cm, la morbidité et la mortalité sont plus faibles après néphrectomie partielle qu’après néphrectomie totale C - Dans les cancers du rein avec un envahissement cave, il existe une extension à l’oreillette droite dans 3 à 5 % des cas D - Lors d’une hémorragie extériorisée par la sonde de néphrostomie après abord percutané du rein, le clampage de la sonde pendant quelques heures permet souvent l’hémostase d’une plaie veineuse E - Au cours de la lithotritie, les ondes de choc peuvent s’accompagner de troubles du rythme supraventriculaires VII A - Dans la prostatectomie pour cancer, l’abord rétropubien sous-péritonéal est la voie chirurgicale de référence B - Le premier temps opératoire d’une prostatectomie pour cancer par voie rétropubienne consiste en un curage ganglionnaire C - La prostatectomie cœlioscopique reproduit la prostatovésiculectomie par voie rétropubienne D - Pour réaliser une adénomectomie prostatique par voie transvésicale sous rachianesthésie, il faut un niveau supérieur d’analgésie au moins égal à D8 E - Dans les urétérosigmoïdostomies (type Coffey), un syndrome d’alcalose métabolique hypochlorémique est fréquemment observé VIII A - Les dérivations urétéro-iléo-cutanées (type Bricker) s’accompagnent systématiquement d’une acidose métabolique hyperchlorémique B - La mortalité de la résection transurétrale de prostate (RTUP) est essentiellement d’origine infectieuse à point de départ urinaire C - Dans la RTUP, les pertes sanguines peropératoires sont corrélées au poids de prostate réséquée et à la durée de la résection D - Après une RTUP, le lavage vésical continu et le décaillotage sont indispensables pour diminuer l’importance de l’hémorragie E - L’utilisation de solutions d’irrigation à base de glycocolle 1,5 % a le statut réglementaire de dispositif médical IX A - Une circulaire ministérielle de 1998 recommande de limiter la hauteur des poches d’irrigation à base de glycocolle à moins de 60 cm au-dessus du niveau de la vessie B - Cette circulaire recommande aussi d’utiliser des résecteurs optiques à double courant qui permettent un drainage continu du contenu vésical C - Lors d’une RTUP, l’apparition d’une somnolence sous anesthésie locorégionale doit faire évoquer un syndrome de résorption de glycocolle D - Il n’a pas été observé de relation significative entre l’élévation de la pression intravésicale et la baisse de la natrémie E - La résorption du glycocolle est responsable d’une hyperosmolarité Réponses I A - Faux : la courbe de survie de ces patients est superposable à celle de la population générale B - Vrai : il représente en Europe la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme après le cancer du poumon C - Faux : l’incidence du cancer du rein est de 12/100 000 chez l’homme et de 5,5/100 000 chez la femme D - Faux : c’est l’inverse E - Faux : le risque est identique et inférieur à 5 %

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II A - Vrai B - Vrai C - Faux D - Faux : il faut plus de 106 UFC par ml E - Faux : sa prévalence est pratiquement de 100 % III Vrai Vrai Vrai : il faut rechercher une pyélonéphrite, une prostatite ou une orchiépididymite Faux : le choix du type d’antibiotique doit prendre en compte la présence - dans 30 à 40 % des cas - de germes cocci à Gram positif, notamment les entérocoques E - Faux

ABCD-

IV A - Vrai B - Faux : la prophylaxie par HBPM peut commencer 6 à 8 h après la ponction C - Faux D - Faux : le seuil en préopératoire est de 10 g dl–1 E - Vrai V A - Vrai B - Faux : la voie d’abord préférentielle est la lombotomie C - Faux : la CRF augmente au niveau du poumon supérieur mais diminue au niveau du poumon déclive. Au total, la réduction posturale de la CRF majore d’environ 20 % celle générée par l’anesthésie elle-même D - Faux : la douleur et la toux participent en grande partie à la genèse des atélectasies E - Vrai VI A - Vrai B - Faux C - Faux : l’extension à l’oreillette se voit dans 10 à 15 % des cas, surtout si le thrombus remonte jusqu’aux vaisseaux sus-hépatiques D - Vrai : la persistance de l’hémorragie après le déclampage est en faveur d’une plaie artérielle et doit faire poser l’indication d’une artériographie pour embolisation E - Vrai VII A - Vrai B - Vrai C - Vrai D - Faux : D10 est un niveau généralement suffisant E - Faux : il s’agit d’une acidose métabolique hyperchlorémique par perte de bicarbonates de sodium VIII A - Faux : ces anomalies métaboliques sont rares (2 à 16 % des cas) et s’observent lorsqu’il existe un obstacle mécanique à l’évacuation des urines B - Faux : la mortalité est essentiellement en rapport avec une complication cardio-vasculaire (70 % des cas) C - Vrai D - Vrai E - Vrai IX A - Vrai B - Vrai C - Vrai D - Faux E - Faux : la résorption du glycocolle peut être à l’origine d’une hyponatrémie avec hypoosmolarité plasmatique

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