Antibioprophylaxie en chirurgie néonatale : quelle est la cible ? quelles propositions ?

Antibioprophylaxie en chirurgie néonatale : quelle est la cible ? quelles propositions ?

Article Antibioprophylaxie en chirurgie néonatale : quelle est la cible ? quelles propositions ? Neonatal surgical antibioprophylaxis: which target? ...

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Antibioprophylaxie en chirurgie néonatale : quelle est la cible ? quelles propositions ? Neonatal surgical antibioprophylaxis: which target? which propositions? Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

C. Gras-Le Guen1,5,*, R. Dumont2, V. Pichenot2, G. Caillaux1, J. Caillon3,4, M.-D. Leclair6, M.-F. de La Cochetière4, E. Launay1 pour le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) 1Clinique médicale pédiatrique, CHU Nantes, Hôtel-Dieu, 1 place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France 2Département d’anesthésie et réanimation, CHU Nantes, Hôtel-Dieu, 1 place AlexisRicordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France 3Laboratoire de bactériologie, CHU Nantes, Hôtel-Dieu, 1 place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France 4Université de Nantes, EA 3826, 1 rue Gaston-Veil, 44035 Nantes, France 5Service de réanimation pédiatrique, 38 boulevard Jean-Monnet, 44093 Nantes Cedex 1, France 6Service de chirurgie Infantile, CHU Nantes, Hôtel-Dieu, 1 place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes Cedex 1, France

Résumé L’antibioprophylaxie en chirurgie néonatale doit tenir compte des spécificités de cette période de la vie, portant en particulier l’immaturité immunitaire et l’implantation du microbiote. De plus la pharmacocinétique des antibiotiques est souvent différente. Très peu de données publiées dans ce domaine existent, mais il semble que le staphylocoque à coagulase négative (SCN) soit la bactérie le plus souvent isolée dans le tube digestif, et le plus souvent impliquée dans les infections de site opératoire. Les germes de transmission verticale comme le Streptococcus du groupe B et Escherichia coli K1 sont rarement isolés. Le choix de l’antibioprophylaxie doit s’appuyer sur l’âge de l’enfant et son environnement. Les céphalosporines de première ou de deuxième générations en association ou non à la vancomycine constituent un compromis adapté au contexte. Il y a aujourd’hui urgence à mener les études cliniques qui permettront de valider ces propositions. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Neonatal surgical antibioprophylaxis must take into account the specificities of this life period, as immunological immaturity, microbiotal implantation and antibiotic treatment pharmacokinetics properties. Very few data are available, but it seems that coagulase negative Staphylococcus (CNS) is the most reported bacteria, in intestinal tract at the time of surgery as well as in surgical site infections. Usual vertical transmission bacteria as S. agalactiae or E. coli K1 are rarely documented. The antibioprophylaxis treatment must consider the age and the environmental context of the newborn; first or second generation cephalosporins sometimes in association with vancomycin seem appropriate in this context. It is now urgent to conduct clinical trials in order to validate theses propositions. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

*Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (Ch. Gras-Le Guen).

S83 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2013;20: S83-S85

C. Gras-Le Guen et al.

Archives de Pédiatrie 2013;20: S83-S85

Aucune aide financière n’a été obtenue pour la réalisation de ce

(denaturing high-performance liquid chromatography  : dHPLC)  [8].

travail.

Cette étude incluant 71 nouveau-nés a identifié 160 séquences, et per-

Ce travail a été présenté lors de la journée du GPIP le 7 juin 2013 à

mis de détecter des bactéries non cultivables dans 45 % des cas (Fig. 1).

Nantes.

Parmi les bactéries, 0,6  % était des Bacteroidetes (bactéries à Gram négatif anaérobie de type Bacteroides), 1,3 % des Actinobacteria (type eubacterium), 39,4 % des Firmicutes (bactéries à Gram positif tels les

1. Antibioprophylaxie adaptée aux spécificités néonatales

clostridium, staphylocoques, streptocoques et entérocoques) et 58,1 % des Proteobacteria (bacilles à Gram négatif type entérobactéries). Dans 28 cas (39  %) des Staphylococcus epidermidis étaient identifiés, dans

On ne dispose aujourd’hui que de peu de données en matière

11  cas (15,4  %), il s’agissait de Staphylococcus aureus et dans 19  cas

d’antibioprophylaxie en chirurgie pédiatrique, et la plupart des

(26,7 %) de E. coli.

recommandations s’appuient sur des résultats établis chez l’adulte. La nécessité d’un geste chirurgical étant inhabituelle durant le premier mois de vie, les données concernant l’antibioprophylaxie en chirurgie néonatale sont encore plus rares, avec souvent un faible

3. Facteurs de risque d’infections du site opératoire en période néonatale

niveau de preuve, compte tenu de la taille des effectifs recrutés [1,2]. Les particularités de cet âge de la vie rendent pourtant très aléatoire

De manière complémentaire, les propositions d’antibioprophylaxie

l’extrapolation des résultats obtenus dans une population d’adultes

doivent aussi s’appuyer sur des facteurs de risque identifiés d’infection

ou même d’enfants. En effet, l’immaturité immunitaire, les spécificités

du site opératoire chez le nouveau-né. Lejus et al., étudiant une cohorte

pharmacocinétiques, mais aussi les difficultés de classification de la

de 286 nouveau-nés ayant fait l’objet d’une chirurgie en période néo-

chirurgie selon les différentes classes d’Altemeier constituent autant

natale, ont rapporté que seuls l’âge gestationnel (OR : 0,82, IC 95 % :

de paramètres dont il faut tenir compte [3-5]. Les caractéristiques de

0,69-0,97) ainsi qu’un séjour préalable en soins intensifs (OR  : 8,43,

la flore digestive figurent également au premier plan des spécificités

IC  95 % : 1,03-69) constituaient des facteurs de risque indépendants

néonatales. On sait en effet que l’implantation de la flore dans les

d’infection du site opératoire. Une infection était rapportée chez 3,8 %

semaines qui suivent la naissance peut être modulée selon de nom-

des enfants documentée à SCN dans 72 % des cas [9].

breux facteurs comme le mode de naissance (voie basse/césarienne), le type d’alimentation (lait artificiel/maternel) et surtout, l’exposition aux antibiotiques [6]. Compte tenu du rôle clé maintenant bien décrit

4. Propositions

du microbiote intestinal dans la maturation du système immunitaire  [7], l’objectif de l’antibioprophylaxie chirurgicale néonatale doit

Ainsi, il paraît déjà possible de distinguer des situations où l’antibiopro-

être double : diminuer le risque d’infection du site opératoire tout en

phylaxie pourrait être évitable (chirurgie propre dans les 24 premières

essayant de préserver au mieux l’implantation du microbiote.

heures de vie) et d’autres où elle reste indispensable (chirurgie contaminée, prématurité, hospitalisation en soins intensifs). La cible principale est le SCN, mais aussi les enterobactéries du groupe I (E. coli

2. Détermination de la cible bactérienne

en particulier). La généralisation de l’antibioprophylaxie per  partum explique sans doute l’absence de streptocoque  B  (SGB) dans cette

La détermination de la cible constitue la première étape dans l’élabora-

étude. L’amoxicilline pourrait être réservée aux enfants chez qui un

tion d’une stratégie d’antibioprophylaxie. Une étude menée à Nantes,

SGB a été isolé (liquide gastrique, placentoculture ou prélèvements

à partir d’une cohorte de 90  nouveau-nés ayant subi une chirurgie

maternels). L’Académie américaine de pédiatrie [10] suggère pour l’an-

digestive et pour lesquels un écouvillonnage peropératoire avait été

tibioprophylaxie chirurgicale chez l’enfant de moins de 72 heures une

effectué, a montré que 80  % des cultures étaient stériles lorsque la

association d’amoxicilline (50  mg/kg) et de gentamicine (3  mg/kg).

chirurgie avait lieu durant les 24 premières heures de vie, tandis que

Au-delà de 72  heures  de vie, une adaptation à la flore et à l’écologie

seulement 44  % l’étaient au-delà de 24  heures. Alors que 85  % des

bactérienne environnementale est préconisée. Le recours plus large à

cultures positives l’étaient avec un cocci à Gram positif avant 24 heures

une céphalosporine de première (C1G) ou deuxième génération (C2G)

de vie, 38  % l’étaient avec un bacille à Gram négatif au-delà, dont

paraît intéressant (céfazoline ou céfuroxime), en association (ou non

l’Escherichia coli dans 25 % des cas. Toutefois, il faut tenir compte d’une

selon les cas) à la vancomycine pour les nouveau-nés hospitalisés

exposition préalable fréquente aux antibiotiques (antibioprophylaxie

depuis plus de 72 heures en soins intensifs.

néonatale ou peropératoire), chez ces nouveau-nés. Afin de confirmer

En pratique, nous proposons d’utiliser une C1G (céfazoline) ou une C2G

ces résultats, une approche génomique complémentaire a été utilisée

(céfuroxime) pour la chirurgie néonatale précoce des 48 premières

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Antibioprophylaxie en chirurgie néonatale : quelle est la cible ? quelles propositions ?

Fluorescence (mV)

DHPLC (fluorescence) 80 70 60 50 40

4

30 20 10 0 -10

1 2

0

1 2 Injection

3

4

5

6

7

8

3

9 10 Minutes

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13

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17

18

1 - 2 S. aureus 3 - 4 P. aeruginosa Culture négative Figure 1. Exemple illustrant l’apport de l’approche génomique (ici dHPLC) en complément de la culture microbiologique. Cas d’un enfant né à 34 semaines d’aménorrhée avec un poids de naissance de 2 400 g et qui a présenté une enterocolite ulcéro-nécrosante sévère au 20e jour de vie justifiant une intervention chirurgicale alors qu’un traitement antibiotique probabiliste par une association de vancomycine, de ceftazidime et d’amikacine avait été prescrite depuis 48 heures. Les cultures sont restées stériles, mais un Staphyloccoccus aureus et un Pseudomonas aeruginosa ont été mis en évidence en dHPLC.

heures de vie. Les interventions les plus fréquentes sont les atrésies

Références

(œsophage, duodénum, grêle), le laparoschisis ou l’omphalocèle, les

[1]

valves de l’urètre postérieur et la chirurgie cardiaque. Pour la chirurgie

[2]

au-delà des 48 premières heures, nous proposons une C1G ou une C2G seule pour la chirurgie classée II selon Altemeier associée à de la vancomycine en cas d’hospitalisation en réanimation néonatale. Dans

[3]

les autres cas classés III et IV par Altemeier (chirurgie contaminée  : entérocolite, perforation du grêle ou colique isolée, péritonite, etc.), les enfants reçoivent généralement avant l’intervention une antibio-

[4] [5]

thérapie à large spectre qu’il convient de poursuivre et d’adapter aux prélèvements bactériologiques peropératoires. L’antibioprophylaxie en chirurgie néonatale n’est pas clairement codifiée. Il est urgent de conduire des travaux de recherche clinique

[6] [7]

s’appuyant sur une méthodologie adaptée aux petits effectifs et qui seuls permettront de définir la ou les molécules, posologies et durées

[8]

de traitement les plus adaptées à chaque situation. [9]

Liens d’intérêts [10] Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet article.

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