Apoplexie hypophysaire

Apoplexie hypophysaire

© MASSON Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 5, 587-589 587 Cas clinique Apoplexie hypophysaire V. Biousse1,2, A. Makki2 1 2 Service d’Ophtalmologie, ...

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Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 5, 587-589

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Cas clinique Apoplexie hypophysaire V. Biousse1,2, A. Makki2 1 2

Service d’Ophtalmologie, Service de Neurologie, Emory University School of Medicine, Atlanta, Georgia, USA.

RÉSUMÉ L’apoplexie hypophysaire est secondaire à un infarctus ou à une hémorragie de la glande hypophysaire. La plupart des patients présentent des céphalées brutales associées à des symptômes et signes neuro-ophtalmologiques.

Mots-clés : Apoplexie hypophysaire • Ophtalmoplégie • Trouble du champ visuel • Céphalées

SUMMARY Pituitary apoplexy. V. Biousse, A. Makki, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 5, 587-589

Pituitary apoplexy is a life threatening condition caused by sudden hemorrhage or infarction of the pituitary gland. Most patients present with headaches and neuro-ophthalmologic symptoms and signs, often associated with altered mental status.

Keywords: Pituitary apoplexy • Ophthalmoplegia • Visual loss • Headache

INTRODUCTION Le syndrome d’apoplexie hypophysaire est polymorphique dans sa présentation et son diagnostic est souvent retardé. L’association de céphalées brutales à des symptômes et signes neuro-ophtalmologiques tels qu’une baisse d’acuité visuelle, des troubles du champ visuel et une diplopie suggère ce diagnostic (Alleyne et Newman, 1999 ; Biousse et al., 2001 ; Bonicki et al., 1993 ; Cardoso et Peterson, 1984 ; Krisht et al., 1999 ; Rolih et Ober, 1993). Nous rapportons un nouveau cas de ce type.

OBSERVATION Cas 1. — Un homme âgé de 66 ans, présenta des céphalées frontales brutales associées à une mydriase bilatérale deux jours après un pontage aorto-coronarien. Il avait pour antécédents une maladie coronarienne avec syndrome de menace. Son frère était décédé jeune d’une hémorragie méningée par rupture d’anévrisme. Lors de l’évaluation initiale (en unité de soins intensifs), il se plaignait de céphalées sévères et était somnolent. Il était parfaitement orienté, pouvait être réveillé, et son examen neuro-ophtalmologique montrait une acuité visuelle normale, un champ visuel normal par confrontation et un ptosis bilaté-

ral. La pupille droite mesurait 8 mm et ne réagissait pas à la lumière ; la pupille gauche mesurait 6 mm et réagissait faiblement à la lumière. Il n’y avait pas de phénomène de Marcus-Gunn. Ses mouvements oculaires étaient anormaux avec diminution de l’adduction, de l’élévation et de la dépression des deux yeux, suggérant une paralysie bilatérale des nerfs oculaires communs (III) (Fig. 1). L’examen du fond d’œil était normal. Le reste de l’examen neurologique était normal. Son état général et examen cardiaque étaient satisfaisants. Il n’avait recu de l’héparine intraveineuse que lors du pontage aorto-coronarien et était traité par de l’héparine à bas poids moléculaire en prévention de thrombose veineuse. Un scanner X cérébral sans injection de contraste obtenu immédiatement était normal, éliminant une hémorragie intracrânienne. Le patient fut alors traité par héparine intraveineuse dans l’hypothèse d’un infarctus du tronc cérébral d’origine cardiaque. Une IRM cérébrale fut réalisée quelques heures plus tard et ne montra pas de lésion dans le tronc cérébral (Fig. 2). Les noyaux des III étaient normaux. En revanche, la coupe sagittale montra un signal hétérogène dans la selle turcique qui était élargie (Fig. 3) et comprimait les sinus caverneux latéralement (Fig. 4). Le diagnostic d’apoplexie hypophysaire fut posé et l’héparine arrêtée immédiatement. Une resection transphénoidale fut réalisée sans complication et le patient s’améliora en quelques jours.

Tirés à part : V. BIOUSSE, Neuro-Ophthalmology Unit, Emory Eye Center, 1365-B Clifton Road, NE. Atlanta, Georgia 30322, USA. E-mail : [email protected]

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Fig. 1. – Mouvements oculaires montrant le ptosis bilatéral, la dilatation pupillaire bilatérale et la diminution de l’adduction, de l’élévation et de la dépression des deux yeux. L’œil droit est plus affecté que l’œil gauche. Le patient est exotropique en position primaire (centre). Ocular movement demonstrating bilateral ptosis, bilateral pupil dilatation, and diminished adduction, elevation and depression of both eyes. The right eye is affected more than the left. The patient is exotropic in primary position (center).

DISCUSSION L’apoplexie hypophysaire est une affection sévère mettant en jeu le pronostic vital. Elle est secondaire soit à un infarctus, soit à une hémorragie de la glande hypophysaire (Bonicki et al., 1993 ; Brougham et al., 1950 ; Cardoso et Peterson, 1984 ; Krisht et al., 1999 ; Onesti et al., 1990 ; Symon et Mohanty, 1982 ; Wakai et al., 1981). Bien que sa présentation clinique soit relativement stéréotypée, son diagnostic est en général retardé (Biousse et al., 2001). L’association de céphalées brutales, d’une baisse de vigilance et de symptômes et signes neuro-ophtalmologiques est très évocatrice d’apoplexie hypophysaire. L’incidence des symptômes et des signes neuro-ophtalmologiques est comprise entre 78 p. 100 et 83 p. 100 (Abbott et Kirkby, 2004 ; Alleyne et al., 1999 ; Biousse et al., 2001 ; Krisht et al., 1999 ; Levy, 2004 ; Shin et al., 2003). Les céphalées sont présentes dans la majorité des cas et sont souvent décrites comme explosives et sévères, conduisant le patient à consulter en urgence. Les troubles de vigilance varient de la simple somnolence au coma et sont décrits chez environ la moitié des patients. La présentation clinique est fonction de la taille de la glande hypophysaire et de la direction dans laquelle l’hypophyse est élargie. Une expansion supérieure est typiquement associée à une compression aiguë du chiasma optique et de la portion intracrânienne des nerfs optiques, avec baisse d’acuité visuelle bilatérale et troubles du champ visuel ; une expansion latérale entraîne une ophtalmoplégie

par compression ou envahissement des sinus caverneux. Les troubles de la vigilance sont secondaires à l’hypertension intracrânienne, une hémorragie méningée, une méningite stérile, à la compression brutale de l’hypothalamus, ou à une insuffisance endocrinienne aiguë (panhypopituitarisme) (Abbott et Kirkby, 2004 ; Alleyne et al., 1999 ; Biousse et al., 2001; Krisht et al., 1999 ; Levy, 2004 ; Shin et al., 2003). Comme chez ce patient, le scanner X cérébral sans injection obtenu en urgence devant ce type de présentation clinique est souvent considéré comme normal par les radiologues non avertis du diagnostic. La réalisation d’un scanner avec coupes fines sur l’hypophyse et coupes coronales, ou d’une IRM cérébrale et coupes sagittales permet un diagnostic rapide et facile. L’apoplexie hypophysaire survient aussi bien chez les patients ayant un adénome hypophysaire que sur une hypophyse normale (Levy, 2004). Le syndrome d’apoplexie hypophysaire est parfois précipité par des facteurs déclenchants tels que grossesse (syndrome de Sheehan), anticoagulation, chirurgie, traumatisme crânien, tests endocriniens, etc. (Biousse et al., 2001 ; Abbott et Kirkby, 2004). La présentation clinique ne change pas, mais le diagnostic est souvent retardé lorsqu’il existe un facteur déclenchant (Biousse et al., 2001). Le pronostic varie essentiellement en fonction de la rapidité du diagnostic, du traitement des anomalies endocriniennes et de la décompression chirugicale qui est faite le plus souvent par voie transphénoidale.

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Fig. 2. – IRM cérébrale (coupe axiale, séquence T1) montrant que la partie haute du tronc cérébral est normale. Les noyaux des nerfs moteurs oculaires communs sont normaux. Brain MRI (axial, T1 sequence) showing that the upper part of the brain stem is normal. The oculomotor nerve nuclei are normal. Fig. 3. – IRM cérébrale (coupe sagittale, séquence T1) montrant un signal hétérogène dans la selle turcique qui est élargie. Brain MRI (sagittal, T1 sequence) showing heterogeneous signal in a widened sella turcica. Fig. 4. – IRM cérébrale (coupe axiale, séquence T1) montrant un signal hétérogène dans la selle turcique qui est élargie, comprimant les sinus caverneux latéralement. Brain MRI (axial, T1 sequence) showing heterogeneous signal in the widened sella turcica with lateral compression of the cavernous sinuses.

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