Cancer/Radiothérapie 23 (2019) 328–333
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Note technique
Applicateur numérique par impression tridimensionnelle en curiethérapie de contact Digital applicator by 3D printing in contact brachytherapy M. Lecornu , M. Silva , V. Barraux , D. Stefan , W. Kao , J. Thariat ∗ , C. Loiseau Radiotherapy Department, centre de lutte contre le cancer Franc¸ois-Baclesse, 3, avenue du Général-Harris, 14000 Caen, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : ´ 2019 Rec¸u le 3 fevrier Rec¸u sous la forme révisée er le 1 mars 2019 Accepté le 7 mars 2019 Mots clés : Cancer cutané Curiethérapie Plésiothérapie Contact Haut débit Planimétrie Applicateur Numérique Imprimante 3D
r é s u m é La curiethérapie permet de traiter certaines tumeurs cutanées. Elle utilise des applicateurs personnalisés fabriqués manuellement. L’intégration d’une impression tridimensionnelle des applicateurs lors de la planification d’une curiethérapie haut débit pourrait permettre une meilleure conformation au plan cutané et une meilleure reproductibilité du positionnement et du traitement. Nous présentons la mise en œuvre technique de cette méthode pour nos deux premières patientes. Une scanographie de planification prévisionnelle était réalisée pour créer un objet numérique « applicateur ». La création de la forme numérique de l’applicateur utilisait successivement plusieurs logiciels. Le premier, commercial, était RhinocerosR 3D utilisé via Grasshopper, une extension intégrée open source. L’applicateur tridimensionnel était ensuite exporté vers le logiciel commercial Simplify3DR. Un fichier de format g-code était généré à destination de l’imprimante. Une seconde scanographie était réalisée avec applicateur tridimensionnel en place afin de planifier le traitement définitif. Le traitement était planifié par optimisation inverse. L’applicateur a pu être conc¸u dans un délai de 15 jours. Pour la patiente A, on notait que 95 % du volume cible anatomoclinique (D95) recevaient au moins 35,4 Gy (63 Gy EQD2, dose équivalente à un traitement de 2 Gy par fraction). Pour la patiente B, 95 % du volume cible anatomoclinique recevaient au moins 36 Gy (64,8 Gy EQD2). Les planimétries prévisionnelle et effective respectaient le critère de couverture de la D95. La curiethérapie de contact avec bioimpression tridimensionnelle est faisable, après prise en main logicielle, pour des lésions de traitement complexe. Cette technique pourrait être étendue à d’autres indications. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ © 2019 Societ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous ´ ´ droits reserv es.
a b s t r a c t Keywords: Skin cancer Brachytherapy Plesiotherapy Contact High throughput Planimetry Applicator Digital 3D printer
Brachytherapy of skin tumours uses custom applicators that are manufactured manually. The integration of 3D printing customization of applicators during hidh dose rate brachytherapy planning could allow a better skin conformation and a better reproducibility of the positioning and treatment. We present the technical implementation of this method for our first two patients. A provisional planning scanner was carried out to create a digital applicator. The creation of the digital applicator used successively several software programs. The first, commercial, was RhinocerosR 3D used via Grasshopper, an integrated open source plug-in. The 3D applicator was then exported to the commercial software Simplify3DR. A g-code format file was generated for the printer. A second scanner was made with a 3D applicator in place to plan the final treatment. The treatment was planned by reverse optimization. The applicator could be designed within 15 days. For patient A, it was noted that 95 % of the clinical target volume received at least 35.4 Gy (63 Gy EQD2). For patient B, 95 % of the clinical target volume received at least 36 Gy (64.8 Gy EQD2). The forecast and actual planimetry met the coverage criteria of D95. Contact brachytherapy with 3D bioimpression is feasible, after software training, for complex treatment lesions. This technique could be extended to other indications. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All © 2019 Societ rights reserved.
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Thariat). https://doi.org/10.1016/j.canrad.2019.03.008 ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ ´ ´ 1278-3218/© 2019 Societ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
M. Lecornu et al. / Cancer/Radiothérapie 23 (2019) 328–333
1. Introduction Les tumeurs cutanées non mélanocytaires (carcinomes basocellulaires cutanés et carcinomes épidermoïdes cutanés) sont parmi les plus fréquentes dans la population caucasienne avec une incidence de 3 millions de cas par an selon l’organisation mondiale de la santé, en constante augmentation dans les pays développés [1,2]. Les carcinomes basocellulaires représentent 80 % de ces tumeurs. Ces tumeurs se développent préférentiellement chez les sujets âgés. Par leur caractère délabrant, celles-ci peuvent altérer la qualité de vie des patients [3]. Si la prise en charge standard des carcinomes basocellulaires repose sur la chirurgie [4], chez les patients inopérables atteint d’un carcinome basocellulaire ou épidermoïde localement évolué de la face ou pour lesquels la résection est irréalisable ou jugée délabrante, plusieurs techniques non chirurgicales peuvent être proposées. Si des traitements médicamenteux tels que les anti-hedgehog pour les carcinomes basocellulaires, et l’immunothérapie pour les carcinomes épidermoïdes sont possibles pour les formes diffuses multifocales récidivantes, la radiothérapie reste une option à privilégier en termes de coût efficacité pour les formes localisées. Plusieurs techniques de radiothérapie sont envisageables selon les équipes et les caractéristiques de la tumeur. Parmi ces techniques, la curiethérapie permet plusieurs modalités de traitement des tumeurs cutanées. Celles-ci sont présentées dans l’article de consensus du GEC-ESTRO5 (Groupe européen de curiethérapie de l’European Society for Radiotherpy and Oncology). La curiethérapie des tumeurs cutanées consiste à positionner une source radioactive, soit dans les tissus (curiethérapie interstitielle), soit au contact de la peau (plésiothérapie). Au contraire de la radiothérapie externe de contact qui est indiquée pour des lésions de petite taille et de surface relativement plane [5], la curiethérapie, grâce à un gradient de dose important et l’utilisation de dispositifs personnalisés, permet une meilleure conformation de la dose aux volumes complexes tels que le nez, les oreilles, les extrémités et permet le traitement de larges surfaces cutanées. La curiethérapie de contact permet d’obtenir des taux de contrôle local de l’ordre de 85–90 % et des taux de survie sans récidive [6,7] du même ordre dans les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes [1]. La plupart des applicateurs personnalisés sont réalisés manuellement après prise d’empreinte. Cependant, ces applicateurs confectionnés manuellement exposent à un risque de mauvaise congruence entre le plan des cathéters et celui de la peau, d’intervalle d’air, et de non-reproductibilité du positionnement interfraction à l’origine d’incertitudes et de variations de la dose délivrée aux volumes cibles et aux organes à risque. Nous avons évalué l’apport d’une imprimante tridimensionnelle et d’outils informatiques de conception assistée par ordinateur pour la conception d’applicateurs de curiethérapie de contact pour des tumeurs cutanées placées dans des zones anatomiquement complexes de la face. L’objectif de cet article est de présenter une méthode d’intégration d’impression tridimensionnelle pour la réalisation d’un applicateur personnalisé à partir d’un scanner de planification prévisionnel.
2. Matériel et méthode Les patients recrutés dans notre service dans une indication de curiethérapie de contact sont généralement des patients âgés, atteints de multiples maladies associées, récusés pour la chirurgie après évaluation oncogériatrique ou anesthésique. Nous présentons deux dossiers de patientes pour lesquelles nous avons mis en place la technique d’impression tridimensionnelle dans la planification de curiethérapie de contact. La première patiente, âgée de
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91 ans, dont l’indice de performance selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) était de 2, était atteinte d’un carcinome basocellulaire sclérodermiforme récidivant traité initialement par un inhibiteur de la voie hedgehog, le vismodegib, mais mal toléré. La lésion était ulcérée, placée à cheval entre l’arête du nez et l’aile nasale, elle présentait un pertuis. La seconde patiente, âgée de 92 ans, dont l’indice de performance selon l’OMS était de 3, était atteinte d’un carcinome épidermoïde du nez d’un diamètre de 3 cm avec envahissement de l’arête du nez. Les patientes ont été vues une première fois en consultation par l’oncologue radiothérapeute afin d’expliquer le traitement et d’en évaluer la faisabilité. La dose de prescription était de 36 Gy en 6 séances de 6 Gy, soit 57,60 Gy en dose équivalente selon le modèle linéaire-quadratique (avec un rapport ␣/ de 10 Gy pour la tumeur). Une première scanographie prévisionnelle, en coupes millimétriques jointives, a été réalisée du vertex à la deuxième vertèbre cervicale. Cette scanographie a été importée dans le système de planification de curiethérapie (TPS) Brachyvision v11,0. La peau et le volume cible étaient délinéés. Le volume de prescription correspondait au volume cible anatomoclinique, c’est à dire le volume tumoral macroscopique, délinéé cliniquement par un fil repère métallique de 0,5 mm de diamètre, auquel on ajoutait une marge géométrique de 5 mm pour les carcinomes basocellulaires et de 10 mm pour les carcinomes épidermoïdes [8]. À l’aide du système de planification Brachyvision, le parcours des cathéters a été déterminé manuellement en positionnant point à point leur trajectoire de fac¸on parallèle à la surface du patient, en s’aidant des trois vues (axiale, sagittale, coronale) et d’une représentation tridimensionnelle. L’espace entre les cathéters était de 5 mm. La contrainte principale de cette étape était de limiter le rayon de courbure des cathéters pour garantir un bon passage de la source. Le pas de déplacement de la source était de 5 mm. À partir de l’ensemble des positions possibles, les temps de pause de la source ont été calculés par planimétrie inverse. Le processus de création de la forme numérique de l’applicateur était constitué de plusieurs étapes, utilisant plusieurs logiciels. Le premier logiciel commercial était RhinocerosR 3D (Version 5 SR14 64-bit, 5.14.522.8390) utilisé via un plug-in intégré open source: Grasshopper (Version August-2014 Build 0.9.0076). Grasshopper est un outil de modélisation paramétrique et de programmation visuelle. La forme numérique de l’applicateur était réalisée par différences booléennes entre un cube virtuel et les structures importées (« peau » et le trajet des cathéters). La conception de l’objet numérique (Fig. 1) répondait à certains impératifs. Pour le positionnement des cathéters : • une attention particulière était apportée au diamètre des canaux permettant le passage des cathéters en limitant les intervalles d’air autour d’eux ; • le rayon de courbure correspondant au virage du cathéter était validé en utilisant les outils de visualisation disponibles dans Grasshopper afin de garantir le passage de la source sans blocage. Pour ce qui est de l’applicateur : • des espaces étaient créés afin de positionner des protections plombées en regard des yeux et des maxillaires ; • les dimensions du parallépipède étaient déterminées pour couvrir une surface cutanée suffisamment importante permettant la reproductibilité du positionnement ; • dans notre expérience, cet applicateur doit être suffisamment épais pour pouvoir intégrer les protections plombées (caches oculaires et maxillaire) d’une part. Par ailleurs, il est conc¸u de fac¸on à permettre de fixer les élastiques qui prennent place dans des rainures de l’applicateur, n’ont pas de point d’appui du visage du patient et peuvent être fixés selon
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Fig. 1. Objet numérique modélisé dans Rhinoceros.
derrière les oreilles des patients ou la tête. Il en résulte que le volume de l’applicateur est globalement parallélépipédique et que l’épaisseur de l’applicateur est de l’ordre de 8 à 10 cm.
L’applicateur numérique tridimensionnel était ensuite exporté vers le logiciel commercial Simplify3DR (version 4.0.0). Un fichier de format g-code était généré à destination de l’imprimante. Afin d’assurer le bon déroulement de l’impression, certains paramètres étaient majeurs : l’épaisseur de la couche d’impression, l’épaisseur des parois de l’applicateur, la température de fusion du plastique, la vitesse de déplacement de la buse d’impression et le taux de remplissage (Fig. 2). La densité de l’applicateur est choisie pour être proche de celle de l’eau et les cathéters (plastique) sont de densité peu différente de celle des tissus mous (eau). L’accolement de 12 périmètres d’impression était nécessaire afin d’obtenir une interface entre la source et la surface cutanée dont la densité était proche de celle de l’eau. Le matériau utilisé était du PLA, acide polyactique biodégradable et d’origine naturel, pouvant être utilisé dans des applications médicales [9]. Une seconde scanographie a été réalisée avec applicateur tridimensionnel en place afin de réaliser la planification du traitement définitif. Les volumes d’optimisation, les structures osseuses, les yeux et les cristallins étaient délinéés. Le volume « peau » était défini par seuillage des densités électroniques en unités Hounsfield de la scanographie de planimétrie, (afin d’être reproductible entre la prévision et la séance). La peau saine étant définie comme une épaisseur de 3 mm à partir de la surface du patient moins le volume cible anatomoclinique. Les temps d’arrêt de la source ont été calculés par optimisation inverse avec comme contrainte principale la dose délivrée à la peau saine, définie par le volume « peau » moins le volume cible anatomoclinique. Le logiciel de planification de lapar curiethérapie pour le calcul de dose en curiethérapie basé sur le protocole de calcul TG-43, qui ne tient pas compte des hétérogénéités tissulaires et considère l’ensemble du volume comme de l‘eau.
La dose dans 0,1 cm3 devait être inférieure ou égale à 140 % de la dose de prescription. La contrainte de couverture principale était que 100 % du volume cible anatomoclinique recevaenit 36 Gy ou plus, soit la dose de prescription avec un surdosage possible. Afin d’éviter les toxicités cutanées à long terme, une contrainte de dose maximale était appliquée au volume cible anatomoclinique (140 %), mais n’était pas prioritaire sur la couverture. Pour les yeux et les cristallins, la dose devait être la plus faible possible. La distribution de dose et le respect des contraintes étaient validés par un radiothérapeute et les paramètres de calcul du logiciel de planification validés par un physicien médical. La durée de la séance était de 10 minutes. Le patient pouvait être allongé sur une table d’examen non rigide plus adaptée aux patients douloureux et peu mobilisables. L’applicateur ajusté au massif facial était maintenu par un élastique (Fig. 3). Un gel d’échographie était appliqué entre la surface cutanée et l’applicateur servant de tissu équivalent eau pour limiter les intervalles d’air [9]. Le traitement était réalisé grâce à un projecteur Varian® Gammamed PLUS HDR. Une scanographie d’intervalle, avant la quatrième séance, a été réalisée afin de s’assurer que les volumes n’étaient pas soumis à un effet d’œdème. 3. Résultats L’applicateur a pu être conc¸u pour nos deux patientes dans un délai de 15 jours. Après vérification par scanographie, on observait une congruence entre l’applicateur et la surface tumorale avec au maximum 5 mm de gap d’air ponctuel sur l’ensemble de la surface. Le Tableau 1 montre les paramètres dosimétriques des deux traitements réalisés pour une dose de 36 Gy, et les paramètres prévisionnels correspondants. Pour la patiente A, on notait que 95 % du volume cible anatomoclinique recevaient au moins 5,9 Gy par séance soit 35,4 Gy (63 Gy EQD2, dose équivalente à un traitement de 2 Gy par fraction) en dose totale. Pour la patiente B, 95 % du volume cible anatomoclinique recevaient au moins 36 Gy (64,8 Gy
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Fig. 2. Étapes de fabrication de l’applicateur.
Fig. 3. a : mise en place du dispositif par le manipulateur ; b : position en cours de traitement.
EQD2). Les planimétries prévisionnelle et effective respectaient le critère de couverture de la dose dans 95 % du volume. Nous avons également recueilli la profondeur maximale qui recevait 90 % de la dose [10]. La dose délivrée dans à 0,1cm3 du volume cible anatomoclinique était de 51,6 Gy avec un volume recevant 140 % de la dose prescrite de 0,23 cm3 pour la patiente A, et de 48 Gy avec un volume recevant 140 % de la dose prescrite de 0 cm3 pour la patiente B.
L’analyse de la répartition de la dose à la surface cutanée (Fig. 4) témoigne d’une bonne homogénéité de la dose de prescription dans le volume cible anatomoclinique. L’analyse des histogrammes dose–volume retrouve une bonne correspondance entre le plan prévisionnel et le plan de traitement : dans les deux cas, 95 % de la dose recouvraient 95 % du volume cible anatomoclinique. Les scanographies de vérification à trois séances de traitement ont montré que le dispositif se repositionnait de
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Tableau 1 Paramètres dosimétriques recueillis. Paramètres dosimétriques
Patiente A
Patiente B
Prévision
Traitement
Prévision
Traitement
CTV D100% (Gy) CTV D95% (Gy) min ProfD90% (mm)
26,4 36 0
25,8 35,4 2
25,8 34,2 0
27,6 36 1
ProfD90% (mm)
min
14,1
16
12,5
13
ProfD80% (mm)
min
2
3
2
3
ProfD80% (mm) CTV D2cc (Gy) V200% V150% V120% peau saine D0,1cc (Gy)
min
16,6 47,4 0 25 % (0,9 cm3 ) 78,4 % (2,8 cm3 ) 52,8
20 45 0 0,6 % (0,03 cm3 ) 58,3 % (2,9 cm3 ) 50,4
15,3 43,8 0 0 52,6 % (2,2 cm3 ) 43,8
16,3 42 0 0 47,9 % (1,6 cm3 ) 42
min
CTV CTV (D100% : Dose délivrée à 100 % du volume cible anatomoclinique (CTV), D95% : dose délivrée à 95 % du volume cible anatomoclinique, ProfD90% : Profondeur minimale de l’isodose
90 % dans le CTV,
peau saine D0,1cc :Dose
3
délivrée à 0,1cm de peau saine.
Fig. 5. a: Aspect creusant et ulcéré du carcinome spinocellulaire ; b: résultats à 3 mois de la fin de la curiethérapie.
deux patientes, avec un très bon rendu cosmétique (Fig. 5, pour la patiente B).
4. Discussion Fig. 4. Dosimétrie planaire axiale et tridimensionnelle pour la patiente B. a : Coupe axiale du traitement, présentant la couverture du volume cible anatomoclinique par l’isodose de prescription (100 %) ; b : Distribution de la dose surfacique sur une reconstruction tridimensionnelle de la peau.
fac¸on identique à celle de planification, et qu’il n’y avait pas plus d’intervalles d’air. Nous avons constaté une toxicité de grade 3 (CTCAE [Common Terminology Criteria for Adverse Events] V5.0) sur la première patiente traitée, nécessitant l’arrêt du traitement à la cinquième séance. Pour la seconde patiente, nous avons noté une toxicité de grade 1–2. On observait une réponse complète à 10 mois pour les
Nous avons montré la faisabilité d’une curiethérapie de contact cutanée intégrant l’utilisation d’une impression tridimensionnelle de l’applicateur. Cette technique met en œuvre une imprimante tridimensionnelle à faible coût ainsi que des logiciels s’interfac¸ant avec le système de planification des traitements de la curiethérapie et permettant l’utilisation de données DICOM RT (digital imaging and communications in medicine radiation therapy). L’impression tridimensionnelle de l’applicateur nous a permis d’optimiser les positions des cathéters ainsi que leurs reproductibilités comme nous l’avons vérifié avec les scanographies de dosimétrie et de mi-parcours, permettant d’éviter des points de surdosage de la peau et des intervalles d’air.
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La curiethérapie de contact en haut débit de dose utilise un fort gradient de dose, c’est pourquoi le positionnement de la source doit être au moins aussi précis qu’en radiothérapie externe guidée par l’image. Dans notre pratique, il nous semblait difficile de respecter de fac¸on robuste cette disposition avec des applicateurs fabriqués manuellement. L’imprimante tridimensionnelle semble être un outil prometteur dans l’élaboration des curiethérapies car elle permet la production d’un applicateur dont la forme est fidèle à celle de l’objet numérique, respectant les contraintes anatomiques liées aux zones irrégulières. La fidélité de la forme nous permet de respecter de fac¸on plus sûre l’espacement des cathéters de 5 mm entre eux et à 5 mm de la surface cutanée comme recommandé dans la littérature [11]. Un des avantages apportés par l’impression tridimensionnelle est la multiplication des cathéters intégrés aux applicateurs car ceci permet une plus grande modulation de la distribution de dose aux volumes cibles et aux organes à risque. Afin d’éviter les zones de surdosage liées à des positions très rapprochées de sources entres elles, une attention particulière était portée au volume qui recevait 140 % de la dose. Les doses en profondeur minimum et maximum relevées vont dans le sens des recommandations du GEC-ESTRO concernant la profondeur maximale de la dose de prescription (5 mm). Nous avons observé pour la première patiente une toxicité de grade 3, plus élevée par rapport à celle retrouvée dans la littérature, cela suggère que le rapprochement des positions de source à la peau doit être entrepris avec des contraintes strictes à la peau. La contrainte de 140 %, bien qu’admise dans notre prévision initiale a été réduite à 120 % désormais chez nos nouveaux patients. Avec cette adaptation, la curiethérapie de contact permet un traitement sûr, non délabrant et non invasif [11]. Selon Arenas et al., l’utilisation d’une imprimante tridimensionnelle dans l’élaboration des applicateurs en curiethérapie semble représenter un bénéfice financier, celle-ci permettant de diminuer le temps de fabrication lié à la réalisation manuelle [12]. L’achat ne constitue pas un investissement très important. Notre investissement pour l’achat de l’imprimante tridimensionnelle s’élevait à 5000 euros. Le coût d’un applicateur est d’environ 10 euros de consommable. L’impression est relativement longue, 30 heures, comparée à celle d’une fabrication manuelle qui dure 8 h mais peut en revanche se réaliser la nuit et les week-ends, en continu, et sans nécessiter d’intervention humaine. L’exactitude entre la dose délivrée et la dose calculée est améliorée grâce à la diminution des intervalles d’air entre l’applicateur et la surface tumorale qui sont moins importants que lors de l’utilisation d’applicateurs fabriqués manuellement selon notre expérience. En outre, dans la mesure où le système de planification de traitements ne prend pas en compte les hétérogénéités tissulaires et que les intervalles d’air sont considérés comme de l’eau lors de la planification et du calcul de dose, l’ajout d’un gel échographique (densité eau) permet de se conformer aux conditions de calcul du logiciel. L’utilisation de l’impression tridimensionnelle est une innovation prometteuse en curiethérapie permettant de perfectionner nos
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traitements, celle-ci fait l’objet de publications de plus en plus nombreuses depuis ces 5 dernières années [2,5,12–14]. L’analyse de nos paramètres dosimétriques suggère que les curiethérapies pourraient être reproductibles grâce à l’utilisation d’applicateur tridimensionnel. 5. Conclusion La curiethérapie de contact avec bioimpression est faisable pour des lésions de traitement complexe du fait de leur conformation anatomique. Cette technique pourrait être étendue à de nombreuses indications de curiethérapie de contact pour des tumeurs cutanées de la face, notamment chez les patients avec un état général précaire (OMS 2–3). Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Alam M, Nanda S, Mittal BB, Kim NA, Yoo S. The use of brachytherapy in the treatment of nonmelanoma skin cancer: a review. J Am Acad Dermatol 2011;65:377–88. [2] Jones E-L, Tonino Baldion A, Thomas C, Burrows T, Byrne N, Newton V, et al. Introduction of novel 3D-printed superficial applicators for high-dose-rate skin brachytherapy. Brachytherapy 2017;16:409–14. [3] Steenrod AW, Smyth EN, Bush EN, Chang AL, Arron ST, Helfrich YR, et al. A qualitative comparison of symptoms and impact of varying stages of basal cell carcinoma. Dermatol Ther 2015;5:183–99. [4] Patel R, Doggett S, Willoughby M, Miller K, Dardick L, Mafong E. Comparison of electronic brachytherapy and Mohs micrographic surgery for the treatment of early-stage non-melanoma skin cancer: a matched pair cohort study. J Contemp Brachytherapy 2017;9:338–44. [5] Guinot JL, Rembielak A, Perez-Calatayud J, Rodríguez-Villalba S, Skowronek L, Tagliaferri L, et al. GEC-ESTRO ACROP recommendations in skin brachytherapy. Radiother Oncol 2018;126:377–85. [6] Ota K, Adar T, Dover L, Khachemoune A. Review: the reemergence of brachytherapy as treatment for non-melanoma skin cancer. J Dermatol Treat 2018;29:170–5. [7] Arenas M, Arguís M, Díez-Presa L, Henríquez I, Gascón I, Murcia-Mejía M, et al. Hypofractionated high-dose-rate plesiotherapy in nonmelanoma skin cancer treatment. Brachytherapy 2015;14:859–65. [8] Ouhib Z, Kasper M, Perez Calatayud J, Rodriguez S, Bhatnagar A, Pai S, et al. Aspects of dosimetry and clinical practice of skin brachytherapy: The American Brachytherapy Society working group report. Brachytherapy 2015;14:840–58. [9] Catalano G, Canino P, Cassinotti M, Pagella S, Piazzi V, Re S, et al. Ultrasound transmission gel as a bolus device for skin irradiation of irregular surfaces: technical note. Radiol Med (Torino) 2010;115:975–82. [10] Likhacheva AO, Devlin PM, Shirvani SM, Barker CA, Beron P, Bhatnagar A, et al. Skin surface brachytherapy: a survey of contemporary practice patterns. Brachytherapy 2017;16:223–9. [11] Jumeau R, Renard-Oldrini S, Courrech F, Buchheit I, Oldrini G, Vogin G, et al. High dose rate brachytherapy with customized applicators for malignant facial skin lesions. Cancer Radiother 2016;20:341–6. [12] Arenas M, Sabater S, Sintas A, Arguís M, Hernández V, Árquez M, et al. Individualized 3D scanning and printing for non-melanoma skin cancer brachytherapy: a financial study for its integration into clinical workflow. J Contemp Brachytherapy 2017;9:270–6. [13] Burleson S, Baker J, Hsia AT, Xu Z. Use of 3D printers to create a patient-specific 3D bolus for external beam therapy. J Appl Clin Med Phys 2015;16:5247. [14] Canters RA, Lips IM, Wendling M, Kusters M, van Zeeland M, Gerritsen RM, et al. Clinical implementation of 3D printing in the construction of patient specific bolus for electron beam radiotherapy for non-melanoma skin cancer. Radiother Oncol 2016;121:148–53.