Angiosarcome médiastinal : à propos d’un cas

Angiosarcome médiastinal : à propos d’un cas

Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 1120—1123 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Angiosarcome médiastinal : à prop...

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Revue des Maladies Respiratoires (2012) 29, 1120—1123

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Angiosarcome médiastinal : à propos d’un cas A case of mediastinal angiosarcoma A. Deroux a,∗, M. Destors a, M. Coudurier a, S. Lantuejoul b, M. Aubert c, N. Girard d, D. Moro-Sibilot a a

PCMAC, unité d’oncologie thoracique, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex, France Département d’anatomie et cytologie pathologique, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex, France c Clinique Belledonne, 38400 Saint-Martin d’Hères, France d Unité pilote pour la prise en charge des tumeurs rares intrathoraciques de l’adulte, service de pneumologie, hospices civils de Lyon, 69229 Lyon cedex 02, France b

Rec ¸u le 26 octobre 2011 ; accepté le 3 avril 2012 Disponible sur Internet le 23 juillet 2012

MOTS CLÉS Angiosarcome ; Tumeur médiastinale ; Tumeur rare ; Chirurgie

KEYWORDS Angiosarcoma; Mediastinal tumour; Rare tumour; Surgery ∗

Résumé Introduction. — L’angiosarcome médiastinal est une tumeur intrathoracique rare et l’attitude thérapeutique reste mal codifiée. Observation. — Nous rapportons le cas d’une patiente de 65 ans consultant pour douleurs thoraciques. Les explorations complémentaires ont mis en évidence une masse médiastinale antérieure avec envahissement péricardique. La biopsie transthoracique a permis le diagnostic d’angiosarcome. Un traitement multimodal par chimiothérapie néoadjuvante (doxorubicine 20 mg/m2 , ifosfamide 2500 mg/m2 , Uromitexan® 2500 mg/m2 ), chirurgie puis radiothérapie adjuvante a permis la rémission tumorale complète, persistante à 12 mois. Conclusion. — L’enregistrement systématique de telles entités dans un registre dédié pourrait permettre de mieux décrire leurs caractéristiques anatomocliniques et évolutives, afin de définir des principes de prise en charge spécifiques. © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Introduction. — Mediastinal angiosarcoma is a rare intrathoracic tumour and the therapeutic approach remains poorly codified. Case report. — We report the case of a 65-year-old female patient presenting with chest pain. Further exploration revealed an anterior mediastinal mass with pericardial invasion.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Deroux).

0761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2012.04.009

Angiosarcome médiastinal : à propos d’un cas

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Transthoracic biopsy gave the diagnosis of angiosarcoma. Multimodal treatment with neoadjuvant chemotherapy (doxorubicin 20 mg/m2 , Ifosfamide 2500 mg/m2 , Uromitexan® 2500 mg/m2 ) and surgery followed by adjuvant radiotherapy has led to remission of the tumour that has persisted for 12 months. Conclusion. — Systematic recording of such conditions in dedicated registries could contribute to enhance the description of the clinical and pathological characteristics, thus helping define the principles of specific management. © 2012 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le médiastin est une localisation rare des angiosarcomes primitifs. Les modalités diagnostiques et thérapeutiques en sont spécifiques du fait même de cette localisation thoracique, et de sa singularité en regard des nombreux types de tumeurs développées dans le médiastin. La prise en charge de cette tumeur engage ainsi une expertise multidisciplinaire essentielle dans le cadre d’une pathologie d’oncologie thoracique orpheline.

Observation Une femme de 65 ans, sans antécédents médicaux, a été adressée pour le bilan d’une dyspnée évoluant depuis plusieurs semaines associée à des douleurs basithoraciques gauches, et à une perte de poids de 6 kg. La patiente présentait à l’examen une tachycardie sinusale régulière, à 160 battements par minute. La radiographie pulmonaire (Fig. 1), le scanner thoracique et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) thoracique (Fig. 2) ont mis en évidence une volumineuse masse du médiastin antérieur mesurée à 10 × 13 × 9 cm avec un épanchement péricardique de 35 mm, non compressif. La masse tumorale refoulait l’artère

Figure 1. Radiographie thoracique de face au lit : masse latéromédiastinale gauche responsable d’un signe de la silhouette sur le bord gauche du médiastin. Surélévation de la coupole diaphragmatique gauche faisant évoquer une paralysie phrénique.

Figure 2. Imagerie par résonance magnétique : coupe axiale après injection de gadolinium montrant une masse de 15 cm de grand axe venant au contact de la paroi aortique gauche, refoulant l’artère pulmonaire gauche. Prise de contraste hétérogène, isolant une vaste zone de nécrose tumorale latéralisée sur la gauche de la tumeur apparaissant en hyposignal. Un épanchement pleural gauche est associé. Absence de prise de contraste anormale de la plèvre gauche.

pulmonaire, avec un contact avec la plèvre médiastinale, sans envahissement de la paroi thoracique. La scintigraphie au 18-fluorodéoxyglucose (FDG) montrait un hypermétabolisme isolé de la masse, le bilan d’extension était négatif. La ponction biopsie transpariétale (Fig. 3 et 4) retrouvait une prolifération tumorale partiellement nécrosée à type d’angiosarcome épithélioïde, formé de cellules ovalaires d’allure épithéliale, disposées en massifs ou travées sur un fond fibreux dense ; ces cellules comportaient un cytoplasme vacuolisé renfermant parfois une hématie. L’étude immuno-histochimique pratiquée sur coupes déparaffinées montrait une intense expression du CD31 par les cellules tumorales, et une absence d’expression du CD 34 ; les marqueurs épithéliaux à large spectre (AE1-AE3) et le CD5 étaient également négatifs. Le traitement a consisté en six cycles de chimiothérapie par une association de Doxorubicine® 20 mg/m2 , Ifosfamide® 2500 mg/m2 , Uromitexan® 2500 mg/m2 . La tachycardie sinusale a été contrôlée par un traitement bêtabloquant, un traitement anticoagulant à dose curative a été proposé du fait de la compression vasculaire pulmonaire.

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A. Deroux et al. La patiente présentait une dysphonie secondaire à une paralysie récurrentielle postopératoire, s’améliorant après rééducation orthophoniste. Le suivi ultérieur a confirmé la rémission tumorale à 12 mois de la prise en charge initiale.

Discussion

Figure 3. Biopsie transpariétale (service d’anatomopathologie, CHU de Grenoble) : prolifération tumorale partiellement nécrosée à type d’angiosarcome épithélioïde, formé de cellules ovalaires d’allure épithéliale, disposées en massifs ou travées sur un fond fibreux dense ; ces cellules comportent un cytoplasme vacuolisé renfermant parfois une hématie.

Figure 4. L’étude immuno-histochimique (service d’anatomopathologie, CHU de Grenoble) pratiquée sur coupes déparaffinées montre une intense expression du CD31 (marquage en brun) par les cellules tumorales.

Le suivi oncologique a été réalisé par tomodensitométrie et IRM thoracique, avec une échocardiographie tous les deux cycles de chimiothérapie. Le bilan après six cycles retrouvait une diminution morphologique de 47 % de la masse tumorale initiale sur les images d’IRM, autorisant une exploration chirurgicale. Une lobectomie supérieure gauche, thymectomie et péricardectomie partielle et exérèse complète de la lésion fut réalisée. L’histologie de la pièce opératoire montrait une masse nécrotique acellulaire de 47 × 38 mm bordée par des histiocytes spumeux, des cellules géantes résorbtives et une fibrose cicatricielle, sans reliquat tumoral. Le curage médiastinal était négatif. Le diagnostic d’une localisation thymique d’un angiosarcome a donc été porté. Il a été proposé en réunion de concertation pluridisciplinaire une radiothérapie thoracique adjuvante.

La localisation médiastinale antérieure d’un angiosarcome est peu fréquente. L’angiosarcome est une tumeur rare (moins de 1 % des sarcomes), dont la localisation préférentielle est cutanée, mais on retrouve dans la littérature plusieurs observations isolées rapportant des localisations mammaires, viscérales (foie, poumon, cœur, pelvis et rétropéritoine) et osseuses [1]. Il est fréquemment retrouvé une association entre angiosarcome et irradiation, carcinogènes environnementaux (chlorure de vinyle, thorotrast. . .), ou corps étranger. Dans le cas rapporté, aucun facteur favorisant spécifique n’a été retrouvé. Sur le plan épidémiologique, l’âge médian au diagnostic est de 52 ans, et contrairement à notre observation on note une prédominance masculine pour deux tiers des cas [2]. La revue de la littérature montre que cette tumeur est agressive, avec une médiane de survie à 42 mois toutes localisations confondues et une survie à cinq ans à 43 %, dans une large série de 161 patients [3]. La localisation médiastinale, en dehors de toute atteinte cardiaque (dont la médiane de survie est de neuf à 12 mois) semble être de plutôt bon pronostic. L’hypothèse avancée est que l’approche chirurgicale du médiastin antérieur permet une résection chirurgicale complète [4]. Dans le cadre d’un angiosarcome primitif du médiastin antérieur, la revue exhaustive de la littérature ne retrouve qu’une trentaine de cas rapportés [5]. L’âge de diagnostic varie de cinq à 66 ans. Le diagnostic est difficile en raison du peu de signes spécifiques (douleur thoracique, dyspnée, toux, hémoptysie,. . .). Les diagnostics différentiels anatomocliniques sont nombreux, et comportent en particulier : lymphome, carcinome thymique, thymome, tumeurs germinales, hémangioendothéliomes épithélioïdes, les carcinomes (primitifs ou métastatiques) [6]. L’analyse anatomopathologique avec immuno-histochimie est précieuse dans la démarche diagnostique, avec un marquage spécifique des facteurs endothéliaux vasculaires (facteur VIII, CD34, CD31). Le traitement est identique pour toutes les localisations de l’angiosarcome. La chirurgie est la pierre angulaire du traitement, car seule une résection complète permet l’obtention de survie sans récidive prolongée. Les chimiothérapies les plus utilisées associent les médicaments suivants : doxorubicine, ifosfamide, cyclophosphamide, vincristine, dacarbazine. Certains auteurs recommandent une chimiothérapie néoadjuvante suivie d’une chirurgie de résection tumorale, sachant que la chimiothérapie adjuvante n’a pas fait la preuve d’une amélioration de la survie [7]. D’autres rapportent une amélioration de la survie avec l’association d’une radiothérapie adjuvante, mais la rareté de ce type de tumeurs fait qu’aucune étude ne prouve la supériorité de telle ou telle prise en charge. Dans le cas présent, la chimiothérapie néoadjuvante a été préférée à une chirurgie première du fait de la taille de la lésion, et de la proximité du médiastin, du péricarde et surtout de l’aorte.

Angiosarcome médiastinal : à propos d’un cas Après cytoréduction tumorale, l’exérèse chirurgicale a pu alors être réalisée.

Conclusion L’angiosarcome primitif du médiastin antérieur est une tumeur rare. L’enregistrement systématique de telles entités dans un registre dédié, comme celui développé par l’unité pilote pour la prise en charge des tumeurs rares intrathoraciques (www.orphonco-thorax.org), est recommandé et soutenu par l’Institut National du Cancer (INCa). Cette approche systématique permettra à l’avenir de mieux décrire les caractéristiques anatomocliniques et évolutives de ces tumeurs rares, afin de définir des principes de prise en charge spécifiques.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Références [1] Lucas DR. Angiosarcoma radiation-associated angiosarcoma and atypical vascular lesion. Arch Pathol Lab Med 2009;133: 1804—9. [2] Kurian KC, et al. Primary cardiac angiosarcoma: case report and review of the literature. Cardiovasc Pathol 2006;15:110—2. [3] Fayette J, Martin E, Piperno-Neumann S, et al. Angiosarcomas, a heterogeneous group of sarcomas with specific behaviour depending on primary site: a retrospective study of 161 cases. Ann Oncol 2007;18:2030—6. [4] Meis-Kindblom JM, Kindblom LG. Angiosarcoma of soft tissue: a study of 80 cases. Am J Surg Pathol 1998;22:683—97. [5] Annikka Weissferdt MD, Neda Kalhor MD, Saul Suster MD, et al. Primary angiosarcomas of the anterior mediastinum: a clinicopathologic and immunohistochemical study of 9 cases. Hum Pathol 2010;41:1711—7. [6] Contreras AL, Punar M, Tamboli P, et al. Mediastinal germ cell tumors with an angiosarcomatous component: a report of 12 cases. Hum Pathol 2010;41:832—7. [7] Brennan MF, Casper ES, Harrison LB, et al. The role of multimodality therapy in soft tissue sarcoma. Ann Surg 1991;214:328—36.